lundi 13 juin 2011

Gianni et les femmes. Gianni Di Gregorio

J’avais bien aimé « Le déjeuner du 15 août » au ton personnel qui traitait légèrement de la vieillesse; Gianni Di Gregorio, le réalisateur, le mot est peut être trop ambitieux, reste sur le même thème, mais c’est mollasson et l’originalité du ton est éventée. Le film n’est pas vraiment désagréable, les femmes sont des bombes, mais Gianni Di Gregorio, l’acteur principal, le mot est peut être trop présomptueux, est vraiment trop statique, à subir les évènements. Tout est sans importance, les poches sous les yeux, le copain de sa fille sans travail, un verre de trop… Il vit nonchalamment sous le même toit que sa femme et regarde la vie qui passe, impavide. Ce quartier de Rome est sympa. Derrière son sourire figé, il s’aperçoit qu’il est devenu transparent : il a tout fait pour. Ce film mélancolique où l’on peut sourire est lui aussi anodin.

dimanche 12 juin 2011

Les derviches tourneurs de Damas. Noureddine Khourchid.

Comment ne pas penser à la Syrie, leur pays qui saigne, quand les sept musiciens et les deux danseurs arrivent sur la scène de l’Hexagone ?
Et puis, nous nous laissons prendre dans les arabesques des chants, le vertige des tournoiements.
Au début, malgré la chaleur, les danseurs sont vêtus d’un manteau noir qui évoque une tombe et d’un haut bonnet conique en feutre. Après une série de saluts ils posent leur tunique et apparaissent en blanc, la couleur de la vie dit-on. Les mains sont tournées vers le ciel pour en recevoir la grâce, les deux danseurs se lient à la terre dans la vitesse envoûtante de leur tourbillon : de quoi perdre la tête. Ensemble ou à tour de rôle, ils ont bien tourné sur eux même comme des toupies pendant une heure d’un spectacle qui durait une heure et demie passée dans un souffle. La musique subtile, lancinante, gagne en intensité, en rythme, avec des respirations qui viennent des profondeurs, puis dans une apogée primale, les robes lourdes s’ouvrent comme des liserons, nous pouvons percevoir l’originalité Soufi qui compte sur la danse en symbiose avec le chœur des musiciens chanteurs pour communiquer leur ferveur envers Allah.

samedi 11 juin 2011

C’est la culture qu’on assassine. Pierre Jourde.

Sous une couverture où Judith, avec détermination, coupe la tête d'Holopherne d’Artemisia Gentileschi, l’auteur du remarquable « Pays perdu » rassemble des chroniques parues sur son blog.
Le critique courageux semble se fatiguer et c’est sûrement parce que je partage trop étroitement ses avis concernant l’école que je les trouve sans la verdeur attendue. Je regrette que la forme article pour blog induise une expression parfois moins travaillée, outre le fait que des redites apparaissent. Ses faiblesses le rendent proche, avec ses doutes. Dans les variations de la forme du puncheur, il y a des moments excellents en particulier quand il est au cœur de son métier, la littérature, dont il prend la défense:
« elle donne intimement accès à l’autre, élargit le champ de la connaissance et la profondeur de l’expérience ».
Il apporte des éléments tranchants dans les débats actuels :
« …un gouvernement qui suscite un débat sur l’identité, en ayant l’air de vouloir le dynamiser, tout en faisant par ailleurs, dans sa politique culturelle, tout ce qu’il faut pour l’anéantir »,
c’est qu’il pense qu’ « on construit son identité par la culture, et en même temps on s’en libère ». Mais il y a tant de dégâts.
Il déconstruit Djian chez qui j’ai trouvé de l’énergie et adresse des louanges à Jacques Bertin, un des maîtres d’amis exigeants dans leurs admirations. La défense de la culture populaire peut également leur convenir. Le réprouvé du « Monde des livres » est tout de même adoubé par Jérôme Garcin qui lui offre une préface en évoquant Jean Prévost.

vendredi 10 juin 2011

Putain d’école.

