En ces temps tempétueux, le cadeau était approprié, mais la
focale n’est pas ajustée à ma myopie.
J’avais préféré le souffle libertaire de « La
mémoire des vaincus » par Michel Ragon ; ces recherches
universitaires rassemblées se sont avérées trop pointues.
La gauche y est contenue essentiellement à l’intérieur du
territoire marxiste, « sorti de la
scène sans applaudissement ni rappel », et critiqué par ailleurs pour
la vue courte de l’exilé de Londres à propos des luttes anticoloniales.
Je n’espérais certes pas de commentaires sur la dernière
facétie de François Ruffin ou sur une déclaration du J.C Cambadélis de service
à ce moment là, mais ces 220 pages tombent parfois à côté de la plaque quand
elles s’éloignent de paroles incarnées comme celles-ci à propos de la
mélancolie: « comme une prémisse
nécessaire du processus de deuil, une étape qui le précède et le rend possible
au lieu de paralyser ; et qui aide ainsi le sujet à redevenir actif » « Nous devons
essayer de survivre en nous accrochant à quelques bribes flottantes de notre
navire englouti »
Un chapitre consacré au cinéma nous permet de réviser, « Palombella
rossa », « Queimada », « La bataille
d’Alger », « Le fond de l’air est rouge », « Land of
freedom »… avec « Rue Santa Fe », Carmen Castillo voit « les militants d’aujourd’hui qui
s’approprient la tradition et la mémoire des vaincus, parce qu’ils y trouvent
une source de dignité, mais sans reprendre à leur compte la rhétorique épique
et héroïque ». « La terre tremble » de Visconti devait
célébrer la lutte victorieuse des mineurs, ce fut la description de la misère
des pêcheurs qui resta.
Les travaux du fondateur de la LCR, Daniel Bensaïd
concernant Walter Benjamin sont mis en lumière dans un emboîtement de citations
qui ne facilitent pas la lecture, bien que, avant sa mort annoncée, quelques
formules soient belles :
« J’ai appris à
défendre chaque parcelle du jour contre le venin du regret »
et fortes :
« La gauche a
mal à sa mémoire. Amnésie générale. Trop de couleuvres avalées, trop de
promesses non tenues. Trop d’affaires classées, de cadavres dans les placards.
Pour oublier, on ne boit même plus, on gère. La Grande Révolution ?
Liquidée dans l’apothéose du Bicentenaire. La commune ? La dernière folie
utopique de prolétaires archaïques. La révolution russe ? Ensevelie avec
la contre-révolution stalinienne. La Résistance ? Pas très propre dès lors
qu’on y regarde de près. Plus d’évènements fondateurs. Plus de naissance. Plus
de repères. »
L’expression « la
foi qui déplace les montagnes » n’est pas de Mao,
elle vient de la bible, comme « laissons les morts enterrer les morts ».
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Dessin du "Canard":
Fidèle à moi-même, je me dois de dire que même dans la Bible on voit comment le meilleur (de l'Homme) côtoie le pire.
RépondreSupprimerJe crois que notre soif d'inconséquence ? de civilisation ? est notre pire ennemi en ce moment.
Mais je serais la première à dire combien ça devient de plus en plus difficile de naviguer entre Scylla et Charybde en vieillissant, avec toutes ces couches de conscience (de soi) qui se déposent au fur et à mesure.
Je me console en regardant le printemps, dont je ne me lasse pas.