jeudi 30 mai 2013

Au musée du quai Branly jusqu’au 14 juillet 2013.



Dans l’exposition Philippines, archipel des échanges, nous sommes accueillis par des statuettes puissantes aux formes élémentaires qui protégeaient les récoltes de riz.
Nous pouvons admirer, sans être submergés, de beaux tissus, des habits superbes, des instruments de musique inédits, des boites précieuses, des poteries curieuses, des bijoux originaux…
Ces objets ne sont pas seulement magnifiques, ils portent la mémoire d’une civilisation. Les boites contenaient du bétel destiné à « restaurer le cœur », les jarres recueillaient les restes des défunts, certains de ceux-ci au visage recouvert d’or seraient ainsi bien reçus par les ancêtres et ils pourront intervenir dans les affaires des vivants.
Des photographies, prises durant plusieurs années sur l’île de Palawan, de cueilleurs et chasseurs vivant dans un habitat troglodyte nous transportent dans les temps premiers.
L’exposition consacrée aux cheveux semblait plus légère avec le portrait de Delon et Bardot : le brun et la blonde, qu’ils étaient beaux !
Une sculpture représentant Marie Madeleine vêtue de ses seuls cheveux datant du XIV° est d’une harmonie novatrice qui étonne encore.
Des bustes du XVII° présentés de dos pour mettre en valeur la diversité des coiffures est une idée excellente d‘autant plus que les marbres blancs font face à des bronzes sombres représentant des visages alors inédits sous nos latitudes.
La diversité des coupes est réjouissante et les mèches conservées émouvantes comme sont singuliers les rituels initiatiques lors d’une ordination par exemple.
Les femmes tondues à la libération me glacent à chaque fois.
Les cheveux, matière imputrescible, sont utilisés dans des parures frisant l’éternité, dans des ornements qui permettent le lien avec les ancêtres. C’était le rôle des scalps où résidait la force de l’ennemi et des têtes réduites d’adversaires ou de compagnons morts au combat qui comptent autant de cordelettes sortant de la bouche que de têtes qu’ils ont eux même coupées.
Ce face à face avec la mort nous effraie, et je ne sais si j’emmènerai des enfants à cette exposition  indispensable par ailleurs, même si un livret d’accompagnement pour les 7-12 ans est très bien fait et vaut aussi pour des plus grands.

mercredi 29 mai 2013

Galeries parisiennes.



A la recherche des gisants de Jan Favre qui n’y étaient déjà plus à la galerie Templon  dans le quartier Beaubourg nous avons jeté un coup d’œil à Ivan Navarro artiste conceptuel chilien qui affiche des phrases écrites avec des tubes de néons se reflétant sur des miroirs: « Présence amère », « Ils n’arrivent pas à temps » dans une exposition qui s’intitule « Where is the Next War ». 
« Son travail s’approprie les icônes du modernisme en dénonçant le risque d’un formalisme vidé de tout engagement ».
Nous n‘insistons pas, ayant évoqué Pariscope, nous avions signé notre condition de provinciaux hors du coup débarquant dans la belle galerie en fond de cour.
Par contre à côté nous sommes très bien reçus à l’Estace, qui présente l’anglais Stephen Peirce dont le galeriste  prend le temps de nous vanter les mérites de toiles organiques, ambigües, intrigantes aux aspects photographiques.
Et Pablo Parès qui se trouvait à être cette fois dans sa boutique de la rue Quincampoix, que nous avions repérée il y a deux ans, nous récompensait de notre fidélité en nous offrant un beau moment de rencontre qui fait la magie de Paris.
Il se nomme « empailleur de bulles »et s’il offre désormais un site internet intéressant  avec des animations
 http://www.pablo-pares.com/Pablo_Pares/pablo_pares.html
c’est qu’il s’est consacré depuis des années à des installations poétiques fragiles et séduisantes, « modestes et géniales » comme dit  Daniel Mermet un de ses voisins qui passe le voir de temps en temps.
En outre le concept des galeries Carré d’artistes dans le quartier Saint Germain (existe aussi à Lyon) nous a semblé intéressant dans un dispositif qui n’est pas intimidant, en mettant en valeur des œuvres originales à des prix abordables.
La formule existe aussi pour les photographies avec Lumas installé aussi dans le quartier du Marais qui propose des éditions à tirages plus importants qu’en galerie traditionnelles, plus chers que le poster de vos Che années, mais à  des prix convenables pour notre séquence désormais bobo.

mardi 28 mai 2013

Le piano rouge. André Leblanc. Barroux.



