Film de Alejandro Fernández Almendras.
Jusqu’au sud du Chili, la globalisation pousse sa corne dans une famille où le grand père à la fin de ses travaux dans les champs profite des coupures de courant pour rabâcher ses histoires d’un monde disparu, la grand-mère assure la vente de ses fromages au bord de la route, la fille chouchoute son fils unique et se débrouille pour ramener quelques pesos à la maison, le petit s’affronte à la modernité mais reste un paysan aux yeux des titulaires de la PSP. La beauté des images, la profusion dans une habitation où manque pourtant le minimum, viennent atténuer la brutalité de conditions sociales qui s’aggravent. Le misérabilisme est absent, mais jusque dans les détails la perte des valeurs est manifeste dans ces quatre parcours si proches du documentaire. La vitalité des acteurs amateurs nous les rend familiers, leur dignité nous amène à nous interroger. Dans la répartition des classes sociales c’est bien nous qui passons commande depuis notre grosse voiture.
lundi 28 décembre 2009
dimanche 27 décembre 2009
Bortsch
Ce plat est une institution dans les pays de l’Est, et comme le couscous sous d’autres latitudes, les variantes sont infinies. Par exemple en Ukraine, il y a des champignons…
Ce qui fait la spécificité de cette soupe, c’est la betterave rouge et l’alliance crème et vinaigre.
Il est même dit dans certaines recettes de mettre de la crème aigre.
Dans celui que je prépare, dont la recette de base est celle de la cocotte minute "old style", j’ai fait cuire la viande de boeuf taillée dans le gite avec deux cubes de bouillon de bœuf Maggi, et écumé au bout d’une demi-heure. Puis mis les légumes, carottes, pommes de terre, navets coupés en petits dés, oignons et chou taillés en lamelles, des tomates et une boite de concentré dans une cocotte pas minute. Au fur et à mesure de la cuisson lente de deux heures - réchauffé c’est mieux encore- j’ai ajouté du laurier, du bouquet garni, des graines de coriandre, de poivre, des clous de girofle, salé. Et en fin de mijotage, les betteraves rouges en dés bien sûr. La touche qui en fait plus qu’une soupe à la viande, c’est l’ajout dans l’assiette d’un peu de vinaigre et d’un trait de crème avec quelques brins de persil, on peut mettre de l’aneth.
Ce qui fait la spécificité de cette soupe, c’est la betterave rouge et l’alliance crème et vinaigre.
Il est même dit dans certaines recettes de mettre de la crème aigre.
Dans celui que je prépare, dont la recette de base est celle de la cocotte minute "old style", j’ai fait cuire la viande de boeuf taillée dans le gite avec deux cubes de bouillon de bœuf Maggi, et écumé au bout d’une demi-heure. Puis mis les légumes, carottes, pommes de terre, navets coupés en petits dés, oignons et chou taillés en lamelles, des tomates et une boite de concentré dans une cocotte pas minute. Au fur et à mesure de la cuisson lente de deux heures - réchauffé c’est mieux encore- j’ai ajouté du laurier, du bouquet garni, des graines de coriandre, de poivre, des clous de girofle, salé. Et en fin de mijotage, les betteraves rouges en dés bien sûr. La touche qui en fait plus qu’une soupe à la viande, c’est l’ajout dans l’assiette d’un peu de vinaigre et d’un trait de crème avec quelques brins de persil, on peut mettre de l’aneth.
samedi 26 décembre 2009
Arrêtera-t-on la prolifération des ghettos ?
Une fois encore la confrontation d’un universitaire et d’une politique tourne au désavantage de celle qui bénéficie de la lumière médiatique, où le temps d’un débat, avec Libé à Lyon, elle apparaît dans toute son artificialité. Christine Boutin, certes est pour nous, à gauche, une de nos cibles préférée, tant elle s’applique à ressembler à sa caricature de réac, mais sa liberté de ton parfois pouvait valoir parfois le purgatoire. Las, aligner les clichés : « l’enfer, c’est les autres », « les murs de la haine », « le malaise n’est pas qu’économique, il est culturel et moral » comme si elle n’avait pas eu de responsabilités avec son cortège de retard de financements, épuise toute indulgence, même si elle est d’accord pour le vote des étrangers.
