J’avais manqué l’acte deux de cette publication consacrée à
l’élection présidentielle dont j’avais apprécié le premier numéro : Cette livraison, avant l’acte 4 prévu en juin, devrait combler
l’appétit de tous ceux qui s’estiment frustrés de débats qui n’ont d’ailleurs
jamais cessé. Les médias sont les maîtres d’œuvre de ces discussions dont ils
regrettent une pauvreté qu’ils entretiennent, comme les frustrations qu’ils
flattent. « Avec quel candidat
voudriez-vous partager un barbecue ? » était l’objet d’un sondage
comme le rapportait France Info qui ne se contente plus d’informer mais donne
dans l’ironie, la distraction, entre deux bombardements.
La diversité des rédacteurs de cette revue permet de varier
le curseur de nos accords et désaccords, ainsi le portrait d’un macroniste avec
mocassins à gland m’a paru bien conventionnel - moi ce serait plutôt gros
sabots - alors que l’analyse du macronisme, apportant un peu de gravité dans un
monde fou est d’une haute tenue :
«… l’efficacité
se mesure à la capacité à transformer, parce que ce qui compte, c’est cette
action sur le réel, et non l’idée qu’on s’en fait. »
Nous voyageons de Marseille à Vaulx-En-Velin,
d’un pittoresque PMU en Saintonge au
restaurant « Le Bourbon » à proximité de l’assemblée.
Les portraits embrassent tout le paysage avec quelques célébrités,
Taubira, De Villiers et des aspirants à la lumière : Geoffroy Didier,
Isabelle Saporta (la compagne de Jadot qui n’aime surtout pas être présentée
ainsi sauf quand c’est Paris Match), Alice Coffin, le beau frère et la sœur de
Marine Le Pen… Un décroissant donne son point de vue en BD.
Les thèmes : l’armée, la police, les chiens et les chats,
la Chine… bien documentés sortent des présentations habituelles souvent
rigides comme l’égalité des temps de paroles.
Le recul vis-à-vis des médias est salutaire quand se
cherchent de nouveaux espaces du réel, avec une
immersion parmi les micros de « la meute », la description de
l’évolution des opinions journalistiques où les réacs prennent leur revanche,
l’impertinence de l’émission « Quotidien » qui disparaît quand ceux
qu’ils brocardent sont reçus en plateau. Les « spins doctors » à la
jonction des politiques et des médias « ont le spleen ».
La découverte des « mèmes » participant à la « carnavalisation de l’arène
politique » ne vaudra pas à mes yeux autant que le rappel historique des
présidents de 1914 à 1958. L’article du psychanalyste Yann Diener à partir des paroles d’un enfant disant « mes parents se sont encore dépistés » au lieu de « disputés » redonne
du sens aux mots qui pendant la pandémie sont passés parfois de la métaphore au
délire.
Et bien qu’Alexis Jenni soit décevant dans une fiction
familiale quelque peu caricaturale, je retiens ce morceau de dialogue entre
trois générations :
« - Vous vous
rendez compte que nous appartenons au plus gros parti de France ?
- Pffff, nous n’avons
rien de commun, et je n’appartiens à rien, grommela Papi.
- Quel parti, demanda
mon fils, qui voulait quand même savoir, ce qui fait que je ne désespère pas de
lui.
- Le parti de ceux qui
ne se déplaceront pas, ceux qui ne voteront pour personne et laisseront décider
pour eux des gens qu’ils ne connaissent pas.
- Ah, c’est pas faux,
soupira Papi.
- Grave ! lâcha
mon fils. Et pour une fois un tic de langage avait un sens.
Nous nous tûmes. La
bouteille d’Armagnac était vide. Nous allions ne rien faire. »