jeudi 8 mars 2018

Hans Hartung. Thomas Schlesser.

Sous l’autoportrait réalisé à 18 ans par un des acteurs majeurs de la peinture abstraite, le conférencier, directeur de la fondation Hartung-Bergman cite devant les amis du musée de Grenoble, un extrait d’ « Autoportrait », le livre:
« Mes dessins étaient traversés de traits entortillés, étranges, embourbés, désespérés comme des griffures […] C’était une peinture véhémente, révoltée. Comme moi-même. J’avais le sentiment d’avoir été floué. À part quelques Français qui avaient été mobilisés, les autres peintres avaient tous passé la guerre réfugiés quelque part. Ils n’avaient cessé de travailler, de progresser. » 
Engagé dans la légion étrangère Hartung a perdu une jambe.
Malgré ce sentiment de défaite intérieure, il intégrera l’histoire de l’art dans la deuxième partie de sa vie. Aujourd’hui, sa notoriété a été dépassée par celle de son élève Soulages, mais un processus de redécouverte serait à l’œuvre.
Hans Hartung et son télescope. Né en 1904 à Leipzig, la ville du romantique Friedrich, dans une famille de la bourgeoisie protestante, ses aspirations sont diversifiées : sportif, il hésite à devenir pasteur. Très marqué par les techniques de l’optique, il fabrique son propre télescope et aussi un appareil photographique. Comme Andy Warhol avec son polaroid, il enregistre la réalité en permanence jusqu’à devenir compulsif  pour confirmer ses intuitions de peintre et non pour développer une œuvre sur un autre support. 
T 1936-2, son œuvre est minutieusement répertoriée, mentionnant l’année et l’ordre chronologique.
Sa singularité visionnaire émerge dès 1920 : son langage est gestuel, pas symbolique comme chez Kandinsky où le triangle est jaune, le carré rouge. La pulsion de ses traits ne prétend pas à une authenticité comme chez les surréalistes. Il va chercher une voie plus sèche, abrupte, plus « pure », sans séduction visuelle. L’option n’est pas celle d’un Mondrian qui par le biais de la géométrie tend vers une perfection formelle pouvant rejoindre les arts décoratifs.
Il est difficilement assimilable à d’autres artistes à part peut être Miro qu’il fréquenta. Il hésite à un moment, séduit par les expressionnistes ou Picasso, mais il choisit de poursuivre ses traces éparses, ses enregistrements du hasard, ses graphies improbables qui s’enchevêtrent.
Il fuit Berlin et après un passage à Paris, s’installe aux Baléares avec sa jeune épouse Anna-Eva Bergman. Revenu à Paris, en 39, l’Allemand est parqué dans le stade de Colombes. 3 mois après il s’engage dans la légion étrangère. Démobilisé après l’armistice, il revient d’Afrique du Nord, en zone libre dans le Lot, accueilli par le sculpteur Julio González dont il a épousé la fille Roberta. Après l’occupation du sud de la France, il traverse les Pyrénées où il est emprisonné dans les geôles franquistes. Après sept mois de captivité, il revient comme brancardier dans la légion étrangère ; gravement blessé, il devra être amputé d’une jambe. Il s’inquiète alors surtout de ses dessins perdus.
Ayant usé de différentes identités : Jean Gauthier puis Pierre Berton pour la légion, voire Jean Hartung, il obtient la nationalité française, et reprend le fil de son travail avec la même « spontanéité calculée ».
Dans un premier temps il se laisse aller à des gestes intuitifs puis agrandit ses traces « au carreau », très rigoureusement.
Parfois dans les fiches méthodiques de ses œuvres, il donne des surnoms, ainsi « La prison » dont je n’ai pu retrouver les noirs barreaux saturant la toile, matérialise un destin individuel pénétré par l’histoire. En 1952, reconnu comme «  chef de file de l’art informel » et «  précurseur de l’action painting », décoré, il expose beaucoup et retrouve Anna-Eva Bergman  avec laquelle il se remarie.
Il multiplie les  procédés avec le grattage, les outils : sulfateuse et pistolet à peinture. Il renouvelle ses moyens d’expression mais reste cohérent. Il s’en tiendra contre vents et marées à la force du geste depuis des taches, des formes simples et dérisoires. Faisant accéder l’anecdotique au monumental, l’individuel à l’universel.
Il meurt, l’année de la chute du « mur », deux ans après la femme de sa vie.
Sa maison d’Antibes est devenue la fondation Hartung-Bergman, accessible sur rendez-vous
 « Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! ».  
Baudelaire, dont on ne se lasse pas.

mercredi 7 mars 2018

Les splendeurs d’Ispahan. Issa Steve Betti.

