mercredi 11 juin 2025

Rambouillet # 1

Les cloches de l’église s’énervent furieusement à 7 h du matin, suivies par le bêlement des moutons marron/noirs et de la chèvre du manoir. 
Après la toilette, le séchage des cheveux réclame quelques manipulations acrobatiques quand il faut réunir prise électrique et miroir dans le salon, en position à genou.
Nous envisageons de passer la journée à RAMBOUILLET et pour s’y rendre nous choisissons  des petites routes à travers bois. Des panneaux appellent à la prudence en avertissant « attention traversée de grands animaux ». Nous n’en verrons pas, à part quelques cyclistes isolés. Nous garons la voiture le long du mur du château à un emplacement à parcmètre, mais gratuit les jours fériés.
Avant l’ouverture, nous nous offrons un petit café à un prix parisien (4€ 20 2 cafés) face à l’entrée Félix Faure puis franchissons la grille qui ouvre sur le parc d’où nous n’apercevons pas encore la célèbre résidence.

Les jardins offrent de la diversité favorisée par l’étendue du domaine. De belles allées de tilleuls  bordent la promenade reposante. Au soleil, des lignées de canards barbotent dans un plan d’eau encadré par l’allée de la prison et l’allée des ormes, puis dans le prolongement, des massifs de fleurs entourent des rectangles de pelouse à faire pâlir les anglais dans un assemblage symétrique et ordonné typique des jardins à la française.
Le château se visite librement, sauf  pour accéder aux appartements utilisés par les présidents de la république où nous devons  nous inscrire obligatoirement avec un guide.

En  premier, nous nous engageons au rez-de-chaussée  dans les appartements de Napoléon sans accompagnateur donc.
Aménagé dans l’aile ouest, côté cour, ils se composent de trois pièces disposées en enfilade : une antichambre, une chambre, une salle de bains.  Une magnifique tenture de soie bleue ciel cernée par un galon assorti tapisse les cloisons.
Les meubles transportés en vitesse à chaque venue de l’empereur proviennent  de ses autres résidences. Sa marque « N » apparait partout de façon ostentatoire. Elle décore son lit atteignable par quelques marches.
Sa salle de bain avec baignoire centrale plaquée au mur rajoute au N  l’abeille et l’aigle intégrés dans des fresques foisonnantes avec médaillons  inspirées des maisons de Pompeï. Des fauteuils et des divans  incongrus dans un endroit plutôt intime complètent le mobilier. Nous traversons d’autres pièces lambrissées de plaques en bois travaillé voulues par le comte de Toulouse.
L’heure du rendez-vous approche pour la visite accompagnée et non  guidée comme on nous l’a spécifié. 
Nous rejoignons le petit groupe intéressé par les appartements où résidèrent des présidents de la République. 
Un panneau « 1950, dans l’intimité d’un président » nous accueille à l’entrée.
Lieu de villégiature pour les dirigeants de la république depuis Vincent Auriol, le château reçut  des hôtes de marque de la France. Le président Sarkozy lui préféra Versailles  Quant au président  E. Macron, il le céda pour en faire un musée.
Tout a été maintenu dans son jus des années 50. La qualité  des matériaux  comme les meubles en parchemin de la chambre d’amis ou le choix des essences de bois pour la chambre de Jacqueline Auriol (aviatrice)  soulignent un mobilier aux formes assez épurés, luxueux mais pas ostentatoire, disposé dans de vastes volumes. Les salles de bain munies entre autre de chauffe-serviettes possèdent tout le confort moderne et innovant de l’époque.
Les chefs d’état étrangers logeaient dans un studio  conçu par Jean Pascaud. L’appartement comprend 3 pièces : le petit salon rappelant les maisons à colombages joue avec la pierre et le bois, il affiche un caractère historique, patrimonial. La chambre de Madame se veut confortable, cosy, dans un style plus contemporain (1950).
Comme l’exige le protocole, Monsieur dispose de sa propre chambre, la chambre François 1er située dans la tour du même nom et accessible par un escalier. Sous une voûte nervurée, avec un sol dallé noir et blanc, son ameublement  de style moyenâgeux/Renaissance ne laissaient pas insensibles les hôtes Américains. 

