samedi 15 janvier 2011

Fahrenheit 2010. Isabelle Desesquelle.

J’aurai dû me douter que l’évidence du titre ouvrirait sur un roman sans surprise.
Référence à la température, en degrés Fahrenheit, quand on en atteint 451, le papier s’enflamme (233°) : Bradbury en fit un livre, Truffaut un film.
Une directrice de librairie assiste à la marchandisation à outrance du réseau auquel elle appartient : le coupable, elle le surnomme « Blondinet » et un autre personnage « Beurk » n’est pas non plus un gentil.
Alors que ces 190 pages auraient pu convenir aux adeptes de la tribu lectrice en voie d’extinction en nous nourrissant de cette littérature, qu’elle dit vouloir défendre, elle l’assassine sous les clichés exténués. Elle dit aimer les livres mais pas ceux d’Harry Potter, bien sûr, et elle méprise tellement d’auteurs, Gavalda évidemment, qui elle respecte ses lecteurs.
Avec un style sans vigueur, elle ne nous épargne pas l’outrance de comparer les libraires aux
« malgré nous » alsaciens incorporés de force dans l’armée allemande, ni les jeux de mots calamiteux genre « fidèle castré ».
Ce n’est pas un essai politique sur l’économie du livre, ni un éclairage sur les évolutions de la société, ni une défense de la lecture, ni une fiction, ni un témoignage dont on pourrait partager l’émotion: creux et vide, de la chair à pilon !
Ironie du sort, je crois bien que c’est à Carrefour que j’en ai fait l’emplette.
Mes poireaux qui ont côtoyé cette œuvre d’Isabelle Desesquelle, étaient bien goûteux, en vinaigrette.

vendredi 14 janvier 2011

Internet crée-t-il vraiment du lien social ?

Bon débat au forum de Libération entre Benoit Thieulin qui contribua à la campagne sur le net de Ségolène et Serge Tisseron qui n’a pas émoussé sa pertinence en étant un habitué des plateaux télé, car nous sortons des visions apocalyptiques ou fatalistes.
20 millions de français sont sur « Face book ».
La pratique pédagogique du psychologue demandant à des élèves d’imprimer leur page « Face book » et de descendre la présenter dans la cour, confronte les jeunes à ce qui est en jeu dans l’exposition de soi et laisse augurer qu’une démarche, qui aille dans le sens d’un bon usage d’Internet, est possible. L’autonomie se conjuguerait avec la réciprocité, sans assujettissement. L’extimité est un néologisme qui caractérise bien ces nouvelles sociabilités, où les relations sociales « assistées par ordinateur » peuvent se maîtriser. Nous optimisons ainsi nos relations surtout en ce qui concerne notre « second cercle ». En rencontrant le plus éloigné, nous pouvons mieux nous retrouver, nous mêmes. L’écran ne fait pas écran à l’individualisme prééminent du 21° siècle, le renforce-t-il ? Ou permet-il des pratiques collectives efficaces, des constructions mutuelles ? Les deux. Il semble que les ados qui passent le plus de temps sur Internet peuvent être les plus sociables, contrairement aux anciens.
Internet profite le mieux à ceux qui ont déjà le plus de confort social.
Si la toile peut être l’occasion de s’assurer quelques amitiés « light », il n’est pas certain que nos capacités d’empathie en soient renforcées.
La fragilité psychique et l'insécurité physique se confondent en ces temps glacials, même si le réel-envahi-par- le- virtuel est une banalité dépassée.
Je viens de trouver sur le net à partir d’un mot cueilli au Forum « in the real life » « IRL » :
La sérendibité: Selon Jean-Marie Domenach, le « principe de sérendibité » « énonce que lorsqu'on cherche, on trouve souvent quelque chose qui n'était pas ce qu'on cherchait, mais qui vous stimule pour de nouvelles investigations ». De Sérendib, prince indien légendaire qui, parti à la recherche d'un trésor, trouva beaucoup de choses intéressantes, et plus intéressantes que le trésor, mais pas le trésor.
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Dans Le Canard de cette semaine.

jeudi 13 janvier 2011

Balkenhol Stephan.

