jeudi 22 novembre 2012

Dali.



Salvador Dali, né en 1901, est mort en 1903.
Le très célèbre peintre surréaliste, Salvador Dali, fils de Salvador Dali, naquit en 1904.
Il porta toute sa vie le fantôme de son frère mort.
Du temps de sa jeunesse madrilène, il fut l’ami de Buñuel et de Garcia Lorca.
A Paris, il connut Miro et Picasso. Il fut  alors anarchiste et déjà excentrique.
En 1924, il invita à Cadaquès, Magritte, Eluard et sa femme Gala qu’il mariera à son tour.
Elle sera sa muse, sa mère de substitution et son agent.
Christian Loubet dont le titre  de la conférence était « Dali, délires : la peinture contre la paranoïa ? » a mis en évidence cette influence devant Les amis du musée de Grenoble.
L’ambiance méditerranéenne de paysages parfois calcinés, aux tons acides, des nombreux (1640) tableaux du Catalan, installe dans la lumière, les jeux les plus lugubres, les plus choquants, les plus vrais, les plus mensongers : « mentir vrai ».
« Le pervers polymorphe » peint avec une précision fascinante les obsessions les plus secrètes.
Les titres des tableaux sont tout un poème :
L'âne pourri- L'énigme du désir - Ma mère, ma mère, ma mère - Le grand masturbateur - Pain anthropomorphe - Buste de femme rétrospectif - L'Angélus architectonique de Millet - Construction molle avec haricots bouillis, également appelé (toujours le double  je jeu) : Prémonitions de la guerre civile…
Dans de nombreux autoportraits, le moi explose et se rétablit. Son Narcisse va sombrer dans son reflet mais ressuscite dans le travail d’une main.
Il n’y a pas que ses fameuses montres qui soient molles, les corps se déchiquètent, sont visqueux au bord de la liquéfaction ; ces images foisonnantes  sont à mettre en face de sa volonté de puissance, avec la représentation de sexes dressés symboliques ou réalistes.
Sa peinture littéraire enchaine les mots, renvoie au-delà du rêve, se projette dans une relation impossible ou l’intention est vouée à l’échec.
Il aime troubler les sens avec ses images doubles voire triples. Une image peut en cacher d’autres : Voltaire et les religieuses  dans un tableau intitulé Le marché aux esclaves.
Vedette du mouvement surréaliste, il se fâcha avec André Breton qui  a trouvé le  bon mot « Avida Dollars », anagramme de Salvador Dali. Il avait peint un Lénine mou de la fesse dans L'Énigme de Guillaume Tell.
Il se fit sculpteur,  réalisa des bijoux, s’intéressa à la photographie, travailla pour la mode, participa à des projets de théâtre, d’architecture et pas seulement dans le musée où il sera enterré en 1989.
L’œuvre est  colossale.
En Amérique, il travailla avec Disney et Hitchcock, il fut reçu par le pape, rencontra Freud et loua Franco. Il est devenu monarchiste et toujours parano, mégalo, rigolo. 
Vénérant ses maîtres Raphaël, Vélasquez jusqu’à la moustache, il s’intéressa à la physique atomique, rendit  célèbre la gare de Perpignan, se réclama de Meissonnier, fustigeant « les cocus de l’art abstrait ».
Son influence fut  déterminante : Pollock commençant là où il était arrivé ; le provocateur génial avait montré la voie : Warhol  aimant la mise en scène comme lui, ira aussi vers le commerce.
"A trois ans je voulais être cuisinière.
 A cinq ans Napoléon. 
Depuis, mon ambition n'a cessé de croître comme ma folie des grandeurs."
Salvador Dalí

mercredi 21 novembre 2012

L’Entre deux mers.



