Pour que les jeunes prennent la place, les vieux doivent
déménager. Parole de boomer. Tombant plus qu’à mon tour dans le « c’était mieux
avant », je m’en voudrais de rajouter une couche au jeunisme frétillant
surtout chez les plus âgés, mais je déplore quand même que tant d’Elkabbach ne
décrochent toujours pas.
Contre le cours du jeu, entre 14 et 18, ce sont les ainés
qui ont mis leurs fils en terre.
Aujourd’hui, alors que nos restes tiennent dans un cendrier,
nous ne savons plus le prix de la mort.
« La mort d'un
homme est une tragédie. La mort d'un million d'hommes est une
statistique. » Staline
A remarquer tant de noms italiens sur les pierres d’un
cimetière voisin, je me suis dit que pour « vivre ensemble » dans
l’instant, il a fallu aussi que nous ayons à occuper le même sol, pour
l’éternité. Depuis la nuit des temps, nous avons cherché autour de nos douleurs;
mais la cohabitation des absents avec les présents se complique avec nos
difficultés à admettre notre incomplétude, nos incapacités à voir le noir.
Notre oxygène s’altère en carbone, notre burger saigne et il faut faire la
vaisselle et ranger sa chambre.
Face aux lois d’une nature en petite forme, les
intransigeants prospèrent : dans peu de temps de nouveaux disciples des Jaïns, ceux qui balayent devant leurs pieds pour ne pas écraser d’insectes,
vont culpabiliser les végétariens les plus intransigeants : lentilles pour
tous à la Croix Rousse !
Si l’adage qui reconnait aux marginaux d’exprimer le futur
avant tout le monde se vérifie comme on a pu le voir avec la banalisation des
tatouages ou les trois voiles de Creil vite dupliqués, des doutes peuvent naître concernant les destinées du cinéma quand se retient surtout la vulgarité de certains artistes
dans un moment de célébration.
« Ceux qui viennent à la porte du ministère
avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov dans l'autre devront choisir »
Maurice Druon
Il est difficile de tracer un avenir quand revenir surtout sur les maux du
passé devient l’obsession en 21, au XXI° siècle.
Les musées sont fermés, dans un pays aux allures de musée sous
ses hauts plafonds, traversé par
quelques intermittents du spectacle et des livreurs de sushis.
Qui veut travailler dans une boulangerie, conduire un
camion, torcher mémé, supporter les parents d’élèves… ?
« Le printemps
maladif a chassé tristement
L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,»
Stéphane Mallarmé
Quelques notes de poésie comme un prétexte à écrire le mot « lucide »
avant qu’il soit hors d’usage.
Dans les querelles qui touchent l’université dont la seule
appellation évoquait ces derniers temps la misère des étudiants, l’indigence atteint
le débat lui même. Alors que le CNRS décrète que l’« Islamo
gauchisme » n’est pas un concept scientifique, Science Po Grenoble déclare
que l’« Islamophobie » est un terme scientifique. Il est vrai
que pour se la jouer sciences dures ces émanations proviennent de
« labos » de sociologie.
Mais qui suis-je, comme dit le pape, pour
juger l’enseignement supérieur et ses magisters ?
« L'Histoire dit
les événements, la sociologie décrit les processus, la statistique fournit les chiffres, mais c'est
la littérature qui les fait toucher du doigt, là
où ils prennent corps et sang dans l'existence des hommes. » Claudio
Magris
Les librairies sont ouvertes.
Le monde avec sa dette est ignoré, les salles de spectacles
sont fermées, mais nous sommes collés face à un théâtre d’ombres.
Lors de retrouvailles de courbatus, j’avais ressorti ma
scie : « Jadis les enfants ne
parlaient pas à table, et puis on n’a plus entendu qu’eux », une amie
a ajouté :
« maintenant on
n’entend plus personne avec les portables »
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