dimanche 25 décembre 2016

S’il se passe quelque chose. Vincent Dedienne.

Depuis que je vais au théâtre, il m’arrive de me sentir blasé face à des scènes annoncées à grands coups de buccin ; alors quand je découvre totalement, un spectacle neuf à mes yeux, mon plaisir est multiplié.
A « L’heure bleue » à Saint Martin d’Hères, j’ai vu, mis à nu, un nouveau talent dont la malice, la finesse remue les émotions et la réflexion bien autant que des machineries complexes et ambitieuses.
Il parait qu’il est sur France Inter que je n’écoute plus que parcimonieusement, agacé, justement par la rigolade permanente, le ricanement systématique, le mélange des genres qui sape les politiques et la politique. Je ne l’ai pas vu non plus à la télé avec Yann Barthès qui me lasse aussi en bonimenteur cynique.
Bref, en dressant  vivement son autobiographie tendre et drôle, le jeune homme renouvelle le genre stand up. Il a joué « très tôt avec les tréteaux », après avoir été touché par la grâce en regardant Muriel Robin. Il se permet de mettre tous les degrés de son côté en un emboîtement familier du théâtre dans le théâtre tout en nous surprenant souvent. Il s’amuse de nous et nous rions dans les tunnels, il se dispense de chute à ses sketchs dans un spectacle dont on reprendrait bien sans fin, une tranche.
Il revient sous les applaudissements nourris et son bonheur d’être là est sincère, alors que sa promenade sur le fil de l’impudeur et de la pudeur a été très professionnellement ciselée.
Nous nous sommes senti respectés dans les mêmes termes qu’Ariane Mnouchkine qu’il cite dans une interview :
« Il ne faut jamais oublier quand on monte sur scène qu’il y a des gens qui viennent au théâtre pour la première fois et d’autres pour la dernière fois. »
On a croisé Marguerite Duras, Alice Sapritch, son papa et sa maman adoptifs: c’est fort et profond, on sourit et on est aux aguets. Merci.
« On naît, on vit, on meurt, »… c’est donc mieux « s’il se passe quelque chose »…  d’où le titre.

samedi 24 décembre 2016

Le peintre des batailles. Arturo Pérez-Reverte.

Un peintre autrefois photographe de guerre est tourmenté par un homme qui lui en veut à mort après avoir figuré dans une photographie inoubliable.
Roman philosophique puissant sur notre place de témoin des déchirements du monde, la nature humaine, la mort, la beauté…
« Il faut accepter de voir, dans l'enfant, le bourreau qui sommeille, et en même temps être capable de caresser l'enfant, et de se voir soi-même dans l'enfant. »
La fresque que Foulques est en train de peindre dans une vieille tour dominant un port méditerranéen accumule les références et les personnages si bien que l’ensemble est difficile à envisager tant les scènes du mal s’y multiplient, de l’Afrique au Salvador, de la Bosnie au Viet Nam…
Le tableau de Ero qui illustre cet article ne fait qu’évoquer un des enjeux du livre dont les images furieuses sont à imaginer.
Le choix des couleurs, les réflexions concernant l’art, la mise en géométrie de nos perceptions, sont elles des consolations ?
Goya, Uccello, Chirico ont les places d’honneur, mais le moment où sa compagne disparue remontait une kalachnikov les yeux bandés lui inspire des titres de ready made :
« Funérailles de Marx ? Ceci N’est  Pas Une Arme ? Quand La Guerre S’en Va ? La Poésie Revient ? Rêve Brisé de Métal Bleuté ? Femme Montant, Démontant Et Remontant un Fusil Inutile ? »
Le peintre et le soldat croate dont une photographie a valu les honneurs pour l’un et l’horreur pour l‘autre vont à l’essentiel dans leurs discussions.
« Pour qui a subi une guerre l’aube est le signe annonciateur d’un ciel glauque, de l’angoisse, de la peur de ce qui va se passer… Et la tombée du jour, c’est la menace des ombres qui arrivent, de l’obscurité, une terreur qui glace le cœur. »
L’écriture est superbe et nous tient un peu à distance d’un désespoir qui court tout au long des 270 pages.
« Faulques s’était levé et avait couru vers le haut, s’était baissé, avait couru de nouveau afin de saisir dans son viseur le professeur que deux garçons ramenaient en le soutenant sous les aisselles, ses pieds traçant deux sillons dans l’herbe humide, la moitié de la mâchoire arrachée par un éclat d’obus. Et derrière eux descendaient d’autres garçons, pleurant, criant ou se taisant, blessés ou indemnes, qui allaient seuls, désarmés, ou en portaient d’autres couverts de sang, nouveaux traits écarlates s’entrecroisant sur cet aquarelle composée par un paysagiste minutieux et appliqué à l’abri derrière son chevalet olympien. »
 L’auteur a été correspondant de guerre.

vendredi 23 décembre 2016

Le djihad et la mort. Olivier Roy.

