« Roman : une petite histoire, généralement d’amour ».
Cette légèreté ne s’est pas démentie jusqu’aux dernières
phrases :
« …de fait, je
pense en avoir fini avec le sentiment de culpabilité. Mais le reste de ce qui
faisait ma vie, tel qu’il était, et serait ensuite, me rappelait à lui. Alors
je me suis levé et j’ai regardé Suzan une dernière fois ; aucune larme ne
m’est venue aux yeux. En sortant, je me suis arrêté à la réception et j’ai
demandé où se trouvait la station-service la plus proche. L’homme a été
serviable. »
L’histoire d’amour entre un jeune homme de dix-neuf ans et
Suzan, trente huit ans depuis une partie de tennis en double, tient 260 pages, ironiques
et profondes, so british.
« Un premier amour
détermine une vie pour toujours : c'est ce que j'ai découvert au fil des ans.
Il n'occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures,
mais elles seront toujours affectées par son existence. Il peut servir de modèle,
ou de contre-exemple. Il peut éclipser les amours ultérieures ; d'un autre côté
il peut les rendre plus faciles, meilleures. Mais parfois aussi, un premier
amour cautérise le cœur, et tout ce qu'on pourra trouver ensuite, c'est une
large cicatrice. »
Le narrateur passe au fil des chapitres de la
première à la troisième personne, accumule les citations puis les rature, y
revient :
« En amour,
tout est vrai, tout est faux ; et c'est la seule chose sur laquelle on ne
puisse pas dire une absurdité »
(Chamfort). Il avait aimé cette remarque depuis qu'il l'avait découverte. Parce
que, pour lui, elle ouvrait sur une pensée plus large : celle que l'amour
lui-même n'est jamais absurde, ni aucun des participants. »
Cette liaison située en banlieue aisée dans
les années 60 a
des allures de scandale mais à bas bruit. La passion absolue est décrite tout
en nuance et même le lecteur qui a pu lire d’autres livres à ce sujet peut
apprécier la virtuosité de l’écrivain au service d’une honnêteté revigorante.
Conversation de bar, lieu pas si anecdotique que
ça, puisque les amants auraient plutôt tendance à dire la vérité, au moins
entre eux, alors que l’alcoolique ment :
« Elle disait
qu’elle voulait reposer sur mon épaule aussi légèrement qu’un oiseau. Je
trouvai cela poétique […] L’homme inhala la fumée et la souffla dans l‘air
parfumé.
« Primo, les oiseaux
s’envolent n’est ce pas ? C’est dans leur nature. Et secondo, avant de
partir, ils vous chient sur l’épaule. »