jeudi 28 mars 2013

Banksy, humour et murs. Gilbert Croué.


Le public des amis du musée de Grenoble est plus familier des pinceaux en poils de martre que des bombes aérosol; le mérite pédagogique des organisateurs du cycle de conférences qui nous ont menés des cavernes préhistoriques aux tags n’en est que plus grand.
Après Diego Rivera, Michel Ange, Pompéi et la grotte Chauvet, il était question de notre contemporain, l’énigmatique Banksy, le pape du street art, qui garde son identité bien cachée alors que ses œuvres s’étalent à l’extérieur en nécessitant désormais pour certaines une protection en plexiglas … pour éviter des tags rageurs ?
Ses interventions drôles, imprévisibles sont reconnues désormais dans le monde de l’art et le film « Faites le mur » qui suivait la conférence traitait, avec humour bien sûr, de ce passage de la  subversion à la reconnaissance avec son cortège de dollars.
 « J’admire la manière dont le capitalisme trouve une place même à ses ennemis. »
Il ne se présente pas à ses expositions où il fait venir des porte-paroles.
« Le monde de l'art est la plus grande farce qui existe. C'est une maison de retraite pour les nantis, les prétentieux et les faibles. Et l'art moderne est une escroquerie – jamais autant de gens n'ont utilisé autant de ressources et de temps pour en dire si peu. L'avantage c'est que c'est sans doute le secteur d'activité au monde dans lequel il est le plus facile d'entrer sans aucun talent et de se faire de l'argent. »    
Avec ses pochoirs où il joue avec le blanc et le noir, la troisième zone étant couleur muraille, ses œuvres très accessibles devenues des icones s’exposent en posters et cartes postales à l’ambigüité savoureuse, aux accents moqueurs décapants.
Un bobby bombe: « god saves the Quee… »: the Queen? The Queer ? (le bizarre ? l’homo ?).
La peinture est un sport de combat : deux policiers s’embrassent, un bouquet est lancé comme un cocktail Molotov, Mona Lisa tient un lance roquettes, une femme de ménage pousse la poussière sous le mur qu’elle soulève, une panthère sort de sa cage en code barre, un singe fait exploser un régime de bananes, au bout d’une interminable ligne blanche un policier renifle, quand « les américains travaillent au dessus de nos têtes » c’est  l’armée de Bush en hélicoptère, une poule regarde, contrariée, deux œufs dans une poêle….
Il intervient dans des manifestations avec des pancartes fortes, installe fugitivement des panneaux  sur des plans d’eau londoniens ou de faux ailerons de requins, il détourne des injonctions municipales qui interdisent les jeux de balles.
Ses rats découpent des trottoirs, rentrent dans leur trou en smoking, ils mettent en garde contre une société radioactive. Des policiers fouillant une petite fille avec son nounours représentent cette folie sécuritaire qui envahit nos têtes. Ses billets où  l’effigie de Lady Di remplace celle d’Elisabeth ont été acceptés dans des bars lors du carnaval de Notting Hill et leur valeur aujourd’hui dépasse de loin la somme indiquée sur ce qui ne peut être qualifié de fausse monnaie.
Il intervient sur le mur des murs, celui qui mesure 700 km en Palestine ; il met en images  des rêves d’enfants avec une échelle démesurée, un cheval géant, une trouée vers de plages paradisiaques, et pour une fois c’est une petite fille qui contrôle des soldats.
Au Mali, sur les murs de banco, un zèbre attend que ses rayures sèchent après lavage.
Il colle de faux tableaux dans des galeries avec des  trompe l’œil comme ce noble XVIII°  taguant, cet employé qui efface une fresque préhistorique ou bien des paysages bucoliques envahis de caméras de surveillance.
Le muséum de Londres ne va pas enlever ses installations sauvages, elle les confisque à son avantage : bien joué !

1 commentaire:

  1. Sigh.
    J'aimerais pouvoir dire que je trouve ça... "frais", "décapant", un antidote à un monde blasé, trop riche (pour les nantis que nous sommes tous dans l'Occident, y compris nos pauvres qui pensent et revendiquent... comme des riches, mais il n'en est rien.
    Reniflant le sol, je flaire l'oeuvre de la fichue... combinatoire. L'art de battre les cartes, de déplacer tous les trous, les mettre dans des combinaisons... différentes pour faire éternellement le "nouveau" dont nous sommes les toxicomanes.
    Il y a des limites au "nouveau" que la combinatoire peut produire, avant de prendre l'odeur d'un poisson qui se décompose sous le soleil de midi.
    Je ne suis pas séduite, là...

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