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vendredi 21 avril 2023

Critique.

Tout au long des semaines, sur ce blog, je joue au critique de cinéma (lundi), de BD (mardi), de livres (samedi), de spectacles (dimanche), et jette un regard conjoint de touriste le mercredi ou d'amateur vis à vis des œuvres d’art le jeudi, attendant le vendredi pour critiquer les critiques en politique : plus de 4000 articles.
Les frontières entre ces domaines ne sont pas étanches et je jubile quand la femme de Hopper pense que le personnage de « Cape Cod Morning » regarde  
« si le temps est assez clément pour étendre son linge dans le jardin. » 
J’aime cet avis pragmatique et j’extrapole : les artistes jadis offraient leurs œuvres au monde et puis le temps passant, les gloses, les commentaires les plus sophistiqués, les plus délirants ont pu s’y accrocher. L’art contemporain n’aurait-il pas inversé le cours des choses en fournissant l’exégèse avant le geste, le « dire » avant le « faire » ? 
Pour essayer de se débattre dans les débats confus de l'heure, la tentation est grande de généraliser pour masquer ses rabâchages quand la description des passions individuelles les plus péjoratives passent devant les analyses économiques et que les micros trottoirs tapinent dans le coin.
En politique, royaume de la proclamation, comme dans la sphère privée où parfois « les désirs se prennent pour la réalité », ces facilités voire les mensonges s’aggravent. Le virtuel déborde des écrans et les distances sont abolies, symboles et réalité ne se distinguent plus.
Don Quichotte ne se saoule plus de romans de chevalerie, désormais il « like » madame Bovary sur son Smartphone, toujours aussi triste malgré ses millions de « followers».
Dans cette opposition des paroles et des actes, j’ai vu en pédagogie la mise en retrait du pragmatisme, au détriment de théories fumeuses élaborées en fac qui ne pouvaient être démenties par des faits parfois contrariants.
Concernant l’éducation en général, les coachs en bienveillance préconisent depuis leurs applications numériques et les parents entre deux livraisons Uber s’abstiennent d’élever la voix, n’ayant plus voix au chapitre. Quels enfants-rois descendants de dynasties royales se roulant devant les présentoirs des super-marchés vont arriver sur le marché ? Comment des papas et mamans de bonne volonté acceptent cette tyrannie des petits qui savent pourtant bien déceler la sincérité d’une remontrance, les limites du pouvoir ou l’hypocrisie d’une impassibilité de commande? La médiatisation d’actes de barbarie parentale, de violences, de négligences, participe de la même hystérie que le refus de dire « non » ou d’étouffer toute liberté en devenir sous l’omniprésence des «  je t’aime ».  
« L'éducation ne se borne pas à l'enfance et à l'adolescence. L'enseignement ne se limite pas à l'école. Toute la vie, notre milieu est notre éducation, et un éducateur à la fois sévère et dangereux. » Paul Valéry 
Dans l’effervescence des querelles générationnelles une fois cramées les amoureuses de Tino, restent les rappeurs aux prises avec les rockers bientôt aussi décadents que les amateurs de jazz dans une société vieillissante en mal d’attentions maternelles. La génération Marine a succédé à celle de Jean-Marie et plus grand monde se souvient de Rocard qui avait ringardisé Mitterrand.
Aujourd’hui le courage apparaît comme une valeur bien trop mâle alors que tant de civilisations tiennent grâce aux mamas, aux femmes qui ont mieux à faire que la guerre ou se la péter dans les maffias.
Détermination et volonté en arrivent à passer pour de l’arrogance dans ces temps où la mollesse est vertueuse pourvu qu’elle se maquille en bienveillance. Pourtant ces vertus devraient être mises en œuvre pour tenter de diminuer les effets du réchauffement de la planète. Nous en sommes si loin quand on voit les difficultés pour que des ZFE (Zones à faibles émissions) soient installées. Les verts les plus radicaux bien qu'ils assurent en vélos préfèrent habiller les femmes en homme-grenouille que d'assumer le fret par train ou péniche ou les portails taxant les camions.
Bien des souffrances se sont éloignées de par chez nous si bien que nous avons du mal à concevoir notre finitude. Le déclin démographique appelle la main d’œuvre étrangère pour occuper les emplois que nos jeunes dédaignent, il ne se traduit pas seulement dans les courbes mais dans un ramollissement du dynamisme, un rabougrissement des audaces. Il convient de craindre non seulement une montée des eaux mais aussi une submersion par les sots.  
Le temps court des individus a pris le pas sur le temps long du collectif aussi bien chez les néolibéraux que chez les néo-bolchos.
Puisque seules des mesures sucrées sont acceptées, les notes risquent d’être salées pour les générations futures pour lesquelles tout le monde dit se soucier, tout en n'investissant qu'à court terme. 

vendredi 14 avril 2023

Extrêmement.

