mercredi 4 septembre 2024

Nos dimanches soir. Jérôme Garcin.

« A vingt heures et quatre minutes, Daniel Barenboïm libère, tel un torrent de montagne, 
« La Fileuse » (Romances sans paroles de Mendelssohn), prélude à un chœur de voix joyeuses, rageuses, élogieuses, acrimonieuses, affectueuses, courageuses, mais jamais révérencieuses, doucereuses, filandreuses, ennuyeuses . »
En 2015, l’animateur de l’émission «  le Masque et la plume » avait raconté en 300 pages l’histoire du mythique spectacle radiophonique joué depuis soixante ans par des critiques de théâtre, littérature et cinéma. 
« Ecouter «  Le Masque »  c’est se brancher sur l’actualité en remontant dans son passé, c’est entendre parler de 3D dans un lointain ronronnement de 4L ». 
Hormis le format initial de deux heures scandées d’improvisations au piano, le principe  de la diversité des opinions exposées en public a survécu aux modes et fidélisé de nombreux auditeurs dont quelques lettres émouvantes ou drôles ont été retenues. 
Une galerie de portraits permet de mieux connaître quelques voix familières. 
« …il y a le gentil, le méchant, le grincheux, le cynique, le dilettante, le méticuleux, l’extravagant, le séducteur, le susceptible, le raisonneur, l’affectueux, l’exigeant, l’indulgent, j’en oublie. » 
En dehors des éloges de Babelio, n’apparaît aucune critique de ce livre pour disserter autour de ce rendez-vous dominical dont l’auditoire exigeant s’interroge sur la pérennité du concept au gré des changements de maître du jeu.
Rebecca Manzoni la dernière sera-t-elle regrettée par nos enfants comme nous avons eu du mal après François Régis Bastide ? 
« Convaincre, sans humilier l’œuvre choisie. 
L’éclairer et non l’endimancher.
Evitant de l’encanailler, la rendre belle et accessible  à tous. » Jean Vilar 
Sont rappelées des formules qui firent nos délices :
Bory dénonçant « Les forces assoupissantes » à propos du « Corniaud » de Gérard Oury 
ou Ezine donnant la main à Raspiengeas : 
« Voici après La liste de mes envies, la liste de mes emmerdes.
Soit un abreuvoir lacrymal auquel viennent boire tous les assoiffés du pathos. »
« C’est de la littérature de toile cirée. Passez un coup d’éponge, et il n’en reste plus rien. » 
Si des lettres antisémites ont conforté le choix de la musique introductive, d’autres apports d’auditeurs ont fait naître des vocations tel Guillaume de Fonclare en faussaire talentueux ou André Degaine auteur d’une originale histoire du théâtre.
Les chapitres rangés par ordre alphabétique comme dans les « Dictionnaires amoureux » varient les approches, les émotions.
Purin d’orties ou quelque « divulgachage » d’un film ont suscité bien des réactions et les zeugmas 
« Il admirait l’exaltation de son âme et les dentelles de sa jupe »Flaubert  
ont éveillé bien des connivences.
François Morel a présenté sur scène les affrontements entre Charensol et Bory, un agriculteur a nommé ses vaches « les Garcinettes », un pâtissier créé un gâteau «  Le masque et la plume ». 
Pour tant d’auditeurs, dont je suis, la messe dominicale a lieu en début de soirée, même si la météo marine prologue charmant est diffusée depuis un moment sur d’autres ondes. 

mardi 3 septembre 2024

Les cahiers d’Esther. Histoire de mes 13 ans. Riad Sattouf.

En choisissant ma chouchoute dans la pile des B.D. de l’été, 
j’imite les enfants qui aiment commencer par le dessert au moment du pique-nique. 
Sans modération, je me suis délecté.
Cet album retraçant la vie de la parisienne en classe de cinquième correspond tellement  par ses expressions et certaines préoccupations à ma lyonnaise de 13 ans, que j’en suis doublement enchanté.
Elle grandit, alors que :
« les garçons changent, leur niveau d’intelligence reste le même par contre ». 
La chronique des grands et petits malheurs de la populaire petite fille devenant jeune fille dans une famille aimante nous repose des traditionnelles poses victimaires en tous genres.
Il est bien sûr question de téléphone portable, des copines et de beaux gosses, de quelques profs hauts en couleurs, des vacances au bord de l’océan, d’acné, mais les peurs, les doutes, les déceptions sont surmontées par l’humour. 
« Il y a 52 histoires dans ce livre hélas toutes très chiantes et pas du tout réalistes mais non je déconne elles sont juste trop trop stylées et fidèles à ce que j’ai raconté ! Par exemple j’ai vraiment fait un selfie avec ma dentiste (une femme sublime et drôle malgré son métier répugnant) quand j’ai eu un appareil et c’est devenu la couv’ ».

lundi 2 septembre 2024

Vice Versa 2. Kelsey Mann.

La charmante petite fille de l’inventive création Pixar est bouleversée par la puberté.
 
