Degas a été « complice de sa formation » selon les mots choisis par Damien Capelazzi aux amis du musée, pas comme Manet son ami, qui invité à copier les maîtres, a peint les quais de la Seine depuis une fenêtre du Louvre.
L’impressionniste précieux n’a pas chanté la nature, il a
quitté les sphères académiques pour
saisir « les instants fragiles», à l’intérieur. Son regard nous transperce
comme « une icône au temps d’un monde groupé ».
Il fut influencé par Ingres qui demandait de « faire
des lignes, beaucoup de lignes » dans un univers où le marbre se donnait
pour de la chair, pourtant sa « Grande
baigneuse » dite de Valpinçon
est d’une sensualité qui choqua.
Valpinçon était l’ami du père De Gas banquier et
collectionneur comme son fils.
La mère était créole de la Nouvelle Orléans.
Edgar va s’enrichir de la pensée graphique de Raphaël, des
chorégraphies du corps de Poussin.
Il va devenir un des virtuoses de l’instant.
« Peinture
audacieuse et singulière s'attaquant à l'impondérable, au souffle qui soulève
les maillots, au vent qui monte et feuillette les tulles superposés des
jupes » Huysmans.
Le travail des couleurs ne se prémédite pas, le roi du
pastel les fait s’ « iriser au bord de l’opalescence », ici et
maintenant. Le siècle a pris des couleurs depuis Delacroix.
Il voyage, en revenant d’Italie, gonflé d’histoire, comme
Gustave Moreau dont il dit qu’ « il
veut que les dieux portent des chaines de montre », il va réveiller le
genre de la peinture d’histoire.
Les « Petites filles spartiates provoquant des garçons »ne
sont pas soumises et leur tenue m’a fait
envisager la sobriété spartiate sous un autre jour.
Dans « Scène de guerre au Moyen Age » les femmes subissent la violence des hommes.
Une femme est repliée sur elle même dans la scène qui
s’intitulait «L’intérieur » dont
les murs, la lumière, l’homme sombre aux
jambes écartées, son chapeau posé sur le lit, la boite des dentelles ouverte, disent
tellement la violence que cette œuvre est désormais dénommée « Le viol ».
Degas a été du camp antisémite lors de l’affaire Dreyfus,
mais bien que conservateur, il va porter un regard critique sur sa classe
sociale. Deux mâles « scopophiles » avachis sur leur chaise apparaissent
dans toute leur vulgarité au bord de la scène où des jeunesses palissent sous
les lumières.
Il va dans les fosses d’orchestre, dans les loges, multiplie
les points de vue différents.
Il voit les filles dans les coulisses, au moment où elles attendent, répètent,
s’étirent. Leurs corps se tordent, fatiguent ; la mélancolie se pose
devant une absinthe.
Dans "L'orchestre de l'Opéra" les plans se superposent,
les musiciens sombres au premier plan contrastent avec une ribambelle de jambes
qui s’agitent sous les feux de la rampe à l’arrière.
Sa sculpture de « La grande danseuse » est très
réaliste avec son tutu de tulle, son
visage attira des critiques très violentes :" où tous les
vices impriment leurs détestables promesses ».
Ses lingères,
ses repasseuses sont saisies instantanément comme la chanteuse dont le corps est au paroxysme, l’une crie,
l’autre appuie sur son fer dans une tension des corps très graphique.
Saisies au
moment du bain, les femmes nues se lavent, se
sèchent, les couleurs peuvent s’aviver à l’occasion de « La coiffure ».
Classique et innovant, il
a fait se côtoyer la beauté et la mort ; contradiction ou
réconciliation ?
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