lundi 30 mai 2011

I wish, I knew. Shang Hai Zhuan Qi

Une série d’interviews entrecoupées de plans mélancoliques à intentions poétiques de la ville colossale qu’est Shanghai. L’ambition du réalisateur de rendre justice à l’histoire n’est pas atteinte : les révolutions politiques, culturelles, l’exil de millions de personnes vers Hong Kong et Taïwan manquent pour moi, de souffle, d’émotion. Nous ne sommes pas bouleversés par ces bouleversements, même si la diversité des témoins ne contrarie pas une attention à leurs paroles dans la durée. Nous avons la possibilité d’entrevoir des façons originales d’envisager l’existence et le passé mais certaines approches nous paraissent encore étranges. Nous manquons de repères et des détails, des énumérations ne nous parlent pas, si l’on n’a pas une solide culture historique. A l’heure de caméras agitées, nous avons du mal à nous tenir tranquilles plus de deux heures.

dimanche 29 mai 2011

Causes perdues et musiques tropicales. Bernard lavilliers

- « Tu ne viendras plus tourner à la bastille
Le soir du grand soir avec ta famille
Coudes serrés pour bousculer le monde
Qu’est ce qui s’est passé
T’as perdu ta fronde »
- « Quand, quand la nuit tombe
Quand elle balance comme ça
Collée contre moi
Quand ses parfums sombres
Tournent autour de nous »
-« C'est le blues d'Angola
mineur et solitaire
qui nous vient de Luanda
c'est un chant de poussière. »

Le dernier Lavilliers c’est encore ça:
- de la politique avec de forts airs nostalgiques,
- les femmes qui chaloupent,
- les couteaux sous les tropiques pour de l’or et des diamants.
Notre Tintin de soixante ans a mis une veste sur ses épaules baraquées à l’occasion des victoires de la musique sur la télé à Pfimlin.
« Frapper à des portes en fer qui ne s’ouvrent pas
Parler à des gens trop fiers qui ne me voient pas
Plus rester, plus partir, plus rêver, en finir
Naufragé solitaire barbelés aux frontières »

"Causes perdues et musiques tropicales", c’est son 19e album, et je n’avais pas mis de mots sur ses années où il m’a accompagné, lui, pour qui j’ai collé des affiches quand il venait dans une petite salle de Grenoble seul avec sa guitare et un projecteur avant de passer par la Lorraine. Lui, qui m’a empêché d’arrêter mon sonotone à Braferbrel.
Avec son énergie, les parfums du monde qu’il ramenait, ses poses théâtrales quand il la ramenait.
Son dernier titre résume parfaitement son propos, même si je suis plus séduit par ses arrangements et le son de sa voix que renversé par ses paroles qui ont le charme des retrouvailles mais pas la verdeur de la nouveauté.

samedi 28 mai 2011

Le cercle des menteurs

Ce tome 2 des contes philosophiques du monde entier recueillis par Jean Claude Carrière contient 430 pages en format de poche qui se lisent très facilement.
Décrire tous les domaines de l’écrivain qui a été scénariste, dessinateur, parolier, metteur en scène, collaborateur des cinéastes les plus éminents tiendrait encore bien plus de pages. C’est un conteur, un passeur.
Pour faire partager à mon tour, mon plaisir de lire, j’extrais deux histoires de cet ouvrage, elles sont souvent anonymes, ici elles sont signées :
Samuel Beckett a écrit ce court dialogue :
Le client : Dieu a fait le monde en six jours, et vous, vous n'êtes pas foutu de me faire un pantalon en six mois.
Le tailleur : Mais, monsieur, regardez le monde, et regardez votre pantalon.

Charles Péguy a raconté l'histoire d'un homme qui se rend à pied à Chartres, au Moyen Age, et qui rencontre sur son chemin un homme exerçant le plus dur des métiers : casseur de pierres.
- Je vis comme un chien, lui dit l'homme. Exposé à la pluie, au vent, à la grêle, au soleil, je fais un travail pénible, et pour quelques sous. Ma vie est nulle. Elle ne mérite pas le nom de vie.
Un peu plus loin, le même homme rencontre un autre casseur de pierres, qui a une attitude toute différente.
- C'est un travail dur, lui dit-il, c'est vrai, mais au moins c'est un travail. Il me permet de nourrir ma femme et mes enfants. Et puis je suis au grand air, je vois passer du monde, je ne me plains pas. Il y a des situations pires que la mienne.
Enfin, un peu plus loin, l’homme rencontra un troisième casseur de pierres qui lui dit en le regardant dans les yeux :
- Moi, je bâtis une cathédrale.

vendredi 27 mai 2011

Toute une histoire.

