vendredi 21 octobre 2016

Contre la bienveillance. Yves Michaud.

Je m’attendais à un pamphlet, comme je les aime, vachard et anti-conformiste.
Il s’agit d’un livre de réflexions philosophiques qui m’ont parfois dépassé, pas toujours aussi  percutantes que cette formule d’Hegel qui pourrait s’appliquer aux « marches blanches » :
« La confluence silencieuse des entités apathiques de la vie volatilisée ».
L’introduction est appétissante qui distingue la mansuétude comme vertu individuelle du « care » en politique et différencie : penser et sentir, concevoir et vivre.
«  Si nous voulons que le mot citoyen garde le sens qu’il a pris depuis les théories du contrat social, il nous en faut finir avec la bienveillance, la compassion et le moralisme, et revenir aux conditions strictes de contrat politique »
La naïveté et la gentillesse ne combattent efficacement ni les fondamentalisme religieux ni  le populisme. Ne les serviraient-elles pas ?
Pour m’être beaucoup réchauffé au club des « Bisounours », dont mon tour de taille porte trace et comme chez tout repenti,  je développe en ce moment un agacement certain à l’égard de cette fratrie.
Le mot « bienveillance » a envahi le domaine pédagogique avec tout ce que l’excès de son usage entraîne de mépris à l’égard de ceux qui sont en difficulté, en renonçant donc à les considérer comme acteurs de leurs progrès.
« L’égalité est un principe de constitution démocratique, pas un droit démagogique à la consommation de services pendant que se reproduisent en réalité les castes oligarchiques. »
La fraternité :
« Elle doit se voir substituer la solidarité, celle-ci impliquant que les citoyens soient solidaires non seulement pour partager les bénéfices mais aussi les sacrifices et tout ce qui  requiert la protection de la communauté. Ce qui signifie une fiscalité simple, allégée, unifiée, juste, strictement et constamment progressive, en lieu et place d’un système fiscal comme l’actuel où taxes, contributions spéciales et temporaires, exemptions, détaxations en tous genres brouillent toute lisibilité et incitent les fraudeurs fortunés à bénéficier au mieux de la complexité du système à l’aide de montages d’ingénierie financière. »
Bien des désillusions, des apathies présentes ne se résoudraient-elles pas avec une telle réforme ?
Ces 180 pages se situent au dessus des bavardages à propos du « revenu universel » et des vains cadeaux électoraux. Un tel ouvrage qui parle haut, contient dans son constat qui échappe au politiquement édulcoré, des éléments exigeants permettant de remettre sur l’établi, les mots qui nous éloignent des pleurnicheries : liberté, égalité, fraternité, laïcité.

jeudi 20 octobre 2016

L’aquarelle, une passion anglaise.

Avec le conférencier Gilbert Croué, les amis du musée de Grenoble ont pu passer du format  d’aquarelles originales de la taille d’une carte à jouer au grand écran, en ayant le privilège de découvrir des œuvres peu montrées en raison de leur fragilité. 
J’ai choisi en tête de ce compte rendu une « Vue de la campagne anglaise avec la Tamise, et le collège de Greenwich » par Delacroix choisie en dehors des tableaux présentés cette après-midi là que je n’ai pas forcément retrouvés dans les entrailles d’Internet.
On entrevoit le carnet de croquis qui recueillait les impressions vives d’un instant.
Les anglais ont excellé dans cette « petite forme » qui va à l’essentiel comme une sonate en solitaire alors que l’huile serait pareille à une symphonie. Une histoire d’eau ?
La  palette constituée de pigments liés à la gomme arabique ou au miel et ces pinceaux petit gris va bien dans les paysages privilégiés par certains maîtres. Ceux- ci ont fait leur « grand tour » descendant jusqu’à l’extrémité du monde, située à Naples, entre les années 1750 et 1880, avant de revenir dans le Sussex ou sur les bords de la Manche.
Dürer, Van Dick, Rubens, inspirèrent les anglais comme Canaletto dont « La Tamise de Somerset House Terrace vers la ville » a forcément un air de sa ville natale, Venise.
Ce fut le cas aussi de Le Lorrain connu outre Manche sous le nom de « Claude »  qui exprime toute sa sensibilité et sa sûreté de main, dans un « Paysage pastoral avec des grands arbres » au lavis.
Le très anglais, Paul Sandby, en topographe militaire, relève objectivement les données ; l’échelle et la profondeur sont données par quelques références humaines, ici une vue du château de « Windsor ».
« Le chemin du lac »  de Francis Towne est dessiné à la plume après une mise en place au crayon légère afin de disparaître sous les jus.
La lumière sculpte les plans du paysage : une partie de papier blanc réservée évite de perdre de la limpidité. Commencer par le plus clair pour aller vers le foncé : ainsi se « monte une aquarelle ». Alors, les vagues dynamiques sous les « falaises de l’île de Wight » d’ Edward Dayes nous éclaboussent.
« Si Girtin avait survécu, je serais mort de faim » avait déclaré Turner après la disparition de son ami à 27 ans. Pourtant le « Scarlet sunset » du « peintre de la lumière » était impressionnant, 43 ans avant  « Impression, soleil levant » de Monet.
Et son « Lac de Lucerne » !
Girtin, s’autorise plus de liberté, de lyrisme après un séjour en  Ecosse,  comme en témoigne sa « Cathédrale de Peterborough ».
et cette "Distant View of Whitby"