Lapeyronnie, l’universitaire n’a pas besoin d’emballage démagogique : « le ghetto est une cage et un cocon » pour pointer la dégradation de la situation sociale dans les quartiers populaires. Ces communautés ne peuvent se construire sur une situation subie de racisme et de pauvreté.
La société est fragmentée, les structures urbaines éclatées, les centres se vident, et la banlieue est un archipel : il n’y a plus d’espace commun. La lutte des espaces reproduit la lutte des classes. Il se garde bien d’euphémiser en disant « quartier sensible » quand il s’agit de pauvreté. Il ne nie pas non plus le caractère racial des tensions persistantes. L’écart de revenus entre Paris et le 93 a triplé en vingt ans. Le ghetto prospère chez les riches avec la même attirance pour le modèle américain que pour les quartiers pauvres où la prison reproduit le ghetto. Il semble mieux admis d’être pauvre que de vivre chez les pauvres.
Quelques rappels de dates apparues au cours du débat peuvent être utiles pour comprendre la solidification du ressentiment pour ces populations reléguées.
80 : Décomposition du mouvement ouvrier.
81 : Les Minguettes, « politique de la ville »
90 : Vaux en Velin, plus de référence au travail, « économie noire »
98 : Le Mirail, fermeture renforcée.
Les images sont obsédantes pour tous, peut être encore plus dans les familles où la situation des femmes se crispe sur des définitions traditionnelles où élever des enfants est source de culpabilité. Les institutions se sont éloignées, même si reste l’école qui a perdu la carte et apparaît comme un centre de tri.
Au bureau de poste, on vient pour retirer 2€.
Lapeyronnie, l’universitaire n’a pas besoin d’emballage démagogique : « le ghetto est une cage et un cocon » pour pointer la dégradation de la situation sociale dans les quartiers populaires. Ces communautés ne peuvent se construire sur une situation subie de racisme et de pauvreté.
La société est fragmentée, les structures urbaines éclatées, les centres se vident, et la banlieue est un archipel : il n’y a plus d’espace commun. La lutte des espaces reproduit la lutte des classes. Il se garde bien d’euphémiser en disant « quartier sensible » quand il s’agit de pauvreté. Il ne nie pas non plus le caractère racial des tensions persistantes. L’écart de revenus entre Paris et le 93 a triplé en vingt ans. Le ghetto prospère chez les riches avec la même attirance pour le modèle américain que pour les quartiers pauvres où la prison reproduit le ghetto. Il semble mieux admis d’être pauvre que de vivre chez les pauvres.
Quelques rappels de dates apparues au cours du débat peuvent être utiles pour comprendre la solidification du ressentiment pour ces populations reléguées.
80 : Décomposition du mouvement ouvrier.
81 : Les Minguettes, « politique de la ville »
90 : Vaux en Velin, plus de référence au travail, « économie noire »
98 : Le Mirail, fermeture renforcée.
Les images sont obsédantes pour tous, peut être encore plus dans les familles où la situation des femmes se crispe sur des définitions traditionnelles où élever des enfants est source de culpabilité. Les institutions se sont éloignées, même si reste l’école qui a perdu la carte et apparaît comme un centre de tri.
