dimanche 18 novembre 2012

Racheter la mort des gestes. Gallotta.



Le titre un peu énigmatique pour un spectacle limpide est extrait d’un article d’Hervé Guibert « Qui est le chorégraphe, sinon ce grand fada sacré que la société semble payer pour le rachat de la mort des gestes ? ».
Je  sais que je suis vieux : « mes copains s’appellent Jean-Claude ».
Notre plus grand grenoblois vibrant nous livre  en 25 tableaux la chronique du temps qui  a passé.
Et comme il a « de bons rapports avec les souvenirs » comme avec la fragilité ou les textes des autres, il nous livre un spectacle réjouissant, salutaire, poétique, politique, drôle, émouvant, inventif et reconnaissable.
En entendant un extrait plus complet du discours de Sarkozy sur l’africain sans histoire, avec la danse en premier plan, j’ai vraiment ressenti l’obscénité de ce discours de Dakar écrit par Guaino.
Les mots de Deleuze stimulent, ceux de Baschung remuent.
Un enfant danse avec un vieux monsieur, un homme et une femme en fauteuil, des anciens danseurs, des novices, des professionnels magnifiques.
J’ai tout aimé : Laurence d’Arabie, Les travaux d’Hercule, Calmat qui monte interminablement l’escalier qui mène à la vasque olympique en 68, le tramway qui passe en fond de scène, celle qui crie : « maman », les danses.

samedi 17 novembre 2012

Nous autres. Stéphane Audeguy.



« Il se répète qu’il est en Afrique, il sait bien qu’il n’existe rien qui soit vraiment l’Afrique, il sait bien que l’Afrique n’existe pas ... ».
Hé bien, ce roman vient contredire la réflexion du fils au sortir de la morgue où il vient de voir son père : l’écriture intense rend compte des contradictions du continent noir. Ses richesses, sa pauvreté, ses rapports intimes avec la nature et ses servilités.
Le fil narratif est documenté : nous assistons à la construction d’une ligne de chemin de fer avec tous les porteurs anonymes disparus, à l’installation de cultures horticoles.
Il y a des paléontologues,  un planteur d’acacias, une championne de marathon, des touristes, des prostituées ; le fils est photographe, le père était écrivain public.
Un fatalisme bien de là bas s’est emparé du récit qui se construit sur le choix de donner une sépulture conforme à l’empathie du père à l’égard des kenyans. Ce pays dont nous assistons , par des chapitres nerveux, à la construction, à l’indépendance, nous apparaît dans toute sa vigueur avec une présence des ancêtres qui donne une profondeur palpitante aux 250 pages. 
L’écriture est sèche et poétique, tragique mais se dispensant de toute psychologie.
Ce père sacrifiant son confort de blanc pour aider les plus déshérités s’est bien peu préoccupé de son fils durant sa vie.
« L'animal enroué ne peut plus braire. Il essaie cependant, la respiration qui soulève imperceptiblement ses côtes lui arrache chaque fois un braiment avorté, grotesque, et nous qui connaissons la mort autant qu'il est possible de la connaître, nous savons qu'il n'est pire chose au monde que cette mort sans langage, l'âne s'enfonce dans une nuit plus sombre que la plus sombre nuit …»

vendredi 16 novembre 2012

J’accuse… ! et autres grands articles. Patrick Eveno.



En visitant la maison de Mauriac à Malagar, j’ai découvert des engagements de l’écrivain journaliste du Figaro et de l’Express que j’ignorais. J’ai acheté là bas ce recueil où l’article retenu de l’auteur des blocs-notes n’est pas le plus fort, bien que ciselé, abordant la distinction journalisme/littérature.
Le générique rassemble écrivains, reporters, politiques : Condorcet, Sand, Sue, Vallès, Hugo, Leroux, Londres, Kessel, Cendrars, Saint Exupéry, Giroud, Beuve Mery, Pleynel…
Zola et son « j’accuse », dont le titre a été trouvé par Clémenceau, sert d’accroche aux 330 pages réunissant  58 articles de Théophraste Renaudot à Annick Cojean. 
Dans  le célèbre plaidoyer très précis en faveur de Dreyfus, les détails concernant les protagonistes s’étirent un peu, alors que le portrait de l’Iran en jeune femme de Marc Kravetz est vraiment original  et puissant.
Des thèmes datant des origines sont toujours d’actualité : indépendance de la presse, censure, les people, le peuple, les faits divers, « le manifeste des 121 », l’engagement, la pudeur... Monsieur Bertin dont on voit l’œil acéré dans un portrait d’Ingres écrivit « Les nouveaux barbares » qui ressemblent aux nôtres.
Hébert parle de l’exécution de Marie Antoinette comme la plus grande de toutes les joies.
Clémenceau  dans le Paris  du petit matin « au ciel ardoisé, moutonnant, d’une transparence blême » raconte la guillotine pour l’anarchiste Emile Henry : l’horreur blanche.
« L’un des valets du bourreau est son fils. On a soupé en famille, et puis on est parti bravement pour le travail, jetant un coup d’œil plein de caresses aux petits qui dorment, embrassant un la mère, l’autre sa femme ou sa fille, qui lui font des recommandations affectueuses, en crainte du froid de la nuit. »
…………..

