Les poussières de nos principes écroulés ne sont pas
retombées, et nos yeux sont brouillés, la seule certitude éclatante est que le
siècle commencé en 1914, finit en
janvier 2015.
Nous essayons de nous blinder avec des mots, nous
répercutons ceux des autres, et même le journal The Sun fera l’affaire :
« Je suis 4 millions ».
Celui qui, dimanche, au bord de la manif historique, avec sa
pancarte, se disait « Charlie mais ne marchait pas avec les hypocrites ni
le pouvoir » figurait en tant que fossile de ce monde d’avant où parmi
ceux qui prônaient la tolérance, n’étaient que mépris, ne pouvant être une
heure rien qu’une heure seulement au côté de leur voisin de hasard. Il y avait,
dans les rues, un sacré paquet d’hypocrites, moins un, mais comme un début de
pouvoir, citoyen : une nation.
L’émotion mondiale qui a débordé la personnalité parfois
bien contestable de représentants d’états
venus défiler à Paris, nous a redonné de la fierté à nous, français. J’ai
retenu les paroles d’une libanaise qui disait avoir l’habitude des attentats
chez elle, mais que ça se passe à Paris, lui semblait inconcevable.
Le glas de Notre Dame n’était pas à mes yeux en
contradiction avec les convictions anti-cléricales des dessinateurs, il allait
bien au-delà d’attachantes individualités qui ont bien sûr façonné nos vies et
dont la mort nous plombe. Ils ont pour toujours incrusté comme une évidence que
l’humour est le meilleur contre-poison à la soumission. Et les rebeux, pas très
nombreux, le savent bien, eux que j’ai connus, pas très moutons plein de verve
et d’esprit.
Dimanche la triade républicaine est descendue des frontons
de pierre pour se réécrire en banderole et en actes : liberté de parole,
liberté, sans hiérarchie de conditions sociales et de générations, sans un mot
qui aille contre la fraternité.
Par ailleurs, le maître d’école, « ce pelé, ce
galeux » devant réparer les péchés du monde ne se trouva pas forcément
dépourvu quand la tempête fut venue, ainsi Constance maîtresse de CP à
Montreuil:
«Ce lundi quand je
suis partie à l’école, je me suis sentie plus que jamais investie d’une mission
[….] Il y a juste eu un petit moment de flottement quand une petite est
intervenue pour dire que, quand même, les gens de Charlie avaient «moqué».
Alors on a parlé de ce
verbe. Je leur ai demandé ce qui se passerait s’ils se moquaient de leur
maîtresse en la dessinant avec des grosses fesses et un gros nez.
Avais-je le droit de
donner une punition ?
Réponse unanime :
«Oui.»
De frapper ?
En chœur : «Non».»