vendredi 12 février 2010

"XXI" de cet hiver

Le livre de l’information grand format est arrivé dans vos librairies. Thème principal : les pouvoirs. Celui du chef de l’Etat géorgien, un acteur ; celui de Bolloré avec ses ports en Afrique et ses journaux ici ; le procureur de Macon adepte de la « présomption de culpabilité » et Zuma le président danseur de l’Afrique du Sud. Mais la manifestation du pouvoir qui m’a le plus impressionné lors d’un bel interview consacré à l’écrivain Svetlana Alexievitch, sont les mères russes et les soldats qui lui avaient confié leurs témoignages qui se rétractent et portent plainte contre elle. Elle a écrit « les cercueil de zinc » sur la guerre en Tchétchénie et « la supplication de Tchernobyl ». Quelle misère ! Quel courage ! Comme ces insoumis au pouvoir d’un cheik au Yémen. Des hommes et des femmes d’exception, et puis une bande dessinée sur les cueilleurs d’abricots dans les Baronnies ou ce facteur dans le massif central redonnent des couleurs au quotidien. Un enfant moine au Ladakh nous devient familier. La perception par des japonais du journal d’Anne Franck constitue un angle original. Et toujours quelques portraits allègres de personnes qui font avancer le monde, un contre-champ sur la guerre en Afghanistan, et histoire de ne pas être avalé par l'info à la queue leu leu, la remise au jour de livres anciens qui éclairent l’actualité.
Arriver encore à étonner au numéro 9, c’est bon.

jeudi 11 février 2010

Sculptures de l'ACDA

A la mairie de Saint Egrève, près de soixante sculptures de l’association ACDA (Ateliers de Création et de développement Artistique) sont exposées jusqu’au 19 février.
Je me suis fait reprendre par une des fidèles adhérentes de l’association, où je dessine aussi par ailleurs, quand j’ai dit « modelage ». C’est que j’ai dans la tête les schémas qui associent la sculpture à la massette et au burin mais aussi la perception d’un dynamisme qui émane de beaucoup de réalisations. Le travail de la main apparaît dans toute sa noblesse. Il s’agit bien de volumes d’une certaine ampleur, essentiellement de terres cuites de différentes façons, couvertes et travaillées par des enduits variés bien mis en lumière. Mais surtout c’est la diversité des talents, des inspirations, boostées par maître Blanc Brudes qui est remarquable : du buste classique, aux poupées engrillagées, en passant par des formes épurées ou des matières brutes. La hiérarchie entre amateur et professionnel est bousculée avec certaines productions.

mercredi 10 février 2010

J 22. Saigon.

