dimanche 26 mai 2013

Carnages. François Cervantes.



Chaque minute de chaque jour, nous sommes conviés à rire : bouffées d’ironie, vacheries enragées, dérision et sarcasme.
Les clowns de Cervantes seraient-ils les seuls qui ne jouent pas dans ce registre ? Ils ne manquent pas de gaieté mais leurs courses affolées, leurs pas suspendus, leur optimisme forcené dans la nature humaine renvoie davantage à une sourde tragédie qu’à la franche rigolade.
Ma voisine avait choisi de rire à la moindre question :
« Comment tu t’appelles ? ».
C’est vrai que chaque geste, chaque mot, judicieusement mis en lumière peut rappeler l’absurde de notre condition. Cette limite subtile est déterminante quant à la nature de notre regard sur le monde où la part d’humour est indispensable à notre survie.
Eternels petits enfants depuis les gestes premiers, les clowns aux bouches démesurées, aux yeux soulignés, se bousculent, se cherchent, se découvrent, s’affolent, sont tyrannisés par les objets, mais ils gagneront le paradis des âmes simples.   
Le mot poésie peut être convoqué évidemment, mais sûrement pas les rires enregistrés ; nous sommes face à nous-mêmes avec nos bavardages et notre mélancolie.
Un spectacle élémentaire : « plus nous avons besoin de nous rassembler, plus il nous faut aller profondément dans notre solitude. »

samedi 25 mai 2013

Romanzo criminale. Giancarlo De Cataldo.



Une fresque de 730 pages pour décrire comment Le Libanais, Le Froid, le Dandy prennent le contrôle de la ville de Rome et pas seulement du marché de la drogue. Je connais mal les livres noirs mais celui-ci est vraiment efficace et les cadavres qui s’accumulent sont extrêmement parlants à propos d’une époque où la police voulait s’intéresser surtout aux brigades rouges et fermait les yeux sur le terrorisme noir, la corruption des politiciens, des avocats...
 « Dans sa poitrine, un feu le dévorait. Il essaya de s’appuyer sur ses coudes. Le deuxième coup le cloua à jamais, sans même lui donner le temps de formuler une ultime pensée. »  
Rythme d’enfer, dialogues acérés, retournements d’alliance d’après le destin de la bande de la Magliana qui a réellement existé et a sévi 22 ans au pays de Berlu.
Porte plus loin qu’un révolver :
« Vous avez la chance de vivre avec les derniers hommes véritables. Des hommes qui ont des passions et une identité. Mais tout cela aura hélas une vie brève ! L’aujourd’hui meurt et demain sera le domaine exclusif des banquiers et des technocrates. Ah, et naturellement de ces jeunes sous-crétins de la Télévision ! »
L’écrivain alerte est juge dans la vraie vie, il connait son affaire, il peut se permettre de mettre en scène une pléthore de personnages caractérisés par leur surnoms :
Œil fier, le Rat, le Buffle, le Noir, le Sec, hormis X et Z des services secrets.
A l’enterrement ultime toute la pègre est rassemblée et il faut plus d’une page pour nommer ceux qui écoutent l’homélie de Don Dante :
«… Petit Baveux, Friture, Pue-de-la- gueule, Couilles Sèches, Gianni-la-vache et tant d’autres... »
Il y a même un « Trente Deniers » qui accentue la connotation mythologique de cette odyssée. Je n’ai pas recouvert ces inhumains d’un visage tel que le film qui en est tiré peut le permettre. Je ne suis d’ailleurs pas très pressé de le voir tout en étant curieux de vérifier comment le cinéaste a adapté le roman.

vendredi 24 mai 2013

Tigre & dragon. Ang Lee.