Le thème est traité avec humour mais sans le surplomb habituel de ceux qui ont passé l’épreuve : simplicité et délicatesse sont toujours au rendez-vous.
J’ai partagé ce bon moment avec mon critique de 11 ans qui a du penser à son ainée de treize ans, l’âge de Riley, virtuose du hockey, riche d’émotions nouvelles autour de « L’estime de soi ».  
« Anxiété »  accompagnée d’ « Envie », supplante « Peur » alors que « Nostalgie » n’a pas encore voix au chapitre bien que la concurrence des souvenirs entre dans la construction d’une personnalité attachante. 
« J’ai bien aimé ce film car il y a plein de rebondissements comme la fois  où ils se sont fait expulser de la tour de contrôle par une explosion de dynamite.
Je trouve que l’utilisation  de Bloofy, personnage de dessin animé dans un film animé est très drôle. La très mignonne « Honte » est utile pour « Joie » et son équipe, mais j’aurais préféré appeler « Flemme » à la place d’« Ennui ». NIno

dimanche 1 septembre 2024

Au bonheur des mômes 2024.

Les vacances se finissent en grande beauté au "Grand Bo" pour notre dixième festival,
où nous avons vu:
« La fin du monde c’est (pas) pour demain »
 
offre l’occasion d’une discussion sur l’avenir de la planète entre mon petit fils confiant en la science et sa grande sœur plus inquiète de l’épuisement des ressources. Le récit autour d’un magicien captivant appelle ces commentaires pour mieux comprendre la profondeur du propos. 
La compagnie de « La fabrique des petites utopies » replace les problèmes d’aujourd’hui à l’échelle de 24h dès lors que l’apparition de l’homme se produirait une minute avant minuit. 
« Le souffle d’un rêve. » La lune dans les pieds.
Le titre convient parfaitement au spectacle joué au bout d’une montée en téléphérique où nous étions accompagnés par des adeptes du vol libre. 
Natif d’une époque sonorisée par les guitares électriques, je me demandais si les enfants de l’électro pouvaient s’intéresser à l’accordéon. L’histoire personnelle de l’acteur concerne à la fois les contemporains de Verchuren et les familiers d’Oreslan. Sa persévérance pour obtenir l’instrument de ses rêves ne fait que prolonger le désir de son père porté par une même passion réalisée par la génération suivante. 
« Classe verte. » Robert et moi. 
Les chansons excusent les séquences à l’humour insistant autour d’un instit balourd aux compétences écologiques limitées, aggravées par une grosse fainéantise.
« Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. »
« Les misérables. » Les batteurs de pavé. 
Il faut bien que les deux bateleurs suisses choisissent quelques comparses dans la foule enthousiaste pour évoquer les nombreux personnages de l’œuvre de Victor Hugo.
L’ampleur du monument patrimonial ayant déjà impressionné quelques générations, celle qui est haranguée par les influenceuses mérite au moins quelques rappels de moments héroïques. 
L’humour appelant un regard critique peut aussi convier à connaitre de sublimes personnages à la générosité et au courage grandioses.
Ces citoyens de notre riche voisin remercient les politiques qui ont permis la gratuité de leur spectacle quand tant d’autres ne mentionnent jamais ceux qui financent leur liberté.
« Quatre fois rien. » Joe Sature et ses joyeux osselets.
 
La bande son met en valeur le rythme de la joyeuse troupe d’excentriques acteurs chevronnés. Parmi d’autres séquences vivement menées, la classique concurrence entre chefs d’orchestre nous donne l’occasion après coup d’écouter Vivaldi en revenant de la revue.
« La cuisine musicale. » Minute papillon.
Proposer de l’opéra sous un chapiteau surchauffé, malgré des bénévoles arrosant le public à la sulfateuse, relève d’une haute ambition. 
Mozart, Bizet, Puccini, Rossini sont au menu avec une chanteuse énergique accompagnée par une contrebasse née d’une poêle, d’une grille de four-harpe, d’une louche-flute. 
La salle reprend avec application les lalala universels  après plusieurs morceaux dans la langue de Verdi. 
« Quand les corbeaux auront des dents. » L’espèce de compagnie. 
Un corbeau part vers le nord pour retrouver les princes gris, les loups, anciens partenaires de chasse. Les jeux élémentaires avec les objets perdent de leur force évocatrice quand la présentation des méprisables « deux pattes » s’avère sans nuances. 
Comment de si méchants personnages pourraient assimiler les leçons délivrées par les deux actrices amies des gentilles bêtes ? 
« Hôtel Cosmos ». Le Volubile.
 
Les rires des plus petits perturbent l'ennui effleurant certains quand des valises insaisissables et des personnages se cognant partout ne mènent nulle part. 
La représentation dans cet hôtel déserté m’a semblé vide de sens. 
« Bête Beurk, la folle création du monde ». Monde à part.
 
