jeudi 23 juin 2022

Albert V de Bavière. Daniel Soulié.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous a fait connaître le duc de Bavière qui régna de 1550 à 1579, souverain et collectionneur.
Ses portraits à 17 ans puis à 27 ans sont peints par Hans Mielich.
Sa famille Wittelsbach, celle de Sissi, régna avec constance pendant 750 ans, jusqu’en 1918. Les princes aux pouvoirs régaliens se passaient de l’autorité impériale dans le Saint Empire Romain Germanique. Division des territoires, réunifications se succédèrent et au moment des héritages, il convenait de distinguer duc de Bavière et duc en Bavière.
Guillaume IV, son père, avait réunifié la haute et la basse Bavière;
Munich était plus provinciale que la cité de Landshut, lieu de résidence
où fut  construit le premier château renaissance au Nord des Alpes.
Albert V
dit « Albert le Magnifique » voyage beaucoup et fait un beau mariage avec Anne de Habsbourg dite Anne d'Autriche (à ne pas confondre avec la femme de notre Louis XIII), la fille du « roi des Romains », frère de Charles Quint. 
« Albert V et sa femme Anne jouant aux échecs » par Hans Mielich.
La paix d'Augsbourg en 1555 avait renvoyé chaque région à la religion de son prince.
« Duc Albert V de Bavière avec sa famille » Hans Mielich 
Résolument catholique, Albrecht V renforce la puissance de son duché sur le plan économique, politique, artistique.
Dans la résidence de Munich, il fait construire l’Antiquarium (66 m de longueur) pour recevoir 800 sculptures antiques, le plus grand cabinet de cette catégorie après les collections papales, dont les bustes constituent une majestueuse galerie des ancêtres.
Les décorations imitées de l’antique par des motifs de grotesques, qui ne sont pas ce que l’on croit, vinrent plus tard. 
Il initia la plus importante bibliothèque d’Europe après celle de France, 10 millions de volumes aujourd’hui, à partir de ceux du banquier Fugger.
Une collection de pièces de monnaie, de médailles, comprend actuellement 300 000 objets.
L'Alte Münze (Ancienne Cour des Monnaies) servant à l'origine pour les écuries ducales a gardé ses arcades renaissance.
Des services provenant de Faenza (faïence) en majolique (Majorque), bijoux, orfèvrerie, constituent le trésor inaliénable de La Résidence de Munich composée de 130 salles autour de 10 cours.
Ayant subi de nombreux incendies, bombardée pendant la seconde guerre, les restaurations se poursuivent, des œuvres avaient été préservées.
La riche statue de Saint-Georges porte les lions présents sur les armoiries bavaroises.
La Bataille d'Alexandre
qui eut lieu dans le delta du Nil d'Albrecht Altdorfer (1529) est exposée à la Pinacothèque de Munich.
Avant que les guerres de religions (guerre de 30 ans) mettent en sommeil la création artistique jusqu’au XVIII° siècle, Hans Mielich avait peint 90 tableaux constituant le rétable d’Ingolstadt affirmant l’importance des universités où enseignaient les jésuites.
Une miniature montrant, «  le prince de la musique » d’alors, Roland de Lassus présentant sa chapelle de musique au duc Albert V de Bavière, renseigne bien sur les formations musicales de la Renaissance.
Honoré par le pape, sollicité par toutes les cours, le wallon disait : 
« Je ne veux pas quitter ma maison, mon jardin, et les autres bonnes choses à Munich »

mercredi 22 juin 2022

Go West, young man. Tiburce Auger.

Le sujet se prêtait bien à l'idée de réunir 16 dessinateurs autour d’un scénario qui conte les histoires des possesseurs successifs d’une montre : 
 ils nous entrainent des grands lacs au désert du Nouveau Mexique, en chariot ou en bateau à aube, à cheval avec flèches ou pistolet.
Guerre de Sécession, guerres indiennes,  trappeurs, bandits et prostituées, fermier et messager du Pony express, Géronimo et Pancho Villa : tout est en place pour une fresque épique ressuscitant le western.
Sont aussi évoqués misère, épidémies, racisme, génocide indien, condition des femmes.  
Mais la cavalerie arrive à point nommé comme quelques notes d’humour bienvenues entre deux fusillades, le temps que retombe la poussière.
Une révision dynamique en 111 pages pour 175 ans d’histoires : c’est cadeau !

mardi 21 juin 2022

Des vivants. Raphaël Meltz Louise Moaty Simon Roussin.