Sur «La plage de Brighton» de Constable, les nuages sont bien là. Il avait décidé de «travailler sans relâche d’après nature pour tendre vers une représentation simple et authentique».
Louis Francia était né en France, il a peint de nombreuses marines qui ont surtout séduit le public de Londres où il s’était exilé : «  La plage à Calais ».
David Roberts embarquant en Egypte avec ses carnets de voyage a pu allier l’exactitude face aux architectures anciennes  à  l’improvisation. Ses reproductions sont toujours vendues aux abords du « Temple de Karnak » ou à Pétra.
Dans la nuée de sable blond des orientalistes :
« Vue de la Casbah d'Alger » de William Wyld comporte quelques rehauts de gouache blanche, 
un « Intérieur au caire »  par John Frederick Lewis parait avenant.
Il avait incité Delacroix à se mettre à l’aquarelle.
John  Ruskin ne fut pas seulement un critique d’art redouté, mais aussi  poète, écrivain, peintre et aquarelliste brillant comme on peut le constater avec cette « Étude de gneiss ». 
Les « études d’insectes » du hollandais Herman Henstenburgh  illustrent la diversité des possibilités d’un art où il faut beaucoup de talent pour être simple : ainsi travaux scientifiques, architecture, projets de décors, portraits, au-delà des paysages et des voyages…
Entre 1750 et 1850, des associations rassemblant artistes et amateurs se multiplièrent.
Varley, "Pass of Llanberis",
Cotman,  "River landscape with cattle herd"
Cox, "L’escaut en Hollande"... eux aussi connurent alors plus qu’un quart d’heure de célébrité.

mercredi 19 octobre 2016

Equateur J 4. (suite) Cotacachi.

Cotacachi la ville du cuir, au caractère sud américain est coquette et bien entretenue, elle semble prospère.
Pour l’après-midi nous avons au programme la lagune Cuicocha (3246m) : « le lac des cochons d’Inde ».
Nous marchons sur le chemin « Los ancestros » », nommé aussi « chemin des orchidées » dont malheureusement beaucoup sont en fin de floraison.
Mais nous voyons d’autres plantes inconnues.
Le sentier surplombe le lac de cratère du Cotacachi, volcan « endormi » mais pas « éteint ».
Quelques moustiques nous attaquent lors de la petite randonnée et la pluie s’invite sans trop d’ardeur.
Nous ne poursuivons pas le sentier jusqu’au bout et rebroussons chemin pour prendre un petit bateau à moteur.
Vêtus de gilet de sauvetage pour une simple promenade autour des îles jumelles interdites d’accès Teodoro Wolf et Yerovi, nous approchons les foulques et les aigrettes.


Au retour nous avons droit à un vin chaud que nous apprécions, profitant du soleil revenu avant que les gouttes de pluie nous poussent à regagner le mini bus direction Santa Barbara dans nos familles.
Nous rentrons à pied et arrivons en pleine fête, Ernesto nous accueille chaleureusement avec de la bière et nous présente une partie des invités. Des enfants jouent dans la cour et Karen téléphone. Je m’éclipse pour écrire mon journal. Guy se mêle à l’assemblée, invité à danser la lambada puis à aller chercher les bêtes.
A la nuit tombée, une bonne partie des invités s’est retirée et nous prenons place autour de la table : Digna Maria, Ernesto, Huaïta la deuxième fille de la famille qui parle bien l’anglais et dont on comprend bien l’espagnol, un jeune cousin timide sans natte, et nous deux. Le menu se compose d’une soupe aux pinces de langoustine dans laquelle on trempe des beignets de bananes, du pop corn accompagné de jus de citron vert, d’un plat de riz agrémenté de haricots verts et d’une variété de petites  pommes de terre à la saveur particulière et de l’avocat. Nous avons droit à une part du gâteau d’anniversaire offert aux invités dans la journée. Ernesto s’endort, ce qui nous offre l’occasion de prendre congé. Guy estourbit une araignée replète dans la salle de bains.

mardi 18 octobre 2016

L’homme qui tua Lucky Luke. Matthieu Bonhomme.

