jeudi 28 janvier 2016

Beato Angelico. Issa Steve Betti.

Le seul peintre béatifié (Beato Angelico ou Fra Angelico) 600 ans après par Jean Paul 2, de son nom Guido di Pietro, entre à treize ans dans les ordres, en 1408, au temps du grand schisme divisant la chrétienté entre Avignon/ Rome et Pise.
Pour cette naissance au service de Dieu, il s’appellera désormais Giovanni di Fiesole ; son surnom Angelico vient d’une figure alors en vogue, Saint Thomas d’Aquin, surnommé « le docteur angélique ».
Lui ne sera pas « gyrovague », moine itinérant, il suit une éducation artistique à Florence.
« Ce qu’il sait peindre et ce qu’il a répété partout, ce sont des visions, les visions d’une âme innocente et bienheureuse. » Taine
Son premier tableau, attribué d’abord à un autre, « La thébaïde »  avait été découpé en plusieurs panneaux. Du côté de Thèbes en Egypte, les premiers moines se consacrent à la prière et au travail.
Dans ses miniatures emblématiques de l’art médiéval, aux douces couleurs, aux traits fins et assurés, il célèbre « Saint Dominique en gloire »  pour qui « La véritable richesse consiste à se satisfaire de peu ».
Sur fond d’or, inspiré de la tradition byzantine, le « Retable de Fiesole » destiné à un couvent «observant»,  qui appelle au respect de l’idéal monastique des origines, il peint bienheureux dominicains et moniales. La pastorale est tournée vers tous.
« Saint Jérôme pénitent »  devant des rocailles très Giotto, a laissé l’habit de cardinal, le regard tourné vers l’intérieur, il a consacré sa vie à la « vulgate », version latine de la bible, qui n’existait alors qu’en grec.
La « Madonna con il Bambino e i santi Tommaso d'Aquino, Barnaba, Domenico e Pietro martire » est peinte sur bois, a tempera, utilisant l’œuf comme liant. La Vierge et le Christ  traités en style gothique, parmi d’autres personnages inscrits dans une perspective, ne sont désormais plus hiératiques, leurs visages sont personnalisés, le paysage amorce ceux de la renaissance. Tout en conservant une dimension sacrée, il peut être question de « conversation ».
Saint Dominique et Saint thomas d’Aquin, saints de fraiche date, entourent une « Vierge à l’enfant », fresque exposée à l’Hermitage à Saint Petersburg. Ils s’approchent d’un réel, qui pour les artistes, toujours fuira.
« Le Jugement dernier » peint en 1431, au moment où Jeanne d’arc est brûlée à Rouen, sépare les bienheureux en farandole des damnés dans la confusion, en une perspective spectaculaire. Les diables punissent ceux qui ont péché par où ils ont péché. Bosch viendra bientôt. Le thème sera repris dans plusieurs tableaux où les dominicains figurent souvent du bon côté alors qu’ils furent parmi les inquisiteurs les plus tenaces ; « Domini canes » : chiens de Dieu. A propos, depuis Vatican 2, la résurrection des corps ne fait plus partie du dogme catholique.
« Le tabernacle des linaoli »  commandé par la corporation des tisseurs de lin, réalisé avec Ghiberti témoigne de la vitalité de Florence http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/10/florence.html dont la production de textiles aux belles couleurs a fait la fortune. Les anges musiciens annoncent la bonne nouvelle sous les volets où sont représentés Saint Pierre et Saint Marc, avec des scènes de leurs vies sur la prédelle qui supporte le polyptique. La vierge devenue « star » sur le tard  dans l’histoire du catholicisme, comme nous l’a expliqué avec verve le conférencier devant les amis du musée de Grenoble, va fournir de nombreux sujets de peinture : lors de son mariage, de sa dormition -elle n’est pas morte-, lors de multiples annonciations. Elle représente la puissance ecclésiale depuis que Jésus a quitté ce monde.
Une des « Annonciation » conservée aujourd'hui au couvent San Marco de Florence dont Frère Angelico a assuré la décoration des cellules monastiques, est remarquable : Eve chassée du paradis ressemble à la vierge étonnée décidément blonde. Tout commence.
Le commanditaire ( est-ce Strosi ?) assiste à « la descente de croix » au décor printanier annonçant renaissance et résurrection, baigné dans une douce lumière ; la compassion accompagne la beauté.
Comme la vie de Saint Nicolas qui inspira le père Noël, les vies de Côme patron des chirurgiens et Damien son jumeau, celui des pharmaciens, furent riches en évènements. Ils travaillaient gratuitement, et les tortures qu’ils durent subir, furent multiples : avant d’être décapités ils avaient résisté à la noyade, au feu, aux flèches, à la lapidation. « Le Martyre des saints Cosme et Damien » appartient au Louvre. Ils connurent l’enfer sur terre.  Ci dessus ce que Wouzit en repris.
Fra:« Ce bon moine a visité le Paradis et il lui a été permis d'y choisir ses modèles. »

mercredi 27 janvier 2016

Le Paris de Vito.