Analyse efficace d’un directeur de recherche au CNRS qui au lieu de tracer une ligne verticale allant du Coran à Daech, effectue une lecture transversale qui essaie de comprendre la violence islamique.
Plutôt que de l’opposer à Gilles Képel, je préfère voir dans ces 170 pages une complémentarité féconde dans un domaine où la peur brouille les têtes, sur une période de 20 ans, de Khaled Kelkal à l’attentat de Nice.
« Plutôt que d’évoquer une radicalisation de l’islam, il parle d’une islamisation de la radicalité » et souligne les effets générationnels, ceux de l’esthétique de la violence, ou « l’inscription de l’individu en rupture dans un grand récit globalisé » auprès de sectes apocalyptiques.
Vues depuis notre côté gauche, les frontières avec le populisme se sont bien brouillées, la vision universaliste s’est rétrécie à la nation, voire à des ZAD on ne peut plus étroites.
« Tant Al-Quaïda que Daech apportent quelque chose de plus que la contestation radicale et globale : la fascination pour la mort. »
Les considérations concernant la guerre entre sunnites et chiites, la difficulté d’articuler le califat avec les tribus locales, dépassent les nihilistes qui se rendent là bas, mais ceux-ci s’éclatent dans l’escalade du terrorisme international.   
Les djihadistes prétendent  défendre la communauté des croyants mais ne postulent pas à des postes religieux.
«  Le problème majeur des mosquées, c‘est la crise des vocations parmi les jeunes musulmans français, qui n’ont aucune envie de devenir imam, car c’est mal payé, ingrat et guère prestigieux »
Mohammed Merah : « Nous aimons la mort, vous aimez la vie. »
...................
Le dessin du "Canard" de cette semaine:
 

jeudi 22 décembre 2016

La villa Médicis. Serge Legat.

