vendredi 12 décembre 2025

Missionnaires cloîtrés.

Les descendants des anciens colonisateurs lestés de culpabilité ont peut être été soulagés par nos replis opérés en Afrique, à moins que l’indifférence l’ait emporté ; nous avons tant d’autres bourriques à fouetter.
Ces péripéties de moins en moins lointaines marquent une étape de plus dans le désenchantement de notre propre civilisation envoyant, pour le meilleur et le pire, des missionnaires, des ingénieurs, des militaires, des commerçants, des médecins, dans les pays chauds.
Nous ne croyons plus en Dieu, ni en nous-mêmes, comment peut-on être encore désirables et porter la bonne parole démocratique?
Les migrants en direction de l’Europe contredisent-ils ceux qui nous ont foutu à la porte ?
Les Russes prenant notre place seront-ils plus respectueux et plus désintéressés ?
L’Iran abrite le plus grand nombre de réfugiés (3,5 millions d’Afghans).
La réflexion : « La plus grande force de l’Europe est de se savoir faible » fait honneur à notre humanisme mais conforte Poutine qui a beau jeu d’exploiter nos doutes, et Trump.
Quand dans l’excellente séquence radiophonique des « Petits bateaux » avant le vespéral et dominical «  Masque et la plume » où ce sont les enfants qui posent les bonnes questions, un bambin de quatre ans et demi demande :  
« Pourquoi les grands ont plus de droits que les petits ? » 
La réponse est adéquate lorsqu’elle reprend les mots de la convention internationale des droits des enfants avec le droit d'être protégé, nourri, soigné, éduqué, de s'exprimer, d'avoir des loisirs… Mais il m’a semblé que ce petit se plaçant au niveau des adultes réclamait d’autres droits pour lui et non pour celui qui se casse les ongles dans quelque mine de terre rare.
Cet élève de maternelle se pousse du col et se pose en souverain contestant la loi, il en établirait bien une autre dans le prolongement d’une prise de parole valorisante.
Tout en me méfiant des généralisations, je ne m’interdis pas de voir là encore des fêlures dans le lien social, pour jouer avec les hiérarchies il a besoin de règles. Les grands, les grands parents, usaient trop volontiers d’arguments d’autorité maintenant dévalués, ils n’ont plus qu’à se défouler sur les réseaux qu’ils vilipendent dans la foulée.
Ce monde numérique sans visage exacerbe les violences, conforte les solitudes, aggrave les inaptitudes pour les peu coutumiers des froides machines.
« L'ennemi est sot; il croit que c'est nous l'ennemi alors que c'est lui. »
Pierre Desproges. 
Si je dis que je ne vais pas pleurnicher, c’est que je vais le faire, en voyant  l’humour en fuite, le second degré incompris, les symboles à la base des narratifs religieux, ignorés. Pas de recul, tout est pris au pied de la lettre, l’exigence dont on s’exempte pour soi est requise pour tous les autres. Le niveau baisse en littérature, le cinéma souffre, les chansons s’essoufflent, l’art contemporain se pose en tas qui indisposent, l’industrie souffre, l’école ne fait pas de vague, quant au niveau de la mer et à celui des politiques…
Delogu député LFI sur une chaîne algérienne : 
« Qu’est-ce que nous, Français, avons à voir avec la Pologne ? Je respecte l’État de Pologne et les Polonais et les Polonaises, mais qu’avons-nous à avoir avec eux ? Alors si je dois maintenant acheter, je dis n’importe quoi, des pommes de terre, il faut peut-être que j’aille les acheter de l’autre côté. Je dis ça, je sais même pas s’ils ont des pommes de terre là-bas ».
Il se présente comme maire de Marseille : un coup à devenir supporter du PSG !
Faut-il en rire ? Y a-t-il un adulte dans la salle ?  
« La technique atteindra un tel niveau de perfection
que l'homme pourra se passer de lui-même. » 
Stanislas Jerzy Lec