L’image d’un individu qui a « les fils qui se touchent » pour dire les déraisons de l’heure peut rejoindre la banale constatation qu’en politique les extrêmes s’épaulent, se confortent, se touchent parfois.
L’étiquette « extrême droite » collée à tout contradicteur osant rappeler le nombre de policiers blessés, banalise le parti de la famille Le Pen qui en arrive à apparaître à la vue des commentateurs comme le seul bénéficiaire de toutes les péripéties politiques.
Avant de garnir les bancs du Palais Bourbon, le RN s’est installé dans les comportements revendicatifs et dans les têtes, grâce parfois à ses accusateurs. On ne peut oser dire qu’il a gagné dans le domaine de la culture tant les subtilités d’un monde plus éduqué, plus sophistiqué sont à l'opposé de ses objectifs anti-élites, bien que dans ce champ les acteurs du cinéma proclament leur anti fascisme sans intermittence, sans grande efficacité.
Les universitaires sont en tribune, alors que les leçons de l’histoire ne sont pas seulement oubliées des masses mais ignorées, voire niées, pendant que le niveau des passions s’élève  à mesure que celui des connaissances baisse.
Les héritiers des Croix de feu désormais cravatés ont perdu le monopole de l’anti parlementarisme lorsque leurs concurrents NUPES donnent une image déplorable de la représentation nationale. Ils furent complices sur les ronds points, d’où ils ont multiplié les images de guillotine pourtant abolie par Badinter. 
La manifestation de la place de la Concorde du 16 mars 2023 ne ressemblerait-elle pas à celle des ligues factieuses du 6 février 1934 ?
Si 1789 représente pour tout républicain une date sacrée, une évocation par Mélenchon, ne manquant pas de culot, oublie la légitimité républicaine qui différencie un président de la République d’un roi. 
« Le 5 et le 6 octobre 1789 les femmes marchent sur Versailles contre la vie chère. Elles ramènent le roi la reine et le dauphin de force à Paris sous contrôle populaire. Faites mieux le 16 octobre. »
« Le Monde » journal jadis influent, rapporte que des influenceurs d'Internet sont contre la réforme des retraites, sous influence semble-t-il d'une nouvelle pensée unique qui n'a même plus à faire appel à des démographes ou à des obsédés de la dette, comme au temps des épidémiologistes nés dans la nuit, lors de la pandémie.
Le pamphlet «  L’insurrection qui vient » de Coupat a fait saliver bien les journalistes aux regards complaisants envers toute ZAD, ils en conservent la scansion, mais je n’y échappe pas en voyant arriver, s'installer des troubles cultivés, un séparatisme amplifié, des désaccords irréductibles. Je n'échappe pas au jeu des outrances en soulignant des faits minoritaires générateurs de généralisations abusives.  
Les blocages anti-démocratiques sont des entraves au droit de faire grève ou pas.
Quand des étudiants de Science Po affichent sur un mur dit de la honte, le nom de ceux qui s’opposent à ces entraves, je m’insurge contre la timidité des donneurs de leçons habituels.
Théâtreux, chercheurs, étudiants ne se distinguent pas de leurs ennemis en jetant l’opprobre sur les modérés et en approuvant les délateurs balançant ceux qui ont mal voté aux meutes.
Cette toute puissance (verbale) qui veut ignorer les contraintes économiques, financières, diplomatiques, les intérêts divergents d’une société, est du même ordre musclé que les hommes nouveaux promus jadis, au front fier, au poing déterminé, à la mâchoire serrée.
Extrêmes droite et gauche unies, honnissant pareillement l'Europe, se distinguent encore sur leur position à l’égard des étrangers, mais hormis la couleur de l’icône en vue, la même recherche de pureté les guide (voir la traduction du mot "guide" en allemand ou  en italien). 
Une douce police de la pensée  s’essaye, sans conduire à des goulags barbelés, elle sévit à l’intérieur de ces partis. Ils ont la liberté chatouilleuse et entre eux s’excluent, font taire les dissidents, faisant craindre des dérives liberticides au cas où ils accèderaient aux responsabilités. 
Le populisme, la démagogie en mettant la pression sur les élus, détériorent les liens sociaux, hystérisent les débats et conduisent de dangereux farfelus sur les plateaux, voire à incarner la République. Si quelques sages peuvent se rassurer en pensant que ces excès prouvent leur incapacité à gouverner, Trump les détrompe. 
« Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles. » Charles Péguy

vendredi 7 avril 2023

Bassinent.