Hors de ce studio, nous traversons un long corridor étroit éclairé par des appliques murales, desservant les chambres d’invités ; il m’évoque les coursives de paquebot de luxe, ou encore les couloirs de riches hôtels entrevus dans des films d’Hollywood. Nous n’irons pas  à l’étage supérieur réservé à loger tout le personnel indispensable au bien- être et au service des prestigieux résidents. Durant la visite, nos accompagnateurs ne nous  ont pas quitté  d’une semelle et nous ont  menés de pièce en pièce, sans pour autant nous bousculer lorsque l’un d’entre nous trainait  pour une photo.  Ils nous dirigent gentiment vers la sortie de cette partie du château sous protection particulière.
Sans eux, Il nous reste à admirer en toute liberté la salle de réception du XIXème siècle,  occupée par une vaste  table dressée et chapeautée par un lustre monumental en verroterie, ainsi que la salle des Marbres datant du XVI°. Dans cette dernière pièce, les plaques du  précieux matériau recouvrent  les murs, disposées en formes géométriques et en  médaillons dans les tons veinés de bleues/ gris. Les meubles  chaises fauteuils, petites tables, 2 glacières (à bouteilles) supportant un personnage suggèrent des moments de  détente, de conversation, et de carpe diem.
Un peu poussés par le temps et devant l’ampleur du domaine à parcourir, nous sortons du château côté façade, face aux écuries monumentales destinées à loger jusqu’à  200 à 300 chevaux pendant les périodes de chasse.

mardi 10 juin 2025

Comédie française. Mathieu Sapin.

Le sous-titre « Voyages dans l’antichambre du Pouvoir » en couverture d’un album de 165 pages qui montre le dessinateur à la bourre perdant ses feuilles en courant vers l’avion présidentiel, laissait prévoir d’habituelles chroniques de l’ « embedded » sympathique de la République.
Les derniers jours du mandat de François Hollande, et le début de celui d’Emmanuel Macron sont traités d’une façon originale, sans mauvais esprit, sans être dupe des jeux de séduction, des stratégies de communication, rendant compte du travail des responsables, de leur énergie. 
L’actualité depuis les cortèges officiels est rarement racontée d’une façon aussi empathique, dénuée de servilité, honnête, sous des lignes claires qui n’ont jamais porté si bien leur nom.
L'insertion dans ce récit des années 2017 / 2019 de la vie de l’écrivain Jean Racine (1639-1699), pour lequel se passionne le dessinateur venu de la littérature jeunesse, ajoute une pointe d'originalité.
Il raconte par ailleurs le tournage d’un film auquel il participe en tant que scénariste-réalisateur : « Le poulain », suivez le regard… 
Le parallèle inattendu entre la position de l’auteur d’Andromaque devenu historiographe de Louis XIV et le timide auteur de BD s'avère fécond tout en restant souriant : les courtisans recevant la nouvelle de l’arrestation de Nicolas Fouquet sur leurs Smartphones est plaisant. 
Sans en faire trop avec les anachronismes, se pose la question éternelle de l’objectivité, de la sincérité, de la vérité, avec légèreté.

lundi 9 juin 2025

La venue de l’avenir. Cédric Klapisch.

Les premières images silencieuses sont belles avec les Nymphéas de Monet en fond d’écran,
mais ça se gâte vite lorsque est évoqué le début d’un XX° siècle de carton pâte.
Alors il faut un certain temps, pour accepter l’artifice qui fait se croiser le destin d’une paysanne montée à Paris et ses héritiers lointains qui vont trouver un Monet inédit dans un cottage laissé à l’abri des squatteurs pendant des décennies. Bienheureuse Normandie.
Il y aurait trop de facilité à relever les invraisemblances et les clichés à la pelle qui abondent dans cette séance de deux heures. 
Les quatre sympathiques cousins bien typés, un prof, une exécutive woman, un apiculteur, un jeune photographe, empêtrés dans la modernité, vont finir par rencontrer les célébrités de la Belle époque. 
Un Victor Hugo dragueur pourra déclencher un rire, et l’experte des beaux arts cognant sur le critique moqueur inventeur du mot « impressionnisme » est plus réjouissante que le photographe prévoyant la fin de la peinture lors de discussions laborieuses à prétention pédagogique comme nombre d’autres répliques.
Dans un casting d’héritiers, la prestation de Suzanne Lindon n’aide pas à l’indulgence.
Concernant la présence du mot « avenir » dans d’autres titres de films, celui de Moretti était infiniment plus fin pour évoquer ce que le passé peut réparer du présent et construire pour le futur. 

dimanche 8 juin 2025

Cher cinéma. Jean-Claude Gallotta.

