vendredi 28 février 2025

Pas loin.

Pour avoir eu honte de textes écrits dans ma jeunesse, je sais que le verdict du temps est impitoyable et peut mettre le rouge au front d’une semaine à l’autre. Les lignes ci dessous amorcées avant Munich 2025 risquent une péremption rapide, mais d’autres bien informés n’ont rien vu venir, alors je peux me permettre ces quelques mots. Les bouleversements à prévoir n’aboliront pas les réalités de la semaine dernière, ni quelques états d’âmes.  
Les voyages, en ce qui me concerne, se raréfient  plus sûrement pour cause d’arthrite que de sobriété carbonique. Les virgules sur clavier pompent l’oxygène autant que les zincs.
Pourtant avant d’être mis au clou comme on le disait pour « Ma tante » (Mont de piété), je vais essayer de prendre quelque distance en envisageant les frontières de notre Europe habillée de tous les maux et pourtant notre seul recours, plus que jamais.
Après des engagements ambitieux en matière d’écologie, les dirigeants européens ont remis en cause leurs prétentions, dont les mérites apparaissent quand les dispositifs disparaissent. Pris dans la même mécanique chagrine, les contempteurs du Pass culture s'émeuvent lorsque des restrictions arrivent. L’air du temps est à la déploration, suivant une pente victimaire, se délectant de pessimisme, les généralités contredisant des situations souvent confortables. Il n’y a pas que les préados à préférer les films d’horreur.
Pour contrer le MAGA trumpien «  Make América Great Again » : « MEGA » comme slogan Européen aurait de la gueule, agrémenté du mot d’Horace en pansement: 
«  La Grèce vaincue conquit son farouche vainqueur » afin de faire valoir finalement une victoire culturelle des grecs défaits militairement par les légions romaines en 168 avant J.C.
La formule peut aller contre l’auto dénigrement actuel, bien que ce sigle soit tellement fourre-tout, les nationalistes l’ont préempté, pourtant : 
«  Forte de son histoire, de son humanisme de choc, de son idéal démocratique et de son attachement aux biens communs (et donc aux ressources de la planète), l’Europe ne peut-elle pas incarner une autre voie dans un monde en proie à la frénésie technologique et à la force brute ? » 
Christophe Ono-dit-Biot
Mais face à ce qui apparaît comme une agitation fiévreuse depuis notre pays sous la couette, la Chine ne fait pas qu’attendre tranquillement que l’Amérique se fâche avec la planète pour tirer les marrons du feu, elle travaille. Dans le domaine de l’I.A. où les frontières n’existent pas, l’esbroufe nationaliste embarque du monde tout en nuisant à ceux qu’elle prétend protéger. 
« La coopération plutôt que l’affrontement », la naïve  formule risque de rester un vœu pieux. Les plus performants de chez nous partent à l’étranger tandis que les étrangers ont tellement envie de venir dans notre pays de joueurs de mots où par exemple  « Remplacement » glace la place dès qu’il est prononcé.
Le mot « Sélection » mettrait le feu à la fac, alors qu’on s’accommode de la frustration de l’étudiant qui après trois ans d’études supérieures ne peut accéder à des métiers « supérieurs » ; il fera comme le renard méprisant les raisins.
Les maîtres de conférence à la tribune n’apportent guère de réponses à nos inquiétudes concernant une Liberté individuelle sans borne portant atteinte à la Fraternité, tandis que notre passion pour l’Egalité reste théorique, tant que pour partager la richesse encore faut-il qu’il y en ait, de la richesse.
Plutôt que d’aller chercher loin « X « ou « Y » pour les facéties, notre Piolle, comique en circuit court, pour lequel il n’est pas besoin d’herbe à faire rire pour apprécier les interventions hallucinatoires, monopolise les micros.
Il serait incongru de demander à lui et à ses violents compères leur réponse à la débandade démographique, à la dépression culturelle, sans parler ni de l’eau ni de l’air, ni de la crise politique qu’ils assombrissent en déconsidérant un peu plus les élus. Et la guerre ?

jeudi 27 février 2025

New-York. Fabrice Conan.