Au bureau de poste, on vient pour retirer 2€.
vendredi 25 décembre 2009
Le blog de Frantico
BD de 300 pages éditée chez Albin Michel après avoir connu le succès sur Internet. Les débats des amateurs de BD pour savoir qui est derrière ce pseudonyme ne me concernent pas vraiment, bien qu’un tel manque de générosité chez le personnage principal m’ait semblé invraisemblable. Un dessinateur se raconte avec sa paranoïa bien cognée, et il faut bien du temps pour percevoir une certaine sensibilité sous des flots d’amertume, des trésors de petitesse. Il met à l’épreuve tous les degrés de l’humour et ses obsessions pourraient être drolatiques, mais sa franchise n’arrive même pas à entrainer l’empathie tant il se montre obsédé de lui-même, n’ayant mérité comme compagnons que ses doubles fantasmés : il se retrouve avec sa bite et ses obsessions de trou du cul, triste et geignard. Il passe son temps à se masturber. Fascinant : un tel désenchantement nous révèle-t-il l’état de nos relations sociales où même les chants d’oiseau disent la violence du monde ?
jeudi 24 décembre 2009
L’art brut
C’était une gageure que de déambuler dans le musée de Grenoble pour nous entretenir de l’art brut puisque même Chaissac parait-il et Dubuffet le père de l’appellation ne répondent pas strictement aux critères pour désigner les productions de personnes indemnes de culture artistique.
Alors « art singulier », art des fous, des médiums, des autodidactes ; à distinguer de l’art populaire, des dessins d’enfants, de l’art naïf qui verse parfois dans un certain académisme.
Peu importe, une de mes émotions artistiques parmi les plus fortes c’était à Lausanne dans le temple de l’art brut, il y aurait aussi un lieu remarquable à Dicy dans l’Yonne à la Fabuloserie où une collection Bourdonnais est installée.
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » c’est l’intellectuel Dubuffet, que nous pouvons remercier d’avoir bousculé le frontières pour nous faire mieux comprendre des formes artistiques qui viennent du plus profond des obsessions, des douleurs, de la jubilation.
Elles se dévaluent au feu des baratins, mais ont ouvert la voie aux productions contemporaines les plus émouvantes.
J’ai aperçu Chaissac, je vais y retourner et prendre mon temps, c’est prometteur !
Alors « art singulier », art des fous, des médiums, des autodidactes ; à distinguer de l’art populaire, des dessins d’enfants, de l’art naïf qui verse parfois dans un certain académisme.
Peu importe, une de mes émotions artistiques parmi les plus fortes c’était à Lausanne dans le temple de l’art brut, il y aurait aussi un lieu remarquable à Dicy dans l’Yonne à la Fabuloserie où une collection Bourdonnais est installée.
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » c’est l’intellectuel Dubuffet, que nous pouvons remercier d’avoir bousculé le frontières pour nous faire mieux comprendre des formes artistiques qui viennent du plus profond des obsessions, des douleurs, de la jubilation.
Elles se dévaluent au feu des baratins, mais ont ouvert la voie aux productions contemporaines les plus émouvantes.
J’ai aperçu Chaissac, je vais y retourner et prendre mon temps, c’est prometteur !
mercredi 23 décembre 2009
J14 . Hoi An
Je commence la journée à 5h pour photographier les pêcheuses qui arrivent au marché. Je me retrouve en compagnie de quelques suédoises et les vieilles vietnamiennes sont plus souvent coiffées de casques de moto que de leurs chapeaux traditionnels. La vie débute tôt au bord du fleuve pour les pêcheurs, les commerçants. Je reviens au bout d’une heure trente, tâter à nouveau du lit confortable.
Vers 10h, nous partons à la découverte des trésors de la ville munis d’un billet à coupons.
Nous commençons par la représentation de danses et chants traditionnels organisée dans une vieille demeure d’Andicraft. Nous nous régalons avec le solo du violoniste. Nous pouvons ensuite déambuler dans la demeure, où nous regardons travailler des femmes aux lanternes, à la poterie, à la broderie, à la confection de nattes, les garçons sculptent bois et pierre en maintenant l’objet travaillé entre les pieds. La maison traditionnelle s’organise en pièces en long séparées par des cours. Des trappes au plafond permettent de hisser à l’aide de poulies, les meubles à l’étage lors des crues de l’hiver.