Le vrai titre de la conférence devant les amis du musée de Grenoble était :
« Le mythe de l’Italie : l’Académie de France à Rome ».
L’institution dont la devise affirme «  libertas artibus restituta » s’est installée dans la capitale des arts au début du règne de Louis XIV dans le pays où les académies de Florence, Bologne et Rome existaient depuis le XVI° siècle.
Les déménagements ont été nombreux : d’abord sur la colline du Janicule, au palais Cafarelli, Caprina puis Mancini. Après une interruption due à la révolution, en 1803, sous Bonaparte, la résidence des jeunes artistes est établie sur la colline du Pincio à côté de l'église française de la Trinité-des-Monts dans le palais Médicis.
La situation panoramique, au moment de son achat par l’état français, est bien rendue par ce dessin d’ Henri-Roland-Lancelot Turpin de Crissé  envisagé du côté pourtant  austère de la façade.
Le système académique créé par Louis XIII ne doit pas fournir seulement une formation technique mais aussi intellectuelle. Depuis les maîtrises datant du moyen âge, cette nouvelle façon d’enseigner apparaît comme une libération pour les artistes, que l’état utilise cependant bien vite à son service. Les  meilleurs espoirs termineront leur formation parmi les exemples antiques pour former une élite au service de la monarchie.
Colbert et le premier peintre du roi Louis XIV, Charles Lebrun en furent les maîtres d’œuvre.
C’est depuis cette époque, avec la part de théorie ajoutée, que se distinguent les arts majeurs et mineurs, les artistes et les artisans, les sculpteurs et les ébénistes.
Avec « Jeroboam sacrifiant aux idoles », Fragonard a remporté le Grand prix de Peinture de l'Académie royale et peut s’installer à Rome.
Devant le Veau d’or, la main du roi d’Israël se dessèche alors qu’il désigne un prophète invoquant Dieu. Le fond d’architecture est superbe, tous les regards convergent vers les protagonistes principaux. Cette peinture d’histoire n’annonce guère les charmantes frivolités consolantes à venir du peintre baroque mais le thème imposé doit permettre d’évaluer la culture de l’artiste pour satisfaire aux commandes de l’église et des princes. Le directeur d’alors, Natoire, va pourtant lui permettre de trouver sa place.
Il effectue alors « L'Enjeu perdu ou Le Baiser gagné » une commande privée non autorisée mais volontiers pratiquée par les sociétaires.
Le vigoureux « Portrait de l’abbé de Saint-Non » aux vives couleurs, « exécuté en une heure » comme mentionné à l’arrière du tableau, est celui de son ami, son mécène.
Ingres peint « François Marius Granet » avec le palais du Quirinal en fond, depuis le toit de son atelier de la villa Médicis.
Ce bâtiment construit en 1544 à l’emplacement des jardins de Lucullus a été acheté par « Ferdinand de Médicis » alors cardinal, devenu plus tard duc de Toscane, qui le fait réaménager pour abriter une vaste collection d'œuvres d'art, implantant sur sept hectares des jardins qui vont connaître prochainement une réhabilitation.
Les fresques initiales de Jacopo Zucchi se voient dans « Un atelier à la villa Médicis » d’ Eugène Lacroix.
Et plus encore dans le « studiolo » ouvert aux visiteurs où foisonnent oiseaux, grotesques, végétaux…
Ce lieu prestigieux où les artistes prennent leur essor est une vitrine de la France.
« Pédro II, empereur du Brésil, visite les ateliers ».
Murielle Mayette Holtz qui a connu avec la Comédie française d’autres paniers de crabes, en est présentement la directrice, venant après Eric De Chassey très apprécié et le furtif Frédéric Mitterrand. Balthus qui rénova les murs avec un enduit qui porte son nom fut aussi critiqué.
Horace Vernet installa dans ces murs, à sa fantaisie, une « Chambre turque ».
Côté jardin, l’élégante façade fut ornée de bas-reliefs antiques dont la plupart des originaux ont été remplacés par des copies.
Les plafonds à caissons de « L’appartement du Cardinal » ont subsisté alors que des incendies et l’eau pour les éteindre en ont détruit bien d’autres.
La « Vue du jardin de la Villa Médicis à Rome » par Velasquez représentant une serlienne, ensemble de trois baies, est remarquable par une manière qui annonce Corot bien avant Corot.
Au fond du jardin le « Carré des Niobides », fontaine sans eau, dont les acanthes vont bien aux moulages d’antiques représentant les enfants de Niobée atteints par les flèches d’Apollon et Artemis, car l’imprudente s’était vantée d’être plus féconde que Léto, une des maîtresses de Zeus.
Sur l’esplanade, « La vasque » de Corot , qui comporterait en son centre, d’après la légende, un boulet  de canon envoyé par la fantaisiste Christine de Suède depuis le château Saint-Ange afin de réveiller le cardinal Carlo de Médicis pour l’inviter à une partie de chasse.
« Ici, on a le luxe du temps, la magie du lieu, mais, dès qu'on quitte la villa, la réalité vous saute à la figure. »
Ainsi s’exprime une privilégiée d’aujourd’hui qui ne peut passer guère plus que six mois là bas contre trois ou quatre ans jadis.
On s’amusait bien du temps où le  « Char des artistes de l'Académie de France » s’affichait au Carnaval  de la ville éternelle quand les bagarres sur la place d’Espagne en contrebas étaient plaisantes. Quelques dignes fantômes hantent cette prison dorée: Berlioz, Gounod, Charpentier, Debussy.
C’est que  les pensionnaires n'appartiennent plus seulement à la peinture, à l’architecture, à la gravure sur pierres fines, mais à l’histoire de d’art, au cinéma, à la littérature, à la cuisine… Ils sont recrutés sur dossier et non plus sur concours, sous la houlette du ministère et non plus de l’Académie des beaux arts. Le prix de Rome ayant disparu depuis 68, fut remplacé par le mal nommé « nouveau prix de Rome» en 2014, en réalité un parrain de promo.  Mais les jeunes talents en vidéo ou design, peuvent toujours apprécier aux frais de la princesse républicaine, le  « Mercure » de Jean de Bologne dont un pied repose sur un souffle de vent. Une clause les oblige à mentionner dans leur C.V. leur passage à l’Académie de France à Rome.
« O tempora, o mores » « Quelle époque ! Quelles mœurs ! »

mercredi 21 décembre 2016

Equateur J 8. Quilatoa. Zumbahua. Tigua Lasso. Pujili. Banos.