Le cynisme règne sur le monde. Et nous ne cessons de nous croire blanc comme neige localement ou globalement, pendant que fondent les glaciers et que tomberont des flocons en Arabie Saoudite sans que de verts rebelles les bassinent. 
Frenchement, notre propension à faire la morale urbi et orbi pourrait baisser d’un ton quand Russes, Chinois nous taillent des croupières auprès de chefs d’état auxquels les as de busines et des ventes d’armes ne peuvent demander d’être adeptes d’une démocratie qu’ils exècrent pour leur propre gouverne. Ces néo-coloniaux sans vergogne prennent la place des anciens colonisateurs que nous fûmes sous les applaudissements des autochtones, sans que les pointilleux décoloniaux de chez nous y voient quelque inconvénient. 
Nos bonnes âmes installées dans nos états de droit dont ils savent bien jouer, sont les idiots utiles des pires régimes. Sans rire, l’Iran, qui voile ses femmes, nous ferait la leçon pendant que les néo féministes de chez nous se voilent la face en estimant que la dissimulation des visages est une expression de leur liberté ! Les mêmes en appellent  à la laïcité pour attaquer un des fondements de notre République qui n’a pas à prêter serment sur quelque livre saint. L’hystérisation des dissensus amène à renforcer les irréductibles de chaque camp dans leurs certitudes les plus raides. 
La question des retenues d’eau est légitime mais les réactions d’intégristes violents obligent au rejet de leurs positions dans leur ensemble. Soumis à Gaïa déesse de la nature, ils ne sont guère à l’écoute de la nature humaine et en amis de la terre se situent sur le même terrain que ceux qui veulent la dominer. Ils économisent l’eau pour leur toilette et édictent chaque jour des directives, mais lors de choix de voies ferrées ou fluviales ou de portiques pour juguler le trafic des camions, ils se taisent, voire s’opposent.  
Les contradictions sont niées quand les contradicteurs sont ignorés, comme s’ils habitaient une terre inconnue. Une âme est prêtée aux arbres à étreindre mais ni intelligence ni sensibilité ne sont accordées aux autres hommes, coupables carnivores.
Les décisions prises en tenant compte d’intérêts divergents mécontentent les parties antagonistes oublieuses de l’intérêt général. Le bouc émissaire ne date pas d’aujourd’hui, mais la mise sur la sellette d’un seul, le renvoi de nos responsabilités sur le "Système" signe nos courtes vues, nos abdications. Notre dignité en est affectée et tout pouvoir sur notre destinée nié.
Les médias ne facilitent pas les accords quand à chaque décision prise par les responsables, ce sont surtout les opposants qu’on entend comme au temps de la vaccination contre la COVID où quelques rétifs ont fait plus de bruit que des millions de prudents citoyens. 
Ces face à face têtus sont tellement courants qu’il est difficile d’échapper à l’ « incommunicabilité », terme en voie de disparition après avoir tant fait florès. 
Il me semble que le temps des gentils soit passé, même si pour une fois, je me garderai de rabattre le général sur le particulier en constatant que l’indulgence viendrait aux boomers ramollis. 
Les paroles se disant bienveillantes, les mots visant au « pas de vague » n’ont jamais été autant proférés alors qu’explosent les violences et  que croassent les grandes gueules. Ceux qui ferment les yeux rejoignent ceux qui n’ont qu’une seule envie : se boucher les oreilles.
Que restera-t-il des gros ego bruyants maintenant que les écrits ne vivent pas au-delà d’un clic et que les stèles disparaissent sous les tags ?
Le cri de Mélenchon : « Je suis la République » fut tellement vilipendé que sur ce coup je me mis de son côté en essayant d’éviter les postillons : en effet chaque élu de la République est sacré comme chaque citoyen. Par contre cette évidence aurait gagné à être rappelée quand d’autres délégués du peuple sont insultés, attaqués alors que quelques collègues donnent de piteuses images de leurs fonctions. Lorsqu' un parlementaire va avec son écharpe à une manifestation interdite, il dévalorise la Loi et sa charge. 
« Ce sont les démocrates qui font les démocraties, c'est le citoyen qui fait la République. » Georges Bernanos.
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Dessin du journal "Le Monde"

vendredi 31 mars 2023

Mettre les pendules à l’heure.

Au clocher d’une l’église sensée siéger au centre du village, bouger les aiguilles du cadran de l’horloge signifie symboliquement la volonté de clarifier les enjeux, de se ressaisir.
Mais pratiquement avancer ou reculer d’une heure ne dépend plus de nous, ordis et fours obéissent à des ordres hors de portée de mains.
L’expression : « remonté comme un coucou suisse » n’évoquera plus grand-chose et les interrogations concernant la course du soleil ne sont plus de saison.
Au-delà du geste ténu envers une montre bientôt aussi obsolète que l’oignon de mon grand-père, lire l’heure en comptant « moins dix » plutôt que «  cinquante » permettait de mieux envisager le temps qui passe.
Par ailleurs, dès la maternelle, jouer à la marchande avant de savoir rendre la monnaie ou peser avec des poids, faisait partie des jeux menant vers la fonction « compter » qui allait avec « lire » et « écrire » au fronton des écoles. On mesurait le prix des choses.
Il est plus courant désormais de voir les petits mimer des dialogues lointains en ignorant l’interlocuteur présent en face d’eux. Les élèves se dispensant de retenir les tables de multiplication étaient les précurseurs de ceux qui ne savent plus compter à l’heure des calculettes.
Il est des américains-ils en sont revenus semble-t-il- qui ont envisagé d’abandonner l’écriture puisque des claviers sont à disposition.
Ils n’ont  pas attendu d’avoir perdu la main s’appliquant à former les lettres pour perdre leur tête. Le niveau ayant baissé, baissera encore, à mesure que l'intelligence artificielle progressera.
Les performances des GPS n’obligent plus à savoir lire une carte mais ne dispensent pas de savoir où on habite.
Philippe Mérieux ne mésestime pas les performances techniques du ChatGPT ni ses séductions, mais dans un article convaincant du «Monde » estime 
« que le robot abolit la dynamique du questionnement et de l’apprentissage. » 
Nous nous rebiffons contre les ordinateurs, grands ordonnateurs, déshumanisants, tout en appelant à plus de sagesse, de rationalité alors que notre fragilité s’abime dans le catastrophisme et le manichéisme. Quand l’apocalypse nucléaire est brandie à nos frontières, les préventions contre la science peuvent se confirmer et aller vers les délires d’une terre plate d’avant les vaccinations. 
De nobles sentiments amplifiaient nos fantasmes romantiques de jadis, ils perdurent parfois jusqu’à des âges avancés et frisent le pathétique avec les désirs pris pour la réalité. On en viendrait à souhaiter des algorithmes pour abolir délires et haines. Mais plus ça va, plus les nuances deviennent obsolètes.
Heureusement dans l’excellent « Franc-Tireur » Raphaël Enthoven revient à Victor Hugo : 
« Quelquefois le peuple se fausse fidélité à lui-même. La foule est traître au peuple. » 
Et  j’aurai bien ajouté, dans un article récent où je m’interrogeais sur « les durs de la feuille », cette phrase prise dans un développement qui distingue le peuple et « la foule qui croit défendre la démocratie chaque fois qu’elle agresse un de ses représentant. Et comme elle n’entend que son propre vacarme, la foule est persuadée qu’on est sourd chaque fois qu’on ne lui répond pas. » 
S’il est des riches formules comme celle-ci pêchée je ne sais plus où  
« la retraite peut être vécue comme l’été indien de la vie »
quelques commentateurs rigolos ou pas, ajoutent parfois leur courte-vue à une certaine paresse. Le Président de la République est infiniment plus critiqué que le président du national rassemblement et je n’arrive pas à trouver d’analyse contredisant la fatalité d’une victoire annoncée de l’extrême droite. 
Étrange démocratie où les sondages effaceraient les votes : des élus mal élus ne cessent de remettre en cause la légitimité d’autres élus et ont oublié ce qu’est l’humanisme lorsqu’ils promettent la poubelle à leurs adversaires… voire la guillotine !
La violence de l’extrême gauche profite à la droite extrême et les deux s’excitent quand les flammes prennent. Quel parti avait la flamme comme symbole ? 

samedi 25 mars 2023

Entendre.