Nous dirigeons nos pas vers la vieille maison privée Tan Ky dans la même rue, elle concilie les traditions chinoises, japonaises et vietnamiennes. Nous sommes reçus dans le salon de réception d’inspiration japonaise : piliers en bois sombre incrustés de nacre (bois de fer et jacquier) posés sur des supports de marbre. Si l’on s’approche de deux panneaux de bois figurant des signes d’écriture chinoise ou japonaise, nous découvrons que chaque signe constitue un assemblage de poissons et d’oiseaux. Deux autels dédiés aux ancêtres occupent une place importante de la pièce. Après la cour, la maison comprend la chambre du maître, simple lit de bois recouvert d’une natte, et la cuisine dans laquelle s’affaire une femme de la famille à la préparation du repas, ensuite la maison s’ouvre sur la rue arrière face à la rivière. Nous sommes accueillis par un guide francophone avec une tasse de thé offerte en bienvenue et quelques explications pas toujours identiques à celles du Routard. Nous avons l’occasion d’entrer dans une autre maison ancienne moins métissée et luxueuse, utilisée aujourd’hui comme musée de la céramique rue Tran Phu. Céramiques du 18° et 17° bleue bien sûr pour les disques (plats) et en terre brute pour les poteries cham.
Tout à côté, au numéro 23 de la même rue se trouve le très coloré Phuc Kien Assembly Hall. Il s’agit d’un temple élevé par une congrégation de chinois arrivés du Sud Est de la Chine et visant à la protection du commerce maritime, d’où la présence d’une maquette de bateau. Le rouge domine. Nous sommes frappés par l’abondance de spirales d’encens rouges pendues au plafond et payées par des croyants dont le nom et l’âge apparaissent sur une pancarte jaune. L’endroit ne manque pas de pittoresque avec ses dragons, sa dame céleste, aux couleurs vives, dorées. A l’extérieur, des bonzaïs bien sûr et une reproduction miniature de la muraille de Chine au milieu de rocailles et d’épines du christ toujours monstrueuses se disputent la cour, et sur les portiques se réunissent une variété d’animaux mythiques à base de tessons de porcelaine aux couleurs gaies. La girouette en haut de son mât est un poisson, en relation avec la mer, comme le temple. Cet endroit est vraiment propice à la photo, je me couvre de cendres d’encens.
Nous nous accordons une halte vers 13h30/14h que nous passons au « Café des amis » avec un menu à la viande pour trois qu’on ne finit pas. Le renoncement à la bière est reporté à demain. Le patron vient nous saluer sur le petit balcon et nous met Brassens… en Russe.Nous rentrons doucement à l’hôtel découvrant une halle complète de marchands de tissus et tailleurs inemployés ou jouant aux cartes. Ma compagne renonce dans un premier temps à un ensemble en soie mais son doute s’estompe pendant la sieste. Nous retrouvons notre commerçante, ou plutôt elle accourt vers nous. Commande est passée de deux chemises vietnamiennes, il est déjà plus de 17h et nous les récupèrerons à 19h à la fermeture (4100000 D) La halle sera pratiquement vide avec le gardien qui s’impatiente pour la fermeture. La vendeuse nous appelle afin d’éviter de rester bloqués derrière les grilles et la couturière finira de couper ses fils dans la rue à la lumière d’un estanco mobile de fruits.
Nous trouvons facilement Quan Long’s temple dédié à un général chinois victorieux. Des personnages ventripotents et des chevaux sur roulettes occupent à eux seuls le sanctuaire. Passés la cour, nous pénétrons dans le deuxième bâtiment transformé en musée de la ville, assez restreint. Nous partons à la recherche d’un puits signalé dans Lonely Planet comme ayant des vertus particulières pour la confection de cao lâu plat traditionnel de Hoi An. Riche idée qui nous permet de découvrir un monde parallèle insoupçonné avec des venelles et des petites maisons résidentielles, calmes, où il semble qu’il fait bon vivre, loin du commerce et du tourisme. Nous discutons avec un maître d’art martial vietnamien qui vient de terminer un cours pour enfants. Les deux ou trois élèves plus âgés s’entrainent encore avec des bâtons, des sabres dans de gracieux mouvements chorégraphiques.