Bonne nuit et très copieux petit déjeuner, nous voilà bien armés pour aborder cette journée. Après avoir acheté de l’eau en bouteilles et salué le sympathique patron, nous prenons la route pour rejoindre le cratère de Quilatoa.
Notre chauffeur nous arrête pour qu’on puisse photographier, dans des allures hiératiques, nos premiers lamas. En peu de temps nous atteignons le site de Quilatoa géré par une communauté indienne.
Nous sommes à 3900 m, dehors un vent violent nous attend, nous superposons les couches, malgré le soleil.
La balade part d’un point de vue sur le cratère aux eaux tantôt argentées tantôt émeraude. Il faut 45 minutes pour descendre le chemin muletier recouvert d’une terre fine où parfois nous nous enfonçons, parfois nous dérapons, quand affleure la pierre .

L’eau change continuellement de couleurs et frisonne sous l’effet du vent, plus discret qu’au départ. En bas il y a des installations en bordure d’eau : un hôtel très sommaire et des toilettes plus que convenables (où il est demandé comme ailleurs de jeter le papier hygiénique usagé dans une poubelle), un ponton battu par les remous de l’eau et une location de canoë-kayak. Un peu plus en haut sur un promontoire, une balançoire devait permettre de s’élancer dans les airs et au dessus des eaux : sans doute très impressionnant mais aussi dangereux, ce qui explique le cadenas qui en interdit l’usage. 
Des mules s’abreuvent dans le lac, sous l’œil de ses maîtres et des chiens.  Elles attendent d’être louées par des touristes trop essoufflés pour monter les 420 m de dénivelé. Ce que nous attaquons, chacun à sa vitesse  et avec des objectifs différents. Notre bon docteur a très envie d’entamer au moins une partie du chemin de crête qui prend 4h, et attaque la montée à toute pompe suivi de peu par les deux plus vaillants puis E/E. Avec Guy nous les laissons partir car nous n’avons pas l’intention de chevaucher les crêtes, nous négocions tranquillement l’ascension, nous nous arrêtons et buvons un coup quand le souffle se fait trop court, en croisant mules à vide et dévalant la pente en courant, un père et son fils ramassant les détritus laissés par les touristes, de jeunes montagnards ralentis par d’énormes sacs à dos. Les bourrasques de vent nous accueillent une fois revenus en haut.
En attendant le rendez-vous fixé à 12h 30 au minibus avec le reste du groupe, nous fouinons dans la galerie artisanale.
Nous y achetons deux peintures naïves et un masque. Nos compagnons nous rejoignent. Comme nous ne voulons pas perdre de temps à manger au restau et encore bien calés par le petit déj’, nous achetons de quoi nous sustenter à Zumbahua : pain fromage, chips et brioches que nous consommons à l’abri sur les bancs d’un bar fermé. Les chiens de races différentes pas quémandeurs s’installent devant nous et reçoivent des bouts de brioche à la volée.

Nous ne sommes pas loin de Tigua. Le village est réputé pour ses peintres exécutant des scènes naïves.
Quatre maisons  dont une coopérative exposent leurs œuvres. Les prix diffèrent en fonction du support en peau, de la peinture utilisée et de la notoriété des créateurs.
Nous faisons affaire. Il nous reste de la route à faire pour atteindre Banos. Les paysages et les lumières n’égalent pas ceux d’hier peut être à cause du temps mais les failles restent impressionnantes. Les forces sismiques ont modelé les plateaux d’une manière inédite.
Nous passons par Pujili : des statues de musiciens quichuas dans un parc méritent notre attention ainsi qu’une statue religieuse sous verre encadrée de fleurs fraîches (lys des incas) en pots.
Pas besoin de demander, le chauffeur résigné s’arrête. A quelques pas de là, se déroule le marché que nous avions fini par rayer du programme à cause d’un détour trop long il y a deux jours et pour des problèmes de dates. La chance est avec nous !
C’est un beau marché de fruits et légumes, de poissons, de viande, on y trouve même du chocolat. Edgar nous fait découvrir de bananes rouges, nous offre du sucre de canne joliment emballé dans des feuilles végétales.
A cette heure les cuisiniers font plutôt la vaisselle et plient bagage, il ne reste plus rien pour nourrir le chaland ou le chaland n’est plus tenté par les odeurs des bons petits plats.
Nous prenons le chemin de Banos, retrouvons une fois encore la Panaméricaine en direction de Latacunga. Nous apercevons et reconnaissons le Cotopaxi avec ses neiges et sa coiffe de nuages. 
La route est bonne même quand nous quittons la Panaméricaine.
Bientôt la pluie s’invite et ne nous quitte pas tandis que nous redescendons à 1800 m, la nuit s’installe plus vite. Arrivés à Banos, Edgar demande le chemin de l’hôtel à la réception d’un concurrent : pas de problème ! Une jeune femme monte carrément avec nous et nous guide jusqu’au Santa Clara hôtel, plutôt bon standing et agréable.
Nous suivons l’avis et l’intuition du chauffeur pour le dîner ce soir, au lieu du conseil de l’hôtel et nous en sommes ravis : nous mangeons pour 7$ par personne (+les boissons) un plat de grillades diverses et saucisses avec du riz et des pommes de terre qui aurait suffi pour deux personnes. Nous rentrons sous une pluie dense à l’Hôtel profiter de la salle de bain et se jeter au lit.

