le début de cette histoire familiale de 700 pages m’a paru déplaisant tant l’auteur semble mépriser ses personnages, et en avançant j’ai été pris par la finesse des approches alliée à une franchise revigorante, directe.
Dans sa jeunesse, Madame Bovary aurait joué au basket avec ce
romancier américain dont l’efficacité cerne les personnages au plus près par un
dispositif qui multiplie les plans tout en restant limpide. Fin et attentif.
Dense et plaisant à lire, allant loin dans la psychologie des personnages sans
les enfermer, les inscrivant dans le siècle, en étant de tous les temps.
« La forêt
septentrionale de feuillus, au sud de Charleston, était maintenant d’une seule
teinte, à la veille de l’équinoxe, comme une austère tapisserie de gris et de
noirs. Dans une semaine ou deux, l’air chaud du sud arriverait pour verdir ces
bois, et un mois plus tard les oiseaux chanteurs assez robustes pour migrer des
tropiques les empliraient de leurs chants, mais le gris de l’hiver semblait à
Walter être le véritable état d’origine de la forêt septentrionale. L’été
n’étant qu’une grâce accidentelle annuelle»
Tout est précaire dans l’Amérique de Bush et
les destins incertains de chaque personnage s’exposent dans une histoire qui
nous concerne tous: les tentatives pour faire coïncider nos idées et nos
actes, nos contradictions, nos faiblesses, nos aveuglements, nos bonheurs
furtifs…
Quelle liberté ?
« Si tu n’as pas
d’argent, tu t’accroches à tes libertés avec encore plus de rage. Même si fumer
te tue, même si tu n’as pas les moyens de nourrir tes gosses, même si tes
gosses se font descendre par des malades armés de fusils d’assaut. Tu peux être
pauvre mais la seule chose que personne ne peut te prendre, c’est la liberté de
foutre ta vie en l’air comme tu veux. »
Les Berglund ne sont pas des héros, quoique démocrates.
« Les Berglund
étaient ce genre de progressistes qui se sentaient excessivement coupables et
qui avaient besoin de pardonner à tout le monde pour que leur bonne fortune personnelle
puisse leur être pardonnée ; des gens qui n'avaient pas le courage d'assumer
leurs privilèges »
Dans un entretien au nouvel Obs, l’auteur dit :
« L'écriture est désormais la hache qui
brise le vernis totalement artificiel de notre monde où le relationnel est
subordonné à la technologie. L'écriture permet de reprendre contact avec
l'humanité qui existe sous cette surface policée. »
Mission accomplie
Oui, et avec la liberté de foutre ta vie en l'air comme tu veux... il y a aussi la liberté de dépenser de l'argent à crédit que tu n'as pas, non plus.
RépondreSupprimerIl faudrait plus de 700 pages pour documenter comment on a privé les pauvres de leur dignité la plus élémentaire... avec les meilleures intentions du monde.
Tristounet, comme la civilisation elle-même.
Moi, je suis plongée dans "Mon Amérique" de Jim Fergus.
Aux antipodes de la gueule de bois occidental.
Il y a des fois où il faut un courage monstrueux pour... fuir.