vendredi 5 décembre 2025

A bord de nuit. Marie Claude Durand Paire.

Sous un titre poétique signifiant « à la tombée de la nuit », « la » Marie Claude, a recueilli des expressions dauphinoises depuis son village de Chélieu, à côté de Virieu, auquel elle est restée fidèle.
Elle remercie celles qui : 
« Toutes trempes après la radée, se réchauffaient les mains dans leur pichaule. » 
Voilà de quoi enrichir le lexique de quelques mots inédits pour moi : 
Un tâque : une vraie « peau de vache », un trumeau.
Une ratapène : une chauve-souris, une personne fluette.
Un muet : tas de bois.
Marliaque : neige fondue, plat raté, équivalent de la patiauque …
Les variantes pour désigner les pas très dégourdis ne manquent pas : niarin, nioque rien qu’à la lettre « N ».
Les instruments de travail ont gardé longtemps leur noms spécifiques :
bariot (petite charrette) ,
benatte (récipient),
biguard (fourche recourbée),
le carbot (étui pour mettre la pierre à aiguiser le daillon (La faux),
un goui (serpe).  
Les glissements de genre sont fréquents : un vipère, une ongle, une lièvre, un dinde, de beaux affaires, un dragée, …avec parfois l’extension du domaine du pluriel : les autrefois.
Je révise la surprise : « Ben des fois ! »
la lassitude : « ça me fait flique »
la discrétion: « ça sera pas de connaître », « elle veut pas que ce soit le dit ».
Les sonorités appellent  souvent le sens : « débarouler », «  chounier », « empiager », « gabouiller ».
Je n’aurai pas orthographié boï mais plutôt boye pour une génisse, et quelques accents peuvent aussi être sujets à discussion : des lapés et non des lapès pour ces maudits rumex si difficiles à déraciner.
« La Mino » du Pin, une « payse », a joliment illustré ces 50 pages éditées à compte d’auteur.  

jeudi 4 décembre 2025

Malo les bains

Nous ne nous éternisons pas dans notre logement riquiqui 
après cependant une bonne nuit de sommeil.
Avant de quitter Dunkerque, nous partons à pied désireux de voir les bains Dunkerquois. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2025/11/dunkerque-2.html
Nous découvrons un joli monument du XIXème  siècle de style néo-mauresque   
avec des ouvertures en fer à cheval. 
Celui,  plus conséquent de  de la porte principale  joue de l’opposition des motifs floraux stylisés sur fond blanc et d’un encadrement  carré en mosaïque bleue.
Quant au toit, il supporte un petit bulbe comme dans  un palais des mille et une nuits. Deux lions rouges gardent l’entrée, bien que plus personne ne franchissent le seuil de cet établissement fermé, ayant servi autrefois  d’école de natation, de bains douches et de lavoir public. 
Pour l’instant, des restaurations indispensables  ont permis la préservation du bâtiment mais il faudrait effectuer beaucoup d’autres travaux, notamment à l’intérieur, dévasté, pour le remettre en état et l’ouvrir à nouveau au public.
Nous retournons à la voiture pour nous déplacer vers le petit port de plaisance, le pont basculant, puis le quai de la Cunette où s’élève un ensemble de maisons modernes identiques  accolées et coiffées de toits pentus en métal. Nous abordons maintenant  un quartier en pleine construction, laissant libre cours à une architecture moderne sans extravagance.
C’est ainsi que sans nous en rendre compte, nous basculons dans Malo-les-Bains, aujourd’hui quartier rattaché à Dunkerque, autrefois commune à part entière.
Nous posons la voiture rue du maréchal Foch en stationnement gratuit comme nombre de places à Dunkerque, très bien situé; déjà dans la rue, se dressent de jolies maisons datant de la belle époque, devant lesquelles s’arrêtent des admirateurs.
Nous gagnons  la longue promenade aménagée au bord de la mer du Nord, 
elle est réservée aux piétons et aux cyclistes.
Côté plage, de belles cabines  forment des petits groupes  en ligne qui se  distinguent  les uns des autres par des motifs peints, chaque groupe déclinant les siens en variant les tons.
Derrière, la mer arbore des teintes céladon,  couleurs « d’huitre », 
parfaitement en accord avec les lumières douces du nord.
Une seule femme tente le bikini et le bronzage, il faut avouer que  la température extérieure  de même que celle de l’eau ne déclenchent pas des envies irrépressibles chez les estivants.
D’ailleurs, les terrasses des bars et restaurants en bord de plage se tiennent frileusement  à l’abri de parois vitrées protégeant les clients du vent.
De l’autre côté de la promenade, des villas  du XIXème siècle ou des années folles, apportent originalité et fantaisie à cette station balnéaire, même un peu d’exotisme  avec des noms comme villa mauresque, villa Lakmé…
L’ensemble me parait plus modeste qu’à  Mers-les-Bains,   
avec moins d’exubérance dans les ornements, moins de diversité dans les couleurs , une dimension plus réduite des villégiatures.
Il fait bon cependant se promener dans ce lieu charmant  le long de la plage la plus fréquentée du nord parait-il, bien loin du sur-tourisme.
Nous avons bu notre café et respiré un grand bol d’iode,
en prenant le temps, le temps des vacanciers, avant de partir pour la Belgique.
Lancés sur l’autoroute gratuite dans cette direction, nous ne voyons aucun poste  frontière, seule une petite pancarte nous annonce le passage dans « le pays plat » ; à partir de là plus aucune information en français n’est concédée.
Nous poursuivons en direction d’AALTER que nous avons choisi comme camp de base pour quelques jours. (lieu du air b&b). Les constructions de la petite ville à l’apparence récente favorisent majoritairement la briquette.
Sur place nous contactons notre logeuse qui nous délègue sa maman afin qu’elle nous transmette les clés, qu’elle  nous présente dans un français hésitant le vaste et lumineux duplex à larges baies vitrées face à la gare et nous gratifie de quelques infos pratiques propres au quartier (parking, commerces, restau …)
Le séjour s’annonce bien ! Nous lui faisons confiance pour le restaurant au centre- ville, le « Barz » où nous nous rendons pour manger des spaghettis sauce bolognaise maison, arrosés d’eau servie uniquement en bouteille, pas de pichet, et plus chère que la bière.
L’établissement voisine avec  une église moderne accessible via un grand parking gratuit.

