samedi 19 janvier 2013

14. Jean Echenoz.



Le livre claque comme le titre,  et nous empoigne sur un sujet pourtant tellement parcouru : la guerre.
« Tout cela ayant été décrit mille fois, peut être n’est-il pas la peine de s’attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut être n’est - il d’ailleurs bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d’autant moins quand on n’aime pas tellement l’opéra, même si comme lui c’est grandiose, emphatique, excessif plein de longueurs pénibles, comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent , à la longue, c’est assez ennuyeux. »
Traité avec un ton contemporain qui nous entraine un siècle en arrière avec les poux, les rats et la mort inattendue. Il y a bien sûr l’inhumanité des gradés, l’absurdité de cette boucherie, la sauvagerie mais aussi la rapacité de ceux qui profitèrent de la guerre pour faire monter les prix, les fusillés, quand un bras en moins est une chance.
A travers des détails du quotidien, la fatalité de la tragédie nous saute à la gueule, sans coup de clairon. Les musiciens ont été décimés.
« …et Charles, béant, par-dessus l’épaule affaissée d’Alfred, voit s’approcher le sol sur lequel il va s’écraser, à toute allure et sans alternative que sa mort immédiate, irréversible, sans l’ombre d’un espoir-sol présentement occupé par l’agglomération de Jonchery-sur- Vesle, joli village de la région Champagne-Ardennes et dont les habitants s’appellent les Joncaviduliens. »

vendredi 18 janvier 2013

Ce n’est pas le problème !



Depardieu, le mariage pour tous, les anciens présidents au conseil constitutionnel : il y a plus important objectent ceux « qui ne se font pas avoir ».
Et  pour certains le Mali serait un dérivatif également !
Accoudés au comptoir de l’actualité, ils ne se font pas berner par les débats secondaires, ils savent les remèdes au chômage, au réchauffement de la planète, à la financiarisation des échanges, à la judiciarisation des actes…
Ils savent débusquer tous les leurres.
Pourtant les provocations d’un comédien en déshérence, des milliers de  personnes s’accrochant à un monde immobile le temps d’une promenade dominicale, et des institutions  qui devraient être immuables même pour des progressistes,  peuvent interroger.  
Les femmes maliennes à la face cachée, me concernent.
Celui qui « ne parle qu’en présence de sa vodka » comme dit le Canard est divertissant et cet écho mondial dit beaucoup de notre système médiatique mais aussi de nos passions.
Il est question de justice fiscale : à cet égard le mot de Cahuzac disant que la réforme fiscale était achevée m’a achevé : parce qu’elle avait eu lieu ?
Les niches n’ont pas tremblé, les riches trichent, beaucoup s’en fichent.
Des trains, des cars, dimanche, pour s’élever contre la pauvreté ? Non, nous nous, papa, maman, nounou. Je ne vais pas rejouer à mon tour le coup de « l’essentiel est ailleurs ».
Dans une société minée de solitude où les mono mamans ont les bras qui tombent, que de donneurs de leçons pour les autres ! Sur les sujets de société comme la dépénalisation du cannabis, le vote des étrangers, les éternels contre PACS s’enferment dans l’hypocrisie, le repli entre soi, homonymes, homophones. Leur aversion pour tout ce qui évolue, s’alimente du procès éternel contre une gauche illégitime par nature : les réacs même  colorés en rose layette viennent  en héritiers de ce fond chouan des temps obscurs.
Merci de nous remettre côté lumières, c’est la faute à Copé.
Le temps passe et les réformes institutionnelles tardent. Que n’auraient-ils dit si la réforme du présent conseil constitutionnel avait concerné les Chirac, D’Estaing,  ou le "Teigneux Monarque " (Rambaud est revenu) ?
Refrain : Toujours est-il, régler sans tarder, ce non cumul des mandats, ce n’est pas compliqué et ça redorerait le blason des politiques. Et pis ce qui est dit est dit !
Les brigades internationales se forment en Syrie, au Mali, elles se nourrissent au fanatisme religieux : l’idéal  des combattants compte plus que leur vie.
Nous, nous payons des soldats pour lutter contre l’obscurantisme.



jeudi 17 janvier 2013

Soulages XXIe siècle. Lyon.



Pour le premier samedi des soldes, la rue qui conduit au musée des Beaux- Arts est noire de monde, un monde habillé de noir. Dans le jardin, une mariée noire passe dans sa robe blanche.
Nous nous rendons chez  Soulages, le maître du noir qui expose 26 de ses dernières toiles jusqu’à la fin janvier. Les spectateurs s’y pressent.
« J’aime l’autorité du noir. C’est une couleur qui ne transige pas. Une couleur violente mais qui incite pourtant à l’intériorisation. A la fois couleur et non-couleur. Quand la lumière s’y reflète, il la transforme, la transmute. Il ouvre un champ mental qui lui est propre. »
J’ai beau savoir que ce n’est pas du noir mais de la lumière que peint celui qui peut être considéré comme un sculpteur, j’ai été surpris en regardant mes photographies cadrées en toute liberté. Certaines sont carrément de couleur argentées voire blanches.
Hors du viseur, nous jouons avec les reflets, les textures, les rythmes, mais la mère des couleurs domine notre vision noire. La notification des formats constitue le titre des tableaux.
L’un des plus célèbres peintres contemporains a 93 ans.
A 90 ans il a présenté 90 toiles à Beaubourg, et bientôt va s’ouvrir un Musée qui lui sera entièrement consacré à Rodez sa ville natale. Son atelier est à Sète.
Si j’avais préféré son accrochage de Montpellier sous une lumière naturelle, dans un espace plus aéré,  avec des œuvres tenues par des filins, cette recherche de toute une vie où il a posé désormais le mot « outrenoir », est impressionnante. 
Des touches de blanc de chez blanc sont présentes. La variété des surfaces juxtaposées prend encore de l’ampleur. Les toiles à la matière épaisse sont scarifiées avec des instruments de maçon ou de pâtissier, des bâtons. Il utilise l’acrylique, mais des œuvres acquises par le musée témoignent que le brou de noix, et le goudron sont aussi des matières avec lesquelles il a travaillé.

mercredi 16 janvier 2013

Saint Emilion.