Avec l’affaire DSK un bouleversement vient d’avoir lieu. Ah bon !
Cette défaillance privée nous a privé d’une Eminence.
Le cours de notre histoire collective est tellement chamboulé par cette histoire particulière,que j'en retombe dans mes antiennes concernant l’enseignement de l’Histoire.
Pagnol a beau dire : « Telle est la vie des hommes. Quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants », en conclusion à des récits ensoleillés, il ne faut pas laisser le story telling aux seuls communicants.
Sans aller jusqu’à mettre la main dans toutes les culottes du passé, je me suis toujours élevé contre la tendance à évacuer de l’enseignement les anecdotes, les passions, les caractères de ceux qui ont eu des postes décisifs, voire les légendes qui constituent la chair palpitante du réel et des rêves.
Pas plus qu’ « on ne tombe amoureux d’une courbe de croissance », il n’y a pas que des statistiques, des colonnes de chiffres dans la vie et à vouloir faire jouer les chercheurs aux élèves avant l’heure sans les intéresser auparavant, nous avons produit des cohortes de blasés se détournant des romans qui nous unissent, des contradictions publiques, des engagements civiques.
Je venais de lire dans le mensuel « Memo » que les légionnaires romains n’étaient pas ces hommes bien rasés que j’avais révisés chez Astérix mais des féroces qui se servaient des têtes coupées des ennemis comme projectiles pour leurs catapultes. Et on ne m’avait rien dit.
……
La photographie au dessus est prise à Saint Denis : Louis XII, sur son tombeau, a tombé la cuirasse. Le dessin au dessous est du « Canard Enchainé » de la semaine.

jeudi 26 mai 2011

Le Vaudou à la fondation Cartier.

Les parois de verre de Jean Nouvel, isolant le lieu d’exposition du boulevard Raspail, rappellent, en plus intime, le musée des arts premiers du même architecte. La collection d’objets vaudous de Jacques Kerchache, un des initiateurs du musée du quai Branly, y est présentée jusqu’au 25 septembre.
Malgré une projection documentée et vivante sur certains rites, le mystère de ces croyances demeure entier, et nous en apprécions l’aspect plastique parfaitement mis en valeur, avec en arrière plan, une vue sur des herbes folles surprenantes en plein quatorzième arrondissement.
De grandes statues élancées destinées à la protection nous accueillent devant des cases stylisées et dans une salle en sous sol nous déambulons parmi quarante huit statuettes toutes différentes à la charge sacrément forte. La pénombre en ce lieu convient bien au mystère des statuettes faites pour sortir surtout la nuit dont un éclairage ciblé révèle toute la complexité.
La communication entre le monde visible et celui des esprits est opérée par des figurines recouvertes de terre, d’huile, de mixtures secrètes, entourées de cordes enserrant des os, des cheveux, des coins.
Les liens enserrant ces objets maléfiques ou de protection visent à emprisonner,
les taquets de bois à aller au cœur des problèmes,
quant aux cauris ils marquent le désir, l’attente.
La simplicité de la présentation nous invite à chercher à aller plus loin dans la connaissance de cette religion qui compte des millions d’adeptes regroupés en sociétés secrètes principalement sur la « Côte des esclaves » en Afrique de l’ouest (Bénin, Togo, Nigéria…) et aux Caraïbes.
Les chamans mystérieux d’un culte où Vaudou signifie « messager de l’invisible », avec des rites sacrificiels parfois inquiétants, ne cessent de nous interroger au-delà du temps consacré à la visite.

mercredi 25 mai 2011

Touristes en chine 2007. # J 17. Le fleuve et la montagne.