Pour Amnesty International, l’histoire vraie d’une pianiste chinoise envoyée enfant dans un camp de rééducation est retracée avec de beaux dessins à l’encre.
Il s’agit plus d’un album illustré pour la jeunesse que d’une bande dessinée.
La petite « collecte le compost humain dans les fosses d’aisance, la transporte dans les champs pour engraisser les sols ». Elle quittera un de ces camps, qui en 2013 doivent fermer parait-il, au bout de sept ans, avec ses partitions recopiées qui lui ont permis de jouer en cachette avant que les gardiens ne la désignent à l’insulte publique avec celle qui l’hébergeait le temps de quelques mesures de Bach.
Cette opposition entre la musique qui élève et la barbarie la plus bête et méchante me semble tellement élémentaire qu’elle parait symétrique des ouvrages de propagande des années 70 qui sanctifiaient le travail manuel et la classe paysanne face aux mandarins.
Le froid, la faim, la saleté étaient le lot de tous, l’humiliation en plus; les intellectuels y ont été contraints, la musique a permis à une petite fille de s’évader, furtivement.

lundi 27 mai 2013

Cannes cinéphile 2013.



Alors que les amours torrides ont, parait-il, caractérisé ce cru festivalier 2013, dans les 13 films que j’ai pu voir : pas un poil.
Alors depuis ces antipodes, je me contenterai d’un incertain regard, avant d’être plus précis chaque lundi sur ce blog au moment de la sortie de quelques uns de ces films en salle.
L’auto portrait, bien qu’un peu complaisant, de Marcel Ophuls, Un voyageur, constituait une introduction parfaite à notre petite semaine de cinéma intensif puisque la vie de l’auteur du Chagrin et la pitié, l’héritier de Max, se confond avec l’histoire du cinéma.
Nous commençons notre voyage annuel en cinéma par Singapour avec Ilo Ilo où la violence économique, sociale, familiale ressemble à celle de chez nous.
A la porte de l’Europe, en Grèce, L’escale est bien peu confortable pour les iraniens dans l’attente d’un  nouveau départ vers d’autres pays.
Et dans Paris, les clochards, Au bord du monde, soulignent la folie de notre humanité déséquilibrée.
Lors de la mort d’un enfant, au Japon dans Wara no tate (le bouclier de paille) ou en Russie avec The major, la société déchaine une violence inouïe, que ce soit  lors de carambolages spectaculaires dans un pays apparemment lisse ou sur les routes recouvertes de neige sale d’une société défaite.
Une communauté au Canada peut être tout aussi implacable envers un jeune gothique, innocent, Black bird.
En Australie, un enfant en errance, lui aussi, revient vers des racines traditionnelles du bush dans Satellite boy.
Et au Tchad,  par une suite d’évènements heureux, Grisgris le danseur handicapé et Mimi la prostituée se réfugient au village,également.
La solution d’un retour vers les années 60, au temps de oppositions simplistes autour d’un ring de catch, dans Nos héros sont morts ce soir, n’est pas forcément convaincante.
Gilles Perret avec Les jours heureux revient sur les avancées du Conseil national de la résistance quand Hessel et Aubrac s’exprimaient avec force.
Libé a beau caractériser Le démantèlement d’ « épouvantable géronto drame canadien », j’ai  été ému par  l’histoire d’un éleveur de moutons qui a décidé de vendre sa ferme.
Lors d’une première rencontre avec le cinéma indonésien dont j’ai apprécié les histoires emboitées dans Recto verso, j’ai enrichi ma vision d’un pays qui m’était inconnu où certaines familles vivent comme dans les banlieues américaines du Nord.
Une jolie fille roule en bicyclette avec son panier d’osier, elle aurait pu nous reposer de cadavres qui se sont accumulés pendant toutes ces heures dans des salles aussi obscures que dehors, mais la mignonne, la nuit venue, cauchemarde.

dimanche 26 mai 2013

Carnages. François Cervantes.