Le village du Libournais n’est pas qu’une appellation prestigieuse, il est remarquable avec ses ruelles en pente (des tertres), reliées par des escalettes, et des édifices religieux aussi nombreux que ses caves. L’ancien ermitage  a conservé ses  remparts.
Sur la carte  des vins qui nous a été proposée pour accompagner une salade sur la place où un arbre de la liberté a été replanté, la bouteille de Château Lafitte Rothschild était à 4800€ ;  sans tomber dans la provocation d’une bière pression nous avons pris du vin au verre.
Il était trop tard pour visiter l’église monolithe (d’une seule pierre) creusée dans la falaise entre le IX° et le XIII° siècle, édifice unique en Europe. Depuis son clocher à 130 m au dessus de la place du marché nous avons une vue magnifique sur les toits ou aucune antenne ne dépasse ni fil électrique : nous sommes  comme dans un amphithéâtre, patrimoine mondial.
 Au moyen âge déjà le vin était qualifié d’ « honorifique » et offert aux souverains. Pendant la guerre de cent ans, la commune fut prise et reprise par la France et l’Angleterre ; Jean sans terre lui donnera un statut particulier avec ses jurats qui vêtus de leur robe rouge (bordeaux) en procession en juin et septembre, jugent de la qualité des productions et ouvrent le ban des vendanges depuis la tour du roi.

mardi 15 janvier 2013

Le fils de l’ours père. Nicolas Presl.



Sombre histoire. Parti pris radical d’un livre sans paroles où tout tient dans un dessin rigoureux.
L’exercice de lecture est stimulant, le récit fluide nous conduit à lire vite, ce n’est qu’après être arrivé au bout, que l’on peut goûter le rythme, la composition élégante, le graphisme tranchant, l’expressionnisme secouant.
Il s’agit d’un conte mythologique où l’animal rencontre l’homme et la femme, où sont questionnées les notions de filiation et de paternité, les racines, les liens, le pouvoir de la peinture. Sur fond de solitude, le désespoir est plus évident que l’amour.
Seule la couverture est pastel, à l’opposé des histoires de nounours : beau et ténébreux.

lundi 14 janvier 2013

Royal affair. Nikolaj Arcel.



Depuis  l’éclairage aux chandelles de Barry Lindon, les films en costume XVII° ont du charme, celui là est séduisant sans rajouter d’effets inutiles.
Pourtant un film qui traite de la folie à la tête du royaume de Danemark, d’une passion amoureuse sans cesse menacée, de la victoire des lumières contre l’obscurantisme, sur fond de manipulations  de cour, risquait de peser un peu.
Pas du tout, c’est passionnant, d’autant plus qu’il s’agit de faits réels.
Les relations des personnages sont complexes, le scénario limpide, les acteurs d’autant plus crédibles que je ne les connaissais pas. La reine aux joues rosissantes est craquante et fraîche. Le médecin du roi est progressiste et puissant. J’ai aimé apprendre que l’avancée des idées d’émancipation ne date pas de notre 1789. 30 ans auparavant du côté de Copenhague des lois établissant une plus grande justice furent signées avant d’être remises en cause ; liberté de la presse, abolition du servage, interdiction de la torture. Le vieux continent commençait à bouger.
L’éternelle question de la liberté depuis le dernier des serfs jusqu’à celui qui a tout le pouvoir dans ses mains, ou comment passer des livres à la réalité : quelques sujets parmi tant d’autres au cœur d’un récit où tous les ingrédients sont réunis pour se laisser séduire. Passion et politique.

dimanche 13 janvier 2013

L’or noir. Arthur H Nicolas Repac.


Il s’agissait de lecture musicale.
Je m’étais emballé trop vite au moment des abonnements pour un spectacle avec Arthur H que je pensais entendre chanter : hé non, il lit des poèmes.
Pour avoir été impressionné par des acteurs qui tiennent seuls la scène avec de longs monologues, j’ai été un peu distant avec ce spectacle. Les poèmes lus alternent avec des contes qui se seraient offerts plus volontiers avec un conteur.
Sa  belle voix grave est toujours aussi évocatrice de mystères, mais la variété des poèmes d’auteurs caraïbes aurait mérité quelques ruptures de ton, un brin d’humour.
 « Je siffle oui je siffle des choses très anciennes
de serpents de choses caverneuses
Je or vent paix-là
et contre mon museau instable et frais
pose contre ma face érodée
ta froide face de rire défait. »
Césaire me transporta jadis, aujourd’hui je le goûte seulement à petites doses, tant ce lyrisme faisant ronfler les mots les éloigne de nos oreilles lassées.
Je préfère les images d’Edouard Glissant parlant de l’amour :
«  quand une femme, un homme, vont pour démarrer sur une motocyclette. Au moment même où le garçon appuie sur la vitesse, la fille entoure son buste de son bras arrondi et elle penche la tête sur son épaule.»
L’accompagnement musical variant les instruments, (sensa, guimbarde, pot, guitare…) est agréable mais n’a rien de résolument nouveau. Quand sont évoqués, « la terre, l’amour, les racines et les rêves, la fièvre et le tremblement, au cœur du monde, du tout-monde » pas facile de contenter tout son monde. Il y a des soirs où la poésie passe mieux dans le silence et la nuit qu’avec une voix fut-elle enjôleuse parfois.