mardi 1 avril 2025

La 3°kamera. Cedric Apikian Denis Rodier.

Point de vue original en dessins d’un photographe ayant suivi Hitler jusque dans sa chute à Berlin en 1945. Ses images d’une troisième caméra on pu documenter le procès de Nuremberg.   
« Tous les reporters militaires de la propaganda kompanien étaient munis de deux appareils de service. Mais ils ont pris pour habitude de s’adjoindre un 3ème appareil… La « 3e kamera » clandestine était, elle, hors de contrôle… Aussi, elle peut contenir des choses plus personnelles, parfois délicates pour les maîtres de la propagande… »
L’atmosphère d’une guerre interminable est parfaitement rendue. La folie habite les ruines,
la misère suscite les chantages.
Si cette histoire se finit à Montevideo, la violence a rattrapé les désinvoltes, cigare au bec, plaisantant pour ne pas s’écrouler après avoir vu de leurs yeux l’horreur de ces temps là.
152 pages intéressantes.

lundi 31 mars 2025

Vermiglio ou La Mariée des Montagnes. Maura Delpero.

En 1944, dans un petit village des montagnes du Haut Adige arrive un jeune déserteur sicilien qui va épouser la fille ainée de l’instituteur. 
Des images sans apprêt magnifient l’austérité des lieux d’habitation, la beauté la dignité des femmes et des hommes acharnés à survivre dans un milieu rude, misérable.
La musique des quatre saisons de Vivaldi au gramophone domine un instant les silences et les pleurs des bébés dont les naissances se succèdent.
Ces deux heures éclairées naturellement rayonnent de la présence de nombreux enfants complices, révélateurs de vérité par leur spontanéité, leur fraîcheur, promesses d’un avenir meilleur.
La réalisatrice en belle héritière de cette communauté résiliente nous fait partager la grandeur des paysages et la force de ses habitants aux mœurs d’un autre âge dont l’énergie peut instruire notre présent.

samedi 29 mars 2025

Un homme seul. Frédéric Beigbeder.

La légèreté qui se fait passer pour de la désinvolture rend encore plus émouvant le récit de la vie d’un père ne se résumant pas cette fois à une revanche, genre littéraire passé de mode. 
«Ce portrait ne prétend pas être ressemblant mais le plus subjectif possible.
La franchise est toujours injuste. » 
L'ancien chasseur de têtes choisissait les puissants,  après sa mort, son fils fouille dans l’ordinateur paternel : 
« J’ai accès au « hard drive » de mon père mais cette existence digitale ne le ressuscite pas. Je ne le verrai plus s’empiffrer, ni boire, ni ronfler sur le canapé, ni regarder CNN. Il ne répond plus à mes messages. Il n'en subsiste que des datas. Des traces codées d'un silence. »
Jean-Michel Beigbeder, enfant élevé à la dure, papa si peu présent, coureur de belles femmes, peut-être espion, fournit de la matière romanesque et de concises réflexions sur la transcription de la vérité, les vanités du pouvoir, quand vient une triste fin, fusse-t-elle habillée de poésie après coup. 
« Je n’ai nulle honte à espionner un homme qui a passé sa vie à espionner les autres de manière officielle (« le sourcing »). Son passé me passionne. Les individus les plus secrets fascinent plus que les exhibitionnistes. Comment un individu aussi discret a-t-il pu engendrer un romancier aussi extraverti ? » 
Mon voisin qui m’a prêté ce livre avait joint une lettre envoyée à l’auteur, par un ancien pensionnaire de l’internat militaire, présenté comme un bagne impitoyable qui aurait tant marqué celui qui ne lira jamais ces 220 pages. 
« Votre père était à Sorèze de 45 à 48 dans des petites classes [...] Il avait assisté à un dîner organisé au Procope par l’association Sorézienne. Il avait donné l’impression de garder un bon souvenir de l’Ecole. » 
Il écrit pas mal, l’écrivain dilettante: 

vendredi 28 mars 2025

Coupez !