Le temps de l’écriture joue avec le temps et suspend sa plume pour caractériser l’humeur d’un instant, au risque de paraître hors de propos à la relecture, ne serait-ce qu’une semaine après.
Cette position en retrait, en retraite, permet de jouer avec les mots, espérant faire coller la juste expression à une réalité fuyante, sous pression.
Quoique, à force de se regarder pédaler, de se saouler d’informations, de couac en clash, la tentation est grande de se soustraire. 
«Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire ; tous les mensonges sont bons à entendre. » Antoine de Rivarol
Les cris effraient et les accusations réciproques de ne pas entendre, l'Europe d'un côté, Français en selfie de l'autre, met en évidence un enfermement  de chacun dans sa tour où on aime grimper au moindre bruit : bras d’honneur et insultes. 
« Il n’est pire sourd… »
Les manifestants scandent :  « on lâche rien » en exigeant que le gouvernement lâche plus.
Les débats s’éloignent du champ politique et économique pour jouer sur l'intimité des personnes et juger des intentions en les traitant de pervers voire d’assassins.
La méprisante Rousseau gémit de se sentir méprisée.
Mais persister dans ce registre, «du celui qui dit qui est», ce serait se complaire dans la marmite déjà bien remplie des victimisés.
Je ne fais pas à Ruffin et Bardella le procès de l’aveuglement, il s’agit d’une stratégie que je caractériserais de populiste, bien que le terme ait disparu ou presque.Tout profiterait à l’extrême droite comme le disent certains commentateurs se dispensant d’en analyser les causes. Ceux ci n’ont anticipé ni les gilets jaunes ni la montée de la droite extrême observée dans le monde entier. Ils ne veulent pas voir que cette victoire annoncée comme fatale pointe son groin quand par contraste les héritiers de Le Pen jouent le légalisme sans proposition aux côté d'une concurrence éructante. Cravates le jour et nuits aux flambeaux. 
La haine de l’autre a commencé par la haine de soi quand par exemple, à la question Facebook : « qui devrait disparaître de la surface de la planète ? » Certains qui se pensent humanistes ont répondu : l’homme !
Ceux qui se dispensent de voter et jouissent devant les caméras en mettant le feu à des palettes, de qui font-ils le jeu ? Ces jeunes là, ne font que porter à l’incandescence le mépris du bien commun, depuis les soupes éclaboussant Van Gogh jusqu’aux saccages de mairies ou de permanences parlementaires. 
Dans quelle société sommes- nous quand les représentants du peuple doivent être sous protection policière ?
Dans la plupart des journaux médiapartisés que je m’obstine à lire encore : face à dix sociologues pour qui la violence policière est systémique, seul un entrefilet signalera le nombre de membres des forces de l’ordre blessés.
Au moment où la poussière prend la place des flots dans le lit de la rivière, il est trop tard : l’assèchement vient d’amont et d’avant, quand de surcroit le beau temps de la pluie n’est pas venu. Des civilisations savaient-elles au moment où elles s’écroulaient, qu’elles s’écroulaient ?
Pour ces poubelles mises en feu, on avait appris à trier papiers et cartons. Et nos prêches civiques avaient pris du temps sur les analyses grammaticales. Quand nous insistions sur les dangers du nazisme, nous ne savions pas que déjà la parole de l’école n’était plus magistrale et que même ça excitait quelque collectionneur de croix. Alors que le récit des cocardes devant les moulins de Valmy, où se fit la nation, passaient par-dessus bien des têtes, je veux croire encore qu’un parfum de la passion de transmettre a pu effleurer quelques têtes qui savaient ce qu’étaient le printemps et les promesses d’un bel avenir. 
Au refrain : et maintenant plus grand monde veut enseigner, prêcher, soigner, conduire, bâtir pour son prochain.
N’y a-t-il plus que désert, épidémies, guerre, à déplorer chez les vieux pomponnés et les fragiles jeunes cocoonés?
« Lorsqu'on commence à s'expliquer, c'est qu'on a fini de s'entendre. »
Berthe Hamelin-Rousseau, une canadienne. 

vendredi 24 mars 2023

Zadig .N° 15. Automne 2022.