L’Entre deux mers est  une région située entre Garonne et Dordogne avant que les fleuves se rejoignent pour former l’estuaire de la Gironde, la région est couverte de vignes aux vins blancs réputés.
« Saumur, Entre-deux-mers, Beaujolais, Marsala,
Toute la fine fleur de la vigne était là
Pour offrir à l'ancêtre, en signe d'affection,
En guis' de viatique, une ultime libation.»
Brassens. L’ancêtre.
Nous avons loué un gîte à proximité de la belle bastide de Cadillac dominée par le  château des ducs d’Epernon. Avec des plafonds à la française et de belles cheminées, son architecture XVII° a des airs renaissance et annonce le style classique. L’ancien mignon d’Henri III fut encouragé par Henry IV à dépenser sa fortune dans ce colossal bâtiment loin de Paris, transformé en prison pour femmes puis  en centre d’éducation surveillée jusque dans les années 1950.
Le village comporte un établissement psychiatrique qui innove en matière de prise en charge des patients.  Quelques croix métalliques subsistent dans le « cimetière des oubliés »  qui recueillait les sépultures des "mutilés du cerveau" en particulier des anciens combattants de la  première guerre, et les aliénés morts de famine pendant la seconde guerre.
Sur le chemin de Compostelle, l’abbaye de Sauve-Majeure (Selva major, grande forêt)  mêlant roman et gothique est en ruines mais quelques ouvertures encadrent joliment le ciel ou la campagne environnante et des chapiteaux sculptés monumentaux ont gardé toute leur originalité.
La ferme- parc « Oh ! Légumes oubliés » à Sadirac élève des aurochs (voir Brassens encore) et offre à l’heure du goûter des quiches à l’ortie, des boissons au verjus, des confitures au sureau, des confits  de nèfles-oignons, des raisins sans pépin…Le jardin joliment entretenu est un conservatoire des légumes oubliés.
Le mois d’août est  avec septembre le meilleur moment pour assister au phénomène du Mascaret et Vayre sur la Dordogne est l’endroit le plus recherché des surfeurs qui accompagnent la marée montante formant des vagues impressionnantes quand elle est contrariée par le courant du fleuve. Au moment des marées d’équinoxe le mascaret se manifeste jusqu’à 200 km à l’intérieur des terres.
Nous sommes vraiment au cœur d’une civilisation du vin où pas un arpent de terre n’est laissé à d’autres culture que la vigne. Et lorsque nous irons visiter les lieux où vécurent les « trois M » : Mauriac, Montesquieu, Montaigne, chaque boutique  présente des bouteilles à côté des livres sans que cela soit artificiel, chacun des écrivains avait affaire avec les blancs et les rouges. Dans la maison du vin de Cadillac quand un vigneron nous parle de son travail, c’est tout un art qui est mis en valeur comme dans la boutique l’Oenolimit  à Bordeaux qui nous a bien conseillé  avec un cépage nommé verdot.

mardi 20 novembre 2012

Trois Allumettes. Chauvel Boivin.



BD policière, deux femmes en cavale, un inspecteur spectateur.
Le procédé narratif qui nous amène à reconstituer l’histoire convient bien à la description d’existences qui essayent d’échapper à de mornes trajectoires.
Le graphisme noir  et nerveux sans ostentation, genre Baudouin, ajoute à l’efficacité de la chronique à forte teneur sociale.
On a envie d’avancer rapidement et il convient de revenir apprécier le travail bien rythmé qui saisit  une certaine poésie dans des zones où elle n’est pas évidente.

lundi 19 novembre 2012

Broken. Rufus Norris.



Dans ce lotissement anglais, l’accumulation des malheurs, des fatalités, des méchancetés, des solitudes, arrive à faire perdre de la force à une exposition pessimiste des rapports dans une société qui esquinte ses enfants. Le présent est déprimant, le futur s’annonce encore plus difficile.
Pourtant certains portraits sont réussis et les relations entre un père et sa fille diabétique qui entre dans l’adolescence sont émouvants et justes.

dimanche 18 novembre 2012

Racheter la mort des gestes. Gallotta.



Le titre un peu énigmatique pour un spectacle limpide est extrait d’un article d’Hervé Guibert « Qui est le chorégraphe, sinon ce grand fada sacré que la société semble payer pour le rachat de la mort des gestes ? ».
Je  sais que je suis vieux : « mes copains s’appellent Jean-Claude ».
Notre plus grand grenoblois vibrant nous livre  en 25 tableaux la chronique du temps qui  a passé.
Et comme il a « de bons rapports avec les souvenirs » comme avec la fragilité ou les textes des autres, il nous livre un spectacle réjouissant, salutaire, poétique, politique, drôle, émouvant, inventif et reconnaissable.
En entendant un extrait plus complet du discours de Sarkozy sur l’africain sans histoire, avec la danse en premier plan, j’ai vraiment ressenti l’obscénité de ce discours de Dakar écrit par Guaino.
Les mots de Deleuze stimulent, ceux de Baschung remuent.
Un enfant danse avec un vieux monsieur, un homme et une femme en fauteuil, des anciens danseurs, des novices, des professionnels magnifiques.
J’ai tout aimé : Laurence d’Arabie, Les travaux d’Hercule, Calmat qui monte interminablement l’escalier qui mène à la vasque olympique en 68, le tramway qui passe en fond de scène, celle qui crie : « maman », les danses.

samedi 17 novembre 2012

Nous autres. Stéphane Audeguy.