Départ à 7h car il faut 2h de route pour atteindre les tunnels de Cu Chi à 76 km. Nous avons droit aux embouteillages, moins importants cependant qu’hier le long d’une route à voies multiples ; la ville n’en finit pas. Nous arrivons dans les environs de notre destination, passant par des villages où « des riches » se sont installés car le terrain coûte cher. Sous le toit du moindre petit bar, nous apercevons à nouveau des hamacs accrochés aux piliers à disposition des clients. Nous voyons notre premier tracteur. Nous laissons le chauffeur étendre son hamac dans le parking, cela nous rassure, car ses yeux se fermaient tout à l’heure pendant qu’il conduisait !
Et nous nous enfonçons dans la forêt sur un petit chemin de terre. Dans une grande maison, sans murs, couverte de feuilles de palmiers nous visionnons un film en noir et blanc sur la guerre, forcément teinté de propagande. Un jeune guide en uniforme nous fait découvrir ensuite le monde souterrain des maquisards qui avaient creusé plus de 200 km de tunnels. Nous empruntons le premier courbés en deux. Dans les galeries souterraines : hôpital, cuisine, salle de réunion, puits, salles de convalescence, salles de confection d’armes et de pièges avec ou sans mannequins pour reconstituer l’ambiance. Au deuxième niveau sous terre, j’adopte la position à quatre pattes et avance la lanière de l’appareil photo entre les dents, devancé par une chauve souris. Nous n’essayerons pas le troisième niveau. Les boyaux d’accès ont été agrandis pour les touristes. Il vaut mieux ne pas s’égarer car on risque de tomber dans un piège de bambous effilés autrefois pratiqués pour les bêtes féroces. Les marines avaient renoncé à y faire pénétrer leurs chiens déjà déroutés par l’odeur d’uniformes US dérobés dans les campements ou par le poivre disposé dans ces labyrinthes. Le garde nous fait la démonstration de l’efficacité des camouflages des trappes d’accès, pénètre dans l’étroit passage, dispose les feuilles et disparaît pour réapparaître 30 m plus loin.
Dans les cuisines, un ingénieux système permet l’évacuation discrète de la fumée, invisible depuis les avions américains. Nous nous rafraîchissons à un tuyau de bambou percé, nous nous attablons, trempons le manioc dans du sel mêlé à des cacahuètes et buvons le thé.
Nous ressortons en retraversant la forêt, reconstituée depuis les ravages dus aux défoliants, admiratifs de l’ingéniosité, du travail et de la résistance de ces paysans de la région de Cu Chin.
Nous retrouvons notre chauffeur reposé qui nous conduit jusqu’à Tay Ninh au temple Kao Daï. Le caodaïsme est un culte syncrétique (confucianisme, taoïsme, bouddhisme, christianisme, islam, culte des Ancêtres). Victor Hugo est l’un des saints de cette religion qui a pu compter deux millions d’adeptes. Décor kitsch, coloré, dont nous faisons le tour tandis que les fidèles habillés de blanc attendent l’heure de l’office. Un service d’ordre accueille et dirige les touristes, presque plus nombreux que les fidèles. Nous avons l’impression de nous trouver dans un théâtre où l’on joue un spectacle, sans spiritualité, ni ferveur : les fidèles d’un âge canonique paraissent méditer pendant qu’à l’étage des jeunes femmes chantent accompagnées de jeunes enfants. Les touristes, certains vite lassés, circulent dans les galeries au même étage.
Nous déjeunons sur la route d’un « riz et quelque chose » pour le prix dérisoire de 34 000 D (moins de 2€ pour trois), notre record au niveau prix. Puis nous regagnons Saigon avec sieste dans la voiture... sauf pour le chauffeur. Nous consacrons notre temps à visiter le musée des "Vestiges de la guerre" fréquenté par des visiteurs essentiellement français et américains. La cour est occupée par un avion de chasse, un hélicoptère, des tanks de l'US Army. L’intérieur propose des photos, photos de guerre, de massacre, de tortures, de malformations suite à l’agent orange, du temps des français et du temps des américains ; hommage aussi aux photographes de guerre.Il y a aussi quelques armes, fusils, et des sculptures en métal provenant des bombes. Nous n’avons pas le temps de parcourir toutes les salles, les gardiens nous poussent vers la sortie à 17h.
La guerre d’Indochine a fait plus de morts Français (60 000 dont un tiers de métropolitains, le Routard parle de 92 000) que la guerre du Viet Nam chez les américains (57 000), quatre millions de vietnamiens ont été tués ou blessés.
Nous allons vers le centre ville où nous assistons à un accident entre deux motos ; l’un tombe et se relève aussitôt pour éviter le flot qui déferle derrière lui, la femme de la deuxième moto perd le contrôle du véhicule monte sur le trottoir, tombe, tandis que l’engin aboutit dans le mur. Aucun blessé !
Nous poursuivons prudemment notre chemin jusqu’à la poste centrale conçue par Eiffel ; très bien restaurée, proprette, elle a conservé beaucoup de charme tout en étant fonctionnelle, les cabines en bois sont conservées, des boutiques de souvenirs occupent le centre et les côtés de l’entrée sans dénaturer l’ensemble.
Le ciel bleu recule devant les nuages ardoise et noirs, menaçants. Nous cherchons rapidement abri chez le glacier Fanny. Nous sommes moins enthousiastes que la première fois.
Nous rentrons lentement à l’hôtel et croisons à nouveau un couple de mariés en pleine séance de photos artistiques devant la poste.
Au restau tout près de chez nous, à l’étage servi par une serveuse en mini minijupe, nous nous calons avec des rouleaux en grande quantité et des noodles sautés mixed conséquents. Dans l’hôtel nous montons jusqu’au septième juste pour jeter un coup d’œil car il y a un mariage, annoncé avec photos à l’entrée de l’établissement. Sono à fond et beaucoup de monde.

mardi 9 février 2010

La foire aux cochons


Petit Luc, le dessinateur de BD, connu pour ses rats facétieux nous amuse en trois albums avec des vaches et des cochons. L’idée de faire se réincarner en porcs, les plus grandes fripouilles de l’histoire est excellente, surtout quand notre héros national, Victor Hugo se demande pourquoi il a comme compagnons de porcherie Napoléon, Landru et autre Hitler.
Les dialogues sont savoureux quand chacun tout en essayant de modifier sa nature retombe dans ses travers ou les assume. Riche idée, mais cependant un peu étirée. Les dialogues deviennent envahissants quand débouchent trop de personnages, des Nicolas II et Staline après Lénine, Bonnot et Isadora Duncan… Trop de lard pour l’art.

