vendredi 1 février 2013

Rythmes scolaires. « C'est au bout de la vieille corde qu'on tisse la nouvelle. »



Faut-il que la profession de professeur soit devenue si dévalorisée pour que reviennent sans cesses,  les problèmes de rémunération ? Il fut un temps qu’enseigner la numération nous dispensait de  passer notre temps à compter nos paies : marchandisation des actes.
« Corporatiste » : l’expression revient dans le débat public concernant surtout les instits parisiens qui ont des conditions particulières. Signe des temps froids pour un syndicalisme qui ne porte guère sur ce coup de  flamboyant projet mais galope après des intérêts bien particuliers. L’émancipation des individus était sur les bannières de gauche au XVIII° et XIX° siècle, l’individualisme est un des marqueurs de la droitisation présente de la société. L’UMP vient courtiser FO.
La mauvaise foi  devient un élément de la dialectique, quand tous  semblent s’accorder à trouver que quatre jours de classe ce n’est bon pour personne, avant d’ajouter un « mais » fatal.
Revenir simplement à quatre jours et demi avec le mercredi à la place du samedi ne mettrait pas les collectivités locales sur les dents, et tarirait les récriminations concernant les frais de garde des enfants… de profs.
Trois quarts d’heure de classe de moins par jour, avec les déplacements supplémentaires,  ne diminuera pas la fatigue et vous aurez le temps de faire quoi ? Tranquillement.
Le surmenage des enfants ne tient pas qu’à l’école, cette pauvre bourrique chargée de tous les remèdes et de tous les maux.
La réduction du temps de sommeil de toute une société est préoccupante, qui fait marcher les plus petits à son allure folle à laquelle s’ajoute la farandole des activités qui n’a pas attendu quelque réforme pour s’emballer.
On ne clique pas seulement sur les souris, les  zapettes, on n’effleure pas que les tablettes, on consomme à toute blinde. Les applications se bousculent sous les vitres, mais sait on s’appliquer encore, s’impliquer ?
Petite séquence à l’imparfait, un temps fini.
Avec une semaine plus étalée, les journées pouvaient être plus apaisées. Nous nous permettions de rentrer doucement dans chaque journée : entretiens, présentations, poésies. Nous n’avions pas l’évaluation au bout de chaque parole et ce n’était pas la couleur de l’encre qui pouvait traumatiser si ce qui était dit était bienveillant mais franc, la confiance était de mise.
Et cette poésie : un temps pour laisser infuser les mots était nécessaire à la maison, va-t-on interdire encore une fois, ce qui avait résisté à des décennies de circulaires, de prendre du temps pour revoir, pour apprendre, tranquille ? Les devoirs.
Quand on réalisait un film d’animation que de travail ! La pate à modeler qui prenait vie s’inscrivait dans la cohérence des apprentissages,  ce n’était pas une activité !
Et on pouvait avoir la fraction distractive et l’expression écrite ludique. 27 h, c’était vraiment pas le bagne,  il y avait du stress qui va avec toute dynamique et du plaisir.
A présent.
Peillon : je suis complètement d’accord sur la priorité aux petits en maternelle, pour le reste j’entends les mots qu’il s’écoute prononcer, il est bien content, mais je ne le crois guère.
Il répare le Chatel, quant à la refondation,  « ainsi font font », elle fond comme banquise. 
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Dans le Canard de cette semaine:
 

jeudi 31 janvier 2013

Raphaël, un génie de la Renaissance. C. De Buzon.