J’aime retrouver, à chaque saison, les gestes du chorégraphe célébré bien au-delà de nos montagnes. Cette familiarité s’illumine à chaque fois de nouveauté. 
Pas de vidéo, ni de parodie pour cet hommage au septième art,  vibrant, fringant, fougueux.
De sa voix espiègle, il dit qu’il doit « le métier tout simplement » à Federico Fellini, 
que le cinéma avec Anne-Marie Mieville comme la danse « se fait à deux ». 
Il a appris l’insolence avec Bertrand Blier, 
le dépassement avec Nadège Trebal 
et la vérité des mensonges avec Raoul Ruiz. 
Il reconnaît l’exigence de Leos Carax, 
l’élégance de Nani Moretti, 
la dignité de Tonie Marshall, 
la fidélité de Claude Mourireas. 
Jean-Luc Godard fut le réalisateur de sa propre vie. 
Avec Robert Guédiguian, il ne faut pas oublier d’où l’on vient. 
S'il devait l’intensité à Patrice Chéreau,il la lui rendait bien dans la séquence qu'il lui a consacrée. Comme il rend un hommage sensible et léger à chacun des cinéastes, nous surprenant encore et encore au bout de ces 35 ans de scènes sautillants, où il sait si bien mettre en harmonie, la beauté qui nous « guérit » comme il dit.
Epatant.

samedi 7 juin 2025

Clamser à Tataouine. Raphaël Quenard.

Les cadavres divertissants, déjà abondants chez Fabcaro,  
s’accumulent dans ce roman du comédien à la mode, un « narvalo » comme on dit à Echirolles, sa ville d'origine,  
« Près de chez nous » du nom du film culte dans le même genre déjanté.
Les 190 pages plaisantes du « gadjo » punchy se lisent en un souffle. 
« La société doit s'acquitter de ce mal-être dont je la tiens responsable.
Pour que l'anéantissement soit total et que mon action porte, je dois frapper symboliquement. Je vais tuer un représentant de chacune des classes sociales.»
Le narrateur, tueur en série, a choisi de supprimer 
une aristocrate, 
une ingénieure, 
une jeune active, 
une femme de footballeur, 
une caissière, 
une SDF, 
avec en prime un homme qui l’agace.
Le psychopathe, mot plus familier dans les cours de récréation que le mot « maçon », 
est volubile. 
« Certains affirment que nos vies ont le sens qu'on leur donne. Je n'y crois pas. 
Pour moi, nos vies ont le sens que les autres lui donnent. 
Notre entourage fait de nous ce qu'on devient et non l'inverse. 
La mer érode le rocher pour lui donner sa forme. Elle le travaille, le façonne. Imparfaitement, bien sûr. Les mouvements d'eau sont aussi erratiques que ceux de nos entourages respectifs. Se fracassant sur nous comme la mer sur son rivage, ils nous donnent forme. Libre à nous d'aménager la côte pour contenir ses assauts. »
L'écrivain, en son premier roman, a le sens de la formule et des paradoxes que j’aime tant traquer :  
« Comme tous les conseils sortant d’une bouche plus âgée, on ne les comprend que plus tard. Nul pédagogue n’égale le temps qui passe. »
« Nos recoins les plus obscurs ont ceci de paradoxal qu’ils nous éclairent. »
« A Paris, la concentration démographique annihile toute individualité.
C’est là que j’ai commencé à prendre conscience de mon insignifiance.
C’est dans le trop-plein que l’idée du vide est née. »
« On rêve de tout donner à celui qui ne veut rien.» 
Un amour des femmes manifesté de façon expéditive participe à un ensemble politiquement incorrect. 
Son humour noir dispensé à jet continu permet de conclure brillamment par une fin morale. 
Il était temps ! Délicieux. 

vendredi 6 juin 2025

Distance.