La première capitale des Etats-Unis (1785) dont la ligne d’horizon actuelle convoque le souvenir de la destruction des tours jumelles le 11 septembre, est décrite dans son architecture par le conférencier devant les amis du musée de Grenoble.
D’autres entrées sur ce blog évoquent « Big Apple » qui a quelques liens avec la France. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2022/11/new-york-sans-new-york-philippe-delerm.html
Depuis Saint Dié dans les Vosges, un collège de moines savants avait donné le nom « America » au Nouveau Monde en hommage au cartographe Amerigo Vespucci. « Cosmographiae Introductio».
Giovanni da Verrazzano
, de la famille florentine Gadagne, installée à Lyon, nomme une parcelle de terre indienne qu’il découvre en 1524 : « La Nouvelle Angoulême » en hommage à François premier, duc d’Angoulême.
Cent ans après, La Compagnie néerlandaise des Indes orientales  à  la suite de son explorateur anglais Hudson installe la colonie de « La Nouvelle-Amsterdam » en 1625.
Le blé est acheminé par
« la route du pain », Breedweg , la future Broadway. L’île de Manhatta , l’île aux nombreuses collines, est achetée aux indiens. Pieter Stuyvesant devient gouverneur de ce village de 1500 habitants. Le mur d’enceinte où aboutit la rue du Mur (Wall Street) ne sera pas suffisant pour contenir les anglais en 1664 qui offriront les terres au duc d’ York, frère du roi Charles II. New York.
« Le drapeau de la ville »
résume cette histoire aux couleurs néerlandaises sous le pygargue à tête blanche symbole des E.U., avec un colon et un indien encadrant castors et tonneaux de farine.
« Trinity Church »
construite très tôt en 1625, détruite par le grand incendie de la ville en 1776 puis reconstruite, accueillera les rescapés des deux tours voisines écroulées en 2001.
Le naufrage du Titanic figure sur un des vitraux de la « Cathédrale Saint John The Divine »,
L’architecture palladienne du « Federal Hall » se retrouve à la Maison Blanche.
George Washington le premier président américain y prononça son serment d’investiture en 1789.
La société des « Fils de la liberté » qui avaient œuvré à l’indépendance se réunissait dans la taverne «  Fraunces » située à l’angle de « Pearl street » ainsi nommée pour les nombreuses coquilles d’huitres consommées par là.  
Parmi seize avenues de 100 pieds de large et 155 rues délimitant des blocs de 2 ha, les infrastructures de transports sont gigantesques,
ainsi « Grand central »  où aboutissaient les réseaux ferrés privés.
Actuellement les conteneurs du trafic maritime vont à Newark dans le New Jersey mais le « Port de South Street » garde le souvenir d’avoir été le
premier port du monde où transitaient 1/3 des exportations et 2/3 des importations.
« Le château du Belvédère »
, construction d’opérette,
est élevé dans « Central Park » qui répond au projet:
« sain divertissement du peuple, l'éloigne de l'alcool, du jeu et des vices, pour l'éduquer aux bonnes mœurs et à l'ordre. »
Le « Dakota Building » John Lennon a habité avant son assassinat est situé à proximité.
A côté d’ « Ellis Island » où passèrent 12 millions d’immigrés,
on peut imaginer dans sa couleur cuivre d’origine la
« Statue de la Liberté » d’ Auguste Bartholdi (ossature de Gustave Eiffel) offerte par la France pour le centenaire de la déclaration d’indépendance de 1776.
Quelques institutions culturelles prestigieuses donnent une image différente de l’Amérique :  
- le « Metropolitan Museum of Art » un des plus grand musée du monde
comporte « The Cloisters » qui abrite des cloîtres médiévaux venus de France.
- Chagall a décoré le « Metropolitan Opera »,
- La « Bibliothèque publique de New York » où les 53 millions de documents sont facilement accessibles comporte 87 succursales dans la ville.
Parmi les gratte-ciels :
- La « tour Chrysler » grâce à sa flèche monumentale avait dépassé la tour Eiffel
mais  l’« Empire State Building » devint encore plus haut avant que
le « One World Trade Center » atteigne les 541,33 mètres 
(1776 pieds comme la date du début de la révolte contre les Anglais).
- Le « Flatiron » (fer-à-repasser) est remarquable.
- Le « Cast Iron Building » est construit en fonte.
- L’aiguille des minutes du « Life Insurance Building » pèse 500 kg
Parmi les gestes de quelques architectes celui du « Musée Guggenheim » 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/11/franck-lloyd-wright-benoit-dusart.html
« One 57 »
de Christian de Portzamparc fait l’effet d’une cascade. 
« Des centaines de fois j’ai pensé que New York est une catastrophe, 
et une cinquantaine de fois : c’est une magnifique catastrophe ». 
Le Corbusier.

