jeudi 3 octobre 2024

Musée d'Alençon.

Heureusement la fermeture le dimanche ne concerne pas les musées.
Le musée des beaux- arts et de la dentelle loge dans un ancien collège des Jésuites et ouvre ses portes gratuitement tous les premiers dimanches du mois.
Il présente deux expositions temporaires :La première  porte sur l’Egypte, nous la survolons.
La deuxième s’intitule « le dialogue de fibres ». Elle propose des œuvres de Julien Feller. Cet artiste travaille le bois, le cisèle et arrive à imiter les fines dentelles d’Alençon de façon très réaliste. Elle trouve donc pleinement sa place dans ce lieu.
Les collections permanentes s’articulent autour de 3 domaines différents :
- Le Cambodge d’Adhémard Leclère correspond à une donation d’un natif d’Alençon à sa ville.
Parti travailler en Indochine dans l’administration française entre 1886 et 1911, il se passionne pour les traditions autochtones et collecte des statues de bouddha, des coiffes de danseuses ou actrices, des instruments de musique, des outils, des objets tels des flèches et des carquois.
Il ramène des photographies, des témoignages d’ordre ethnologiques sur les rituels, les modes de vie reconnus par les spécialistes.
- Une grande partie du musée consacre bien évidemment une place importante à la dentelle  qui fait la réputation de la ville.
La dentelle à l’aiguille d’Alençon se distingue de la dentelle aux fuseaux.
Une vidéo en explique les différentes étapes : le dessin et le piquetage sur le parchemin, la trace, le réseau, le rempli, les modes, le levage, l’éboutage, l’assemblage, le régalage et le luchage pour les finitions.
Réaliser 1cm2 de dentelle nécessite  7 heures de travail !
De 8000 dentelières auxquelles on confiait seulement une ou deux étapes pour optimiser la production au début de la production (sous Colbert), il n’en reste plus qu’une demi-douzaine aujourd’hui, et leur réalisations atteignent des prix très élevés.
Les salles relatent l’histoire de ce savoir-faire inscrit au patrimoine culturel de l’Unesco, et exposent des dentelles précieuses et délicates dans des vitrines sous des lumières tamisées.
- Qui dit musée des beaux-arts dit peintures.
Beaucoup de celles qui occupent les galeries de ce musée proviennent  des œuvres confisquées par les nazis, récupérées depuis  mais dont on ignore le nom des propriétaires et que l’état a confié à différents musées en attendant de pouvoir les restituer. 
Il s’y glisse un Fantin Latour, un Courbet, ou encore un Eugène Boudin, mais rien qui nous retienne longtemps.

mercredi 2 octobre 2024

Chaumont- sur- Loire # 1


Nous partons pour Chaumont-sur-Loire en traversant le Bourbonnais et le Berry que je ne verrai guère car je somnole.

Nous garons la voiture près du parc de la paix en bord de Loire dans lequel l’Office du tourisme propose ses services installé provisoirement sous un parasol devant une caravane.
Renseignements pris, notre 1ère activité consiste à trouver un restau, et après avoir arpenté la rue principale, notre choix se porte sur « La parenthèse », au carrefour du château.
Nous nous installons  sur le perron surplombant un jardinet ombragé. Attablés autour d'un gros tonneau  et sur des chaises hautes, nous apprécions une araignée de porc pour l’un, une bavette marchand de vin pour l’autre, avec pommes de terre grenaille et salade, un verre de Chinon ou un verre de Val de Loire.

Il n’y a qu’à traverser la rue pour pénétrer dans le parc du château par l’entrée Est.

Nous montons doucement par une rampe au-dessus des maisons et le long du fleuve  pour atteindre le niveau du château en hauteur comme il se doit.

Sur le chemin et dans tout le parc, des sculptures contemporaines s’intègrent dans le paysage : « En plein midi » de Klaus Pinter, grande sphère dorée,
de moi, plus connu Giuseppe Penone avec « Trattenere 8 anni di crescita »
ou encore les sculptures en acier semi circulaires de Bernard Venet en résonance avec les rouleaux de paille des agriculteurs.

Nous nous dirigeons vers la cour de la ferme, caractérisée par un pédiluve central  orné de 3 sculptures dorées inspirées des temples de Tikal et titrées  « Mundo perdido » d’Anne et Patrick Poirier.

Plusieurs bâtiments bordent la cour :

La galerie du Fenil renferme des œuvres du ghanéen El Anatsui. Sa création« XIX° » ressemble à des tapisseries proches des tissus africains Kente mais l’artiste remplace le matériau traditionnel par des étiquettes métalliques et des capsules de bouteilles de couleurs qui jouent avec la lumière. Effet réussi !

Les grandes fresques florales de Damien Cabanes nous surprennent moins.

Dans la grange aux abeilles, Guy apprécie « Momento fecundo » de Henrique Oliveira. La création envahit tout l’espace, se déroulant le long des murs et des escaliers tel un serpent ou des racines d’arbres, et s’apparente à la matière de la charpente. On imagine difficilement son déplacement  dans un autre lieu !