Nous faisons confiance au Routard pour nous indiquer un restau : le 399 (Nguyen Duy Hien) ce qui nous donne la possibilité de goûter au cao lâu (pates plates, viande, morceau de galette). Nous mangeons pour 77 000D à 3, boisson comprise (eau et jus de fruit et pas de bière !) : 3€ pour 3. Retour dans nos foyers pour boucler nos valises.
Vers 10h, nous partons à la découverte des trésors de la ville munis d’un billet à coupons.
Nous commençons par la représentation de danses et chants traditionnels organisée dans une vieille demeure d’Andicraft. Nous nous régalons avec le solo du violoniste. Nous pouvons ensuite déambuler dans la demeure, où nous regardons travailler des femmes aux lanternes, à la poterie, à la broderie, à la confection de nattes, les garçons sculptent bois et pierre en maintenant l’objet travaillé entre les pieds. La maison traditionnelle s’organise en pièces en long séparées par des cours. Des trappes au plafond permettent de hisser à l’aide de poulies, les meubles à l’étage lors des crues de l’hiver.
Nous dirigeons nos pas vers la vieille maison privée Tan Ky dans la même rue, elle concilie les traditions chinoises, japonaises et vietnamiennes. Nous sommes reçus dans le salon de réception d’inspiration japonaise : piliers en bois sombre incrustés de nacre (bois de fer et jacquier) posés sur des supports de marbre. Si l’on s’approche de deux panneaux de bois figurant des signes d’écriture chinoise ou japonaise, nous découvrons que chaque signe constitue un assemblage de poissons et d’oiseaux. Deux autels dédiés aux ancêtres occupent une place importante de la pièce. Après la cour, la maison comprend la chambre du maître, simple lit de bois recouvert d’une natte, et la cuisine dans laquelle s’affaire une femme de la famille à la préparation du repas, ensuite la maison s’ouvre sur la rue arrière face à la rivière. Nous sommes accueillis par un guide francophone avec une tasse de thé offerte en bienvenue et quelques explications pas toujours identiques à celles du Routard. Nous avons l’occasion d’entrer dans une autre maison ancienne moins métissée et luxueuse, utilisée aujourd’hui comme musée de la céramique rue Tran Phu. Céramiques du 18° et 17° bleue bien sûr pour les disques (plats) et en terre brute pour les poteries cham.
Tout à côté, au numéro 23 de la même rue se trouve le très coloré Phuc Kien Assembly Hall. Il s’agit d’un temple élevé par une congrégation de chinois arrivés du Sud Est de la Chine et visant à la protection du commerce maritime, d’où la présence d’une maquette de bateau. Le rouge domine. Nous sommes frappés par l’abondance de spirales d’encens rouges pendues au plafond et payées par des croyants dont le nom et l’âge apparaissent sur une pancarte jaune. L’endroit ne manque pas de pittoresque avec ses dragons, sa dame céleste, aux couleurs vives, dorées. A l’extérieur, des bonzaïs bien sûr et une reproduction miniature de la muraille de Chine au milieu de rocailles et d’épines du christ toujours monstrueuses se disputent la cour, et sur les portiques se réunissent une variété d’animaux mythiques à base de tessons de porcelaine aux couleurs gaies. La girouette en haut de son mât est un poisson, en relation avec la mer, comme le temple. Cet endroit est vraiment propice à la photo, je me couvre de cendres d’encens.
Nous nous accordons une halte vers 13h30/14h que nous passons au « Café des amis » avec un menu à la viande pour trois qu’on ne finit pas. Le renoncement à la bière est reporté à demain. Le patron vient nous saluer sur le petit balcon et nous met Brassens… en Russe.Nous rentrons doucement à l’hôtel découvrant une halle complète de marchands de tissus et tailleurs inemployés ou jouant aux cartes. Ma compagne renonce dans un premier temps à un ensemble en soie mais son doute s’estompe pendant la sieste. Nous retrouvons notre commerçante, ou plutôt elle accourt vers nous. Commande est passée de deux chemises vietnamiennes, il est déjà plus de 17h et nous les récupèrerons à 19h à la fermeture (4100000 D) La halle sera pratiquement vide avec le gardien qui s’impatiente pour la fermeture. La vendeuse nous appelle afin d’éviter de rester bloqués derrière les grilles et la couturière finira de couper ses fils dans la rue à la lumière d’un estanco mobile de fruits.