lundi 8 février 2010

La tisseuse

Il n’est pas besoin de convoquer Kant, Lacan, Lao Tseu … comme le fit le philosophe chargé de présenter le film qui ouvrait la biennale de Cinéduc consacrée au bonheur. Le film beau et fort de Wang Quan An, réalisateur du "Mariage de Tuya", se défend très bien tout seul. Pourtant le brillant présentateur, du genre à être dans l’incapacité de laisser la parole aux autres tant il déborde de notes, de citations, de références avec la formule « Tchékhov : vous connaissez bien sûr » qui a le don de m’horripiler, nous a permis de décrypter derrière de belles images quelques métaphores, des intentions qui ajoutent à la profondeur du film. Ainsi ce tissu rouge qui envahit l’image : c’est le destin, et nous pouvons apprendre également à remarquer que la mer, où le personnage principal revient, est gelée. L'histoire d'une ouvrière, d'une jeune femme, d'une belle chinoise. S’affranchir des autres pour infléchir son destin individuel est une tâche difficile sous tous les climats. Dans ce film même les artifices narratifs sont magnifiques, cette œuvre rend compte d’une réalité sociale qui évolue à grands bonds et raconte tout en finesse une tragédie personnelle.
« ll n'y a point de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin » Lao Tseu

dimanche 7 février 2010

Terre océane

Salle de création à la MC2, nous sommes plus près des acteurs et pour un spectacle comme celui là le plaisir en est accru. Pourtant quand dans le programme est mentionné :
« …toute la pièce est un hymne à la magie de la vie… » L’ambition est élevée. La réponse au bout de une heure cinquante est évidente : un des sommets de la saison théâtrale.
La découverte de l’auteur Daniel Danis est jubilatoire : ce contemporain parsème de pépites de mots québécois une écriture magnifique, poétique et forte.
Deux hommes, l’un des villes et l’autre des bois accompagnent un enfant dans les derniers mois de sa vie : tout pour un mélo bien charnu. Au contraire tout est subtilité et intensité avec des moments d’émotions, de sourire, de vie, d’appétit renouvelé. Il est question des images, de l’ivresse, de la mort regardée en face, de la paternité, dans une belle mise en scène sans forfanterie de Véronique Bellegarde. Des acteurs superbes nous emmènent au-delà de nos histoires personnelles vers les questions essentielles, l’un avec la dégaine du sacré père Noël de Briggs et la femme jouant un enfant avec des airs de Little Némo.

samedi 6 février 2010

Le travail : épanouissement ou aliénation ?

Dernier écho des débats de Libé auxquels j’ai assisté en septembre 2009 à Lyon, dont j’ai étalé la douzaine de compte-rendu jusqu’à aujourd’hui.
Le chômage croit encore, la souffrance au travail tue.
Chercher du bois, de l’eau occupe tout le temps d’une part essentielle de l’humanité,
et la misère est la cause principale de la mortalité sur la planète.
Alors retrouver le sens des mots, rappeler que le vocabulaire qui structure la pensée est au cœur de l’intérêt de ce type de discussions et quand ce sont des praticiens tels que le directeur général de Danone Emmanuel Faber et le président d’ATD-Quart monde Pierre Saglio qui font part de leur expérience, nous échappons aux bavardages académiques : activité, employabilité, « demandeur d’emploi », « marché de l’emploi », « ce travail ne conduit pas à l’emploi » « la priorité accordée à l’emploi ne conduit pas à sacrifier le travail ? »…
Il est loin le temps de l’expression : « perdre sa vie à la gagner » quand un homme qui n’a cessé de travailler dans la précarité dit : « quand on trouve du travail, on devient plus homme… »
La culture de l’ « avoir » braquée sur la rémunération, rend plus problématique la croissance de l’ « être » quand se distingue le temps « libre » de celui du travail.
« Il y a du pain sur la planche ».
J’entends ces débats, je lis des articles, mais intimement j’ai des difficultés à concevoir un rapport problématique au travail : mon grand père, maréchal ferrant, était fier de son travail et mon père a vécu, paysan, sans déchirement, moi l’instit j’ai aimé ces heures, déraisonnablement. Et toi, fiston, qui finis à point d’heure ?