La question essentielle: « Que demande le peuple ? » en première page de ma revue trimestrielle préférée 
ne suscite pas des éclaircissements décisifs en dehors des demandes rituelles de participation à la vie démocratique, démenties par des taux d’abstention élevés.
Peut-on oser répondre : « Le peuple désire la paix et la tranquillité » ? 
Ce serait aller contre l’idée que se font bien des journalistes ne voyant essentiellement que des masses misérables toujours au bord de la révolte, depuis qu’ils n’ont pas vu venir les gilets jaunes.
Finalement c’est en marge de ce dossier de 60 pages que certains témoignages m’ont paru plus porteurs de sens.
Les gars qui « tiennent les murs » dans une cité de Strasbourg, objets d’une autre enquête, m’ont paru représentatifs de la passivité ambiante qui ne sait que nourrir les récriminations : 
«  Leur truc de réinsertion ça ne sert à rien, wallah ! Moi j’ai passé le Caces (permis pour conduire des engins de manutention) en détention… la vie de ma mère ! Je ne m’en suis jamais servi. C’est juste pour les remises de peine qu’on y va. »
Le contre-champ optimiste est offert par les carnets dessinés de Mathieu Sapin décrivant la journée très chargée du maire admirable de Clichy sous Bois ou par l’accompagnement de bénévoles du Secours catholique venant en aide aux migrants à Calais.
La photographe qui a suivi une jeune boxeuse du côté de Roubaix rend bien l’énergie de l’adolescente et celui qui a créé un site permettant aux aveugles de circuler dans le métro sans aide extérieure est étonnant. 
Amélie Nothomb, lors d’un entretien approfondi, livre des réflexions intéressantes sur notre pays : sa complexité administrative et notre culte du conflit, 
alors que Leïla Slimani revient sur le racisme. 
Les paroles d’Abd Al Malick me semblent tellement banalement conformes à l’air du temps que je comprends son succès, sans l'apprécier,
par contre est passionnante la vie du mécène Albert Kahn qui a financé  au début du XX° siècle des photographes afin de constituer « Les archives de la planète » en couleurs. Jaenada raconte quelques histoires incroyables 
et Benacquista son déménagement. 
Un portfolio essaye de saisir l’image d’un loup dans le Massif Central 
et le récit de la mort d’un ancien photographe spécialisé dans le flamenco nous glace : il est resté allongé sur le trottoir à Paris, rue de Turbigo, pendant 9 heures avant qu’une SDF appelle les secours, trop tard.
La page consacrée à l’étymologie des mots explique la filiation entre « grammaire », « grimoire » et « glamour ». 

vendredi 10 mars 2023

Sembler.

Du temps des foules sentimentales, il faisait bon chanter : « tous ensemble (bis) » mais maintenant que les blocs jaunes croisent les gilets noirs, la fraternité ne s’use qu’en petits comités. 
Régresse aussi tout sentimentalisme, quand les émotions sont sollicitées plus que de raison dans le débat politique ou lorsqu’invectives et bras d’honneur passent devant tout argument sensé. Face à un jeune Président au travail, des vieux épuisés et d'autres qui ne veulent plus se lever, sauf le poing.
Les blocages effectués par les plus déterminés contraignent leurs collègues là où les difficultés des conditions de travail sont inversement proportionnelles aux positions stratégiques et aux capacités de nuisance des boutefeux.
Depuis « Toujours plus » de De Closet, très années 80, les corporatismes existent toujours comme les inégalités, bien que les régimes spéciaux se rebiffent au nom de l’égalité.
Les anonymes se lâchent sur les réseaux sociaux mais la prudence domine et les micros s’éloignent quand il s’agit de contredire les cris dominants, les communiqués de presse fournissant les journalistes en éléments de langage.
Les intentions les plus noires sont prêtées aux « assassins » qui osent la réforme et leur tête de caoutchouc est écrasée sous le pied d’un député.
Certains  osent parler sans scrupules de précipitation pour une réforme des retraites qui occupe les colonnes depuis des décennies ; ce n’est jamais le moment.
Dans le genre « gonflé.e », une des représentantes d’ « Osez le féminisme » déclare que les féminicides sont dus à « notre culture judéo-chrétienne » comme si sous d’autres cieux les femmes n’avaient rien à craindre ! Par contre ce type de réflexion est bien de chez nous quand les critiques portent en priorité sur nos pairs, pères aux larges épaules.
Au fil des semaines, nous attendons la pluie comme un épisode de beau temps. Et à force, l’homme bon de Rousseau Jean-Jacques se liquéfie et s’approche du détestable. Son visage se grêle sous quelques pointillistes remarques tirées d’une actualité dont j’essaie pourtant de m’éloigner. Une autre Rousseau s’avère désormais plus bruyante que le promeneur solitaire, les médias qui n’ont trouvé que Sardou à lui opposer ont choisi leur camp, sans que l’humanisme y gagne.  
« Le diable est diable parce qu'il se croit bon. » Ramiro de Maeztu.
Je viens d’un temps où Just Fontaine s’émerveillait qu’on le paie pour jouer au ballon, alors les galactiques sommes qui circulent maintenant dans ce milieu me semblent venir d’un autre univers. Il reste essentiellement la nostalgie du sourire de Pelé, d’un drible de Kopa  pour se rattacher quand même aux dramaturgies présentes.
Le décalage est du même ordre en comparant l’école maîtresse des places villageoises dont les agents savaient ce que civisme et République signifiaient et celle qui a réduit ses horaires. Le SNES est contre le SNU (Service National Universel) destiné pourtant à créer du commun au pays du « tout pour ma gueule ». Les «  Contretout », estiment cette entreprise « totalitaire » risquant d’empiéter de surcroit sur les heures de cours qui pourraient subsister après quelques jours de grève. 
« La puissance militaire remporte des batailles, la force morale remporte les guerres. »
G. Marshall

vendredi 3 mars 2023

Soumis.