Pas de pluie mais des nuages. Nous faisons route vers le nord.
Arrêt à Shizou proche du premier méandre du YanTsé Kiang. Peu de monde pour visiter le charmant pont suspendu en planches où passa l’armée rouge lors de la longue marche. Deux musiciens, jouant d’un instrument à cordes et d’une flûte, ajoutent un caractère nostalgique et tranquille au décor. Des paysannes traversent chargées de paniers sur le dos. Youizou, notre guide, nous laisse nous promener et se rassasie de gelée de lentilles.
Nous nous rendons aux gorges du saut du tigre sur le Yang-Tseu-Kiang ou Chang Jiang, Yangzi Jiang, le "fleuve bleu", c’est le plus long fleuve de Chine, 6300 km.La route que nous devions prendre s’avère bouchée par les cars de touristes, alors le chauffeur propose de passer par l’autre rive. La marche pour accéder à la gorge sera en terrain plat au lieu de s’effectuer par les marches. Nous prenons un repas devant un parking à l’entrée du site. Nous effectuons l’aller et le retour au pas de course, effrayés quelque peu par un bloc de rocher que nous voyons se détacher au-dessus du chemin et plonger dans les flots tumultueux, ainsi que par des surveillants postés tous les 100 m avec des mégaphones pour avertir le public des dangers. Mais l’aventure en vaut la peine, une statue de tigre indique le point spectaculaire.
Nous sommes face au fleuve de couleur brune, puissant, tonitruant, crachant ses embruns.
Il frappe la roche à l’endroit où un torrent de jade le rejoint. Dans la région de d’or est présent dans le sable. Le soleil déchire les nuages. On reprend la voiture : les paysages sont magnifiques, mais la pluie reprend sa place, parfois violente.
Nous tombons sur une « kermesse » de Yi noirs. Stop. Extraordinaires costumes chatoyants vert fluo, rouges et coiffes noires encombrantes en velours. Les habitants s’affairent à des jeux d’argent avec des dés, un marché aux vêtements étale ses couleurs. Un triste lion en cage, un chameau et un photographe rappellent les petits cirques de chez nous, autrefois. Nous nous noyons facilement dans la foule. Youizou nous met en garde contre les voleurs et nous rabat peu à peu vers la voiture. L’habitat change: des maisons rustiques en planches ou en rondins laissent place à des maisons plus cossues, plus grandes dont un des murs de torchis, percé de deux fenêtres colorées, penche. Aux alentours des cochons noirs circulent ainsi que des sortes de yack aux poils noirs à la queue fournie.Le terme de notre voyage d’aujourd’hui est Zhongdian (en chinois Shangrila) moderne et laborieuse avec de nombreux chantiers sous la pluie. A l’hôtel « Diqing sight seeing » nous attend notre guide anglophone qui nous accompagnera demain. Nous prenons nos quartiers et nous tentons une sortie après la pluie. Je m’achète une veste de pluie dans un des magasins d’équipements de montagne qui ne manquent pas dans la ville très européanisée. Le marché local est désert. Nous arpentons un peu la vieille ville mais la pluie nous chasse au « Tibet bar » recommandé par notre guide. L’adresse est bonne : 2 soupes, yack fried ou en kebab, champignons, riz frit. C’est bon. Le rhume poursuit ma compagne et peut être que nous allons devoir nous servir de la machine à oxygène de la chambre. Nous sommes à 3200m d’altitude.

mardi 24 mai 2011

George Sprott. Seth.

Cette bande dessinée des éditions Delcourt est un livre d’art non pas celui qui reste muet sur la table basse avec ses pages en papier couché, mais à offrir, à revoir, tant l’invention, l’élégance éclatent dans cet album somptueux.
La forme inspirée de l’art nouveau, une ligne claire avec des planches très fournies et des plans uniques apportent au récit une dimension universelle.
Pourtant la vie d’un présentateur de télévision locale, qui continue pendant des années à ressasser ses histoires de voyage dans le Grand nord, peut nous être indifférente, surtout que le personnage enfermé dans ses habitudes manque de dynamisme, de chaleur.
Ce qui est fort, c’est que nous pouvons nous sentir concerné par des questions qui se posent tout au long des 96 pages sur le sens de la vie : le temps, la mémoire, la mort. Les regards croisés des personnages secondaires permettent peu à peu avec humour et lucidité de faire connaissance avec George Sprott. Cet homme pathétique et attendrissant, a consolé des solitudes et usé des proches. Le récit en forme d'enquête est vibrant, poétique, honnête pour un personnage fictif dont les maquettes des théâtres de sa vie figurent dans cet ouvrage tout en aller-retour limpides.
On aimerait laisser un exemplaire du récit d’une vie tel que celui-ci, tout en nuances, en complexité, où le lecteur forme ses idées en toute liberté, un kaléidoscope où sous la légèreté se devine l’épaisseur.
La vie après la mort : « Peut être pourrons nous la revivre, mais cette fois en sachant clairement le sens de nos actes. »
L’enfer : « Ce que je disais sur le fait d’observer sa propre vie avec une grande clarté, c’est peut être ça l’enfer. »