Bonne révision de moments inoubliables dans cette ville à laquelle ce blog a consacré plusieurs articles http://blog-de-guy.blogspot.fr/search?q=Ispahan+J+9
L’exposé du conférencier préparant une prochaine visite de ce joyau de l’humanité devant les amis du musée de Grenoble a commencé par un tableau d’ Antoine Coypel : Louis XIV reçoit l'Ambassadeur de Perse en 1715, dernière mise en scène brillante d’un roi en putréfaction.
Watteau avait peint  Mohammed Reza Bey, l’ambassadeur, et des personnages de sa suite qui étonnèrent la cour.
Il était envoyé par le sultan Hossein, le dernier des Séfévides ou Safavides qui régnèrent depuis le XVIe siècle sur l’Iran et au-delà sur une partie du Béloutchistan, Turkménistan, de l’Irak, de la Georgie, de l’Arménie, touchant à l’empire Ottoman et à l’Arabie heureuse (Yémen). Carte de Pieter Van der Keere 1610.
Le berceau de la dynastie fut à Ardabil où se trouve le mausolée du fondateur Cheikh Safi al-Din, un soufi. Sur la route de la soie, ces ascètes vêtus de laine avaient fait vœu de pauvreté, le mot « derviche » désignait un pauvre.
Dans le mausolée Harun Velayat datant de 1513, le prophète entouré de ses fils est représenté voilé. Les Sunnites seront fidèles à la tradition, les chiites à la famille de Mohamed. Ismail 1° se fait couronner Shah et déclare le chiisme religion d'État.
Nous sommes au XVI° siècle, Soliman le magnifique domine alors la région, mais lorsqu’il meurt, son fils Selim, l’ivrogne, n’est pas à la hauteur.
En 1598, Chah Abbās Ier a déplacé sa capitale à Ispahan  au centre de son empire pour mieux se protéger des appétits ottomans.
 La ville avait pourtant connu le massacre de 70 000 personnes par Tamerlan venu de Samarkand deux cents ans auparavant.
Le cinquième de la dynastie développe la ville autour de l’axe Chahar bagh (les quatre jardins) la première avenue du monde.
Il s’allie avec le grand Moghol souverain de l’Inde dont il reçoit l’ambassadeur un verre de vin à la main.
La rivière Zayandeh, (la rivière féconde) enjambée de ponts vieux de plus de cinq siècles traverse la ville qui se considère comme « la moitié du monde ».
La place Royale (Maydān-e Chāh), une des plus grandes du monde, devenue place de l’Iman, dessinée sur cette estampe par Pascal Coste, mesure plus de 500 m de long sur 160 m de large. Là se déroulaient des parties de polo, invention persane. Elle est bordée de boutiques à arcades où « Les miniatures représentant des oiseaux sont plus chères que des oiseaux ».
Sur les côtés, la mosquée de l'Imam, celle du Cheykh Lotfollah, dont les pishtaks, portes monumentales alvéolées ne donnent pas directement sur la salle de prière pour respecter l’orientation du mihrab (niche) en direction de la Mecque.
Quatre iwans, arcs de maçonnerie en saillie, s'ouvrent sur une cour avec bassin à ablutions et conduisent à l’une des deux madrasas (écoles).
Depuis les briques et les stucs, les mosaïques et les carreaux de céramique (1/2 million sur la mosquée de l’Imam), les bandeaux épigraphiques, les calligraphies ascensionnelles, rinceaux et pampres, arbres de vie, le bleu et les ocres clairs que l‘on retrouve sur les tapis d’Ispahan, l’architecture persane multiplie les symboles autour du paradis dont l’étymologie vient de l’avestique langue des mages Zoroastriens (jardin fermé) : on voit le reflet d’Eden dans l’eau des bassins. Le Taj Mahal a été influencé par ce style.
Le bazar immense ville dans la ville où le travail du métal était confié à des chrétiens nestoriens et le palais d’Ali Qapu témoignent de cette splendeur mise à mal par les afghans  au XVIIIe siècle.
Robert Shirley, peint par Van Dyck, partit d’Angleterre jusqu’en Perse et revint en Europe en ambassadeur d’ Abbas Ier le Grand.
Le palais Hacht-Behecht ou celui  de Chehel Sotoun, aux « quarante colonnes » en comptant leur reflet, comportent des fresques magnifiques d’une liberté inattendue.
Esther, la belle juive, dont Rembrandt peignit le festin décisif, sauva son peuple du massacre, elle est célébrée lors de la fête de Pourim. Son mausolée est à Hamadan, la ville du philosophe Avicenne. Une communauté israélite, l’une des plus importante en terre d’islam, peut pratiquer sa religion, mais les difficultés sont grandes.
Des fresques concernant « Le Jugement dernier », « La Passion » sont en évidence entre les murs de la Cathédrale Saint-Sauveur dans le quartier arménien de Jolfa.
Dans ce pays où 50 % de la population a moins de 30 ans, espérons que les ponts de la troisième ville d’Iran avec son million et demi d’habitants ne soient pas qu’une métaphore.

