mercredi 20 novembre 2013

Ethiopie J 10 au matin. Chez les karos.



De bonne heure, nous prenons la piste tourmentée vers l'ouest à travers une brousse peuplée  d’acacias, de ficus et de frangipaniers en fleurs, seule couleur vive dans le décor jaune sable et marron grisâtre ponctué par des termitières impressionnantes.
A l’arrivée du village de Kolcho, la vue est magnifique, nous surplombons une boucle de l’Omo enserrant la forêt et de grandes plantations de coton gérées par des Turcs où des tracteurs soulevant des nuages de poussières lumineux annoncent des bouleversements des façons de vivre.
Le bruit des nos moteurs attire les habitants du village appartenant à l’ethnie Karo qui compte 1000 personnes.
Ils sont maquillés d’argile en pointillés artistiques ou par aplats qui leur donnent l’air de lémuriens. Ces peintures corporelles sont magnifiques. Les coiffures cherchent l’originalité, plus pour attirer le photographe que semble-t-il par tradition. Certains enfants portent des couronnes de fleurs de frangipaniers, de fruits inconnus, d’herbe. Une femme joue avec un clou planté sous sa lèvre, le faisant sortir puis le remettant avec sa langue. Un moment en désaccord sur le prix de la visite et des photos, nous décidons de visiter le village en nous privant de nos chers appareils, au grand désarroi des karos : 
«  Photo ? No ? Go ! »

Nous déambulons entre les cases, proches de celles qu’on a pu voir à Domba avec travail à la meule et des cases en construction. D’ailleurs une Hamar se repère par son habit et son collier de femme mariée, elle témoigne de la bonne entente entre Hamar et Karo, de « l’intermaritalité ». Le guide local nous explique sur l’emplacement  réservé aux cérémonies, l’endroit réservé aux vieillards, aux enfants. Les femmes sont oubliées, pourtant le centre est réservé aux jeunes danseurs hommes et femmes.
Finalement nous décidons de sélectionner  des enfants ou des adultes  à photographier, passant par dessus nos scrupules de comportement d’esclavagistes, considérant qu’il s’agit de rémunérer un travail.
Nous revenons à l’hôtel de Tourist de Turmi par la piste d’où nous avons pu apercevoir des pintades et quelque dick dick.

mardi 19 novembre 2013

Les Meilleurs Ennemis. Jean-Pierre Filiu David B


« Une histoire des relations entre les États-Unis et le Moyen-Orient ».Tome 1.
Une fois passée une introduction où il est question de Gilgamesh qui a failli me décourager tant cela est compassé, la centaine de pages suivantes est instructive : depuis les pirates du XVIII° siècle jusqu’à l’éviction de Mossadegh  premier ministre iranien fomentée par la CIA.
La Méditerranée fut  pendant des siècles le siège de la puissance et source de revenus pour les états « barbaresques » qui soumettent à l’esclavage les occupants des bateaux pris et délivrés après paiement d’une rançon.  
Lorsque les bateaux de commerce des jeunes Etats Unis devenus indépendants ne sont plus protégés par les anglais, ils devront y consacrer un cinquième du budget du pays à traiter avec les pachas. Jefferson assiège Tripoli et se retrouve face à tout le Moyen Orient en guerre sainte.  
Au chapitre « pétrole » : Roosevelt  s’allie au roi d'Arabie Saoudite et  se trouve en contradiction avec les autres puissances impérialistes d’alors  la France et  la Grande Bretagne.
Les EU n’ont pas toujours soutenu le sionisme. Après avoir évoqué auprès de Ibn Saoud la tragédie des juifs européens, Roosevelt « promet que rien ne se décidera en Palestine sans que les arabes ne soient consultés ».
Le dernier chapitre s’intitule « coup d’état », et si depuis bien longtemps quelque frère banni a été utilisé pour renverser le sultan en place, les manœuvres menées par les frères Dulles en Iran ont été déterminantes sur le devenir de ce pays.
Les dessins soignés apportent un peu de poésie, de symbolique dans un récit qui  mêle avec virtuosité des anecdotes aux grands destins, avec leurs lots de fulgurances, de lâchetés, de passions comme une illustration de grands mythes.
C’est alors que je suis revenu au prologue qui m’avait dérouté et  je comprends mieux cette stèle sumérienne  du musée du Louvre dite « la stèle des vautours » trouvée en Irak  qui termine le premier chapitre où l’on voit les corps de vaincus empilés de façon à former un monument de la victoire, elle figure au dessus d’une pile de prisonniers à la prison d’Abou Ghraib.

lundi 18 novembre 2013

Heimat. Edgar Reitz.