« Il se répète qu’il est en Afrique, il sait bien qu’il n’existe rien qui soit vraiment l’Afrique, il sait bien que l’Afrique n’existe pas ... ».
Hé bien, ce roman vient contredire la réflexion du fils au sortir de la morgue où il vient de voir son père : l’écriture intense rend compte des contradictions du continent noir. Ses richesses, sa pauvreté, ses rapports intimes avec la nature et ses servilités.
Le fil narratif est documenté : nous assistons à la construction d’une ligne de chemin de fer avec tous les porteurs anonymes disparus, à l’installation de cultures horticoles.
Il y a des paléontologues,  un planteur d’acacias, une championne de marathon, des touristes, des prostituées ; le fils est photographe, le père était écrivain public.
Un fatalisme bien de là bas s’est emparé du récit qui se construit sur le choix de donner une sépulture conforme à l’empathie du père à l’égard des kenyans. Ce pays dont nous assistons , par des chapitres nerveux, à la construction, à l’indépendance, nous apparaît dans toute sa vigueur avec une présence des ancêtres qui donne une profondeur palpitante aux 250 pages. 
L’écriture est sèche et poétique, tragique mais se dispensant de toute psychologie.
Ce père sacrifiant son confort de blanc pour aider les plus déshérités s’est bien peu préoccupé de son fils durant sa vie.
« L'animal enroué ne peut plus braire. Il essaie cependant, la respiration qui soulève imperceptiblement ses côtes lui arrache chaque fois un braiment avorté, grotesque, et nous qui connaissons la mort autant qu'il est possible de la connaître, nous savons qu'il n'est pire chose au monde que cette mort sans langage, l'âne s'enfonce dans une nuit plus sombre que la plus sombre nuit …»

vendredi 16 novembre 2012

J’accuse… ! et autres grands articles. Patrick Eveno.



En visitant la maison de Mauriac à Malagar, j’ai découvert des engagements de l’écrivain journaliste du Figaro et de l’Express que j’ignorais. J’ai acheté là bas ce recueil où l’article retenu de l’auteur des blocs-notes n’est pas le plus fort, bien que ciselé, abordant la distinction journalisme/littérature.
Le générique rassemble écrivains, reporters, politiques : Condorcet, Sand, Sue, Vallès, Hugo, Leroux, Londres, Kessel, Cendrars, Saint Exupéry, Giroud, Beuve Mery, Pleynel…
Zola et son « j’accuse », dont le titre a été trouvé par Clémenceau, sert d’accroche aux 330 pages réunissant  58 articles de Théophraste Renaudot à Annick Cojean. 
Dans  le célèbre plaidoyer très précis en faveur de Dreyfus, les détails concernant les protagonistes s’étirent un peu, alors que le portrait de l’Iran en jeune femme de Marc Kravetz est vraiment original  et puissant.
Des thèmes datant des origines sont toujours d’actualité : indépendance de la presse, censure, les people, le peuple, les faits divers, « le manifeste des 121 », l’engagement, la pudeur... Monsieur Bertin dont on voit l’œil acéré dans un portrait d’Ingres écrivit « Les nouveaux barbares » qui ressemblent aux nôtres.
Hébert parle de l’exécution de Marie Antoinette comme la plus grande de toutes les joies.
Clémenceau  dans le Paris  du petit matin « au ciel ardoisé, moutonnant, d’une transparence blême » raconte la guillotine pour l’anarchiste Emile Henry : l’horreur blanche.
« L’un des valets du bourreau est son fils. On a soupé en famille, et puis on est parti bravement pour le travail, jetant un coup d’œil plein de caresses aux petits qui dorment, embrassant un la mère, l’autre sa femme ou sa fille, qui lui font des recommandations affectueuses, en crainte du froid de la nuit. »
…………..

Dans Politis.