Paris recommencé, mais Paris renouvelé :
bobo, rétro, auto, moto, vélo, ghetto, prolo, mélo, claustro, dingo, macro, astro, métro, boulot, dodo... gentillet.
Le dessinateur qui a étudié l’architecture est plus proche de Batelier qui vendait ses dessins dans la rue du temps de Politique hebdo que de la poésie de Sempé, légère.
Dans ces 135 pages autoéditées, la capitale est bien mignonne parée de couleurs champêtres dont les personnages arrondis accentuent un air d’illustrations pour enfants.
Pourtant ce livre se veut « manifeste pour une ville palimpseste ».
« Ville qui se construit sur elle-même et où l’on ressent les couches successives de son histoire. »   
La célébration de Belleville, de la petite ceinture, de la place de la République, de la Villette, tout en proclamant son allergie au dessin d’observation, le rapprocherait d’atmosphères genre Amélie Poulain, sans la lumière.
Sont  aussi relevés « l’entre soi », les congestions urbaines, l’exigüité des logements.
La vocation est politique, mais il manquerait la percussion nécessaire au genre.

mardi 26 janvier 2016

Les larmes de l’assassin. Thierry Murat. Laure Bondoux.

Cette  histoire qui tient à l'essentiel se déroule en bordure du désert dans une cabane isolée, misérable : une BD métaphysique est à craindre.
Elle l’est, sans chichi, avec un déroulement du scénario qui n’incite pas à la divulgation, tant la découverte de la vie par un petit garçon est limpide, puissante, palpitante.
Les dessins élémentaires et beaux expriment très bien les enjeux fondamentaux en place au fin fond du  Chili: la survie et la vie, les souvenirs et l’oubli, les dangers que représentent les autres, l’amour et la mort.
Rien que ça !
J’avais déjà fait part d’une de ses BD brièvement
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2008/06/elle-ne-pleure-pas-elle-chante.html
et je viens de voir qu’il a adapté  « Le vieil homme et la mer » d’ Hemingway: cela doit lui convenir à merveille quand il s’agit de mettre en forme des primordiaux de la nature humaine où se rencontrent sobriété, rudesse, et tension.

lundi 25 janvier 2016

Je suis le peuple. Anna Roussillon.

Les évènements de la révolution Place Tahrir sont vus depuis la campagne autour de Louxor où les femmes pétrissent la pâte sans relâche et les hommes une terre qui attend l’eau.
Dans la lignée délicieuse de « La vierge, les coptes et moi » où une écriture personnelle vient féconder un documentaire, il y a de quoi se régaler en abordant la complexité de la situation en Egypte et au-delà, avec ces fellahs si proches, si lointains.
Les bouteilles de gaz sont vides, la télévision tapisse les murs lépreux aux couleurs photogéniques.
Les protagonistes qui en sont comme ils disent « à la maternelle de la démocratie » nous donnent des leçons sur les conditions nécessaires pour que la politique ne soit pas un leurre. Nous suivons leurs changements d’opinion face à des évènements qui gardent une part de mystère. La religion imprègne tellement les mots et l’armée héritière d’un passé prestigieux demeure toujours aussi présente.
- Avant en temps de deuil, on arrêtait de regarder la télé pendant un an
- C’était il y a très longtemps…

dimanche 24 janvier 2016

Le conte d’hiver. Agence de Voyages Imaginaires.

Ben oui, je l’avais vue cette pièce à la MC 2, avant  qu’elle soit proposée à côté de chez moi,
Les résurgences de la mémoire prenant des chemins inattendus, j’avais le sentiment dans cette version, de retrouver des accents du festival « off » à Avignon, en plus confortable, c’est que la troupe est l’héritière des « Cartouns sardines » un des phares des rencontres estivales des troupes de théâtre. Je suis passé donc  de la version « in » de la pièce de Shakespeare à Grenoble, à une interprétation clownesque à Saint Egrève.
Je me dis que celle-ci doit être fidèle à l’esprit joueur des origines remontant à 400 ans, avec une pincée de comédiens jouant une multitude de rôles, de tous les instruments de musique et de leurs voix pour chanter agréablement, emballant le public qui s’est levé plus facilement pour applaudir que dans la ville centre.
Il parait que la jalousie favorise l’imagination et comme il est question de mari trompé, aux pays des rois de Sicile et de Bohème réunis, tout est permis : les morts, pas morts, le temps lui-même en meneur de jeux (de mots) a des absences. L’amour est là, lui, indestructible. Le parti est pris de la farce : après un début pépère, le rythme s’accélère, et comme on ne peut s’attarder au texte, la trame limpide permet de passer un bon moment où les questions existentielles sont mises de côté.

samedi 23 janvier 2016

Invisible. Paul Auster.

