En janvier, les vieux de 68 ont été tués, en novembre des
jeunes aux terrasses sont mitraillés : « sidérés » nous sommes, c'est le mot,
encore.
Samedi, devant Face book quelques mots à mes amis en
trois couleurs : quand on ne sait plus s’exprimer par soi même, on transfère.
Obama avait dit « Liberté égalité fraternité » en
français pendant que sur les réseaux sociaux l’expression « Pray for
Paris » tenait le haut des écrans. Pourtant il semble que Dieu pose
problème dans toutes ces histoires.
Dimanche, les journaux ont sorti des éditions spéciales avec
de grandes photos pour noircir le papier à côté d’articles insipides aux
phrases maigrichonnes.
Les jours suivants ce sont les mots d’un enfant que la toile
a « liké ». Où sont passés les grands ?
Lundi, Libé a trouvé un mot : « génération
Bataclan ». Et la génération « pan pan pan » ?
Depuis mardi, nos éditorialistes, donneurs de leçons qui
aiment pourtant si peu les professeurs transmetteurs, délivrent à nouveau des préceptes aux
politiques qui prennent des dispositions de légitime défense.
Pas besoin de gilet pare-balles pour Laura du web (Télématin)
parlant d’ « acte de résistance » concernant l’auto-école qui
vient de rouvrir à côté du Bataclan. Aller au cinéma devient héroïque.
« Montez de la
mine, descendez des collines, camarades!
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades. »
Commentateur des commentateurs, j’ai forcé aussi sur les
mots en disant que le sang m’était « monté aux yeux » pour exprimer
ma colère quand j’ai du mal à souffrir les dessins mièvres, forcément
répétitifs, ces cartons où est inscrit « même pas
peur » conjuratoires, les bougies dérisoires que je mettrais peut être sur
mes fenêtres, tous ces chagrins selfiables. En disant avoir senti comme si on
me tranchait « les tendons de la tête » en un expressionnisme de
pacotille, je reprends les labyrinthes d’une expression personnelle en voie de se perdre.
Une formule est ressortie : « nos morts, vos
guerres ».
Voilà bien l’époque qui pleure à nouveau et ce n’est pas
fini, mais oublie qu’au Mali et en d’autres lieux, la France a empêché le pire
avec des armes qui font « bobo » comme on disait aux bébés pour
signifier « mal ».
Ces pays désormais pas si lointains dans l’espace et
pourtant pour certains à des années lumières de nos façons de penser sont
difficilement discernables, les contradictions sont énormes, la simplicité
inaccessible, mais je ne sais voir que les mots pour conjurer les maux, cent
vingt neuf morts, ration quotidienne en Irak.
Gilles Képel déplore l’affaiblissement du recrutement des
étudiants dans le domaine où il est expert : étudier l’Islam et le monde
arabe…
Pour m’en tenir à des lieux plus familiers, je sais que la
minute de silence dans les écoles a été plutôt réussie, il y avait eu des
répétitions. Après qu’une instit’ se soit montrée plus professionnelle que sa
ministre :
«Je veux rassurer les
enfants et non montrer mon émotion ».
Qu’on laisse travailler les professeurs, que
les décideurs tellement à l'écoute des perroquets du buz et
du business, fassent confiance aux adultes qui ont une nation à éduquer, à
éclairer, sans s’aplatir devant la désinvolture, la passivité, la fainéantise.
Car c’est dans l’ennui et l’abandon que des ceintures se garnissent
d’explosifs.
« Et puis il y
avait la mauvaise saison. Elle pouvait faire son apparition du jour au
lendemain à la fin de l’automne »
Hemingway dans « Paris est une fête » qui vaut
surtout pour son titre.
…….
Le dessin de Pavel Constantin (Roumanie) sous le titre est pris dans « Courrier International »,
ci dessous dans l’hebdomadaire « Le Point » et le suivant sur le site de « Le Monde .