Chaque minute de chaque jour, nous sommes conviés à rire : bouffées d’ironie, vacheries enragées, dérision et sarcasme.
Les clowns de Cervantes seraient-ils les seuls qui ne jouent pas dans ce registre ? Ils ne manquent pas de gaieté mais leurs courses affolées, leurs pas suspendus, leur optimisme forcené dans la nature humaine renvoie davantage à une sourde tragédie qu’à la franche rigolade.
Ma voisine avait choisi de rire à la moindre question :
« Comment tu t’appelles ? ».
C’est vrai que chaque geste, chaque mot, judicieusement mis en lumière peut rappeler l’absurde de notre condition. Cette limite subtile est déterminante quant à la nature de notre regard sur le monde où la part d’humour est indispensable à notre survie.
Eternels petits enfants depuis les gestes premiers, les clowns aux bouches démesurées, aux yeux soulignés, se bousculent, se cherchent, se découvrent, s’affolent, sont tyrannisés par les objets, mais ils gagneront le paradis des âmes simples.   
Le mot poésie peut être convoqué évidemment, mais sûrement pas les rires enregistrés ; nous sommes face à nous-mêmes avec nos bavardages et notre mélancolie.
Un spectacle élémentaire : « plus nous avons besoin de nous rassembler, plus il nous faut aller profondément dans notre solitude. »

samedi 25 mai 2013

Romanzo criminale. Giancarlo De Cataldo.



Une fresque de 730 pages pour décrire comment Le Libanais, Le Froid, le Dandy prennent le contrôle de la ville de Rome et pas seulement du marché de la drogue. Je connais mal les livres noirs mais celui-ci est vraiment efficace et les cadavres qui s’accumulent sont extrêmement parlants à propos d’une époque où la police voulait s’intéresser surtout aux brigades rouges et fermait les yeux sur le terrorisme noir, la corruption des politiciens, des avocats...
 « Dans sa poitrine, un feu le dévorait. Il essaya de s’appuyer sur ses coudes. Le deuxième coup le cloua à jamais, sans même lui donner le temps de formuler une ultime pensée. »  
Rythme d’enfer, dialogues acérés, retournements d’alliance d’après le destin de la bande de la Magliana qui a réellement existé et a sévi 22 ans au pays de Berlu.
Porte plus loin qu’un révolver :
« Vous avez la chance de vivre avec les derniers hommes véritables. Des hommes qui ont des passions et une identité. Mais tout cela aura hélas une vie brève ! L’aujourd’hui meurt et demain sera le domaine exclusif des banquiers et des technocrates. Ah, et naturellement de ces jeunes sous-crétins de la Télévision ! »
L’écrivain alerte est juge dans la vraie vie, il connait son affaire, il peut se permettre de mettre en scène une pléthore de personnages caractérisés par leur surnoms :
Œil fier, le Rat, le Buffle, le Noir, le Sec, hormis X et Z des services secrets.
A l’enterrement ultime toute la pègre est rassemblée et il faut plus d’une page pour nommer ceux qui écoutent l’homélie de Don Dante :
«… Petit Baveux, Friture, Pue-de-la- gueule, Couilles Sèches, Gianni-la-vache et tant d’autres... »
Il y a même un « Trente Deniers » qui accentue la connotation mythologique de cette odyssée. Je n’ai pas recouvert ces inhumains d’un visage tel que le film qui en est tiré peut le permettre. Je ne suis d’ailleurs pas très pressé de le voir tout en étant curieux de vérifier comment le cinéaste a adapté le roman.

vendredi 24 mai 2013

Tigre & dragon. Ang Lee.



Fantastique et Kung Fu, l’addition de deux genres qui ne me sont guère familiers ne m’a pas permis d’entrer dans la confrérie très fournie des enthousiastes de ce film de 2010.
Les combats sont des chorégraphies et quand nous voyons les stigmates d’un combat, ils sont grotesques pour bien souligner qu’il ne s’agit que d’un divertissement où la pesanteur est abolie. Les poursuites sur les toits défient la gravité et les combats se déroulent  jusqu’au sommet d’une forêt de bambous.  
Il est question de transmission, de la fougue de la jeunesse, de renoncement.
Le désert a ses charmes et les intérieurs de la chine ancienne laissent filtrer de belles lumières, les mœurs et les sentiments sont exotiques. Mais quand une protagoniste est nommée d’emblée « Jade la Hyène » et restera sous ce masque, cela n’entre pas dans le nuancier pastel que je préfère. Les épées magiques ne me transpercent guère, quelques ambigüités et des dilemmes plus travaillés m’auraient plus séduit.