mardi 6 mars 2018

Canicule. Baru.

Efficace mise en planche du roman policier de Vautrin.
Au village aussi l’on a de beaux flingages.
Baru très suivi par ici nous régale encore par ses traits dynamiques, ses dialogues minimalistes, ses découpages punchy.
Pas besoin de longs discours pour caractériser un univers où  règnent la haine, la violence et la folie. Dans le champ d’à côté un bandit américain a enterré un magot.
Les corps et les têtes ont chaud, les flingues vont refroidir quelques ardeurs.
Le noir sous le soleil ne perd rien de sa stridence quand l’animalité bat la campagne.
Point de torpeur Beauceronne, tout si va vite. Le maître de la description sociale en multipliant les angles flashe tout un monde en 110 pages.
« Grouiii ! »

lundi 5 mars 2018

Mariana (Los perros. les chiens). Marcela Said.

Vu pendant la semaine de la critique à Cannes sous un meilleur titre, « Los perros » pour une fois pas en anglais.
Quarante ans après la dictature de Pinochet qui dura 17 ans, l’histoire d’un dévoilement se développe autour du désir d’oubli symétrique de l’expression très usitée : « devoir de mémoire ».
Une jeune bourgeoise désoeuvrée se retrouve confrontée au passé de son maître d’équitation qui  fut sous les ordres de son propre père. Il devra rendre des comptes de ses responsabilités alors que le père, plus haut placé, est épargné. «  Les chiens » ce sont les exécutants des basses œuvres dans ces années 70 là. L’armée a le monopole du dressage des chevaux et il est difficile de ne pas voir sous des apparences d’une sensualité altière, le goût pour dresser, maîtriser, quand des sensations fortes éloignent de l’ennui des jours ordinaires. Le chien sans collier, roi de la maison, ne survivra pas.

dimanche 4 mars 2018

Traviata - Vous méritez un avenir meilleur. Benjamin Lazar.

