Je ne comprenais pas le titre au moment où j'ai abordé la première partie
de ses «notules», dont la suite est à venir en 2027, 20 ans après sa mort, et
puis j’ai plongé dans les paysages décrits par le géographe.
« Presque tous
les paysages des contrées faites d’alluvions récentes sont ingrats : aussi
bien le Bourbonnais que la Crau, le plateau suisse que le Bas Dauphiné :
mouvements de terrain inharmonieux, incohérents, sont ceux de la boite à
sable des Kriesgspiele ou des chantiers en proie aux bulldozers, végétation
coriace et branchue, qui tend partout vers le groupement abâtardi du fourré,
yeux d‘eau louche qui font penser non à des étangs, mais à des creux de
marnières et de ballastières noyées. »
Finalement, par petites touches, je m’aperçois qu’il
s’agit bien d’enlacements, de détours lorsque l’auteur, cité dans de nombreux articles, entre
finement, poétiquement, dans les détours des fonctions « lire » et
« écrire »,la complexité rencontre l’originalité.
Ses
portraits sont ciselés :
« Le pharmacien,
ami de jeunesse de mon père, violoniste et boute-en train comme lui, avait la
laideur avenante et mobile, la turbulence et le lorgnon bas perché d’Offenbach,
qu’il adorait ; sa femme, dans une des deux ou trois familles de la haute
dévotion florentaise, raccourcissait avec pondération la bride à son mari
bohème… »
Ses appréciations sur le milieu littéraire sont âpres, et on
aime ça.
Il parle de l’œuvre d’un collègue :
« … prend
aujourd’hui pour moi je ne sais quelle apparence parcheminée et cuite, comme le
visage de certaines vedettes, précocement rôti par les sunlights. »
Comme l’usage du dictionnaire n’est plus guère usité, il
vaut mieux garder son téléphone à portée de main : ainsi j’ai découvert le
mot « gemmail » (panneau
constitué de morceaux de verre translucides colorés juxtaposés et superposés,
sans sertissage), il convient parfaitement à une appréciation de la poésie.
L’acte d’écrire nous révèle à nous mêmes :
« Ecrire sans
discontinuer, ce n’est pas tant céder à la préférence abusive qu’on a pour son
moi, qu’aliéner ce moi dans son fort le plus reculé, en le soumettant tout
entier aux mécanismes extérieurs du langage.»
Et ses réflexions de solitaire vont bien au-delà de sa
fenêtre :
« La Terre a
perdu sa solidité et son assise, cette colline, aujourd’hui, on peut la raser à
volonté, ce fleuve l’assécher, ces nuages les dissoudre. Le moment approche où
l’homme n’aura plus sérieusement en face de lui que lui-même, et plus qu’un
monde entièrement refait de sa main à son idée – et je doute qu’à ce moment il
puisse se reposer pour jouir de son œuvre, et juger que cette œuvre était
bonne. »