Le dernier spectacle m’a paru bien meilleur avec un dynamique conteur rock, pourtant parfois inquiétant. La terre est plate comme un vinyle, très sèche sur sa face A, très humide face B.
Un bon roi vivait d’un côté, un monstre de l’autre. Cette dualité simpliste totalement assumée s’avère tellement drôle. 
Quoi de plus trash qu’un baiser sur les lèvres avec la langue pour les foules enfantines ? 
Leur indignation sur-jouée s’exprime dans les rires déclenchés également par l’évocation de pustules, ulcères et autres bubons plein de mayonnaise.
 

lundi 1 juillet 2024

Un petit truc en plus. Artus.

Je n’ajoute pas de commentaires à ceux de ma petite fille et de ses amies de treize ans pour ce film sympathique vu par près de huit millions de personnes : 
« J’ai aimé ce film qui m’a fait rire avec toutes les personnalités différentes des handicapés et m’a aussi émue avec la relation père/fils de Sylvain et Orpi car celui-ci ne montre aucune tendresse envers son fils qui essaye pourtant de l’attendrir ». Mia. 
Le père et le fils en question après un braquage échappent à la police en se glissant dans un groupe d’handicapés en partance pour un séjour dans le Vercors. 
« J’ai aimé ce film car il englobe un sujet sensible mais malgré cela, c’était drôle et  il donnait l’image d’un groupe soudé. Les éducateurs ont aussi un rôle très important ». Kali 
« Ce qui m’a marquée c’est que la personnalité des acteurs était aussi celle des personnages, ce sont aussi leurs vrais prénoms qui sont utilisés ». Mona.
...............
Je termine la saison sur ce papier et reprendrai en septembre avec les écoliers.
Merci aux lecteurs et à ma fidèle commentatrice.
 

dimanche 30 juin 2024

Pierrette Conte

 
Nous avons accompagné Pierrette Conte à sa dernière demeure, j'ai lu ce texte à l'église :
"Nous sommes si petits dans cette maison immense où les évangiles annoncent :  
« Au début était le verbe ».
Ces mots valent aussi pour les poèmes, terrain de connivence entre elle et moi, tous deux étourdis peu doués en calcul.
Pierrette.
Autour du cercueil, les mots, les images, la musique, sont convoqués pour regarder en face notre destinée commune et nous consoler lorsqu’on a entendu dire que la mort célèbre la vie.
La poésie estompe les contours et révèle des mystères, 
Anna de Noailles dit la beauté et la fragilité :
 « Le bonheur, la douceur, la joie,
Tiennent entre les bras mêlés,
Pourtant les cœurs sont isolés
Et las comme un rameau qui ploie. » 
J’ai beau savoir que les sourires dans les vieux albums sont sélectionnés,j’étais sûr de votre sincérité, belle maman, quand vous m’avez accueilli dans votre famille, et nous avons bien ri.
La prof de musique a su faire comprendre les exigences de la matière qui traverse le temps et permet d’aller vers la légèreté et au delà.
Pour la catholique sincère, la lumière dans les églises n’était pas seulement celle qui traverse les vitraux, mais une source d’espérance et de charité ou en d’autres termes d’optimisme et de générosité, comme en fut tissée une vie avec une jeunesse menacée par la tuberculose qui mena à Grenoble depuis Dax avant d’élever trois filles.
Quand vint la fatigue, Dominique et Michèle vous ont accompagnée, Geneviève n’était plus là depuis un an et vous ne l’avez pas su.
Le silence n’aura pas le mot de la fin quand il reste le souvenir d’un doux sourire, l’élégance, et encore les rimes d’Anna de Noailles. 
« … regarde fuir, sans regret ni tourment
Les rives infidèles,
Ayant donné ton cœur et ton consentement
À la nuit éternelle. »"

samedi 29 juin 2024

La vie de ma mère ! Magyd Cherfi.

J’ai retrouvé avec plaisir l’écrivain toulousain
exprimant avec ardeur la vie d’une famille où l’amour se cherche sous de virulentes répliques. 
« De la peine, je savais que j'en avais aussi pour moi, parce qu'arrive un âge où on rêve de trêve, de frères et sœurs, de vrais parents qui bien qu'âgés, nous traiteraient encore en enfants, nous époussetant un peu de poussière sur un revers de manche. » 
La truculence permet de dépasser la violence d’une existence: la mère s’émancipe sous les yeux écarquillés de ses enfants avec la complicité permise sur le tard des petits enfants. 
« Je commençais à admettre qu’on puisse être mère et vomir sa couvée, qu’on pouvait être frère et vomir la fratrie, qu’on pouvait être un bon père et ne pas vouloir de ses mômes tout le temps à la maison… » 
Mais à la longue l’humour s’émousse alors que l’évolution de la mère survient après tant de relations devenues caricaturales.
Le narrateur aime cuisiner et parfume son récit d’expressions telle celle du titre devenue familière, pour résumer parfaitement les 270 pages, point d’exclamation compris !