 L’ « éco anxiété » n'affecte guère les enfants du Bangladesh mais plutôt les nôtres
enclins au burn out, au stress, maintenant atteints de « politico anxiété ».
Une flemme subite m'évitera de disserter cette fois sur les fatigues dues au travail.  
Notre vocabulaire s’appauvrit et dans le même temps se gonfle de mots périssables, 
mais sur ce coup « politico anxiété » reflète une réalité qui conduit à éviter les flashs d'informations et les prescriptions moralisatrices de Sandrine Rousseau.
« Les soubresauts de nos petites humeurs 
se révèlent les répliques de tremblements de terre mondialisés ». 
Roger Pol Droit
Que pouvons-nous pour l’Ukraine, le Soudan, Gaza ? 
Ce qui s’y déroule pourtant nous pèse, même si notre capacité à nous émouvoir se fatigue.
Les témoignages les plus poignants, les analyses les plus fines n’abolissent pas les kilomètres. 
A l’abri des drones, la distance dans l’espace nous sauve, comme celle que nous pouvons prendre avec le temps.
On se défendra de faire preuve d’indifférence, mais il est possible de parler d’hygiène mentale permettant de discerner ce qui est à notre portée et les vaines paroles.
Il est à noter que ceux qui refusent de dire leur mot quand on le leur demande lors d’un scrutin, sont les plus virulents commentateurs de faits envers lesquels ils sont impuissants.
Les ravis d'eux mêmes n'en abandonnent pas leur mantra contre le néo libéralisme bien qu'il soit difficile de savoir si la version capitaliste des golfeurs américains est plus nocive que celle des Chinois, fut-elle de rouge revêtue.   
Dans les intervalles qui séparent les individus, « les autres » mis à distance, souvent source de peur et de mépris, sont désignés comme responsables.  
« Je » a beau jouer à être un autre, il fait bien souvent peser sur autrui des blessures passées et quelques péripéties défavorables du présent. 
« Ils » sont coupables de tout et moi je geins : la troisième personne passe au premier rang.  
L’essentialisation devient habituelle, on parle en général pour éviter les remises en causes intimes. 
Dans les changements de focales entre grand et petit, fort et faible, ici et là bas, "se donner la main" ou "en prendre plein la gueule", la France coloniale qui assouvissait les peuples n'arrive même pas à faire libérer un écrivain octogénaire emprisonné dans un pays émancipé depuis soixante ans de l'autre côté de la Méditerranée. 
Les décisions de justice contradictoires concernant une autoroute, un établissement sous contrat, ne renforcent pas l'autorité de l'état, que ses propres représentants affaiblissent en votant par exemple la suppression des ZFE ou rétablissant l'autorisation d'un pesticide d'ailleurs utilisé ailleurs
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Dans "Charlie" 

jeudi 5 juin 2025

Histoire de l’art en BD. Marion Augustin Bruno Heitz.

Que la BD traite de l’histoire de l’art, cela va de soi, puisque celle-ci met en images l’Histoire  tout court, avec ses bruits et sa fureur déjà illustrée avec humour par Bruno Heitz dont j’avais abondamment exploité pour mes élèves le sens de la pédagogie. 
Cette fois ce sont mes petits enfants qui me servent d’alibi pour l’achat d’un coffret de 7 albums depuis les premières traces de l’homme de 75 000 ans d’âge jusqu’au graff tout frais au coin de la rue. 
Les révisions peuvent avoir la même saveur que les découvertes qui ne manquent pas, malgré l’ampleur de l’entreprise laissant de la place à de pittoresques anecdotes.  
Trois livrets consacrés à Léonard de Vinci, à Van Gogh et l’autre à Monet précisent par ces biographies les étapes majeures de l’évolution de la représentation du monde par les peintres, sculpteurs, architectes qui exprimaient leur temps, le précédaient.
C’est un grand père qui conduit ses héritiers de Venise au Louvre à Orsay, Beaubourg, comme celui de Mona dans un ouvrage plus exhaustif : 
Botticelli, Bruegel, Dali, le cheval de Lascaux se reconnaissent sur les couvertures de chaque volume d’une soixantaine de pages comprenant quelques reproductions pour compléter ce voyage agréable dans le temps. 
Il est plaisant de voir évoquer la période impressionniste par un adepte de la ligne claire, ou la période baroque avec des personnages dont un point suffit à figurer les yeux. Le regard de Picasso, lui, est différent.