Les anciens n’avaient pas la critique forcément délicate : au XIX° siècle, les « pré-raphaéliques » anglais qui vinrent bien après la renaissance, sous un tableau de Raphaël, invitaient à « cracher ici ».
Né un Vendredi Saint à Urbino, le fils de Giovanni Santi, atteint ses 17 ans en 1500.
Il va apprendre dans le plus grand atelier d’Italie, chez Le Pérugin à Pérouse.
Il en retiendra les mises en place habiles de la profondeur et assouplira plus tard les compositions organisées  invariablement autour d’un axe médian.
Les tonalités chantent haut et clair. Les mains élégantes des madones effleurent le corps de l’enfant comme un instrument de musique.
Le paysage où des architectures se reflètent devient un protagoniste, même lorsque la vierge est au premier plan avec l’enfant joufflu.
Son expérience à Florence est passionnante avec rien moins que Léonard de Vinci comme maître des sfumatos et de la composition en triangle. Il obtient ses premières commandes.
Son « chevalier rêve » est partagé entre méditation et action, entre la fleur  et l’épée.
Les « trois grâces » tout en courbes représentent les trois corps de Vénus : la terrestre, la céleste, la souterraine nous a-t- on dit, alors qu’ailleurs on y voit l’allégresse, l’abondance et  la splendeur. Elles sont splendides.
Les portraits se multiplient : « La Madone du Belvédère », «  la Madone au chardonneret », « la Madone au grand duc » sur fond noir, « la Belle jardinière » nous sont familières, elles respirent le calme.
La mélancolique « dame à la licorne » devait être vierge pour apprivoiser l’animal.
Bramante, son ami architecte, l’entraine à Rome chez le pape Jules II, et il travaillera aussi  pour son successeur Léon X.
Dans la salle dite de la signature, devaient figurer : le Bien, le Beau, le Vrai.
Au cœur du lieu saint, la ferveur religieuse s’ouvre sur la culture antique.
Quelle audace  avec tous ces corps !
Aristote et Platon et toute l’école d’Athènes sont en discussion, « le Who’s who du ciel et de la terre », selon les mots de la conférencière aux amis du musée, est représenté : Diogène, Michel Ange, Dante, Virgile et lui-même…
Raphaël n‘est pas que le peintre de la limpidité. Exploitant habilement les contraintes de l’architecture au dessus d’une porte au Vatican, sa fresque nocturne réalisée avec Romano son meilleur suiveur, où « Saint Pierre est délivré par un ange », joue sur les éclairages, magnifiquement.
La forme ronde  du tableau de « la vierge à la chaise » souligne la tendresse d’un moment intime où Jean Baptiste le cousin est encore dans les parages.
« La vierge de la Sixtine » apparaît d’une façon théâtrale entre St Sixte et St Barbe, les petits anges sont décontractés et paraissent même s’ennuyer doucement ; ils vont bien mériter de figurer pour l’éternité sur des boites de chocolat.
Catherine de Buzon nous donne envie de faire un tour à la villa Farnesina où l’amoureux de la belle Fornarina (« la boulangère ») exécuta quelques fresques généreuses.
Il devait l’aimer sa douce ; en  Donna velata,  dans ses riches habits, elle est vraiment pleine de grâce.
Il meurt à 37 ans, un Vendredi Saint. Elle rentre au couvent et meurt peu après.
Son dernier tableau partage les commentateurs : là, j’ai lu que « La transfiguration » était son chef d’œuvre absolu,
Ici, la coupure parait trop radicale entre le monde où souffle le vent divin et celui chaotique, affolé des mortels impuissants face au démon. Début du maniérisme.
« Qui est-ce qui a vu Dieu ? C’est Raphaël, c'est le Guide ».  Diderot. 

mercredi 30 janvier 2013

Misia au musée Bonnard du Cannet.



Un musée consacré au peintre qui passa par le Grand Lemps ( prononcer « leins » : c’est un indice qui montre que vous êtes dauphinois) vient de s’ouvrir au Cannet.
Nous voyons des carnets de l’impressionniste/nabis, de ses gravures, des statuettes, nous apprécions quelques  paysages mais j’ai été un peu en manque de scènes de salle de bains emblématiques du maître.
Si l’abondance qu’on peut attendre dans un musée consacré à un seul artiste comme les musées Cocteau ou Léger à proximité, n’est pas au rendez-vous, l’exposition temporaire consacrée à Misia dite « Reine de Paris » est une découverte intéressante.
Trois fois mariée, la pianiste posa pour Bonnard, inspira Valloton, Vuillard, et en fit damner quelques autres.
C’est la « Belle époque », celle de la « Revue blanche » (Mallarmé, Gide, Blum…)
Coco Chanel la surnomma "Madame Verdurinska" reprenant une partie de Godebska son nom de jeune fille, et celui de madame Verdurin dont le salon mondain décrit par Proust est célèbre. Celle-ci l’accompagna  dans ses derniers instants, et la jugea comme une femme de génie qui  ne fit pas que poser. Elle eut de l’influence dans le monde des arts et lettres.
Sur son yacht,  se croisèrent Debussy et Ravel, Stravinsky… Nous nous promenons dans cette période d’avant guerre dont l’inventivité nous étonne encore cent ans après.

mardi 29 janvier 2013

L’hôte. Jacques Ferrandez.



Je viens de vérifier, je n’avais jamais parlé dans ce blog de Ferrandez, auteur majeur, qui avec ses 10 volumes de « Carnets d’Orient », croise des histoires individuelles pour retracer la présence française en Algérie dans des tons d’aquarelle qui vont aussi très bien à ses chroniques provençales.
Il était fait pour illustrer une brève nouvelle de Camus parue dans « L’exil et le royaume ».
Ce n’est pas l’Algérie des bords de mers mais celle des hauts plateaux dans le froid et la misère où un instituteur apprend à des élèves les fleuves de France.
Un gendarme arrive dans  la maison d’école isolée, accompagné d’un prisonnier que le jeune instit devra conduire au bourg prochain par les sentiers pierreux.
Les dilemmes, concernant le libre arbitre, la loyauté et les malentendus, sont aussi évidents que les pierres. La dignité, la pauvreté, la sobriété sont rendus admirablement avec une palette offrant aux paysages minéraux une beauté qui détache du temps et nous aide à nous interroger sur les chemins à prendre pour l’homme à la fois si fragile et si têtu.

lundi 28 janvier 2013

Inception. Christopher Nolan.