L’école malmenée, accablée, dépouillée est pourtant réquisitionnée paresseusement pour répondre à tous les maux de la société, aux démissions parentales et à la moindre des éruptions médiatiques :
la nutrition, les addictions, la sécurité routière, l’insécurité, la sexualité, les communiqués de la municipalité, du conseil général, régional, du ministère, des ministères, les bouffées de la mode et les rafistolages culturels, le développement durable puisqu’il est abandonné ailleurs...
Le public est captif, le blabla citoyen, la photo sera bonne, les blasés goûteront une heure de cours qui « pète ».
Comme lors d’une discussion, je faisais part de mes réticences à ce que l’on introduise pendant les heures de classe quelques bons préceptes concernant les handicapés, une camarade m’a fait parvenir quelques réflexions de Jean Claude Michéa.
Au-delà des années qui se sont écoulées depuis l’interview, datant du temps où Allègre n’avait pourtant pas fait valoir encore toute l’étendue de sa nocivité, j’ai apprécié la vigueur du philosophe quand il conteste le rôle d’animateur que l’on assigne à l’enseignant au détriment de la transmission d’un savoir critique.
Il constate avec Antoine Prost, pourtant l’un des premiers partisans de la modernisation démocratique de l’école, qui admet « que sous le règne des pédagogies « égalitaires » l’exclusion et les inégalités ont accéléré leur croissance et les chances de promotion sociale des classes populaires ont diminué. »
Alors ? Alors les circulaires s’accumulent pour ne pas oublier :
qu’ « en phase de démarrage d’une situation séquentielle le stagiaire interconnecte le nouveau et le déjà-là ».
Il pointe l’effacement des familles au détriment de l’industrie des médias et du divertissement : cette culture de la consommation « que l’adolescent qui lui est assujetti, vit toujours comme un comportement « rebelle » et « romantique », alors même qu’il assure sa soumission réelle à l’ordre médiatique et marchand. »
« Un ressort a été cassé. »

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Le dessin du Canard de cette semaine:
Ferme ta geule, Luc Ferry par franceinter

jeudi 9 juin 2011

Les anges les démons et nous.

Le Léviathan, le Moloch, Belphégor, celui « qui porte la lumière » autrement dit Lucifer, l’irrégulier, le tacheté, le pustuleux, le bubonesque, le poilu, Satan, même avec des comparses, aura beau disséquer le cadavre de Judas, il ne trouvera pas le secret de l’Homme.
Il ne joue pas dans la même cour que les anges, lumineux courtisans de Dieu, inspirés par les entourages des rois de Babylone.
C’est ce que nous ont dit Eliane et Régis Burnet dans leur conférence aux amis du musée qui nous ont présenté, venant de ces contrées, un certain Pazuzu à tête de chauve-souris, personnage ambivalent , amenant la famine et les inondations mais combattant la déesse qui blesse les mères pendant l’accouchement.
Escher représente, bien imbriqués, les anges et les démons, comme complémentaires, mais d’après la religion Le Bien est supérieur, même si le mal est permis, et Dieu ne l’a pas créé, ce mal.
La confusion n’existe que dans la publicité d’Orangina qu’un ange incontestablement femme trouve « diabolique », alors qu’un cornu trouve ce breuvage « divin ».
La religion est condamnée à tenter d’expliquer ce mystère du mal.
C’est que les anges se sont éloignés du divin en regardant les belles terriennes. Victimes de la luxure, tout en voulant de surcroit se reproduire, jaloux des hommes, dans une désobéissance enfantine, ils se sont rebellés.
Heureusement Michel contre le dragon à sept têtes de l’Apocalypse a défait l’animalité.
« Une ménagerie grouillante domptée par les anges » chez Bruegel,
« le furieux combat de la blancheur et du déploiement des pennages contre l’immonde grouillement des égouts du ciel ».
C’est la victoire de la bonté, de la beauté, du blanc,
sur la laideur, la méchanceté et la noirceur.
Tous ces êtres ont des ailes, même si une couleur parfois indique un grade dans les armées du ciel.
Adam s’est habillé après le péché, mais la nudité est aussi la marque des damnés et des démons qui portent parfois un visage au niveau du bas ventre.
Job n’a pas maudit Dieu malgré ses souffrances. C’était un bon, Job.
Pourtant Satan était dans les parages, et fouettait le malheureux.
« Sa femme lui dit :
- Vas-tu persister dans ton intégrité ? Maudis Dieu, et meurs !
Il lui dit :
- Tu parles comme une folle. Nous acceptons le bonheur comme un don de Dieu.
Et le malheur, pourquoi ne l'accepterions-nous pas aussi ? »

Il n’est pas toujours besoin de l’épée pour vaincre les serpents, une croix peut suffire pour l’emporter contre le mal bien souvent intérieur.
Raphaël, un archange, indique lui, à Tobie comment avec le fiel d'un poisson, guérir son père devenu aveugle après avoir reçu de la fiente d'oiseau dans les yeux.
Guérisseur, accompagnateur, ange gardien.
Il reste à distance, comme dans les annonciations, simple, il n’est pas invasif, lui, ni polymorphe comme le malin.
Quand le fils de Dieu, au jardin des oliviers, recevra le message d’un ange, celui-ci minimise l’épreuve prochaine chez Mantegna, alors que Delacroix peint un Jésus qui n’a pas besoin de ces anges plus affectés que lui.
Ce sont les chérubins qui l’élèveront au plus haut des cieux, ascenseur de chez Giotto.

mercredi 8 juin 2011

Touristes en chine 2007. # J 19. Chevaux du vent.