Il s'agit d'une reconstitution historique de l’activité du « réseau du musée de l'Homme », l’un des premiers à entrer en résistance dès juin 1940, en cohérence avec les valeurs de ce lieu destiné au grand public : 
« pour prendre conscience de la vaste communauté mondiale, si diverse et pourtant une ». 
Les textes de la bande dessinée aux couleurs lilas, amande et orange sont rédigés à partir de lettres, souvenirs des protagonistes. 
« Il y avait encore des français, oui. Alors qu'il n'y avait plus de France. » 
Anatole Lewitsky et Boris Vladimirovitch Vildé feront partie des 7 fusillés au Mont Valérien en 42, ils ont été dénoncés.
L’originalité de ces 260 pages nous fait partager la sidération initiale des personnages, et comprendre progressivement les activités de ce groupe : évasion de prisonniers, propagande, renseignements. Si la partie dessinée peut paraître parfois énigmatique, des notes très précises et développées en fin de volume pourront satisfaire les plus curieux qui retrouveront des écrits  de la célèbre ethnologue, Germaine Tillon, aujourd’hui au Panthéon, qui avait survécu aux camps comme la bibliothécaire Yvonne Oddon déterminante dans cette aventure.
Habile et forte contribution à des réflexions d’actualité. 

lundi 20 juin 2022

Caravaggio. Derek Jarman.

Triangle amoureux autour du peintre de la Renaissance génial et mauvais garçon en 1h ½.
Pour mieux connaître l’œuvre de Michelangelo Merisi da Caravaggio mieux valent des conférences aux amis du Musée de Grenoble où était projetée cette "proposition artistique". 
Quant aux interprétations, une BD même un peu lisse est plus belle 
que ce film expérimental  sorti en 1986 après sept ans de gestation.
Rien ne vieillit plus rapidement que les touche - à - tout - avant - gardistes pouvant toujours se réfugier devant la maigreur des moyens alloués, bien que dans la catégorie «  films fauchés » certains aient pu se hausser sous la contrainte. Dans le genre expression personnelle sur fond historique, une séquence de Kamelot recèle plus de finesse, d’originalité et bien sûr d’humour que cette pochade arty.
Au moment où les biopics deviennent un genre hégémonique; le film datant de 1986, un retour 40 ans en arrière aurait pu avoir ses charmes. Mais aucune vérité historique n’est suggérée sous une avalanche d’anachronismes, quand homosexualité ou soucis économiques des artistes sont accaparés par le réalisateur pour parler de lui. Comme le compagnon muet du peintre appelé Jerusaleme, nous en restons cois. 
Le texte aux prétentions poétiques accentue l’artificialité du jeu des acteurs dignes de tourner dans quelque télé film érotique, sans charme et d’une audace apprêtée. 
Des reconstitutions de tableau qui égayent le film peuvent se voir en brochettes de mèmes bien plus dynamiques sur nos téléphones. 
Pour cet épisode romain d’une vie qu’il vaut mieux imaginer plus passionnée car ici elle est sans émotion, d’autant plus que les acteurs anglais parlent leur langue, enfermés dans un entrepôt, ténébreux. Il fallait bien ça pour parler du père du « ténébrisme ».  

dimanche 19 juin 2022

Danish string quartet.

Le quatuor à cordes s’accorde au crin près et leur dynamisme, leur fluidité, la vigueur des contrastes m’ont rapproché de la grâce - nous n’étions pas loin de Pentecôte - quand ils ont joué Purcell.
Pour Britten, à l’image des mouvements dissemblables, l’expressivité physique du deuxième violon m’a séduit puis j’ai eu besoin de fermer les yeux pour mieux goûter la musique seule, séduisante surtout dans les moments ténus venant après des harmonies spectaculaires.
Concernant « la jeune fille et la mort »  de Schubert dont je ne savais que l’intitulé, je m’en remets à ma musicienne qui a trouvé le premier violon trop couvrant dans certains passages par rapport à ses partenaires, ce qui n’a pas empêché le public du classique, d’ordinaire sage, de faire savoir son plaisir par des cris complétant les applaudissements fournis. Cet enthousiasme ne s’est pas éteint avec deux charmants rappels de musique traditionnelle. 

 

samedi 18 juin 2022

Quelques pas dans les pas d’un ange. David Mc Neil.