 

mercredi 26 février 2025

Matin à la cornemuse. Erwan Keravec & Les sonneurs.

Le quatuor, dont les instruments à vent renvoient à quelque image folklorique, semblerait plus à sa place dans les landes armoricaines qu'en auditorium. 
Hé bien au cours de l’heure dominicale à la MC2, rendez-vous des mélomanes curieux, trélombarde, bombarde, biniou et cornemuses conviennent parfaitement aux musiques les plus expérimentales.
Leurs sons stridents, les notes tenues, les mélodies répétitives, rencontrent des compositions exigeantes dont un morceau de Phil Glass, le plus célèbre, clôt en beauté la séance. 
Les sonneurs expérimentant les modes de jeux les plus divers, sont surprenants, dérangeants, grinçants, couinant ( "god save the couine"), délicats, contrastés, sensitifs, voire facétieux dans leurs recherches où la modernité la plus insolite rencontre la tradition la plus identifiable. 
Cependant dans le quatuor de mes amis, certains ont trouvé le concert difficile et parlaient plus volontiers de bouchons d’oreilles que d’envie d’un morceau supplémentaire.

mardi 25 février 2025

Les évasions perdues. Thomas Legrand François Warzala.

Le titre excellent, faisant allusion aux « Illusions perdues », résume l’essentiel du propos : l’obsession du père du célèbre chroniqueur politique pour trouver à s’échapper du Stalag où il était prisonnier aux confins de la Prusse orientale pendant la seconde guerre mondiale.
La période a beau être déjà très documentée, la description sobre de la « drôle de guerre » situe parfaitement le contexte dramatique de la défaite militaire et morale en juin 40. 
Nous révisons la dureté des conditions de vie des prisonniers de guerre, face à la cruauté des nazis. Indicibles, si bien que les confidences de celui qui n’était qu’un jeune homme n’arrivent qu’à la fin de son existence et valent par leur retenue.
Pour ma part, j’ai appris que suite à des accords entre le gouvernement de Vichy et les autorités allemandes des aspirants officiers sont regroupés afin de former une élite pour « une nouvelle Europe ». Dans cette misérable université, que vient visiter un ministre véritablement aveugle, les dilemmes sont grands pour ces cadres défaits et mal informés jusqu’à ce qu’un général précise l’engagement de Pétain qui heurte leurs sentiments patriotiques. Le récit de leurs tentatives d’évasion, vecteur palpitant de lecture, rend presque familier l’héroïsme de ces héros, loin des fanfaronnades qui s’étaient substituées aux silences.
   
 

lundi 24 février 2025

La mer au loin. Saïd Hamich Benlarbi.

Une vie de clandestin à Marseille au temps lointain de l’OM victorieux de la coupe d’Europe.
Sur fond musical de raï, la misère des squats et des ventes à la sauvette s’estompe au soleil grâce à la fraternité entre magrébins en quête d’une « Miss Visa ». 
Le destin romanesque du personnage principal permet d’explorer la complexité des situations des déracinés cherchant d’autres terreaux avec en prime une silhouette de policier atypique qui apporte quelques couleurs à un récit mouvementé de près de deux heures. 
Les déchirures ne s’effacent pas derrière un sourire, mais la dignité face à l’adversité gagne les cœurs.  

samedi 22 février 2025

Le dernier rêve. Pedro Almodovar.

Les chanteurs deviennent acteurs, les acteurs dirigent à leur tour, cette fois le réalisateur chamarré écrit son « autobiographie morcelée. »
Dans un ensemble de douze chapitres inégaux, j’ai aimé ses réflexions à propos de la littérature quand il distingue scénario et roman et surtout quand il apporte dans quelques nouvelles une intériorité vibrante que ne rendent pas forcément les images même lorsqu’elles sont hautes en couleurs.
« La rédemption » où Jésus dans sa prison comprend les hommes en rencontrant Barabas brasse quelques idées fécondes au-delà d'un argument original bien exploité.
« La visite » révèle douleurs et hypocrisies au moment où la religion se travestit.
D’autres récits où perce la nostalgie rappellent des heures flamboyantes, quand il évoque la chanteuse Chavela Vargas : 
« El ultimo trago fut cette nuit là un hymne délicieux à la joie d’avoir tout bu, d’avoir aimé sans retenue et d’être toujours vivante pour le chanter. L’abandon devenait fête. » 
Avec sincérité, clarté, une inventivité cependant moins radieuse que jadis, il revisite quelques mythes et rend hommage à sa mère : 
« Ma mère comblait les vides dans les lettres, lisait aux voisines ce qu’elles voulaient entendre, des choses que l’auteur avait probablement oubliées et auxquelles il aurait volontiers souscrit.
Ces improvisations constituaient une grande leçon pour moi. Comme je l’ai dit, elles établissaient la différence entre la fiction et la réalité, et montraient combien la réalité requiert la fiction pour être plus complète, plus belle, plus vivable. »

vendredi 21 février 2025

En différé.