« D’après l’opéra de Verdi », il convient de se méfier des « d’après », cependant les concepteurs de ce spectacle de 2 h, ne se sont pas fracassés face à un monument patrimonial, grâce à une chanteuse comédienne Judith Chemla excellente.
Elle joue Marie Duplessis qui s’appelait Alphonsine, devenue Marguerite Gautier dite « La dame aux camélias » comme l’avait fait connaître son amant Alexandre Dumas, et enfin Violetta avec Verdi à la baguette.
Du vrai, du romantique, un peu d’opéra dont les musiciens hors de la fosse, chantent, jouent la comédie et la tragédie.
L’héroïne, femme entretenue, croise les « haschichins », elle est vêtue de moire de couleur verte qui porte malheur dans les théâtres : le destin de celle qui a voulu échapper aux conventions sociales par amour sera tragique.
Pour adapter à  notre époque les paroles forcément démesurées quand s’affrontent l’amour à la mort, la joie de vivre à la fatalité phtisique augmentées par le genre lyrique, fallait-il quelques pastilles ironiques genre Tex Avery : « You know what ? »
Et c’est là justement que le bas résille blesse. Les morceaux de bravoure semblent entre parenthèses : « Libiamo ! » appelle le Champomy et le chœur des bohémiennes est escamoté. Est-ce que le courage aurait consisté en une présentation de l’œuvre de Verdi dans son intégrité ? Tout le monde ne connaît pas forcément tous les répertoires. Il est difficile de transmettre : un clin d’œil ne suffit pas entre gens de bonne compagnie pour éviter de ne pas se laisser aller à l’ivresse, à l’allégresse.
Les procédés de mise en scène sont ceux de l’année : portiques et autres trucs à roulettes, grand rideau de tulle pour accrocher les lumières des torches électriques portées par les acteurs. La production actuelle devient bien misérable, qui réduit les orchestres et aussi les frais d’éclairage. La troupe s’empêtre dans les bouillonnés et le début piétine, heureusement que les chanteurs entrent en action, et c’est bon de fréquenter les sentiments les plus élevés avec des musiques variées qui conviennent mieux à ce format avec la douceur de cordes pincées que dans l’amplitude inaccessible d’une époque défunte qui avait du panache dans le désespoir.  
« La vie n’est qu’une fièvre violente, rapide, pénible, qui conduit au tombeau »

samedi 3 mars 2018

On a sauvé le monde. Dominique Fernandez.

Avec un titre pareil portant la nostalgie d’une ambition politique, sous une couverture où Saint Paul est ravi grâce au clair pinceau de Nicolas Poussin, ce livre ne pouvait que favoriser ma conversion récente aux œuvres épaisses : 654 pages.
D’autant plus que l’auteur est un familier
Agréables leçons d’histoire de l’art :
« Le peintre italien peint l’instant, le peintre français l’intemporel.
Le peintre italien peint le mouvement, le peintre français l’immuabilité.
Le peintre italien dramatise, le peintre français philosophe.
Le premier met en scène un roman, le second tire une leçon. »
Toujours sur le ton de la conversation, de préférence amoureuse, en des temps éminemment politiques, l’histoire passant des galeries de peinture à Rome aux les allées obscures du pouvoir à Moscou, il ne s’agit pas dans ces années trente entre Mussolini et Staline de confondre les foules russes et les italiennes:
« Une foule soviétique est virile, consciente de ce qu’elle fait, elle n’obtempère pas, elle n’adhère qu’en connaissance de cause au programme qu’on lui propose. Cette foule-ci est une foule femelle, une foule veule, une foule servile, une foule amoureuse, qui se donne comme une chienne. »
Toujours magnifiquement écrit :
« La femme avait la trentaine et montrait cette beauté majestueuse que les Romaines exposent à cet âge où leur cœur averti de son déclin s’inquiète de le perdre. »
L’ironie et détachement subtilement dosés permettent toutes les exaltations.
Les tribulations d’un jeune garçon qui aime les garçons sont riches et passionnantes, les interrogations sur l’engagement, la place de l’art dans la politique, cruciales même si le versant espionnage qui justifie le titre n’est pas vraiment mon genre préféré.
Il  est passionnant de découvrir sous le vernis classique d’un artiste comme Poussin, une dimension politique des plus progressistes.
Il s’agit ci-dessous de Saint François d’Assise pour illustrer les problématiques toujours en cours autour des corps:
« Logique avec lui-même, François aurait dû libérer le sexe également, célébrer aussi la joie du sexe. Il aimait la musique, la poésie, les paysages d’Ombrie, la marche sous le soleil, les haltes sous les oliviers, les gâteaux, mais, cramponné au préjugé biblique, il maintint l’interdit sur le corps. En condamnant le désir, il avalisa le discours catholique sur la répression sexuelle et engagea l’Europe pour des siècles de misère puritaine. »

vendredi 2 mars 2018

Bases.