Un peu de ciel bleu pour nous promener dans la vieille ville de Zhongdian, récemment rebaptisé « Shangri-la » par le gouvernement chinois, d’après l’emplacement imaginaire du paradis décrit dans « Horizon Perdu » de l’écrivain britannique James Hilton.
Le grand moulin à prières. Juste avant, une galerie de peintures dans une maison traditionnelle : tableaux figuratifs sur des scènes de la vie tibétaine qui ne manquent pas de punch. Nous nous accrochons à la rampe d’un gigantesque moulin à prière pour l’entraîner, à côté d’un petit temple au toit doré.
Nous passons parmi des tombes disséminées anarchiquement. Au sommet, un temple est en reconstruction, entouré d’arbres et de fils de « chevaux du vent » qui sont des drapeaux portant des prières issus du chamanisme et intégrés au boudhisme.
Vue à 360° : d’un côté l’aéroport, de l’autre le temple du moulin à prières au toit doré qui accroche quelques rayons de soleil et puis une immense construction avec des toits abritant des gradins, est-ce un stade ?
Nous redescendons par une autre route au milieu de kerns.
Hôtel et embarquement pour Kunming. Dans la salle d’attente Yuizhou nous fait un exposé sur le Tibet, « libéré » par les Chinois. L’avion arrive de Lhassa avec 20 mn de retard. Une heure de vol, on nous distribue une boisson et des cachets de ginsengKunming.
La ville « du printemps éternel » capitale du Yunnan compte 5 millions d’habitants. Au-dessus de l’agglomération, sur la colline des monts de l’ouest, un ensemble de pavillons et de temples surplombent le lac Dian Chi dont les couleurs passent du gris à toutes les teintes du jade à cause de la pollution. Un petit train nous évite l’accès par une route bordée de marchands de souvenirs. Par des escaliers nous accédons à des sculptures naïves.Route pour Shilin.
Subitement vers 6h, le véhicule s’immobilise et se range devant un restau, indiqué par un homme en uniforme que nous avions pris d’abord pour un policier. Même si nous mangeons très bien nous sommes surpris de cette façon « cavalière » de nous guider. Canard, girolles, soupe au chou, pommes de terre en lamelle genre crique dans un cabinet particulier. Route et autoroute, les paysages vallonnés et cultivés cèdent brutalement la place aux roches annonciatrices de la forêt de pierres. Changement de programme, nous n’allons pas à l’hôtel indiqué mais dans un autre sur le site même : le Yunnan Lu You, arrivons de nuit, la lumière est parcimonieuse, pas d’ascenseur, la chambre à trois lits est immense mais défectueuse : W.C. cassé, lampe et fils grillés, baignoire à écoulement difficile, pince-oreille dans le lit et moustiques : va pour une nuit ! Bien qu’une charmante dame soit passée dans les deux chambres pour proposer des massages : « sorry, sorry »

mardi 7 juin 2011

Quatuor. Catel.

La dessinatrice au trait classique donne une cohérence à un recueil de quatre histoires de couples.
Dominante rouge pour un meneur de valse qui a accédé à la légèreté, d’après une nouvelle de Jacques Gamblin.
Bleu, un autre univers intense de vies qui abusent de l’accélérateur en voiture.
Vert, pour le récit d’une quête amoureuse où les fantasmes peuvent mouvoir.
Jaune chez Pascal Quignard qui livre un conte traditionnel quand la mémoire joue des tours au moment où on a rendez vous avec le diable … mais comment s’appelait-il ?
« - Björn !
- Colbrune ?
- Björn… Je dois te dire quelque chose…
- Oui ?
- Je t’aime et j’aurais du bonheur à être ton épouse. […]
- Ta demande m’honore. Je t’ai toujours regardée avec plaisir lorsque tu brodes à ta fenêtre.
Laisse moi le crépuscule, la nuit et l‘aube afin que j’y réfléchisse. »