Pour les amis du musée de Grenoble, Gilles Gentil a choisi l’ordre
chronologique pour faire valoir la richesse des talents du peintre à la cour
d’Espagne qui mourut à Bordeaux en 1828 à 82 ans.
Le graveur a alterné avec le peintre de cartons de
tapisseries, le maître du portrait s’est révélé après des travaux en chapelles.
Cette variété pourrait se voir comme dans sa représentation d’un printemps
lumineux et charmant voisinant avec un rude hiver.
La permanence de sa force se retrouve dans la famille
nombreuse de ceux qu’il a inspirés : Picasso et ses taureaux n’est pas
seul. Pour prendre dans l’actualité des expositions : Vallotton qui écrivit « c’est la guerre », grave
un massacre de civils dans une cave où des canons pointent dans un coin.
Dans sa série des « désastres de la guerre »
réalisée à partir de 1810, une planche
intitulée « On ne peut regarder
cela » préfigure le « Tres
de mayo » où l’inhumain vainqueur sans visage tient le fusil.
La représentation d’une « Rixe
à l’auberge nouvelle » n’est pas franchement un sujet aimable bien que
sa facture pleine d’ardeur, de vivacité dans l’exécution nous ravisse. Elle
vient dans les œuvres de jeunesse avec
la plaisante « Ombrelle »
ou « Le
marchand de vaisselle » dont les repentirs rendent une atmosphère étrange.
Nous sommes amenés à plonger dans « La prairie de San Isidoro » traitée en panoramique qui
alterne les teintes claires et sombres derrière des personnages grandeur nature.
Loin des multitudes chamarrées, un condamné solitaire « Le garrotté », la tête
boursouflée, les pieds crispés, accuse. Pourtant le garrottage était un privilège de
noble, par rapport à la pendaison roturière.
Au musée de Besançon,
on peut voir des « Cannibales
préparant leurs victimes » ou « montrant
des restes humains » plus probablement inspirés de caricatures
anglaises contre-révolutionnaires que d’Iroquois ayant massacré des jésuites.
Power point permet de nous approcher des toiles, ainsi la
flèche d’argent dans les cheveux de la reine Marie Louise offerte pas son amant
le duc Godoy, se retrouve plus tard, bien plus tard, dans un portrait de
vieilles se regardant dans un miroir où
est écrit au dos « Que
tal ? » « Comment ça va ? ». Elles peuvent voir la
mort derrière elles.
Pepita Tudó, l’autre maîtresse du duc, qui inspira
la « Maya vestida» et la
« desnuda » nous regarde dans les yeux, elle figurait en face de « La Vénus au miroir » de
Vélasquez dans un pays ou l’inquisition avait raréfié les nus et inquiété
Francisco Goya.
« Toute cette cour qui fut emplie de son
nom resplendit pour nous de son soleil noir ». Malraux.
Le roi Ferdinand 7 disparait derrière les vibrations
colorées de son costume et la réunion qu’il préside, « la junte des Philippines » s’ouvre sur du vide.
Le monstrueux « Saturne
dévorant son fils » accueillait les visiteurs de la « maison du
sourd » qu’il était devenu, envahie d’autres peintures noires.
Est-il plus
terrible que le « Duel au bâton » où
deux hommes les jambes enfoncées dans la terre s’entretuent ?
« Le sommeil de la
raison engendre des monstres »
De nombreux écrivains ont apporté des mots qui ont sublimé les
œuvres majeures de l’Aragonais, mais je
retiens cette citation du créateur lui-même : n’annonce-t-elle pas la
venue d’une peinture nouvelle ?
« Où se trouvent
les lignes dans la nature ? Moi je n’y vois que des corps éclairés et des
corps qui ne le sont pas… »
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