jeudi 11 décembre 2025

Ostende

Il est 15h lorsque nous sortons de table (sans café vu l’heure..). Pourquoi ne pas aller à OSTENDE que nous avons dédaigné sur l’autoroute, et qui nécessite un petit retour en arrière par rapport au voyage de ce matin ? C’est maintenant ou jamais.Nous roulons peu de kilomètres pour atteindre la cité balnéaire.
Mais une fois parvenus dans la ville nous devons résoudre l’énigme des parkings payants car nous ne voyons pas de machines à parcmètre, de plus, toute information est notée en flamand.
Une jolie employée de l’Office du tourisme dégourdie nous dépanne en nous aidant à télécharger l’application 4411 pour payer les parkings valable dans toute la Belgique, ce qui prend un certain temps et me reste encore bien obscur.
C’est en toute tranquillité  que nous amorçons le circuit touristique délivré sur un plan écrit en gros caractères.
Il nous entraine en premier sur le bord de mer.
Des vacanciers plus nombreux qu’à Malo arpentent une large promenade aménagée (Albert 1erpromenade) où circulent en parfaite entente piétons, chevaux à pédales et cuistax (voiturette à pédales conçues pour plusieurs personnes). 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2025/12/malo-les-bains.html
Les façades d’immeubles face à la mer offrent moins d’intérêt que celles de la station française.
Ils cèdent de l’espace à une statue colossale de Léopold II et à une galerie vénitienne  couverte.
Nous remontons le mail dans l’autre sens. Au sol des plaques recouvertes de noms se détachent  faisant  référence à un festival cinématographique.
Côté mer, des cabines blanches et sans motif, collées contre la promenade,  n’obstruent pas la vue sur une grande plage de sable.
Nous retrouvons les mêmes couleurs de jade et d’huitre sur la mer que  ce matin, réagissant aux rayons et à l’humeur du soleil.
Nous nous rapprochons du casino monumental mais pas très beau,
puis des grosses structures rouges « Rock strangers » créées par Anne Quinze.
Ses sculptures ressemblent à de gigantesques  briques de lait froissées, réveillant la Zeeheldenplein de leur rouge intense et éclatant
non loin du monument aux marins uniformément gris érigé dans les années 50 face à la mer. Le parcours longe ensuite les docks jusqu’au Vistrap (« escalier aux poissons »), il s’y vend encore à cette heure les restes des dernières pêches.
Là, placardé sur un mur,  un avertissement menace d’une amende de 250 € ceux qui donneraient à manger (des frites !) aux goélands: protection des oiseaux ou lutte contre leur prolifération ?
Plus loin, nous assistons au passage des écluses par deux voiliers, et en continuant, arrivons à l’emplacement de « l’Amandine ».  Nous apprenons qu’il s’agit de l’ancien et dernier bateau des pêcheurs d’Islande à avoir affronté les caprices de l’océan Arctique : à le voir,  il parait bien fragile pour ces si grands voyages !
Nous bifurquons, nous éloignant du bord de l’eau vers l’église néogothique Saint Petrus et Paulusplein  inspiré du dôme de Cologne et d’une église de Vienne.
Elle forme un ensemble homogène avec le clocher Saint-pierre ci-derrière dit « Peperbusse » c’est-à-dire le poivrier, constituant  le seul vestige d’une ancienne église détruite par le feu au siècle  dernier.
Quelques pas de plus et, changement d’ambiance, nous voilà sur la très commerçante Kappelstraat : les magasins  affichant souvent les mêmes enseignes qu’en France ont la réputation  d’ouvrir tous les jours, dimanches compris, ils contribuent à rendre la ville d’Ostende attractive.
Nous tournons à la Wittenonnenstraat caractérisée par une statue représentant trois nonnes mais l’alternance soleil nuages a cédé la place à une petite bruine anglaise, nous poussant à presser le pas jusqu’à la voiture.
De toutes façons, nous ne pensions pas conclure par la James Ensor gallerij et ses boutiques ni visiter le musée consacré au peintre Ensor (James Ensorhuis).
Nous rentrons à Aalter, avec arrêt au supermarché Delhaize ouvert jusqu’à 20 h. Il propose un choix important et varié de nourritures  pour ceux comme nous qui ne souhaitent pas cuisiner en revenant chez eux… Selon les conseils de la maman de notre logeuse, nous déposons Gédéon au parking gratuit de la gare, tellement pratique, car en quelques pas grâce au passage souterrain nous parvenons à notre très sweet home tout confort. Une soirée tranquille nous attend ; dehors, les entrées maritimes sont  passées, un ciel sans nuage les remplace.
Ferré: 
"On voyait les chevaux d'la merQui fonçaient, la têt'la première
Et qui fracassaient leur crinièreDevant le casino désert...
[...] 
Ni gris, ni vertsNi gris, ni vertsComme à OstendeEt comm'partoutQuand sur la villeTombe la pluieEt qu'on s'demandeSi c'est utileEt puis surtoutSi ça vaut l'coupSi ça vaut l'coupD'vivre sa vie !..."

mercredi 10 décembre 2025

Architecture des lieux d’enseignement. Benoît Dusart.