L’écrivain « a fait le job » : narrateurs variés avec des équivoques bien dosées, des moments de tension et de décontraction, de la profondeur et de la légèreté, de l’érudition et de la simplicité. Un thriller et un conte existentiel avec ce qu’il convient d’allusions personnelles.
« Quels sont mes sentiments à l’égard de cet homme ? Compliqués, ambigus, une combinaison de compassion et d’indifférence, d’amitié et de méfiance, d’admiration et de stupeur. »
Les récits se croisent, se démentent, dans le milieu de l’édition, de la poésie, de l’écriture.
Mais y aurait-il un agent double parmi ces manipulateurs, un tueur ?
Tant de finesse, d’attentions aux mots pour tant de solitudes et d’indifférences.
« Je confonds parfois ce que je pense du monde avec le monde lui-même »

vendredi 22 janvier 2016

Révisions.

Les cliquettements de nos machines tellement pressées de nous passer le temps présent maltraitent le passé en commémorations mécaniques.
Mitterrand, 20 ans. Nous avions été heureux quand la gauche avait gagné, mais faut-il avouer que nous préférions Rocard surtout quand tout le monde s’incline aujourd’hui ? Le bref culte qui est rendu à Tonton souligne l’état loqueteux dans lequel nous sommes tombés.
Sans plus m’arrêter parmi ces paysages effacés, je vais essayer de revenir sur quelques mots bourdonnant autour d’un lieu que j’ai déserté depuis 10 ans : l’école.
Pour avoir fréquenté, admiré des maîtres Freinet, mais ne pouvant prétendre à une quelconque expertise en la matière, je suis assez étonné quand même de la fortune de certains des mots de l’instit de Vence, inversement proportionnelle à la perte du sens des démarches qui ont fait naître tant de propositions qui élevaient les élèves.
Des conseillers fuyant les classes et des colloqueurs universitaires ont  mis en circulaire des préconisations extraites de réflexions issues d’un  mouvement militant qui partait de l’échange de pratiques sur le terrain et non de reportages télévisés ou de constructions hors sol.
Les avidités individuelles réduites à des plans de carrière ont siphonné ceux qui avaient des ambitions pour les enfants, pour l’école, des plans de travail et une organisation coopérative fraternelle en « béton » ou plutôt chantourné au filicoupeur pour permettre aux petits d’accéder à la liberté, aux savoirs. Ceux qui ont mis ces fonctionnements en place n’attendaient pas qu’on leur explique ce qu’est la laïcité, leurs convictions forgées dans le débat et l’entraide étaient rétives à tout ordre tombant des ministères : tout le contraire d’aujourd’hui où un caporalisme de pacotille revient au galop. La critique de l’enseignement frontal depuis les chaires prête à sourire.
Ainsi les mots : « projets », « compétences », « enfant au centre », « équipe », ont ponctué les clips, incitations, BD pour les nuls, injonctions du ministère par ses petits marquis, dénaturant les intuitions, réflexions collectives, audaces de pédagogues qui ont alimenté les « bibliothèques du travail » et tant d’outils amoureusement construits à partir des réalités diverses analysées par des praticiens.
Comment sommes-nous passés de démarches visant à l’émancipation, aux mots de l’entreprise ? De l’école Mao aux rotatives de Grenelle pour parodier un titre qui a marqué la fin d’une époque : « Lettre ouverte à ceux qui sont passé du col Mao au Rotary ».
Comment sommes-nous passés de « L’école moderne », marque déposée par le mouvement pédagogique pour lequel liberté et démocratie ne sont pas seulement des mots mais des actes, aux heures mornes des nouveaux rythmes scolaires qui ont signé la fin d’une école « maitre du temps » ? Les familles éclatées, les maitresses ne pouvant plus payer des loyers parisiens ont accompagné avec soulagement la transformation : les enfants sont davantage fatigués.
Ces engagements pédagogiques, ceux d’une vie entière, allaient avec des convictions politiques et syndicales. En me désolant des orientations présentes, en particulier au collège, défendues par le syndicat CFDT pour lequel j’ai consacré jadis tant d’heures, j’aurai le sentiment de trahir mes idéaux de jeunesse, si l’éditorialiste Jacques Julliard, un des piliers de « la deuxième gauche » n’était devenu un défenseur assidu de l’exigence en matière scolaire :
« l’effort n’est pas de droite, l’excellence n’est pas de droite, la conservation de notre patrimoine culturel n’est pas de droite. » 
 Je le rejoins comme opposant déterminé non pas à Najat Valaud Belkasem qui n’est qu’une porte-parole en mal de notes pour prompteur sur la notation, mais à son ministère qui alimenta Chatel comme Peillon ou le fugace Hamon pour nous faire prendre les vessies économiques pour des lanternes égalitaires.