dimanche 17 janvier 2016

La princesse de Clèves. Magali Montoya.

Je dois à un ancien président de la République, qui beaucoup esquinta la France, quelques sept heures de plaisir théâtral. Puisque Sarko qui tant brunit en cours de route avait raillé le roman de madame de Lafayette publié en 1678, cette œuvre ne pouvait avoir que des qualités.
Quoique : « Les paroles les plus obscures d'un homme qui plait donnent plus d'agitation que des déclarations ouvertes d'un homme qui ne plait pas »
Avec délectation, j’ai éprouvé combien cette balise de notre culture que je méconnaissais était constitutive de notre identité française. Le saut à l’élastique n’étant plus de mon ressort, le risque d’être enfermé à la MC2 de 15h à 23h 15 était jouable.
Pourtant, même si en fond de la sobre scène, un grand panneau généalogique rappelle les noms des personnages, l’entrée dans les intrigues du XVI° siècle à la cour d’Henri II, me fut laborieuse. Elles me semblaient hors sol, bien peu politiques, si loin par exemple de Shakespeare qui guette toujours quand on s’approche des planches et du pouvoir.
« Si vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci, répondit Madame de Chartres, vous serez souvent trompée : ce qui paraît n'est presque jamais la vérité. »
Mais en éprouvant la dimension exceptionnelle offerte par le temps, je fus bientôt emporté par la ferveur des actrices dépassant la narration, par la langue de l’auteure et sa finesse pour décrire les passions et nous rappeler la violence des vertus, la beauté, l’amour et … la liberté.
«  La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne d’Henri le second. »
Ainsi commence l’histoire qui parfois tourne au vaudeville : à cette hauteur, il faut tenir la longueur. La performance admirable des actrices nous facilite l’entrée dans les méandres, les contradictions des passions très modernes, dans la fatalité des drames ;
« Je n’ai que des sentiments violents et incertains dont je ne suis pas le maître : je ne me trouve plus digne de vous ; vous ne me paraissez plus digne de moi ; je vous adore, je vous hais ; je vous offense, je vous demande pardon ; je vous admire, j’ai honte de vous admirer ; enfin, il n’y a plus en moi ni de calme ni de raison. »
Si des blagounettes nous effleurent en comparant les langages SMS à tant de sophistication des sentiments, la redécouverte de mots enfouis nous régale : ainsi « commerce » qui n’est pas celui de l’OMC, « raccommodements », « enjouement », « inclination », « affliction » « opiniâtrer », « souffrir », « manquer à soi même », « fâcheux » … « faire la cour ».
De ces tourbillons soyeux, mieux accompagnés par la musique que par une peintre sur le plateau qui commence bien ses tracés puis se perd parfois dans des barbouillages, pouvons nous encore apprendre de la fragilité des hommes, de leur quête ?
Qui peut oser clore ces riches heures, en écrivant ?
«… et sa vie, qui fut assez courte, laissa des exemples de vertu inimitables. »

1 commentaire:

  1. Vu hier soir en DVD : "Un roi à New York", un des derniers Chaplin qui raconte l'histoire d'un roi déchu fuyant un pays déchiré par la révolution, en Europe, pour gagner le pays de... la liberté, aux U.S.
    Un moment de pur bonheur, avec des séquences tout à fait prophétiques, surtout du côté publicitaire, et Chaplin a l'oeil très fin pour découper la différence entre le Nouveau Monde et.. l'Ancien...
    Film qui date, non pas de 1600 et quelques, mais de 1957...
    Je suis sûre que si j'ouvrais "La Princesse de Clèves, je pourrais avoir une attaque de... nostalgie devant une certaine grandeur... (des sentiments, des passions, des mots, des péchés ?) qui fait cruellement défaut en ce moment...
    Merci.

    RépondreSupprimer