mercredi 31 janvier 2018

La mort lente de Torcello. Elisabeth Crouzet-Pavan.

En voyage à Venise, la visite des îlots de Murano et Burano fait partie du pacquage touristique.
Et il est bien agréable de poursuivre vers Torcello afin de se distinguer des foules de la « Sérénissime », bien qu’il ne subsiste de la prospérité passée de cette surface au ras de l’eau qu’un campanile et une église aux mosaïques remarquables.
«  Cette horizontalité de la topographie a peut être favorisé ou accentué la dynamique de l’oubli. »
Dans ce livre recommandé cet été par « Le Monde », l’auteur en nous faisant part de ses recherches à propos de ce site aux archives lacunaires, fait preuve d’une opiniâtreté égale à celle des hommes qui se sont battus dans la lagune contre l’ensevelissement de leurs terres par les eaux.
Les 490 pages se situant en phase avec la tendance médiatique qui privilégie les approches allant à contre courant des connaissances communes, auraient pu être réduites de moitié tant, comme dans toute thèse, il y a des redites.
 «  Les faits sont là. Torcello mourut, étouffé par les marais, ravagé par les miasmes et les fièvres. Par son jeu, par ses décisions, la politique vénitienne ne sauva pas l’île. Faut-il alors penser que cette communauté fut sacrifiée parce que l’autorité vénitienne, prise par sa lutte séculaire d’aménagement et de défense d’un milieu rebelle, ne pouvait combattre sur tous les fronts lagunaires à la fois ? » 
Qui suis-je pour me permettre des remarques envers cette spécialiste de Venise quand ce paragraphe placé dans la conclusion vient nuancer un parti pris plus tranché développé tout au long de l’ouvrage, envers la trop parfaite Venise?
Le travail de l’historienne est impressionnant, intéressant, honnête, engagé, même si les notes apparaissent surabondantes aux yeux du touriste.
 «  J’ai donc pris le parti de tenter d’écrire la chronique de ce qui pourrait sembler être un évènement sans évènement, mais qui pourtant produit une césure historique, la fin d’une histoire qui advint quand aux maisons et aux églises furent substitués de rares ruines, quelques vergers, la boue, des herbes, le marais »
Avec des échos du « crieur », des renseignements fournis par les testaments, des pièces judiciaires, nous percevons la vie des tavernes, les querelles qui soudent les communautés, le labeur des pêcheurs, des transporteurs de bois.
Il y a  quelques années je n’aurai pas relevé l’importance de la religion et des reliques :
«  A mesure que l’Empire s’effondrait, que les vénitiens se retiraient devant l’avancée turque, ils disaient sauver face aux Infidèles l’essentiel ou presque : les précieux restes saints. Ils perdaient terres et comptoirs mais razziaient les corps saints. »

3 commentaires:

  1. C'est un gallicisme, Guy "pacquage" ? Je vois que le correcteur orthographique ne le rejet pas. Il me fait pourtant penser à l'américain "package" pour "package tours". Dans le style, "clefs en main" qui est si cher aux touristes mondiaux. (Je ne critique pas, je constate.)
    Ce post me fait penser à un très beau poème de Wordsworth que j'ai découvert la semaine dernière, "The Ruined Cottage", dans lequel un colporteur raconte à un... touriste, au 19ème siècle, l'histoire de la ruine où tous les deux se sont réfugiés quelques instants, une histoire triste, et implacable d'une petite famille où le père, suite à deux récoltes plus que décevantes, part s'engager à l'armée en laissant le solde pour sa petite famille afin de pourvoir à leur subsistance. La femme seule avec ses enfants perd progressivement tout intérêt pour la vie (même pour ses enfants...) dans l'absence de son bâton vital, et tout va à vau l'eau, et se délite. Le voyageur/touriste se lève et poursuit son chemin après ce récit, le coeur... léger... (ce n'est pourtant pas un monstre) devant le cours parfois inévitable des choses dans ce bas monde.
    Les ruines de Torcello sont belles. La nature reprend ses droits, pour combien de temps encore, d'ailleurs ?

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    1. Merci pour ta lecture attentive et encore j'a i évité la pacage ou encore comme dit Wiki: "le pâquis, le pâtis, le pasquage, le pasquier, le pastural, la pasture... désignent sous diverses modalités une pâture, c'est-à-dire au sens ancien une "source de nourriture végétale" consommée sur place par un troupeau bovin, ovin, caprin, porcin... divaguant, conduit ou laissé libre ..."

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  2. Merci pour ton divertissement édifiant, Guy.
    J'aime bien les pâturages... pour les bêtes.
    Il me reste à espérer avec ferveur que.. nous n'allons pas bientôt nous mettre à brouter, nous sentant implacablement parqués dans des pâtures partout. A moins que ce ne soit des pacquages...

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