Le noir et blanc où se distingue le rougeoiement d’un fer à cheval, l’or d’une pièce, est bien beau, mais estompe les aspérités, les douleurs, les passions, dans ce film pédagogique sur l’Allemagne rhénane au milieu du XIX°, quand trainaient encore quelques mots en français du temps de Napoléon : « liberté, égalité ».
Les maîtres de l’Europe rêvaient alors d’Amérique comme les Erythréens d’aujourd’hui imaginent l’Europe.
Leurs chariots se multiplient au sommet des collines où nous demeurons à contempler les paysages au fond desquels s’agitent quelques personnages.
Je n’ai pas été touché, bien que mon pépé ait été maréchal ferrant et que la corvée de ramassage des pommes de terre ne me semblât guère romantique. Un des fils, lecteur fervent, parait plus à l’aise avec les langages des indiens d’Amazonie que dans l’échange avec ses proches. Les livres ouvrent aux mondes lointains mais feraient écran à l’égard de nos contemporains.
J’ai trouvé les reconstitutions conformes au cahier des charges d’un écomusée, loin du souffle d’un chef d’œuvre annoncé. Dans la deuxième partie, aux images toujours belles, nous retrouvons les personnages qui nous sont devenus familiers et nous nous en rapprochons.
La dernière image illustre Barrès :
« Pour nous, la patrie, c'est le sol et les ancêtres, c'est la terre de nos morts ».
Heimat signifie patrie.
« Où Dieu trouve-t-il tout ce noir qu’il met
Dans les cœurs brisés et les nuits tombées ? »
V. Hugo

dimanche 17 novembre 2013

Juliette. Nour.

J'aime la chanteuse,  sa voix, ses choix, sa présence sur scène, son humour, son énergie.
Son dernier CD qui porte son nom : « Nour » comme Noureddine signifie « lumière » : celle qui la rassurait quand  petite, elle avait peur dans le noir et qu’elle choisira d’éteindre elle-même quand sa vie vacillera.
La gravité de cette belle chanson  tranche avec quelques potaches propositions voire une pochade telles « Légendes », « Les doigts dans le nez » qui pourrait avoir des parentés avec Pierre Perret.  De même « Jean Marie de Kervadec » de François Morel  parodie des chants de marins : il faut « monter à la misaine » et « virer au guindeau » alors  qu’il s’agit seulement d’aller au Super U qui ne rime pas seulement avec jambon cru.
Et je m'amuse à voir du le Forestier dans « Le petit musée » nostalgique, des rythmes de Laviliers en plus drôle dans « Belle et rebelle » plutôt que « moche moche et remoche »,  des accents d’Anne Sylvestre avec « Une petite robe noire » à propos des violences dont sont victimes les femmes. 
« La veuve noire » qui n’arrive pas à occire son mari malgré ses nombreuses tentatives est marrante.
« Le diable dans la bouteille » a été beaucoup entendue et a perdu ainsi un peu de sa saveur comme ces pubs qui vous surprennent la première fois et vous lassent quand on ne voit plus qu’elles.
Mais celle où Juliette est elle telle qu’elle me plait, s’intitule « L’éternel féminin », une bossa endiablée, au service d’un texte drôle sur un sujet essentiel :
« Regardez qui est là qui attise les flammes
Régnant sur les Enfers, le Diable est une femme !
Rien d'étonnant à ça ! Des brunes jusqu'aux blondes
Par elles sont advenus tous les malheurs du monde !
Le Diable est une femme et vous vous en doutiez :
La place d'une femme n'est elle pas au foyer ? »

samedi 16 novembre 2013

Une matière inflammable. Marc Weitzmann.


J’avais retenu ce livre parmi 500  proposés à la rentrée, parce qu’il mettait l’actualité politique en fond de création littéraire: essai de roman, fiction et frictions contemporaines .
Il est question de DSK  sans un détail crapoteux de plus dans une affaire qui n’en a pas manqué mais le scandale est replacé dans une durée qui apporte quelques éclairages intéressants. Dans la palette des rapports humains assez impitoyables en général, les relations amoureuses sont disséquées d’une façon originale.
Le narrateur Frank Schreiber essaye de se détacher de son milieu pour mieux le décrire, c’est mordant, habile, mais désenchanté à ce point, c’est épuisant.
«  …et si ce livre a quoi que ce soit de politique, selon moi, c’est dans l’analyse sous jacente des raisons de cet impasse en chacun de nous - dans l’analyse de nos conflits d’intérêt intimes… »
Il  décrit l’évolution de Patrick Zimmermann un économiste venu de l’OCI (trotsk’) :
 « Au prochain siècle le futur se déversera dans le présent à une vitesse inégalée »
Il passera par le PS jusqu’à devenir conseiller du directeur du FMI,
« tu te fais un ami là-bas en ce moment, tu te garantis deux ennemis. ».
L’arriviste finit seul. 
« Ce militant qui a truqué ses convictions et qui se lamente sur la fin de l’honnêteté, qui dénonce le mensonge – à force de s’être menti à lui-même… »
Le milieu juif parisien est décrit avec un détachement qui est la marque de fabrique de ces 365 pages sans empathie :
 « Tu ethnicises  la problématique du parvenu si chère au roman français, tu en fais le nœud  d’une hystérie masculine scindée entre la quête d’une virilité indépendante et la soumission au désir d’en être »

vendredi 15 novembre 2013

Extrême droite hors les murs.