Quand je retombe sur des conneries que j’ai pu proférer du temps de ma jeunesse forcément péremptoire, je devrais avoir appris à modérer mes propos de papyboomer sans m’empêcher de relativiser les impératifs des bébés rois que nous avons fabriqués.
Dans mes revirements et autres affaissements idéologiques, je garde le goût du paradoxe et un taquin esprit de contradiction.
« Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin  
où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.
Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. 
- Et je l’ai trouvée amère. 
- Et je l’ai injuriée. » Arthur Rimbaud
Pas plus qu’adepte du « jeunisme », je m’en voudrais de mériter le mot « insoumis », galvaudé par de vieux manouvriers soit disant bolivariens, aplatis devant les nouveaux Torquemada de la woke culture des campus nord américains. Ne se contentant pas d’être de distrayants aboyeurs alimentant la société du spectacle, les clowns haineux ont théorisé la Terreur et ne manquent pas de complices pour miner un peu plus notre République en exacerbant les passions mauvaises.
Si je ne suis pas seul à renier mes rêves de jeunesse, alimentant sans discrétion un révisionnisme finalement banal, je suis la pente de tous les renégats d’autant plus violents qu’ils ont tant aimés. Ségolène, je ne peux plus la voir, alors qu’elle m’avait tapé dans l’œil.
Mon indulgence s’était usée en des arguties acrobatiques, elle a viré en sévérité comme s’est  abimé le beau mot de fraternité ne s’appliquant plus qu’à des petits cercles loin de 
« Si tous les gars du monde 
Devenaient de bons copains 
Et marchaient la main dans la main 
Le bonheur serait pour demain »  
Crises climatiques, énergétiques, démographiques, culturelles se déroulent à l’échelle mondiale, et les fracas des guerres passent par-dessus les parapets de nos frontières. 
« L’Ukraine est entrée dans la nouvelle année comme dans une pièce sombre dont il est impossible d’allumer les lumières. » The Observer.
Les pitres d’ici peuvent rendre les armes aux héros de là bas.
Nous ne savons pas mesurer notre bonheur et ne voyons pas le malheur des autres, sinon pour les enrôler dans le vaste camp des victimes en tous genres.
Ce n’est pas faute d’être informés, ni de manquer de lucidité ni d’humanité, mais nous sommes tellement entourés d’objets prodigieux, que nos pensées, nos désirs deviennent de plus en plus magiques, oubliant la pesanteur et toute contrainte budgétaire.
Notre univers numérique impose ses logiques et nous fait tourner en bourrique, les kilomètres deviennent élastiques et les années s’anéantissent.
Pauvre école qui fut si sûre d’elle qu’elle se calcifia. Les fantômes des hussards noirs ne sont même plus mentionnés. Quand la rotondité de la terre est remise en cause, que reste-t-il à ceux qui ont échappé à la décapitation?  La crise de foi n’a pas touché que les curés et les transmissions sont brouillées ; le mot « enseignement », la position du « maître » ne se jouent plus que dans des fictions numériques à connotations moyenâgeuses. Les piques contre le travail scolaire ont érodé toute autorité, le couteau a remplacé le crayon.
- Allez Charlie dessine moi un stylo qui pleure.
- Je n’ai plus de papier, ma chandelle est morte.
La croyance en l’homme s’est muée en un discours benêt où l’on fait mine de croire à ses mensonges. Les versions douces des trumpistes n’en sont pas moins trompeuses ou dangereuses quand les défauts de l’âme humaine ne peuvent être envisagés par ceux qui sont du camp du bien et veulent votre bien malgré vous. 
Arrêtez de manger de la viande, de rouler, de skier, de vous baigner en maillot et accusez, le ciel, l’état, les autres…
« La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas » Baudelaire
 

vendredi 24 février 2023

Au boulot.

La dame de 64 ans pose le dernier Goncourt et va gratter le pied de ses rosiers. 
A quel moment elle bosse ?
Pas besoin forcément de gants pour extraire de terre une pomme, alors que pour certains se taper Joyce relève toujours du pensum.
Le passage d’une activité à une autre ne peut se décrire sous l’oxymorique vocable :« gestion du temps libre », quand la frontière entre travail et loisir fluctue suivant les époques.
Culture et nature : « ne reste pas le nez dans tes livres !» désormais obsolète, versus «  le jardinage me détend » plutôt tendance.
Revoilà sempiternellement travaillée la notion de travail au moment où se repose encore la date de nos mises en retrait : gagne-pain de hasard ou œuvre d’une vie.
La séquence parlementaire qui aurait pu être éminemment politique enfonce les tactiques politicards, quand les propositions les plus évidentes disparaissent sous les colifichets, dans un brouhaha théâtralisé à ranger dans la catégorie « querelles byzantines » aux fragrances décadentes. 
La dérision n’est que l’autre face d’une pièce où s’exagèrent les enjeux dans le déni des contraintes.
Une accumulation de signes inquiétants chez nos compatriotes auraient pu sembler plus urgente à traiter : maladies psychosomatiques, fatigues, congés sabbatiques avant de s’y mettre, démissions. 
Il y a du pain sur la planche pour les chercheurs qui ne veulent chercher qu'aiguilles dans bottes de foin, sans connaître les prairies.
Des crédits universitaires ont été débloqués en Norvège pour des études autour des peintures blanches des murs qui seraient un signe d’assouvissement raciste : de quoi se rouler dans la neige, se faire un rail ou au moins s’avaler un petit blanc.
Pour le reste, il n’y qu’à passer par les cabinets de conseils.
D’autres études cependant fouillent, des recherches creusent, mais les tweets gagnent à la fin, surtout quand la haine les met en évidence parmi tellement de mots nous sommant, nous assommant, qu’on ne sait de quel côté fuir.
La place laissée vacante par les professeurs sachant professer voit se succéder tant de donneurs de leçons. A l’instar des bonnes âmes qui ne voulaient pas que leur obole à un clochard finisse en vin, voilà que des publications distinguent loisir consumériste et temps consacré à l’épanouissement humain pour flécher nos libertés qui ne sauraient être débridées.
Sûrement que la vacance correcte recommanderait la fréquentation de lieux artistiques, mais à user avec circonspection, quand du pays de Biden, de toxiques injonctions sont prises au sérieux interdisant aux acteurs de jouer un homo s’ils sont hétéros… de doubler Mickey s’ils ne sont souris !
Lieux des alertes, les arts sont en crise et les commentaires à leur suite: je cherche la plupart du temps en vain des critiques en matière théâtrale où l’entre-soi semble le plus installé, masqué derrière des écriteaux appelant à ce qu’ils ont chassé: ouverture, simplicité, légèreté, modestie, humour.
Cette frilosité autour du spectacle vivant se retrouve dans des commentaires certes plus abondants autour des films où domine un conformisme frileux tel qu'il se retrouve aussi sur les plages musicales quand ne sont guère critiques les habituels prescripteurs envers les fans et les enfants de « Nique ta mère ».
La minceur des propositions artistiques contemporaines s’accompagne de gloses volumineuses, et aux portes des galeries dans lesquelles s’exposent des objets minimalistes de gigantesques fresques les serrent comme étaux.
«Ceci n'est pas une pipe» titrait Magritte  sous une peinture, mais un couteau est un couteau à Saint Jean de Luz ou ailleurs.
Quand les notions de bon et de beau sont mises à la question chaque matin, les injonctions nouvelles amènent à confisquer le dernier Vivès au profit de la dernière Nobel.
Je me tiendrais volontiers dans une position méprisante à l’égard des méprisants sermonneurs et autres doctes universitaires. Ils préfèrent en revenir au temps des colonies ou étudier quelques barbaries machistes paléolithiques plutôt que voir comment contrarier les fatalités sociales, réhabiliter le travail et tenir sa place dans la société. 
« A vouloir enseigner trop de médecine, on n'a plus le loisir de former le médecin. » 