Nous trouvons facilement Quan Long’s temple dédié à un général chinois victorieux. Des personnages ventripotents et des chevaux sur roulettes occupent à eux seuls le sanctuaire. Passés la cour, nous pénétrons dans le deuxième bâtiment transformé en musée de la ville, assez restreint. Nous partons à la recherche d’un puits signalé dans Lonely Planet comme ayant des vertus particulières pour la confection de cao lâu plat traditionnel de Hoi An. Riche idée qui nous permet de découvrir un monde parallèle insoupçonné avec des venelles et des petites maisons résidentielles, calmes, où il semble qu’il fait bon vivre, loin du commerce et du tourisme. Nous discutons avec un maître d’art martial vietnamien qui vient de terminer un cours pour enfants. Les deux ou trois élèves plus âgés s’entrainent encore avec des bâtons, des sabres dans de gracieux mouvements chorégraphiques.
Nous faisons confiance au Routard pour nous indiquer un restau : le 399 (Nguyen Duy Hien) ce qui nous donne la possibilité de goûter au cao lâu (pates plates, viande, morceau de galette). Nous mangeons pour 77 000D à 3, boisson comprise (eau et jus de fruit et pas de bière !) : 3€ pour 3. Retour dans nos foyers pour boucler nos valises.
mardi 22 décembre 2009
C’est un jour de mai. (Troisième partie)
C’est un jour de mai, peut-être un dimanche dans un bourg de Moselle. Un homme, les chaussures alourdies de boue se présente d’abord chez le curé puis au commissariat de police. Il s’appuie sur un grand parapluie noir.
Il dit à voix haute et claire :
- Je viens de tuer ma femme, Philomène.
Il sort de sa poche un revolver, de marque Ortgies, le dépose sur une table que j’imagine en bois brut. Et il attend.
Cet homme s’appelle Jean-Baptiste. Il a 44 ans. Il vient d’assassiner ma grand-mère Philomène d’un coup tiré à bout portant à dix centimètres de sa bouche, en présence de trois de leurs onze enfants. Les témoins sont le bébé de deux ans que la victime a entraîné dans sa chute, leur fille Catherine âgée de seize ans, mon père Charles, adolescent de treize ans.
Les archives de Strasbourg m’ont révélé ce drame en 2003.
Charles est décédé sans jamais parler de ce meurtre.
Vit toujours Ernestine, en Lorraine. Le bébé que tenait Philomène quand une balle tirée à dix centimètres de son visage l’a rayée des vivants.
Les survivants ont poursuivi leur existence, ont fondé des familles. Mon grand-père a fini ses jours en Guyane au bagne de St Laurent du Maroni. Condamné à 30 ans de réclusion en 1924, il fut élargi 9 ans plus tard pour bonne conduite. Il est mort vers 1944 de « suites de tuberculose », formule consacrée depuis toujours…
Les archives du Bagne à Aix en Provence disent très peu de choses de l’existence de Jean-Baptiste. Il n’avait pas le droit de retourner en France et aurait exercé son métier de menuisier au 17 rue Victor Hugo à St Laurent-du-Maroni.
La fille d’Ernestine m’a dit qu’il envoyait à sa famille des objets de marqueterie mais n’écrivait jamais aucune lettre.
Un de mes frères, travaillant à Cayenne m’a envoyé la photo du dernier logement de Jean-Baptiste. Une case de bois peint en blanc avec un toit de tôle ondulée rapiécé. Cette habitation exiguë est encore habitée.