mardi 20 décembre 2016

Souris et tais-toi ! Plantu.

J’ai entretenu avec Plantu des rapports fluctuants, estimant du temps où Le Monde était le journal de référence que chacun de ses dessins, chaque après-midi, était le dessin du jour, puis je me suis lassé et  je me suis placé plutôt du côté des ricaneurs qui le trouvaient mièvre, conventionnel, souhaitant que ses colombes aillent nicher dans des « pigeonniers contraceptifs » tels que notre ville, apaisée… pour les oiseaux, va en introduire.
Au moment où je me suis remis au Monde après des années d’abonnement à Libé, ma commentatrice la plus fidèle m’a offert un recueil de 190 pages sous titré « Petit lexique de l’autocensure » .
Nous sommes en 17, deux ans après les morts de Charlie ; une innocente souris apparaît bâillonnée sur la couverture.
En ce qui concerne la liberté d’expression en France : pas de doute, c’était mieux avant !
La mignonne petite bête, quand elle est dans son coin, permet le contrepoint, la fugue, le surlignage, l’ajout de quelques nuances à un premier degré devenu bien envahissant.
La  récurrente bestiole est mise dans les pattes de Hollande ou de Vals dans ce qui constitue pour l’essentiel un rappel de dessins de l’année 2015.
Un lexique en désordre alphabétique précède une récapitulation dramatique qui se supporte un peu mieux avec les oreilles rondes de la rongeuse.
Les paragraphes qui commencent par « Tignous », sont titrés :
«Doigts brisés », « Politiquement correct et raie des fesses », « Forcing en banlieue » « Corse »…
« Un dessin critiquant le Syndicat du livre (il a écrit « syndicat de l’imprimerie ») est inimaginable dans un quotidien français ».
Le caricaturiste est un gentil : il a toujours représenté Martine Aubry comme elle était à trente ans et il choisit pour illustrer un entretien avec Leïla Shahid, une photographie de l’ancienne porte-parole de la Palestine à Paris datant de quelques années.
Le dessinateur qui causa à l’oreille d’Arafat reconnaît l’emprunt de son personnage intercesseur auprès de Géo Trouvetout et sa lampe qui s’animait quand il avait une idée dans Le Journal de Mickey, moi j’avais pensé à l’impertinente et flegmatique coccinelle de Gotlib.

lundi 19 décembre 2016

Le voyage au Groenland. Sébastien Betbeder.

Nous n’étions pas mécontents de notre titre : « Voyage au bout de l’inuit » pour être raccord avec le côté potache de ce film ethno-rigolo, même si le calembour ne rend pas compte de la modestie du projet. Il ne prétend pas à l’exhaustivité à propos d’un peuple en évolution rapide. Deux jeunes intermittents du spectacle débarquent dans un village isolé où le père de l’un d’eux est installé depuis longtemps.
A travers leur ingénuité, leur fraîcheur enfantine, nous les suivons dans la chasse au phoque avec dégustation de foie cru et gobage d’œil, une butte témoin du passé, et dans d’autres activités touristiques.
Les incompréhensions sont source de rires parfois un peu insistantes comme l’explication du statut d’intermittent à un chasseur d’ours.
La bonne volonté de la fraternité des peuples n’entre-t-elle pas en conflit avec le remord d’une perte irrémédiable de la diversité linguistique, culturelle, humaine ?