Enfin, nous explorons la serre tropicale, bien fournie en plantes exotiques  et plantes carnivores dans une ambiance très humide comme il convient.

Puis nous sortons de la cour et suivons le fléchage pour accéder  au célèbre festival des jardins qui a motivé notre venue.
Cette année, il s’intitule « Jardins source de vie ». 25 petites parcelles cultivées s’y côtoient impliquant  différents pays proches ou lointains : Suisse, Singapour, USA, Corée, Belgique, Italie, France, Canada...

Parmi toutes ces compositions, citons :

"Le jardin des sous-bois". Une passerelle serpente dans un vallon boisé où coule un petit filet d’eau

"Le jardin des murmures" explique  que la vie végétale et animale est compatible avec la vie urbaine, à condition de favoriser des matériaux  bas carbone.

"Pollinators city" représente une ville pour insectes et oiseaux
"Le jardin pastoral" mélange des graminées à de la laine de mouton écrue répandue sur le sol afin de favoriser la biodiversité.

"Le théâtre du rideau blanc" privilégie le minéral et la couleur blanche, montre la difficulté et la capacité de s’adapter au froid.

Un plan d’eau reçoit un  lustre vénitien géant et des verroteries au milieu de nénuphars

"Folklore" intègre des panneaux de fils tendus colorés.
Beaucoup de jardins s’organisent autour d’un cercle central végétal ou empli d’eau, 
il devient rectangulaire et comblé d’une eau noire où se reflètent des bambous dans le jardin de "la fontaine anémone".


mardi 1 octobre 2024

Ce n’est pas toi que j’attendais. Fabien Toulmé.

« Julia a attrapé la trisomie » dit sa grande sœur qui va bien aider ses parents et en particulier son père le narrateur à accepter cet enfant : 
« Mais je suis quand même content que tu sois venue ». 
Décidément.
Le récit honnête de ce consentement difficile s'étend sur 250 pages, jusqu’à une harmonie après tant de pleurs. Conformément à ce que disaient les amis de la maman brésilienne, elle avait de la chance d’avoir un enfant spécial car certains considèrent que c’est l’enfant qui choisit ses parents.  
J’ai retrouvé au début de la BD, un texte que la mère de l’auteur avait accroché dans un placard et qu’elle lui avait expliqué quand il était petit. Je l’avais moi même placardé à la porte de ma classe, à mes débuts dans la carrière d’instituteur, et je perçois aujourd’hui combien il pouvait paraître violent aux yeux de certains parents : 
« Vos enfants ne sont pas vos enfants. 
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même, 
Ils viennent à travers vous mais non de vous. 
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. 
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, 
Car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes, Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves. 
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous. Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier. 
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés. 
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et 
Il vous tend de 
Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin. 
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie ; 
Car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable. » 
Khalil Gibran.
J’ai retrouvé les traits et l’autodérision d’un de mes auteurs préféré, Delisle 
dont la légèreté permet quelque recul face aux aléas de la vie. Cette simplicité contagieuse permet de comprendre ce « passage de l’ombre à la lumière ».

lundi 30 septembre 2024

Les graines du figuier sauvage. Mohammad Rasoulof.

Dans la file nombreuse des spectateurs attendant d’entrer pour une projection de deux heures trois quarts, une dame sortant de la salle tend le poing et proclame : « si on n’aime pas le film on est complice ! ».
Les réactions ne sont pas toujours aussi caricaturales mais s’inscrivent dans l’air du temps où l’intimidation devient banale. Les affiches annonçaient un chef d’œuvre pour ce film et également pour celui qui était projeté dans la salle voisine.
Est-il possible d’émettre quelques réserves à propos de ce récit au titre poétique, bien que le contenu soit loin d’être savoureux, puisqu’il s’agit de la dénonciation de l’insupportable tyrannie iranienne ? 
Qui peut se taire, sinon quelques indulgentes à l’égard des mecs tournés vers la Mecque ? 
Le réalisateur traite avec force l’impact de la profession du père de famille au service du régime, à travers la personnalité de la mère prise entre sa loyauté à l’égard de son mari et ses filles sensibles au mouvement d’émancipation «  Femme, Vie, Liberté ».
Le pouvoir meurtrier, aux abois, pervertit les individus et toute relation, retourne les tiroirs, mais une conclusion trop symbolique abime la description utile de l’oppression.

samedi 28 septembre 2024

La réserve. Russell Banks.

