Tout au long des semaines, sur ce blog, je joue au
critique de cinéma (lundi), de BD
(mardi), de livres (samedi), de spectacles (dimanche), et jette un regard conjoint de
touriste le mercredi ou d'amateur vis à vis des œuvres d’art le jeudi, attendant le
vendredi pour critiquer les critiques en politique : plus de 4000
articles.
Les frontières entre ces domaines ne sont pas étanches et je jubile quand la femme de Hopper pense
que le personnage de « Cape Cod Morning » regarde
« si le temps est assez clément pour
étendre son linge dans le jardin. »
J’aime cet avis pragmatique et j’extrapole : les
artistes jadis offraient leurs œuvres au monde et puis le temps passant, les gloses,
les commentaires les plus sophistiqués, les plus délirants ont pu s’y
accrocher. L’art contemporain n’aurait-il pas inversé le cours des choses en
fournissant l’exégèse avant le geste, le « dire » avant le
« faire » ?
Pour essayer de se débattre dans les débats confus de l'heure, la tentation est grande de généraliser pour masquer ses rabâchages quand la description des passions individuelles les plus péjoratives passent devant les analyses économiques et que les micros trottoirs tapinent dans le coin.
En politique, royaume de la proclamation, comme dans
la sphère privée où parfois « les désirs se prennent pour la réalité », ces facilités voire les mensonges
s’aggravent. Le virtuel déborde des écrans et les distances sont
abolies, symboles et réalité ne se distinguent plus.
Don Quichotte ne se saoule plus de romans de chevalerie, désormais il
« like » madame Bovary sur son Smartphone, toujours aussi triste
malgré ses millions de « followers».
Dans cette opposition des paroles et des actes, j’ai vu en
pédagogie la mise en retrait du pragmatisme, au détriment de théories fumeuses élaborées
en fac qui ne pouvaient être démenties par des faits parfois contrariants.
Concernant l’éducation en général, les coachs en
bienveillance préconisent depuis leurs applications numériques et les parents
entre deux livraisons Uber s’abstiennent d’élever la voix, n’ayant plus voix au
chapitre. Quels enfants-rois descendants de dynasties royales se roulant
devant les présentoirs des super-marchés vont arriver sur le marché ?
Comment des papas et mamans de bonne volonté acceptent cette tyrannie des
petits qui savent pourtant bien déceler la sincérité d’une remontrance, les
limites du pouvoir ou l’hypocrisie d’une impassibilité de commande? La médiatisation
d’actes de barbarie parentale, de violences, de négligences, participe de la
même hystérie que le refus de dire « non » ou d’étouffer toute
liberté en devenir sous l’omniprésence des « je t’aime ».
« L'éducation ne se borne pas à l'enfance
et à l'adolescence. L'enseignement ne se limite pas à l'école. Toute la vie,
notre milieu est notre éducation, et un éducateur à la fois sévère et
dangereux. » Paul Valéry
Dans l’effervescence des querelles générationnelles une fois
cramées les amoureuses de Tino, restent les rappeurs aux prises avec les
rockers bientôt aussi décadents que les amateurs de jazz dans une société
vieillissante en mal d’attentions maternelles. La génération Marine a succédé à
celle de Jean-Marie et plus grand monde se souvient de Rocard qui avait
ringardisé Mitterrand.
Aujourd’hui le courage apparaît comme une valeur bien trop
mâle alors que tant de civilisations tiennent grâce aux mamas, aux femmes qui
ont mieux à faire que la guerre ou se la péter dans les maffias.
Détermination et volonté en arrivent à passer
pour de l’arrogance dans ces temps où la mollesse est vertueuse pourvu qu’elle
se maquille en bienveillance. Pourtant ces vertus devraient être mises en œuvre pour tenter de diminuer
les effets du réchauffement de la planète. Nous en sommes si loin quand on voit
les difficultés pour que des ZFE (Zones à faibles émissions) soient installées. Les verts les plus radicaux bien qu'ils assurent en vélos préfèrent habiller les femmes en homme-grenouille que d'assumer le fret par train ou péniche ou les portails taxant les camions.
Bien des souffrances se sont éloignées de par chez nous si
bien que nous avons du mal à concevoir notre finitude. Le déclin démographique appelle la main d’œuvre étrangère pour occuper les emplois que nos jeunes
dédaignent, il ne se traduit pas seulement dans les courbes mais dans un
ramollissement du dynamisme, un rabougrissement des audaces. Il convient de craindre
non seulement une montée des eaux mais aussi une submersion par les sots.
Le temps court des individus a pris le pas sur le temps long
du collectif aussi bien chez les néolibéraux que chez les néo-bolchos.
Puisque seules des mesures
sucrées sont acceptées, les notes risquent d’être salées pour les générations futures pour lesquelles tout le monde dit se soucier, tout en n'investissant qu'à court terme.