Dans Politis.

jeudi 15 novembre 2012

Sophie Calle. « Pour la première et pour la dernière fois. »



Comme je connaissais un peu l’artiste, je pensais que c’était « sa » dernière exposition tant elle nous a habitué à se mettre en scène bousculant toujours plus loin les frontières de l’intime, la délimitation entre l’art et la vie.
Dans la chapelle Saint Martin du Méjan (le milieu),  à Arles, à côté des éditions Actes Sud, la chercheuse inventive nous livre une exposition poignante à partir de deux idées élémentaires.
A Istanbul, elle a filmé d’abord de dos, puis se retournant, des habitants de la ville qui voient la mer pour la première fois.
Toujours dans la même ville, elle recueille les témoignages de personnes aveugles qui décrivent leur dernière vue.  
Au terme d’une journée consacrée à une orgie d’images lors  des rencontres photographiques, nous en prenons plein la face.
Le dispositif est sans chichi : une photographie de la personne, ses paroles brèves mais incandescentes, et la représentation de la chose vue : un arrière d’autobus flou, le médecin qui a opéré sans succès, l’ampoule d’une chambre, pour l’aveugle de naissance, son rêve : une voiture décapotable…noire.
Simple et puissant.

mercredi 14 novembre 2012

Narbonne.



La ville au pied des Corbières a beau avoir donné son nom à la partie romaine de la Gaule, ne subsiste de cette époque qu’un lambeau de la voie domitienne passant devant l’hôtel de ville.
Pas plus de trace de l’occupation arabe dont la ville fut  le «  point extrême conquis par les musulmans sur le pays des Francs ».
Des lieux de culte catholiques se sont succédés depuis le IV°siècle, mais des incendies, des épidémies, l' opposition entre les consuls et le chapitre ont compromis l'achèvement de la cathédrale Saint Just et Violet le Duc ne persistera pas dans la restauration.
L’ambition  de cette architecture venue du Nord se retrouve dans les dimensions impressionnantes sous des voûtes à 40 m, son caractère inaccompli en fait tout le charme. 
En 1907 la révolte des vignerons a des accents occitans et la répression commandée par Clémenceau va tuer 6 manifestants, malgré les foules immenses et l’appui de tous les élus de la région en particulier du maire « médecin des pauvres » Albert Ferroul.
« … les barons de l'industrie du Nord nous ont envahis et ruinés. Nous ne voulons pas les supporter davantage. En avant ! Debout pour les repousser, eux et leurs complices. Parlez plus fort, unissez vos voix, votre prière prendra le ton d'un commandement ».
La ville de tradition SFIO, avait  offert ses suffrages à la droite ses dernières années ; aux présidentielles Hollande est arrivé en tête.
Charles Trenet y est né et les mémoires ont retenu les maillots orange que revêtirent les frères Spanghero  l’homme de fer du rugby des années 60 et aussi Didier Codorniou, le petit Prince.


mardi 13 novembre 2012

Qui a mangé Zidane ? Sylvain Ricard. Didier Maheva.



Quelle idée d’appeler son lapin Zidane, du nom d'un publiciste, en 2012 ? Zlatan alors?
Je croyais revisiter la fin des années 90 avec une BD sociale, eh non ! 
Ce numéro 1 d’une trilogie de l’éditeur « 6 pieds sous terre » est sorti récemment, mais pour moi cet opuscule alignant les clichés sonne faux.
Le manager  du fast food où travaille Vincent s’appelle Jean Eude et  comme il ne veut pas se rappeler du prénom de celui qui s’occupe des poubelles, il le nomme Mouloud.
Le père est gras et  picole devant la télé, il ne veut pas de « pédé » à la maison,
la mère qui pourrait être belle, distribue des torgnoles à ses enfants.
Le lapin consolateur finira mal fatalement, tout était si mal parti.
Je n’apprécie guère l’eau de rose, mais on ne peut croire à tant de noir complaisamment répandu. 
Mince album inactuel où ne perce aucun enjeu qui taraude nos grands ensembles où l’on se retrouve d'ailleurs si peu ensemble.

lundi 12 novembre 2012

Amour. Haneke.



Comme j’ai écrit concernant le dernier James Bond, « ça, c’est du cinéma ! »
pour ce film, je vais éviter  de paraphraser les commentaires déjà fournis,
ou tartiner sur ce qui est soulevé fatalement dans nos destins perso :
« ça, c’est la vie ! » violente.
Le film est  juste, pudique et obscène.
L’amour en tant que soin palliatif est étouffant.