Dans les vastes forêts des Adirondack au nord de New York, bien des surprises nous sont offertes dans  le microcosme des privilégiés qui habitent « La réserve » du parc national. 
« Une batterie de fusées sifflantes envoyait dans l’obscurité de grands arcs flamboyants, rouges, jaunes et bleus, semblables à des éclairs lancés contre les dieux. Très haut dans le ciel au-dessus de la Réserve, les fusées finissaient leur ascension, perdaient de la force et flottaient un instant avant d’exploser les unes après les autres dans un éclair- gigantesques fleurs de lumière aussitôt éteintes, froissées et dissoutes dans la nuit. »
 Un artiste rencontre une riche et belle héritière, « pauvre petite fille riche » : passion et folie.
L’écriture est précise, jamais laborieuse. 
«  Si à l’âge adulte, ses fils souhaitaient utiliser leur deuxième prénom - lequel, dans un esprit de compromis, avait été pris chez les ascendants familiaux d’Alicia et de Jordan - il n’y trouverait rien à redire. Mais il était certain que cela ne se produirait pas. A cet âge-là, ils sont devenus leur nom, affirmait-il. ». 
Les portraits des protagonistes sont vivement tracés et les évènements d’avant la seconde guerre mondiale, traversés par un immense et luxueux zeppelin craignant la moindre étincelle, nous étonnent tout au long des 380 pages. 
« Les secrets ne sont pas comme les mensonges. Ils sont plutôt comme une opération au cerveau. Ils tuent votre âme. Le mensonge n’est qu’une technique pour conserver des secrets. » 
Sans leçon insistante, se précisent les caractères où la candeur rejoint la perversité, l’authenticité rencontre les contre-vérités. 
« Pour Vanessa, la vérité était comme un oiseau qui vole d’arbre en arbre, de sorte que la proposition « sur l’arbre est perché un oiseau » se rapportait à cet arbre-ci tout proche puis à un autre dès que l’oiseau s’envolait sur l’arbre suivant, puis à encore un autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que toute la forêt y passe. »

vendredi 27 septembre 2024

Déréliction.

Quelques croassements anticléricaux paraissent bien fades quand est décrochée la silhouette de l’abbé Pierre des entrepôts d’Emmaüs.
Déjà que tout tir est prohibé en direction des ambulances ; à l’égard des corbillards, seul l’oubli s’en suivra. Nos dieux sont morts et nos saints se raréfient.
Lorsque les bouffe-curés les plus affamés remontaient à l’Inquisition pour caractériser les catholiques, il y avait toujours quelque admirable missionnaire pour écoper l’eau des bateaux vermoulus armés par le Vatican.
Les dernières révélations ensevelies sous les silences constitutifs de l’institution religieuse sont venues planter quelques ultimes clous dans le cercueil des influenceurs à l’ancienne. 
Le mot « amour » tellement chanté sous les croisés d’ogives était déjà bien abimé quand il évoquait d’avantage quelque libidineux célibataire que la générosité de mère Térésa
Bien que les églises se vident  et que les vocations se tarissent, la dimension religieuse revient plus que jamais dans les conversations.
Pour éviter de se laisser aller à la complaisance dans le répertoire de nos défaites, suffirait-il de les décrire pour se donner l’illusion de nous ébrouer?  
Dans une atmosphère assombrie par les incendies volontaires en Amazonie, par les explosions incessantes dans tous les coins de la planète, peut-on saisir des liens qui ne soient pas calcinés, en tirer du sens ?
Un titre du  journal « Le Monde » : «  Le Sud pleure la mondialisation libérale » n’arrange pas la visibilité quand il prend à contre-pied une vision unique diabolisant les échanges internationaux. 
« … à jeter le remède libre-échangiste avec l’eau du bain, comme on le fait aujourd’hui au nom du climat ou des priorités stratégiques, on se condamne à une régression dans la lutte contre la pauvreté… »
 Bien que cette échelle mondiale reste inaccessible au plus commun des boumeurs,
le mot «  déréliction », signifiant « abandon », convient pour caractériser la période. 
« Tout concourt à opprimer les politiques qui n’avaient déjà pas besoin de cela pour être en proie à un sentiment d’accablement et de déréliction. » 
Alexandre Soljenitsyne.
Péripéties gouvernementales mises à part, quand s’oublie l’intérêt de la nation chez les squatteurs des canaux d’information, je relève dans un domaine à ma mesure, la satisfaction des syndicats face à l’abandon de toute modification du brevet des collèges. 
Cela confirme leur manque d’ambition pour l’école et pousserait volontiers ma curiosité du côté de l’auteur de « La fabrique du crétin », Brighelli.

jeudi 26 septembre 2024

Musée d’art moderne André Malraux. Le Havre.

Face à la mer,
derrière « le signal »,
un grand œil de Georges Adam,
le MUMA accueille depuis 1961 la deuxième plus grande collection française d’œuvres impressionnistes et fauves après Orsay.
L’architecture de verre et d’acier toute en clarté met en évidence une profusion de Boudin, 
quelques Renoir, 
Monet,
Pissarro,
Vallotton, 
Marquet... 
Leurs lumières font pâlir l’exposition temporaire des photographies 

de la Normandie entre 1840 et 1890.
Elles ont cependant un intérêt documentaire en présentant diverses techniques photographiques dans leurs premiers essais et de belles réalisations récentes.