Pas très porté sur les films US, ni sur la science fiction, je m’applique.
Pour entreprendre  mon éducation, il faut rien moins que Di Caprio et Cotillard  à l’affiche d’un film culte de 2010 pour passer les deux heures et demie agréablement.
« Inception » signifie « origine »
Si j’ai failli décrocher au début sous les coups de pistolets incessants, je suis entré progressivement dans ce thriller onirique.
Le défi de persuader l’héritier d’un riche industriel de démanteler l’entreprise familiale n’est pas dans mes préoccupations prioritaires, mais la manipulation pour y arriver est bien ficelée.
L’architecture des rêves où interviennent plusieurs protagonistes pas toujours maîtres de leur inconscient est étourdissante et les décors magnifiques, les effets spéciaux réussis.
Nous naviguons dans quatre niveaux mentaux, avec force labyrinthes, distorsion du temps, retour vers le passé, jeux de miroirs, apesanteur, humidité et explosions à volonté.
Où est la réalité ? Le cinéma est bien une usine à rêves.
La violence, mêlée à une complexité certaine, font paraître les épisodes romantiques encore plus nunuches, surtout au moment de la conclusion qui n’échappe pas aux habitudes hollywoodiennes. 

dimanche 27 janvier 2013

Lendemains de fêtes. Julie Berès.



On n’en a pas fini des œuvres sur la vieillesse avec le vieillissement de la population et spécialement des publics du théâtre. Alors que Haneke dans « Amour » au cinéma a choisi l' huis clôt, l’enfermement,  la jeune auteure a privilégié au théâtre, le rêve, le voyage permis par les trous de mémoire.
Une structure molle au centre de la scène permet, sous un aspect de pierre, toutes les inventions, les dérobades de la réalité, d’autant plus qu’un trampoline y est caché dedans qui favorise les rebonds, les envolées.
Nous portons moins notre attention au texte qu’aux corps qui grimpent élégamment aux murs, qui volent lentement, magnifiquement éclairés quand ils se roulent, se confondent  avec les chairs encore belles de deux personnages âgés mis à nus.
Le passé n’est plus présent que par bribes, le puzzle s’éparpille, la tendresse  vient ajouter de la poésie aux images où les artistes de cirque impriment leur rythme tantôt ralenti, planant, tantôt enjoué, voire optimiste.  Une chorale apporte la puissance de la musique vivante sur le plateau surtout qu’il y a du Purcell, du Pergolèse, du Schubert…

samedi 26 janvier 2013

Mélancolie ouvrière. Michelle Perrot.


© numemoris.fr
Le livre retraçant la vie de Lucie Baud ouvrière en soierie à Vizille ouvre une nouvelle collection  « Héroïnes » dirigée par Caroline Fourest et Fiammetta Venner chez Grasset.
L’historienne Michelle Perrot ne se contente pas de remercier au détour d’une dédicace ceux qui l’ont aidée  pour ce travail, elle les met en scène dans un ouvrage bref mais passionnant ; ainsi Gérard Mingat  ancien instit’ à Notre Dame de Mésage qui a travaillé sur l’histoire de la région.
Née en 1870, Lucie Baud devenue veuve d’un garde champêtre de Vizille, mène la grève chez Duplan en 1902. En 1906, elle participe à Voiron à un 1°mai historique. Elle tente de se suicider en septembre de la même année. Elle meurt en 1913 à Fures, où elle est enterrée.
Mais bien des éléments de son existence sont incertains : depuis une photographie pour laquelle l’historienne fait part de ses doutes jusqu’à un texte qu’elle avait signé dans « Le mouvement socialiste », est ce bien elle qui l’a rédigé ?
Dans ce texte, Lucie dit rarement « je », au début et à la fin. Elle use du « nous », gommant son action propre, sur laquelle la presse voire la police qui l’a à l’œil, nous informe bien davantage. Sans doute pensait-elle obscurément comme Jaromil, le jeune poète de Kundera, qu’on ne peut être totalement soi même qu’à partir du moment où l’on est totalement parmi les autres »
Le récit du livre en train de se construire, avec des rencontres, des hésitations, n’est pas seulement original et honnête, il nous captive car nous ne sommes pas prisonniers d’anecdotes. Nous participons à une recherche où le contexte est rappelé dans une écriture chaleureuse qui nous relie à ce début d’un autre siècle.  
L’éclairage féministe n’est pas un effet de style, il est indispensable pour saisir ce que ce destin avait d’exceptionnel. Les préoccupations de l’auteure à parler du devenir des enfants, de leur fragilité, ses questions concernant leur garde, les moyens de leur subsistance sont rarement abordés dans ces ouvrages où les héros maniant les idées générales apparaissent peu derrière les fourneaux. La solidarité ouvrière, la fièvre des luttes primordiales peut éveiller des nostalgies, mais  ne sont éludés ni le machisme régnant chez des leaders syndicaux, ni le racisme à l’égard des italiennes qui vivaient dans des conditions inhumaines dans les dortoirs de chez Permezel à la Patinière. Les réseaux religieux pourvoyaient en main d’œuvre doublement asservie : femmes et étrangères. L’une d’entre elles, morte de tuberculose pendant les grèves, se nourrissait de pain trempé dans du vinaigre