Parmi tant de vaines réflexions, je mesure tout le ridicule consistant à énoncer que le rôle des politiques est d’anticiper, au moment où les longues vues sont brisées. Le pire de l’empire du court terme empire. Clic claque.
Cette fois il ne faudra pas compter sur les GI pour nous préserver de la venue de Jordan Pétain.
Le dynamiteur US, ivre de son pouvoir de nuisance, accélère l’épuisement de la planète, explose la démocratie, chasse toute expertise. Peu lui chaut le réchauffement de la planète bien que depuis plus d’un demi siècle la finitude des ressources fossiles est parfaitement documentée.
Alors juste pour ajouter à ma liste chérie des paradoxes, je retiens l’analyse qui annonce le renforcement de la Chine plutôt en phase avec la dynamique d’un monde condamné à la transition énergétique : «  Make China Great Again ».
L’affichage d’une Amérique plus puissante ne masque pas sa décrépitude : 
hostilité mondiale, affaissement intérieur. 
Trump, à qui ne peuvent s’appliquer que des formules élémentaires
- « fort avec les faibles, faible avec les forts » - renforce Poutine.
Dans le même numéro du « Monde » : 
«  La Chine présente un robot coupeur de câbles sous-marins ». 
Oui bon allez : ça vous la coupe !
Pas plus que le boomer aux cheveux blancs et idées courtes, ceux qui voient des méchants capitalistes derrière tous les malheurs du monde n’apportent guère de réponses convaincantes. Si seul le capitalisme engendrait la guerre, les partisans de la paix avec Trump seraient anticapitalistes ! Il semble difficile aux maxi Marxoux de faire valoir les alternatives vénézuéliennes, coréennes du Nord ou Chinoises et même dans les succursales social-traitresses, les miracles se font rares. 
D’autres voix provenant du plus profond des âges, remontant aux calendes grecques, sont inaudibles. 
Et même plus près de nous, Péguy appelé à participer au bavardage, ne nous sort pas de l’impuissance. La lucidité de ses mots en rajoute sur notre fatigue. 
« Le triomphe de la démagogie est passager, mais les ruines sont éternelles » 
Ce pessimisme, où il fait bon se vautrer, peut-il provoquer le coup de talon qui fait remonter à la surface des eaux noires ? 
Tout est bouleversé ; j’avais jadis utilisé la formule: «  cul par-dessus bu » pour évoquer l’attitude de la gauche localement, valable globalement. 
Dix ans après, et quelques virages, je modifierais bien de mes appréciations d’alors.
Mais nous ne sommes pas sortis des tourbillons, quand les antisémites se retrouvent à l’extrême gauche et le courage nulle part. Si écrire pour se poser un instant pouvait être considéré comme un exercice  d’hygiène mentale, ce serait pas mal.  
Des théologiens estiment que Poutine et Trump ne sont pas des serviteurs du christianisme,
Bernie Sanders a beau dire que Trump tourne le dos à 250 ans d’histoire américaine, 
le PDG de Total pense qu’  
« il est peut être temps de reprendre l’exploration du Golfe d’Amérique »
En cherchant dans la boite à citations, Sénèque ne renonce pas: 
« C'est quand on n'a plus d'espoir qu'il ne faut désespérer de rien. » 
Mais Benjamin Franklin flashe : 
« Tel qui vit d’espoir meurt à jeun. »
 Le Bouddha aura-t-il le dernier mot ? 
« On n’est pas sage parce qu’on parle beaucoup. » 
Coupez !
.....

jeudi 27 mars 2025

La ligue hanséatique. Daniel Soulié.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous rappelle le brillant passé du Nord de l’Allemagne, à l’écart des touristiques châteaux rhénans et des fêtes bavaroises. https://blog-de-guy.blogspot.com/2016/12/beffrois-et-maisons-de-ville-en.html 
« Holstentor Lübeck ».
Du XII° au XV° siècle, sur les rives de la Baltique et de la Mer du nord, la ligue hanséatique (association de marchands) rassemble des villes de statuts variés laïques ou religieux allant de La Rochelle à Novgorod, et même loin des côtes avec Berlin ou Cologne.
« La toile hanséatique ».
A Lübeck, ville de 30 000 habitants, à peine moins que Paris, les caves regorgeaient de vins de Bordeaux. Berlin à ce moment là comptait 3000 personnes. Les marchands allemands avaient leur quartier à Londres,
et à Venise un comptoir : « 
Fondaco dei Tedeschi ».
Vers 1150, les marchands s’allient pour négocier avec les autorités. 
Un siècle plus tard ce sont les municipalités qui prennent en charge la politique de la ligue.
Les villes-états Lübeck et Hambourg s’allient. 
« Une Foire franche à Gand au Moyen-Age » Felix de Vigne.
La puissance de la ligue connait son apogée au XIII° siècle au moment où elle obtient un droit de véto concernant tout candidat au trône du Danemark. 
Un conseil se réunit tous les trois ans jusqu’à la guerre de trente ans (1618-1648) qui marque la fin d’une influence déjà mise à mal par la découverte du nouveau monde. 
Circulent métaux précieux, fourrures, miel, cire pour les chandelles, bois et céréales, laine et draps, sel, poissons séchés, bière, vins et œuvres d’art.« Entrepôts de sel. Lübeck » 
« Lübeck »
, la reine de la Hanse se reconnaît de loin avec ses sept tours,
la cathédrale excentrée a moins de pouvoirs que « l’Hôtel de ville » 
caractérisé par son mur écran.
 Un urbanisme cohérent installe le marché au cœur de ces villes comme à « Wismar »
à «Tallinn»
La statue de
« Roland » à Brandebourg symbolise les libertés municipales. 
Les palais communaux à « Frankfurt sur Oder »
 