J’ignorais - et lui l’a longtemps tenu secret - que le créateur de « Mélissa » chantée par Julien Clerc était le fils de Chagall.
En 150 pages, il raconte ses moments avec le peintre aux amoureux volants, en de tendres croquis dignes du père.
Loin d’une biographie où l’auteur de « Je veux du cuir » se vanterait d’avoir croisé telle célébrité entre Nice et Cannes, son récit restitue une part d’enfance pourtant chahutée.
La poésie et l’humour rendent légères ces images forcément nostalgiques. 
« Aimez-vous Picasso ? demanda un jour une jeune journaliste à papa.
- Si Picasso m'aime, moi je l'aime aussi », répondit mon père. »
Ce roman est bourré d’anecdotes bien que le terme minimise à mes yeux, la lumière, l’admiration, qui irradient ce texte où la simplicité, le naturel éloignent les fâcheux.  
« Les deux ouvriers à la table à côté ont regardé les mains de Papa, tachées de couleurs diverses, ces mains dont il disait souvent qu'elles étaient imprégnées jusqu'à l'os. Il avait alors plus de soixante-dix ans, mais avec son allure énergique et l'impression de puissance qui émanait de lui, il pouvait très bien passer pour un peintre en bâtiment.
- Vous avez un chantier dans le coin? demanda l'un deux.
- Je refais un plafond à l'Opéra, répondit mon père attaquant son œuf dur mayonnaise. »

vendredi 17 juin 2022

Le rideau déchiré.

Encore récemment « global » se conjuguait aimablement avec « local », dans les discours, mais  l’universalisme a du plomb dans ses ailes de géant et désormais le général s’efface devant le particulier. 
Le blé ukrainien nourrissait des populations au delà de ses frontières, ceux qui vont l'attendre peuvent regretter l'avènement d'un monde en phase de démondialisation.
Les manifestations de Bangui en faveur de la Russie sont extravagantes et l’indifférence du monde à l’égard de la situation en Europe est très répandue. Dans un des pays les plus pauvres de la planète, ces photos posées fleurent l'artifice: Marioupol est si loin de la RCA. 
L’hostilité de certains africains à l’égard de la France me choque, avec des porteurs de pancartes écrites en français, rejouant sempiternellement les décoloniaux pour mieux accueillir de gentils et efficaces nouveaux venus de Moscou, Téhéran, Ankara, Pékin, tout à fait désintéressés.
L’affectivité souvent brouille la raison, même si je ne vais pas renier des années de passion, de plaisir aux couleurs de latérite, lors de rencontres au Cameroun ou au Mali, « terres damnées » pour « damnés de la terre ». Cependant je ne me priverai pas de dire mes désaccords avec ces ivresses collectives dont je sais aussi tous les excès depuis les virages d’un stade ou sur les boulevards lorsque sont sortis les calicots.
Les outrances sur les réseaux sociaux n’ont pas besoin de mégaphones, l’anonymat permet tous les abus ; la démesure est devenue la norme, la radicalité écrase la nuance. « Grande gueule » devient un titre de gloire et modéré synonyme de timoré. Le refus de reconnaître toute intelligence à l’adversaire peut pourtant nuire à la crédibilité de l’opposant systématique. Dans notre putain de monde complexe, la caricature rassure et dans les confusions idéologiques présentes pour se faire comprendre rapidement il vaut mieux revêtir tout contradicteur de la cagoule du Ku Klux Klan. 
Je ne vais pas déplorer la perte du second degré et me mettre martel en tête à la moindre saillie excessive, je sais comme tout amateur de boisson forte, qu’il ne faut pas en abuser.
Parmi ces jeux avec les mots, où s’ébattent « résilience », « soutenabilité » et « transition »,  l’essentiel surgit d’un extrait du réquisitoire du parquet antiterroriste à l’issue du procès des coupables de l’attentat du 13 novembre 2015 où 131 personnes ont perdu la vie : 
« L’effroi, c’est faire sortir de la paix. C’est la disparition du rideau derrière lequel se cache le néant, rideau qui permet normalement de vivre tranquille. Ce rideau est irrémédiablement déchiré, et l’on sait alors pour toujours que le néant, la mort, existent. Le terrorisme, c’est la tranquillité impossible. Votre verdict n’aura pas pour vertu de réparer ce rideau déchiré et de rendre leur tranquillité originelle aux victimes. Il ne guérira pas les blessures, visibles ou invisibles, il ne ramènera pas les morts à la vie, mais il pourra au moins les assurer que c’est, ici, la justice et le droit qui ont le dernier mot. »