Des statues polychromes en bois tendre dont le socle fait partie de l’œuvre ont la force de l’évidence, alliant une allure familière venue des temps égyptiens à une modernité de bon aloi. Une salle du Musée de Grenoble, jusqu’au 23 janvier, a été envahie par les pingouins tous différents de l’artiste allemand, mais ce sont les représentations d’hommes et de femmes les plus intéressantes, se découpant souvent sur un décor également de bois. Les chairs en bois brut qui portent les traces du ciseau, conservent des ébarbures qui donnent une vibration singulière aux statuettes ou aux visages plus imposants. Lorsque ceux-ci sont en bas relief, le fond lisse vient au premier plan : ces quelques décalages avec des productions traditionnelles en font tout le charme. Un monumental Icare est allongé sur le sol, ses ailes de géant étaient trop lourdes. Souvent ses personnages anonymes sont empreints d’une certaine tristesse, et ses montages cinétiques artisanaux portent explicitement la perspective de la mort, pourtant cette première exposition consacrée à cet artiste est chaleureuse, rassurante, à portée de chacun avec nos bras ballants, nos solitudes, nos blousons et nos pantalons noirs, nos rues de villages aux fanions colorés, nos rêves de voleurs de feu un peu dérisoires, nos secrets.

mercredi 12 janvier 2011

Touristes en Chine 2007. # J1. Les cerfs-volants.

Après la mise en blog de notre séjour au Viet Nam et à New York, je reprends le carnet de voyage de ma femme qu’elle a écrit tout au long de notre circuit en Chine en 2007 avec trois amis.
C’est parti pour une soirée diapos, mise à jour chaque mercredi pendant une vingtaine de semaines.
France,jeudi 5 juillet : froid et pluie (neige à 200m). Parking longue durée à Saint Exupéry. Dans le hall casse-croûte au vin rouge, sandwichs et pain d’épices maison.
Lyon/Frankfurt : 1h30 de vol avec 20mn de retard, la pluie et embarquement immédiat en Boeing 737 à 17h.
9h30 de vol, 6 heures de décalage : atterrissage vers 9h, heure locale.
Température : 33° lourd humide et grisailleux.
Bagages assez vite récupérés, nous votons dès le passage de la douane, notre « très grande satisfaction », en appuyant sur le bouton correspondant.
Wang Hui (« intelligence ») dite Diane nous récupère au nom de l’agence Tai Yang avec un panneau où figurent tous nos noms. Elle nous propose de prendre le minibus Buick climatisé pour nous rendre au temple des Lamas, puisque les chambres d’hôtel ne sont pas encore prêtes.
Le Temple des Lamas est le plus grand temple bouddhiste Tibétain de la ville. Construit en 1694, il est l'ancien palais de l'empereur offert aux moines.Ce monastère hébergea jusqu'à 300 lamas qui avaient des rapports très privilégiés avec l'empereur. Ils étaient, dit-on, les seuls à pouvoir le regarder dans les yeux.Grande allée d’arbres jusqu’à l’entrée, succession de bâtiments à l’origine impériaux et de cours où fument d’énormes brûle-encens couleur rouge-brun ; magnifiques toits jaunes de la couleur du monarque. Ne pas marcher sur le pas des portes, enjamber. Le dernier bâtiment au Nord est surélevé pour abriter un bouddha de 15m de haut taillé dans un seul bloc de santal. Des ouvriers attaquent au marteau la peinture rouge qui recouvre les parties en bois pour rénovation.
Red Wall Hôtel, luxueux avec loufiats et tapis rouge.
Diane qui se révèle un guide vif, intéressant et plein d’humour nous facilite les formalités: caution de 60€ par chambre, clim’, carte à puce à la place de la clef. Elle nous quitte, elle habite au-delà du quatrième périphérique.
Change à la banque de Chine adjacente : compréhension difficile mais transaction souriante : 10 yuans=1€, c’est plus compliqué avec les $
Restaurant dans le quartier où pour 10€, nous avons un aperçu gastronomique de Pékin : légumes verts curieux, champignons, plats au wok et de la bière tsingtiao, thé à volonté.
Promenade dans les hutongs ruelles étroites traditionnelles où nous ne faisons qu’apercevoir les cours et entrées des maisons, avec des toilettes à tous les coins de rues de construction récente, elles sont sans doute absentes dans les concessions. Pouvons- nous juger s’il vaut mieux ces maisons pittoresques sans confort à une vie en appartement ? Des vieux prennent le temps, assis au bord des rues étroites, à jouer, à discuter. Nous voyons de superbes cages d’oiseaux habitées, suspendues par d’élégants crochets en cuivre, sous de nombreuses lignes électriques enchevêtrées avec les armoires en hauteur. Les vélos sont silencieux, parfois électriques. Les filles protègent leur peau sous des parapluies, voire des gants longs pour couvrir leurs bras. Elles préfèrent les jupes aux pantalons de leurs mères. Repos dans un jardin public, il fait chaud, lourd, brumeux et sommeil. Nous poursuivons nos découvertes à deux derrière nos appareils photos: petits enfants avec ballons et grands avec cerfs-volants. Nos comparses vont à l’hôtel au frais.

mardi 11 janvier 2011

Muchacho. Lepage.