vendredi 17 février 2023

Blog au bloc.

Lors d’une semaine où mes petits enfants ont essayé de mettre des étoiles au bout de leurs spatules, je me suis cassé un bras dans un escalier, loin des pistes, « bras cassé ».
Mon séjour à l’hôpital après une prise en charge efficace et des soins par un personnel aguerri aurait pu être l’occasion de quelques brèves de couloir pour aborder le sujet de la santé. 
Chaque intervenant accompagné d’une personne en formation dans cet établissement universitaire crédibilise la qualité et l’importance de l’enseignement français quand des cliniques canadiennes viennent proposer des salaires de 4500 € aux apprentis infirmiers. 
Ma recherche de témoignages authentiques s’en tiendra à une vigoureuse déclaration d’un brancardier complice en tant que supporter de l’OM: 
«Je ne vais pas te voir longtemps, mais je t’aime, toi ! » 
Un autre conducteur de lit à roulettes m’avait dit parcourir parfois 15 km dans les labyrinthes de cette maison abritant 9000 travailleurs où les gros bras ne sont pas les seuls à être tatoués.
Je ne retiendrai pas - irruption de la vie - les retrouvailles parfois bruyantes d’agents hospitaliers alors que le sommeil venait enfin sur le matin, pas plus que les regrets de certains de ne pouvoir guère se lier avec les patients : on n’est pas là pour se faire des amis !
Vu depuis mon lit, le service de traumatologie alimenté par les nombreux accidentés du ski, ne m’a pas semblé débordé dans cette période cruciale, malgré la présence de nombreux chirurgiens … sur les pistes.
Je ne saurai me hasarder à émettre quelques généralités à partir de bribes de réalité quand
Vladimir Jankelevitch parlait de « la vérité comme une fine pointe », bien émoussée en ces temps, mais il revient à mon secours : 
« La lueur timide, l'instant-éclair, le silence, les signes évasifs ; c'est sous cette forme que choisissent de se faire connaître les choses les plus importantes de la vie. »
J’ai apprécié d’un juvénile voisin de chambre, sa vitalité, sa détermination et constaté les performances d’une chirurgie lui permettant de persister dans ses projets, lorsqu’il s’est levé le jour suivant son opération de la colonne vertébrale.
J’avais remarqué aussi lors de la venue de sa famille que le second degré n’avait pas disparu de tous les lieux comme je le craignais, le nez trop collé aux écrans.
Celui qui l’avait précédé, arrivé en hélicoptère, était reparti à Clermont-Ferrand en ambulance : nous sommes bien assurés dans ce pays.
Fréquenter, à proximité du cimetière des Sablons, l’hôpital, beau lieu de défense de la vie, conduit banalement à reconsidérer certaines valeurs et apprécier le privilège de vivre en France.
Notre confort, à l’image de la Suède, jadis pays modèle qui connaissait pourtant le taux de suicides le plus important, conduit  parfois à l’aveuglement, quand des mesures avancées pour pérenniser la solidarité entre générations suscitent tant d'hostilité où se mettent en scène les fatigues démocratiques.
« A  propos de la répartition des sacrifices, n’oublions pas que nous avons collectivement, évité et le chômage massif pendant les confinements et la hausse du prix de l’énergie grâce au bouclier tarifaire en mobilisant massivement la dette publique. En 2020, l’économie chute de 8% et le pouvoir d’achat des ménages augmente de 1%. Cet écart considérable sans précédent dans l’histoire, ce sont les générations futures qui le paieront, pas nous. Nous avons mobilisé le futur pour venir au secours du présent. De ce point de vue, la réforme des retraites est un renvoi d’ascenseur, qui mobilise le présent pour venir au secours du futur. » 
François Langlet

mardi 31 janvier 2023

Retraites: stress et restress.