Les héros de BD ne meurent jamais.
L’auteur ne manque pas de finesse pour rendre hommage, sans ironie, à l’original cow-boy qui arrive à ses 70 ans. Une atmosphère plus sombre s’installe qui conserve cependant la désinvolture et l’humour du juste justicier.
« Ouaip ! »
La nuit est là et les rues sont boueuses, LL doit changer de flingue mais ni de fringues, ni de cible : les ignobles sont pourtant excusés de leur méchanceté par des enfances difficiles.
On apprend pourquoi désormais il porte une herbe à la bouche, et que sa main a pu trembler, un peu, une fois, et son cœur, peut être.
Le trait est vigoureux, les cadrages efficaces, le scénario original est fidèle aux fondamentaux avec des clins d’œil qui vont ravir les nombreux adeptes du flegmatique solitaire.

lundi 17 octobre 2016

Voyage à travers le cinéma français. Bertrand Tavernier.

Trois heures de plaisir ne pourront remplacer tous les films que nous n’avons pas vus, ni épuiser la liste de ceux que nous aurions à revoir.
Le pédagogue chaleureux met en valeur ses confrères : du chef opérateur au compositeur de musique. 
Il finit de me guérir de mes conformismes de jeunesse qui excluaient tant de plaisirs.
Il réconcilie Godard et Gabin, Sautet et Eddie Constantine.
Il reprend les mots de Gabin :
« Renoir, comme metteur en scène : un génie. Comme homme : une pute ». 
Il nous livre quelques informations intéressantes.
Quel aurait été le sort de « Pierrot le fou » si Aragon qui avait été hébergé par le père de Tavernier n’avait vu le film invité par le futur réalisateur de l’Horloger de Saint Paul, alors attaché de presse, et n’en avait livré quatre pages très favorables dans Les lettres françaises ?
Trois heures trop courtes.

dimanche 16 octobre 2016

Tordre. Rachid Ouramdane.

Quand le programme annonce :
« Rachid Ouramdane sonde l’endroit ténu où le mouvement oscille entre poétique et thérapeutique » : faut voir.
C’est toute la difficulté de partager qui se mesure au moment d’écrire à propos de ce spectacle dans la salle René Rizzardo en l’honneur d’un adjoint à la culture de la ville de Grenoble quand il y avait une ambition dans ce domaine. Cette salle de la MC 2, plus petite avec ses gradins, se prête mieux pour moi, aux émotions que la plus grande.
Cette heure pour deux danseuses s’ouvre par des musiques genre Broadway qui s’enrayent et se clôt par des danses enjouées mais furtives du même genre.
Entre temps la rondelette lituanienne nous hypnotise par ses tourbillons interminables où sous les projecteurs ses bras forment un cercle parfait comme un cerceau qui n’en finirait pas de s’enrouler autour d’un plot.
Et l’anglaise avec sa prothèse de bras nous brasse en solo et en duo, nous tord.
Nous avons entendu aussi la voix de Nina Simone. 
J’avais bien aimé les grands ensembles du chorégraphe
Cette fois Lora Juodkaite et  Annie Hanauer sont seules, et vont au bout d’elles mêmes, se croisent, se soutiennent un peu.
Si les références aux derviches tourneurs
vont de soi, au-delà,  nous approchons, sans violence mais avec intensité, l’intimité  de ses deux artistes pour qui la danse est un constituant vital.
La distance des intentions et des actes a été résolue. 

samedi 15 octobre 2016

Paroles d’ex. L’Equipe.

Au moment où je résilie mon abonnement Canal + dont je ne profitais plus guère avec des matchs du dimanche soir de peu de saveur, je viens de me plonger avec délices dans les 40 pages hors série de l’Equipe qui donne la parole à quelques acteurs passés de la Ligue 1.  
En première page, figure celui qui fut un produit d’appel pour moi : Raymond Kopa, sa raie sur le côté et quelques phalanges en moins du temps où il était galibot, et où j’étais enfant.
Les  témoignages d’actuels consultants sont nombreux : Dugarry, Paga, Bravo…
quelques illustres pas forcément pour leur talent : Domenech,
et des sans grade : Thomas, Sicora, Meyrieu, Boli le frère de Baz, Genghini…
Hiard  le gardien de Rennes raconte comment il ressembla à un Picasso après être sorti dans les pieds d’un attaquant : quatre dents en moins et une pommette à refaire.
Pardo vit avec un cœur transplanté et si Giully donne dans l’événementiel haut de gamme, Bibard est heureux de s’occuper d’amateurs.
Des joueurs magiques du FC Nantes ont la parole : Loko, Pedros,
des hauts en couleurs : Govou, Porato, Alonzo
et des sages : Eric Roy, Vincent Guérin , Pascal Despeyroux.
Beaucoup regrettent la domination sans suspens du PSG, tout en reconnaissant la valeur d’un Veratti.  Si tous ont admiré Platini, bien de ceux qui ont croisé Carlos Moser l’ont trouvé le plus rude et Ivic l’entraîneur le plus énigmatique
Quelques anecdotes sont savoureuses : l’arbitre Michel Vautrot écrivant dans son rapport
«  La commission de discipline tranchera » après que Gilbert Gress, lui eut dit :
«  S’il y a hors–jeu là, je me les coupe. »