Fantastique et Kung Fu, l’addition de deux genres qui ne me sont guère familiers ne m’a pas permis d’entrer dans la confrérie très fournie des enthousiastes de ce film de 2010.
Les combats sont des chorégraphies et quand nous voyons les stigmates d’un combat, ils sont grotesques pour bien souligner qu’il ne s’agit que d’un divertissement où la pesanteur est abolie. Les poursuites sur les toits défient la gravité et les combats se déroulent  jusqu’au sommet d’une forêt de bambous.  
Il est question de transmission, de la fougue de la jeunesse, de renoncement.
Le désert a ses charmes et les intérieurs de la chine ancienne laissent filtrer de belles lumières, les mœurs et les sentiments sont exotiques. Mais quand une protagoniste est nommée d’emblée « Jade la Hyène » et restera sous ce masque, cela n’entre pas dans le nuancier pastel que je préfère. Les épées magiques ne me transpercent guère, quelques ambigüités et des dilemmes plus travaillés m’auraient plus séduit.

jeudi 23 mai 2013

Los salvajes. Alejandro Fadel.


Quatre garçons et une fille s’évadent d’un centre de redressement en Argentine.
Mais ils ne trouvent pas leur liberté ; emprisonnés dans la  drogue, leur énergie initiale s’étiole et des pulsions suicidaires prennent le dessus.
Pourtant les paysages sont beaux, ils ne savent plus où aller, de lieux désertés en ruines sinistres, cernés par des sangliers.
J’ai eu le sentiment que le film lui-même ne savait pas où il allait.
La nature y est sauvage,  la jeunesse tellement sombre, la liberté un leurre.

mercredi 22 mai 2013

Au petit Marguery



L’écrivain Laurent Benégui était il y a déjà un moment à la cinémathèque pour présenter le film qu’il a réalisé, inspiré de sa vie et rayonnant d’humanité. C’est l’histoire simple du dernier repas servi dans un restaurant qui va laisser place à une banque. Les plaisirs de l’assiette, la table qui réunit, de la tendresse, sans s’appesantir, des flash-back qui arrivent sans crier gare, de bons acteurs, la vie qui va, légère et griffante. Quinze ans que ce film a été tourné. 
Si certaines situations apparaissent  aujourd’hui de l’ordre de la fable (le SDF, l’homo revenu dans « le bon chemin », le plongeur kabyle…) c’est que l’époque est devenue impitoyable. Alors il fait bon se réchauffer autour de quelques bonnes bouteilles qui ne laissent pas de gueule de bois : c’est du cinéma.

mardi 21 mai 2013

Hannah Arendt. Margarethe von Trotta.



Le sujet passionnant nous emmène bien loin des petites phrases qui encombrent nos  bavardes machines affolées.
La réalisatrice « Des années de plomb » interroge des aspects troublants de  la nature humaine tout en rendant l’élaboration d’une pensée exigeante très concrète à la lumière du mal absolu … ou banal ?
Pour  « The New Yorker », la philosophe en chair et en courage interprétée par une Barbara Sukowa convaincante assiste au procès Eichmann à Jérusalem.  
Clope au bec, elle nous amène à approfondir des questionnements qui ne se sont pas achevés avec la pendaison d’un des responsables obéissant de «  la solution finale ».
A propos d’une situation exceptionnelle, elle nous amène à nous inquiéter de cette « absence de pensée » qui caractérisa un bourreau mais qui  peut s’appliquer à notre entame d’un siècle expéditif et finalement tellement obéissant quand les cyniques impriment leur idéologie à tout vend. 
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Aujourd'hui je n'ai pas publié de texte concernant la BD alors qu'en principe "mardi: c'est Goscinny ". 
Jusqu'à samedi, je programme des articles concernant le cinéma,  histoire de se la jouer comme Beckcannes.

lundi 20 mai 2013

Les voisins de Dieu. Meni Yaesh.



Les jeunes Israéliens qui se réfugient dans la religion ont beau oublier leur rigorisme autour d’un joint, des battements de la musique ou le temps d’une régression avec ballon, ils sont violents et régentent un quartier, veillent sur le respect pointilleux du shabbat et la tenue des filles.
C’est alors que l’un des plus zélés est frappé de  quelques scrupules quand il tombe amoureux de celle qu’ils tourmentent.
Il va s’humaniser un peu, mais la belle jeune fille sera-t-elle heureuse dans une vie scandée par une loi  qui soumet  les hommes et plus encore les femmes ? Les livres sacrés peuvent éclairer le destin des hommes mais  la notion même de Tout Puissant méconnait liberté, responsabilité et dignité.