Comme ceux qui annoncent qu’ils vont être « brefs » laissant craindre un discours interminable, je m’apprêtais à écrire : «  je ne parlerai pas des retraites » puisque j’en ai bénéficié à 55 ans, mais quand même…
Puisque un septuagénaire « Insoumis » professionnel à grande bouche ne se décide pas à passer la main tout en réclamant la retraite à 60 ans pour les autres, un de ses presque conscrit peut se permettre de causer aussi.
Me prévalant d’une expérience de syndicaliste, donc de politique, cet article peut essayer de replacer dans la durée cette épineuse question.
Il y a trente ans Rocard prônait un allongement de la durée des cotisations. 
Est-il possible de rappeler que l’âge de la retraite était fixé à 65 ans en 1944, l’espérance de vie de cette époque, quand de vibrantes évocations du conseil de la Résistance se font entendre?
Les réformes proposées depuis ont fait exploser la CFDT de Maire, Chérèque, Notat où j’ai milité avec des « coucous » en allés depuis à Sud. Anciens autogestionnaires devenus gestionnaires, ces leaders étaient de "la deuxième gauche" qui assurait la crédibilité d’une gauche de gouvernement. 
Faure liquide un PS liquéfié et Berger, qui n’est pas une étoile, suit Martinez lui-même à la remorque de radicaux décomplexés depuis que les gilets jaunes ont fait craquer les usages des rituels revendicatifs.
Du temps de Mitterrand, l’espérance de vie était de 70 ans pour les hommes et 79 ans pour les femmes, 
en 2023 il a fallu trente ans pour que les hommes rattrapent les femmes qui désormais comptent bien squatter les EPAHD jusqu'à 85 ans;
il y avait 2,8 cotisants pour un retraité, il n’y en aura plus qu’ 1,2 en 2070.
Est-il cocasse ou dramatique d’entendre des regrets que la retraite à points ne se fasse pas alors que ces mêmes responsables avaient été tellement discrets en temps utile, 
comme furent silencieux les écolos au moment des portiques de la taxe-carbone ?
Nous sommes dans une immédiateté affolante favorisée par des médias qui en accélèrent le cours. 
Leur vision dans l’espace est souvent pertinente en nous comparant avec nos voisins. 
Ce qui laisse d’ailleurs indifférents les militants les moins exposés aux inconvénients des nouvelles dispositions mais occupant des postes stratégiques pour couper, paralyser, se faire voir. 
Les rares approfondissements venus du temps passé sont lacunaires, sortis des procès d’intentions qui prêtent les plus noirs desseins aux adversaires: sadiques de droite contre fainéants de gauche.
Pour illustrer les haines persistantes, je trouve  dans « Le Monde » un article de Georges Nivat  soulignant « la nécessité de désigner un ennemi, dont il faudrait triompher », il place Poutine comme fils de Lénine et de Staline : 
« Sur quel ennemi – « ennemi de classe » comme dans le projet léninien, « ennemi du peuple » comme dans le projet stalinien, « Ukraine nazie », comme en février 2022, « Occident dégénéré » comme aujourd’hui – peu importe ! » 
Et je suis toujours épaté de retrouver dans maintes biographies de coachs en agitation, des formations politiques formatrices dont l'efficacité est inversement proportionnelle à leur nombre d'adhérents. Je me garderai de ne pas respecter les distances entre staliniens aux millions de victimes et quelques bureaucrates à rouges posters, pour évoquer des filiations plus près de chez nous. Les descendants des trotros, des trotskistes lambertistes se repèrent facilement avec leur goût des coups tordus, des manœuvres de congrès, leur habileté dans la manipulation, la dissimulation, l’entrisme : le général FI Tapioca en fut, FO en est plein.
Par ailleurs faut-il que les représentants des travailleurs de l’éducation nationale soient bien falots pour que France Info en soit à donner la parole longuement à une représentante de la CGT très minoritaire dans la profession ? Une écologiste serait-elle la mieux placée  pour rendre compte d’un congrès de la FNSEA?
Les adeptes de « la consultation citoyenne » (pour les autres) sont nombreux, comme si la démocratie ne suffisait plus. Pour aller à contre courant des populistes, il me semble que trop de décisions retardées depuis longtemps appellent la distance et non la flatterie des émotions particulières.
Comme je ne sais trier parmi les arguments, tant les dimensions économiques, existentielles s’entremêlent, j’aurai tendance à sortir de dessous les cendres une valeur qui fait défaut à notre débat démocratique : la confiance.
Ce vecteur essentiel en pédagogie peut-il valoir pour nos responsables garant de l’intérêt  général. Une vision prospective ne peut se résoudre à l'addition d’intérêts particuliers, un empilement de régimes spéciaux. Même si mon optimisme cultivé au sein des écoles a pu s'effriter avec le temps, je me réconforte au récit d’une collègue émérite qui prouve que la foi en l'autre amène le progrès, au moins dans le domaine des apprentissages : 
« Quand les gamins ne comprenaient pas la situation et ne trouvaient pas les réponses, on cherchait une autre façon. Ce jour là, un petit groupe doit refaire un exercice mais présenté autrement et parmi eux Yanis, et il réussit très bien, je lui dis : 
«- Super Yanis, tu as vu, tu as réussi ». 
Il me regarde et il me dit : 
«- Oui, mais toi tu savais que j'allais y arriver. » 
Nous sommes si loin de cette compréhension, de cette complicité, de cette humanité. 
Dans la société française, il semble que la réussite soit dans l’échec de l’autre, au moment où les Japonais ne veulent pas prendre leur retraite avant ... 70 ans.