à « Brème »
ou « Tangermünde » mettent en valeur la brique.
L’église « Sainte Marie à Lübeck », aux allures de cathédrale recevait les échevins. 
Son architecture gothique s’inspire du style français avec des arcs boutants nécessaires pour des élévations en pierre mais inutiles ici.
A « 
Rostock »
à « Wismar » les clochers s’élèvent haut dans le ciel.
La structure en halle à la façon germanique de « La basilique de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie à Gdansk» date de l'époque où la ville peuplée d'Allemands s'appelait Dantzig.
Sous des voûtes impressionnantes, « L’o
rgue de l'église sainte Marie à Rostock » comporte plus de 5 700 tuyaux.
Les structures urbaines de Lübeck qui ont échappé aux premiers bombardements stratégiques  réussis de la Royal Air force en 1942  sont classées au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Les entrepôts se situaient en hauteur pour échapper à l’humidité
et un vaste espace commercial accueillait les clients. « Die Diele ».
Les arrières cours appelées « Gangs » aujourd’hui recherchées 
recevaient les pauvres et les vieillards.
« St. Georgen, Nikolaikirche de Wismar »

On peut parler d’un véritable catalogue comportant 600 retables visibles dans cette région. https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/11/retables-sculptes-en-allemagne-daniel.html

La chapelle du plus vieil « Hôtel Dieu » d’Europe à Lübeck 
comporte deux fresques rares en ces climats.

La « Grande croix triomphale » de Bernt Notke, conçue comme un arbre de vie,
exprime douleur et majesté.

Certaines de ses œuvres s’exportent ainsi « Saint Georges et le Dragon » pour Stockholm, alors que d’autres s’importent :
« La Résurrection de Lazare» (1575) du vénitien Jacopo Tintoretto est installée à Lübeck.

mercredi 26 mars 2025

Kolizion. Nasser Djemaï.

Mehdi, « Le guide éclairé par Dieu » surnommé « Kolision » par ses six frères depuis que l’un d’eux l’a fait tomber de son berceau, conte sa trajectoire menant à d’autres télescopages.
L’acteur, Redouane Leflahi, seul pendant 1h 40 sur une scène bien mise, exprime avec force les écrits d’un de mes auteurs de théâtre préféré. 
Cependant ce conte trop écrit, trop plein d’adjectifs - c’est moi qui dis ça ! - aurait mérité d’être plus resserré, sans nuire à sa générosité. 
En effet à l’opposé des jérémiades des transfuges de classe, le mérite du petit dernier de la famille devenu ingénieur m’a paru exemplaire. Les brûlures, les douleurs ne l’ont pas épargné, alors il faut bien qu'un infirmier l’amène à la littérature et qu’il tombe amoureux d’une pharmacienne. 
Sa vision optimiste de la société, si elle parait naïve en cette période folle, lui a permis de ne pas se retrouver enfermé dans la fatalité, la facilité.
Son goût des mots le reconnecte poétiquement à son enfance, et nous donne à partager ses questionnements à propos du sens d’une vie où crie la solitude.

mardi 25 mars 2025

Que faire des juifs ? Joann Sfar.

 «Vouloir la paix, c’est accepter de causer avec quelqu’un qui ne pense pas comme vous ! Sinon ça s’appelle déjeuner avec un pote. »  
J’étais soulagé quand je suis arrivé au bout des 570 pages de ce pavé de papier vibrantes de dessins et de mots à la main saturant les planches. Le poids de la dernière production du prolifique dessinateur atteste de sa sincérité, de sa fiévreuse envie de convaincre et de vaincre son pessimisme. 
 Dans ce récit historique, travail de mémoire familial, il rencontre des amis, de belles amies, à Paris et à Tel-Aviv, un combattant de Tsahal et des journalistes d’Haaretz( « Le pays »), Flavius Joseph, Le roi David,  Georges Moustaki, Yasser Arafat, Romain Gary, Joseph Kessel,  Franz Kafka, sa grand- mère , son chat, Menahem Begin, Jacques Vergès … 
« Israël : 7, 2 millions de juifs sur une surface de 22 000 km2 
au milieu de la ligue arabe : 22 pays, 481 millions d’habitants. » 
Cette somme de renseignements parfois pour initiés, éclaire les ignorants comme moi. 
« Des juifs qui habitaient loin de la Palestine ont acheté à des arabes qui habitaient loin de la Palestine des terres pour que les juifs de Palestine aient le droit d’y vivre. »
L’anti sémitisme documenté abondamment est une face de la noirceur de l’âme humaine, de ses pulsions collectives qui ont perpétré des pogroms d’une violence aggravée par des procédés ignobles, innommables. 
« Cinq cent mille morts en Syrie, dont beaucoup de Palestiniens. 
As-tu entendu une plainte à ce sujet ? 
Quatre cent mille morts au Yémen, trois cent mille au Soudan, 
un million de morts en Afghanistan, 
quatre fois plus au Congo…
Et deux millions de Ouigours martyrisés ! 
La plupart de ces victimes sont musulmanes. Personne n’en parle.  
Parce que ça ne procure pas la même joie que de parler des juifs…
Et Netanyahou n’aurait pas tué trente mille Palestiniens,
la haine ne serait pas moins grande. » 
Dans cette somme tragique, désespérante, les décors, les visages, permettent d’aller jusqu’au au bout. 
« Vous le faites exprès, je vous demande d’arrêter d’être désolé. 
Se prendre un mur, on n’y peut rien. Mais évitons les lamentations ».