mercredi 3 décembre 2025

Fernand Léger. Eric Mathieu.

Le conférencier venu du Québec ouvre le cycle consacré aux collections permanentes du musée de Grenoble avec « La danse » de Fernand Léger qui fréquenta l’école d’architecture de Caen. Exposé aux Etats-Unis dès 1925, il devra attendre l’après guerre pour une reconnaissance française.
 
 
Né comme Picasso en 1881, au moment où l’impressionnisme est à son apogée, 
il commence par peindre dans ce style avant de détruire la plupart de ses toiles. 
« Les fortifications d’Ajaccio » avaient semblé tellement exotiques au jeune normand.
Il découvre les chercheurs de formes, Braque, Picasso, fréquente les « cubistes des Salons » comme Gleize marqués eux aussi par Cézanne, explorateur de « la géologie de la montagne Sainte Victoire » et les futuristes italiens faisant dialoguer le visible et l’invisible. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2014/10/le-futurisme.html
« Nus dans la forêt »
, toile qualifiée de « tubiste », garde du relief dans un espace géométrisé.
Dès le moyen âge, les carnets du constructeur de cathédrale Villard de Honnecourt  avaient montré  les rapports de la figure humaine à la géométrie.
Il privilégie les couleurs dans l’abstraite « Dame en bleu »
et leur donne une personnalité dans « La fumée » 
au dessus de la ville vue comme une machine.
L’effervescent « 14 juillet 1914 » précède de peu sa mobilisation dans l’armée où après un travail dans le camouflage, il devient brancardier.
 
« Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux …»
« La partie de cartes »
. 
« La culasse d'un canon de 75 ouverte en plein soleil m'en a plus appris que tous les musées. »
« Soldat à la pipe »
.
En 1919, il célèbre « La ville »
et « Le mécanicien ».
« Le grand remorqueur »
condense un paysage qui défile comme au cinéma.
« Les Disques »
mettent en action le milieu urbain. 
A la façon des publicitaires
« Le siphon » s’inscrit dans une modernité 
décrite Baudelaire:  
« La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art,
dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. »
Fernand léger
réintègre de l’humain à l’intérieur des habitats dans « Le Grand déjeuner».
Il travaille avec Mallet Stevens, Le Corbusier
https://blog-de-guy.blogspot.com/2011/11/plateau-dassy-leglise.html  
« La Joconde aux clefs » met tout sur le même plan.
Le batelier français rencontre la libre américaine dans le monumental « Adam et Eve » inspiré des muralistes mexicains,  
.
Durant les années 40, là bas aux États-Unis, 
il peint « Les acrobates en gris » .
 Il dit « Adieu New York » 
et revient en France en 1946.
Les couleurs existent par-dessus le dessin à la façon des panneaux éclairés dans la nuit, comme il avait peint « Les quatre cyclistes ».
« Les loisirs »
hommage explicite à David ( La mort de Marat) exaltent les congés payés dans une forme qui oppose le communiste à Aragon défendant le réalisme socialiste : 
 
« Je fais de la peinture, pas de la littérature descriptive »
L’homme libre, fidèle à la classe ouvrière, admirait aussi les gratte-ciels des milliardaires ; 
il fait appel à la raison et ne méprise personne.
Il avait écouté les avis très réservés des employés de Renault à la cantine où était accroché   « Les constructeurs »,  mais se sentit rassuré quand un gars lui dit :
 
« Vous allez voir […] quand on aura enlevé les toiles, quand ils auront le mur tout nu devant, 
 ils vont s’apercevoir ce que c’est que vos couleurs ». 
Il meurt en 1955.

mardi 2 décembre 2025

La dernière rose de l’été. Lucas Harari.

Le joli titre n’a pas grand-chose à voir avec cette histoire légèrement policière prétexte à de charmants cadrages sur les villas de bord de mer, mais il participe à l’ambiance élégante de cet ample album de 190 pages.
Dans le style jazzy de Loustal, une atmosphère désabusée s’installe.
Sous le soleil méridional, bien que des carrelets graphiquement intéressants ou des ferrys menant aux iles soient plutôt atlantiques, personne ne transpire, les corps se croisent, disparaissent et les individus solitaires gardent leur mystère dans des couleurs ravissantes.
Des chansons diverses rythment le récit qui s’épaissit en cours de route, devient inquiétant, sans se départir d’une certaine distance gracieuse.
On peut penser à Hitchcock, à Sagan,
même si l’anti-héros aux velléités d’écrivain n’écrit pas une ligne, bien qu’il ait acquis le livre de Jack London, « Martin Eden », décidément indépassable.