Je n’ai jamais visité les dernières demeures de mes grands parents paternels. Pour lui, une case rongée à l’équateur avant la fosse commune. Pour elle une grande cuisine meublée d’un buffet, d’un poêle, de quelques étagères, d’une table et de deux bancs, comme la décrit un des rapports versés au dossier de cette affaire de violence extrême. Philomène et Jean-Baptiste avaient le même âge : 45 ans. Ils avaient eu onze enfants et vivaient en instance de divorce quand les mines de la jalousie, du lucre, de l’alcoolisme leur ont explosé en pleine gueule : une morte, un bagnard, onze orphelins.
Une de leurs petites filles cherchant par l’écriture comme perdue dans les bois de l’écriture la piste menant aux paroles qui ne lui avaient pas été dites. Paroles exécutées par une balle d’Ortgies dans la bouche de sa grand-mère, paroles à jamais foudroyées sur les lèvres d’un jeune homme, mon père.
Et que faire de pareille histoire, sinon parler juste à défaut d’être exacte.
Ecrire.
Marie Treize
Il dit à voix haute et claire :
- Je viens de tuer ma femme, Philomène.
Il sort de sa poche un revolver, de marque Ortgies, le dépose sur une table que j’imagine en bois brut. Et il attend.
Cet homme s’appelle Jean-Baptiste. Il a 44 ans. Il vient d’assassiner ma grand-mère Philomène d’un coup tiré à bout portant à dix centimètres de sa bouche, en présence de trois de leurs onze enfants. Les témoins sont le bébé de deux ans que la victime a entraîné dans sa chute, leur fille Catherine âgée de seize ans, mon père Charles, adolescent de treize ans.
Les archives de Strasbourg m’ont révélé ce drame en 2003.
Charles est décédé sans jamais parler de ce meurtre.
Vit toujours Ernestine, en Lorraine. Le bébé que tenait Philomène quand une balle tirée à dix centimètres de son visage l’a rayée des vivants.
Les survivants ont poursuivi leur existence, ont fondé des familles. Mon grand-père a fini ses jours en Guyane au bagne de St Laurent du Maroni. Condamné à 30 ans de réclusion en 1924, il fut élargi 9 ans plus tard pour bonne conduite. Il est mort vers 1944 de « suites de tuberculose », formule consacrée depuis toujours…
Les archives du Bagne à Aix en Provence disent très peu de choses de l’existence de Jean-Baptiste. Il n’avait pas le droit de retourner en France et aurait exercé son métier de menuisier au 17 rue Victor Hugo à St Laurent-du-Maroni.
La fille d’Ernestine m’a dit qu’il envoyait à sa famille des objets de marqueterie mais n’écrivait jamais aucune lettre.
Un de mes frères, travaillant à Cayenne m’a envoyé la photo du dernier logement de Jean-Baptiste. Une case de bois peint en blanc avec un toit de tôle ondulée rapiécé. Cette habitation exiguë est encore habitée.
Je n’ai jamais visité les dernières demeures de mes grands parents paternels. Pour lui, une case rongée à l’équateur avant la fosse commune. Pour elle une grande cuisine meublée d’un buffet, d’un poêle, de quelques étagères, d’une table et de deux bancs, comme la décrit un des rapports versés au dossier de cette affaire de violence extrême. Philomène et Jean-Baptiste avaient le même âge : 45 ans. Ils avaient eu onze enfants et vivaient en instance de divorce quand les mines de la jalousie, du lucre, de l’alcoolisme leur ont explosé en pleine gueule : une morte, un bagnard, onze orphelins.
Une de leurs petites filles cherchant par l’écriture comme perdue dans les bois de l’écriture la piste menant aux paroles qui ne lui avaient pas été dites. Paroles exécutées par une balle d’Ortgies dans la bouche de sa grand-mère, paroles à jamais foudroyées sur les lèvres d’un jeune homme, mon père.
Et que faire de pareille histoire, sinon parler juste à défaut d’être exacte.
Ecrire.
Marie Treize
Inscription à :
Articles (Atom)