La Pen menace de poursuivre ceux qui la situent à l’extrême droite.
C'est elle qui est très suivie, sur un créneau encombré: les idées, les comportements issus du ventre nauséabond plus que jamais fécond, envahissent la société et nos têtes bien au-delà des siglés de la flamme archaïque. Sous des masques ou des bonnets aux couleurs trompeuses.
Quelques arrangements électoraux misérables ou des insultes proférées par des enfants mal élevés sont des symptômes, le mal vient de loin et ne concerne pas qu’un hexagone. Le rejet de l’autre est un trait très répandu dans tant de tribus.  Mais je sais les effets dévastateurs du cri « au loup » devenu inaudible car trop utilisé, exemptant en outre le lanceur d’alerte de tout examen.
La problématique de l’étranger occupe toute conversation et face à la complexité, les réponses brutales et simplistes sont en première ligne. L’impuissance face aux interdépendances croissantes se compense dans l’érection de frontières symboliques, du périmètre le plus intime jusqu’aux marches de l’Europe en passant par son jardin. Jusqu’au vocabulaire qu’il convient de restreindre pour flatter l’électeur en s’abstenant de toute nuance, de toute réflexion allant au-delà du réflexe : première marche lâche vers l’aveuglement.
L’intellectuel est méprisé et quand les mots permettant le recul sont bannis, comment répondre après Badiou : « De quoi Sarkozy est le nom ? » : « De quoi le FN est le nom ? »
Un candidat aux élections municipales opposant à la municipalité sortante de Saint Egrève a tenu quelques propos méprisants à l’égard de la culture. Je n’ai pas dit «  candidat de gauche » car celui-ci se garde en ces temps de toute référence de cet ordre, portant ses priorités sur la « sanctuarisation » du parc de Fiancey, mais guère sur la préservation de quelque valeur soc’. Comme tout ce qui est excessif est insignifiant, je rapprocherai  ses propos désinvoltes de la réaction de « Notre frivole monarque » de jadis : « ah l’écologie, ça commence à bien faire » plutôt que de  Goebbels sortant son pistolet quand il entendait le mot culture.
Manque de vision, pêche aux voix près des bouches d’égout, petit bras et pistolet à  eau.
Sur ces démissions de toute exigence, sur ces paresses, sur l’impossibilité d’envisager la nouveauté, la démagogie joue de ses fards.
La confusion règne : qui a-t-il de commun entre les porteurs de bonnets rouges pendus aux arbres par les troupes de Louis XIV parce que des manants s’opposaient aux impôts destinés à Versailles et les objecteurs d’impôt républicain ? Les écolos sont infoutus de défendre l’écotaxe , Moscovici a repris le mot « ras le bol fiscal » et bien peu font valoir la solidarité permise par l’impôt dont la réforme est « partie à la réforme » comme on dit de chevaux retirés des champs de course.
Face à ces consternants constats, je veux croire le sociologue Jean Viard dans Libé :
« Il faut dire que les métropoles sont le cœur du monde qui nait car c’est là que nos liens collaboratifs, numériques croisent nos liens charnels, concrets - densifiant rencontre et créativité. Comme dans les grandes firmes. Mais il faut dire aussi que les lieux de la qualité de la vie, le Sud ; les bonnes écoles, les petites villes, la proximité solidaire, la créativité culturelle dynamisent ce modèle de création de richesse. »
Mais il sait bien : 
« L’immense péri urbain que nous avons construit autour de nos villes glisse vers le FN ; les régions du vivre et travailler au pays des années 70 s’enflamment ; les riches refusent l’impôt ; les moins riches aimeraient comprendre ce qu’ils vont payer. La gauche parle d’égalité mais ne comprend pas l’individu, la droite glisse vers l’identité sans penser la mondialisation. »
Et en politique : « on y cherche des places plus que des espérances, des adversaires plus que des partenaires »
Vieux pays qui se la joue jeune en flattant le fugace, le facile, avec des vieux démissionnaires, excepté de leurs mandats qui s’accumulent.
……
Le Canard n’offrant cette semaine que de l’attendu, ce dessin décalé du « Point » conviendra pour accompagner cette semaine en politique.


jeudi 14 novembre 2013

César au musée Cantini.


Gratuit le dimanche matin, le musée installé dans l’hôtel particulier légué à la ville par le marbrier Jules Cantini propose en permanence quelques belles toiles de  Derain, Camoin, Dufy, Gleizes, Léger, Brauner, Ernst, Miró, Picasso, Bacon…
Et jusqu’en janvier 2014, César, le ferrailleur se retrouve chez le marbrier avec ses objets compressés et ses expansions.
"Le marbre de Carrare était trop cher, la vieille ferraille traînait partout. 
Je suis devenu sculpteur parce que j'étais pauvre !"
 
L’autodidacte né dans le quartier de la Belle de Mai dont les voitures compressées furent l’emblème, a multiplié les matériaux avec le polyuréthane aux coulées figées, a posé dans les villes des pouces réjouissants d’un humanisme bon enfant.
Ses interrogations autour de la société de consommation ont une connotation années 60, quand l’art s’adressait à tout le monde.  
«Ce sont mes mains qui font travailler ma tête »

Beaucoup copié, le « nouveau réaliste » immédiatement identifiable, César Baldaccini a cherché inlassablement pendant 77 ans, il est décédé en 1998.