Dans la farine des jours passés, je prélève quelques grumeaux que le présent vient d’agréger : Gilets jaunes, Van Gogh souillé et voyage à Auschwitz. 
Certaines images perdurent quand la dénonciation des inégalités, l’état de la planète, où la mémoire de l’inhumanité passent au second plan.
Les ronds points piquetés de jaune exprimaient des fractures sociales, territoriales, culturelles venues de loin. Leurs revendications ont été transmises sans recul par quelques commentateurs du court terme à la courte vue qui découvraient de nouvelles têtes
Les mœurs de la République ont été amochées à ce moment là. L’efficacité des modes d’action des G.J. a induit d’autres façons de contester, de ne pas négocier dans notre démocratie représentative.
Sans même évoquer les émeutiers de juin 2023 bien vite oubliés, certains écolos, certains paysans et même quelques députés chifoumi y ont fortifié leur goût de la baston et mis à distance les amateurs de compromis.
En sciant systématiquement les barreaux de l'échelle de ceux qui s’attaquent à « l’Himalaya », les médias friands de clash font la courte échelle aux pires.
Dans un article, un journaliste devenu chroniqueur va rapporter les craintes d’un habitant de Mayotte redoutant la guerre civile, mais dans trois autres fustiger l’emploi du terme « submersion » pourtant assorti du  mot « sentiment de » permettant tous les euphémismes dont les « présumés » objectifs rapporteurs devenus éditorialistes abusent eux-mêmes.
Le pathétique P.S. submergé a rapporté que le premier ministre avait dit un gros mot. 
Les masses laborieuses sont ravies d'une telle audace. 
Les contradictions au cœur de nos atermoiements personnels et de nos hésitations collectives ne peuvent guère apporter de nuances aux avis péremptoires. 
Qui ne pleure pas sur des pertes d’emplois dans des productions polluantes ?  
Qui ne souhaite pas une réindustrialisation de la France douce et parfumée ?  
Mais on n’est pas obligé de suivre ceux qui regrettent les cohortes de camions et manifestent contre de nouvelles lignes de trains. 
La règle des médias exprimée dans cette ordre : « on lèche, on lâche, on lynche » vérifiée avec Royal, Sarkozy et Macron quand ils ont perdu leur prénom, s'inverse avec la déférence envers le R.N. mise à la hauteur de l’indignité du F.N.
Dans mes années militantes, j’ai aimé attirer l’attention par des slogans bien tournés, des chants amusants, des démarches inédites, car nous pensions mettre une forme attrayante au service d’un fond juste et généreux.
Mais de la soupe jetée sur des œuvres, sous prétexte de défense de la nature, s'attaque à la culture. Et bien que les abuseurs de grands mots me fatiguent, de la même façon que je voyais la démocratie en danger quelques lignes plus haut, l’histoire et l’humanité ne me semblent menacés pas seulement par Trump. 
Quelques idiot.e.s qui ignorent les remises en cause, essence même de l’art, mettent au bûcher, comme Savonarole et Goebbels, le travail des hommes. Ils étaient nés quand des témoins de la Shoah étaient encore vivants mais on dirait qu’ils ne savent pas. 
Depuis cinquante ans un avenir sombre est prévu pour la planète, il est bien tard.
Et les reports de responsabilité sur l’école, entrepôt de l’avenir, empêtrée dans les aléas du présent a bien du mal avec le passé. Je trouve les pédagogues de peu de foi envers eux mêmes pour ne pas contredire l’idée que la mémoire des camps serait atteinte par la disparition des derniers témoins directs.
Il n’est pas besoin d’avoir mis les pieds sur la lune pour avoir eu connaissance que l’un de nous a laissé son empreinte sur notre satellite en 1969.  
« La lune est le soleil des statues » Jean Cocteau