Pour ouvrir la conférence devant les Amis du musée de Grenoble, l’internat du « Lycée Huizhen de Ningbo, Chine » ( Bâtiment mondial de l’année 2023), extraverti et transparent est présenté comme une « forêt flottante », avec des salles de classe comme des cabanes reliées par des sentiers sinueux. 
Les premières expériences de l’espace en société pour les enfants se jouent dans des projets architecturaux nouveaux ou portant la mémoire d’ambitions anciennes. La protection de l'enceinte scolaire doit permettre des relations sereines entre les élèves et la communauté éducative sans se couper de l'environnement de l'institution.  
Alors que les édifices de la III° république apparaissent aujourd’hui comme des casernes « Lycée Champollion » (1887),
Jules Ferry déclarait : 
« Autrefois, l'école était une prison ; aujourd'hui l'on rêverait d'en faire un jardin. 
On y a fait pénétrer à longs flots le grand air et la grande lumière ; 
on cherche à en rendre les murailles instructives et souriantes. »
« Le lycée Pasteur De Neuilly »
(1912) au caractère solennel,
 dans le style Renaissance, en béton, reprenant les codes des lieux de pouvoir (campanile, balcon) n’a pas forcément étouffé la fantaisie des membres du « Splendid » qui en furent les élèves. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2025/11/larchitecture-au-service-du-pouvoir.html 
« L’école de plein air de Suresnes »
construite au lendemain de la première guerre mondiale était destinée aux enfants tuberculeux.
« Le lycée Karl Marx à Villejuif »
(1933) avec gymnase et stade mutualisés, bien que rénové, connait en ces temps chauds des problèmes d’isolation.
Récemment restructuré sous une façade aux placages en terre cuite, le «  Lycée Bertholet  à Annecy » date de 1885, peu après le rattachement de La Savoie à la France (1880).
Les établissements des années 60 sont plus faciles à rénover comme le « Collège Marcel Cuynat à Monestier de Clermont » que les plus récents aux structures moins modulables.
De type « Pailleron » du nom du collège incendié volontairement occasionnant la mort de 20 personnes en 1973, « Le collège  Anselme Mathieu à Avignon »  a été élégamment réhabilité.
A Dôle, le « Collège
Maryse Bastié » bénéficie à présent d’une bonne isolation utilisant les ressources locales aux couleurs jurassiennes.
L’atrium lieu de sociabilité devient banal.
L’atypique « groupe scolaire les Plants à Cergy » des années 70 en aire ouverte s’est assagi. 
L’école des Broussailles à Cannes désormais
 « École communale Jacqueline de Romilly » en travertin marque la solennité des lieux tout en préservant la sûreté.
Une même monumentalité est manifeste avec le « Lycée Marc Bloch de Sérignan »  au béton matricé de « sagnes » (roseaux camarguais) où des ganivelles connues comme palissades protègent du soleil. 
« L’école Voltaire à Châtenay-Malabry »
a récupéré les gravats de l’Ecole centrale démolie.
A Rosny-sous-bois, la paille a été utilisée avec des ossatures bois à l’ « Ecole des Boutours ». 
Sur le modèle des bâgdirs iraniens, des échangeurs géothermiques air-sol assurent une ventilation bienvenue en temps de canicule.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2014/10/iran-2014-j4-yazd-au-matin.htm
La désigneuse néerlandaise Rosan Bosch qui a participé à de nombreux projets d’architecture scolaire, a modélisé cinq espaces illustrant diverses situations d’enseignement : le feu de camp comme lieu de débat, le forum pour les exposés, le point d’eau pour les interactions, le laboratoire pour s’exprimer librement, le nid ou la grotte pour la concentration personnelle…
 
« Académie occidentale de Pékin ».
Des maisonnettes composent une
« Crèche à Copenhague ».
Le nouveau bâtiment de l' « Université Bocconi à Milan » 
aux espaces suspendus se relie à la ville.
Conçue par le même cabinet d’architectes irlandais, l’ « Ecole de commerce de Toulouse » est considérée comme un hommage au patrimoine de « la ville rose ».
L’ « Université de technologie et d'ingénierie de Lima », construite à la verticale
invente des circulations comme Piranese en imagina.
L’« École allemande de Madrid » équipée de systèmes géothermiques, photovoltaïques et de pompes à chaleur de pointe pour assurer une efficacité énergétique maximale cite le Bauhaus mélant ainsi passé et présent.