Je suis assez rétif aux séries en général et en BD en particulier, pourtant je goûterai volontiers le tome 2 du nouvel album de l’auteur de Névé. Ses encres sont particulièrement bien éclairées, sans qu'aucun esthétisme ne vienne distraire d’une histoire bien menée. La violence des rapports sociaux en Amérique du Sud justifie-t-elle cependant quelques portraits de méchants particulièrement sans nuances cyniques et pervers ?
La recherche d’un style pour le jeune séminariste qui doit peindre une fresque dans un village du Nicaragua dans les années 70 peut croiser les préoccupations de l’auteur : « Gabriel, vous allez peindre la passion ! Imaginez cet homme Jésus qui s’est levé contre l’envahisseur et ses zélateurs… qui avec des mots d’amour et de fraternité a déstabilisé l’empire et l’oligarchie religieuse et qui trahi par celui qu’il aimait le plus, marche épuisé, vers la mort, portant la croix qui scellera son destin. Imaginez la chaleur ! Imaginez le sang et la sueur qui lui coulent dans les yeux… Croyez vous que cela ne parle pas davantage à ces paysans que des compositions éculées, des mouvements maniérés à force d’être répétés, que ces momies extatiques qui encombrent les églises. La lumière n’est pas dans l’or des auréoles ! »
J’ai lu le tome 2, aussi beau que le premier, mais au scénario sans surprise. « Le monde est tou-jours ainsi et il n'en a ja-mais été au-tre-ment » s’oppose à « Vous n'étein-drez ja-mais l'es-pé-rance ». Il pueblo unido…

lundi 10 janvier 2011

Le président. Yves Jeuland.

La politique spectacle est en représentation jusque dans les coulisses mais Georges Frêche lors de sa dernière sortie victorieuse des régionales restera toujours insaisissable.
Une certaine vérité des images s’illustre dans ce documentaire, images sur lesquelles il ne s’était pas donné de droit de regard, et cela sera retenu en sa faveur comme sa truculence et ce flair qui taille des croupières au politiquement correct. Je m’attendais à voir des conseillers cyniques, ils le sont parfois, mais excités par les bolées d’adrénaline qu’ils se servent lors des jeux de campagne électorale, ils travaillent, ils fatiguent. Le président n’est pas brutal, hautain ou provocateur à plein temps non plus, il est parfois joueur avec ses conseillers qu’il s’applique à ne pas toujours écouter voire à contredire. Il n’est surtout pas dupe de cette comédie et ceux qui se tirent le moins bien de cette chronique passionnante sont « les habitants du sixième arrondissement de Paris ».
Que Fogiel se fasse renvoyer dans les cordes est un plaisir sans mélange.
« J'observerai d'abord une minute de silence pour les partis politiques tels qu'on les a connus au XXe siècle. Ce soir ce sont eux qui sont les grands perdants de ces élections au vu de l'abstention. Les partis politiques sont devenus comme des étoiles, ce sont des étoiles mortes. Ils continuent de briller mais ils sont morts depuis longtemps. »
Il a contribué à ce dépérissement.

dimanche 9 janvier 2011

Identité. Gérard Watkins.

Le texte de cette pièce jouée dans la salle de création de la MC2 a reçu le grand prix de littérature dramatique 2010. C’est une vision de notre époque originale et féconde.
A travers un couple clairvoyant et désespéré qui cherche sa propre identité dans la bouteille ou une grève de la faim, des éléments annonçant les heures sombres des années 40 sont remis en perspective. Sans prêchi prêcha, des textes qui définissaient qui était juif sous Pétain sont rappelés: ce n'est pas si loin.
Pour répondre à la question : « Vos parents sont-ils vraiment vos parents ? », en passant par l’ ADN, André Klein va vérifier que son père a toujours peur de lui , et elle que ses parents sont seuls de trop d’amour. L’économie de moyens, l’austérité revendiquée de la mise en scène, font ressortir la force et la subtilité du texte servi par le talent des acteurs Anne-Lise Heimburger et Fabien Orcier.
Il nous arrive de sourire, et de nous inquiéter.