Le  récent remue ménage politique était en route depuis un moment. Mais ancré dans le vieux monde, vieux moi-même, j’ai beau me réjouir des ébranlements présents, il faut avoir le cœur bien accroché lorsque c’est la droite qui en vient à défendre les petits. La gauche les avait déjà tant méprisés.
Après que le mot « changement » s’en fut allé, usé, c’est le mot «  Révolution » titre du livre d’E. Macron qui est à prendre au sérieux. Ce ne sont pas seulement les partis qui implosent, mais de bac en trains, de codes en droits, tout bouge, tant tremblent, tant espèrent. « Le plan loup fait hurler pro et anti » : la vérité ne doit être pas loin. Le chômage régresse et Hollande n’y est pas étranger…
J’éviterai les paroles définitives à propos de domaines que je méconnais comme la santé, la justice et serai prudent dans un domaine qui m’est familier mais qui a tant évolué : l’école.
La situation que je regrette concernant les rythmes scolaires est significative d’un rapport de force qui s’est inversé quand la voix des parents qui avait été trop longtemps ignorée est devenue prépondérante. Les quatre jours font passer les loisirs avant les apprentissages. Les profs ont privilégié leur condition de parents avant leur mission de profs. Les instits parisiens qui n’habitent plus dans les écoles ont gagné une matinée de garde d’enfants, du temps de transport vers la banlieue et les journalistes divorcés se sont facilité la garde alternée : l’opinion était faite.
L’affaire a été réglée dans un domaine où on s’est gardé de différencier les besoins d’un enfant de 3 ans et ceux d’un enfant de 11 ans. Le samedi en maternelle n’avait plus guère de sens mais aux yeux de quelques ringards dont je suis, la matinée du samedi avait du prix en primaire, celui du temps apaisé, de la disponibilité.
Alain Bentolila soulignant à partir d’un rapport récent, le drame absolu quand trop d’enfants ne comprennent pas ce qu’ils lisent, ramasse quelques mots chargés :
«  C’est justement parce qu’elle est incertaine que la compréhension exige autant d’obéissance qu’elle propose de liberté interprétative ; on en accepte les devoirs, on y exerce des droits »
Et je ne résiste pas à citer plus amplement son article de l’Express:
« Parce que l’école laïque substitue à la révélation messianique la quête libre et rigoureuse du vrai, elle doit placer au cœur de son combat le respect d’un équilibre entre droits et devoirs intellectuels : droit d’exprimer sa pensée, mais obligation de la soumettre à une critique sans complaisance ; faire valoir ses convictions, mais interdire de manipuler le plus vulnérable ; affirmer ce que l’on croit, mais en rechercher la pertinence ; questionner ce que l’on apprend, mais reconnaître la légitimité du maître ; enfin et surtout, interpréter et critiquer les textes, mais respecter la volonté et les espoirs de l’auteur en son lecteur »
Ce ne serait donc plus si évident qu’il faille rappeler ces conditions d’une démarche qui associerait respect et liberté !  
Une cure de luminothérapie ne suffirait sans doute pas à m’éloigner d’une déploration de plus, quand de doctes penseurs refusent d’admettre l’apport des neurosciences. Il ne s’agit pourtant pas d’abolir la part qui revient à la sociologie afin de développer des pédagogies plus efficaces. Le corporatisme que j’ai longtemps combattu a encore de la vigueur. J’ai de romantiques attaches avec les vieilleries, mais  ce vieux monde binaire, exclusif, se refusant à toute évolution, m’insupporte. Exemple de bébé pas jeté avec l’eau du bain : j’avais conservé des maths modernes qui furent promptement abandonnées après avoir connu quelque ferveur, une pincée de séances abordant des bases différentes de la décimale qui permettaient de mieux la comprendre, la décimale. Le « en même temps » ne date pas de ce jour, celui là remonte aux années 70. Sylvie était la plus belle pour aller danser. Aujourd’hui Mnouchkine parle comme hier :
«  J’aimerais que nous arrivions à avoir des assemblées où la confiance serait telle qu’on pourrait converser. Où l’on s’écouterait vraiment, où on ne se jugerait pas avant même le complément d’objet direct, où on ne serait pas en train de préparer la réponse pendant que l’autre parle, où l’on admettrait qu’il faut parfois un silence… »
…………..
Le dessin en tête d’article vient du « Point » et celui du bas du « Canard ».