mardi 12 avril 2022

C’est aujourd’hui que je vous aime. François Morel & Pascal Rabaté.

Le fantaisiste 
a rencontré le dessinateur 
et c’est épatant 
 Le récit d’un premier amour, fou et dérisoire est aussi celui d’une adolescence. 
Le comique qui aime tant les répétitions : 
« Notre père qui êtes aux cieux, faites que je baise, que je tire, que je nique […] que je culbute, que je saute, que je reluise… » 
commence lamentablement une carrière dans le registre sensé séduire les filles : 
«  ses trous de balles »  
en commentaire du « Dormeur du val » ne plaisent guère à la récitante, pas plus   
« le cunnilingus » en tant que nuage. 
Les traits légers sur 70 pages vont parfaitement à nos mémoires pastels et rendent vivement, poétiquement, cet amour à graver sur l’abribus de toute sa conviction maladroite, tout en fantasmant sur Bardot, alors que le prix d’une tente à planter aux pays des petites anglaises vaut mieux qu’un rapport tarifé.

lundi 11 avril 2022

Employé / patron. Manuel Nieto.

« El empléado y el patrón » pourquoi la langue espagnole n’a-t-elle pas la même faveur que l’hégémonique anglais dans les titres alors que ce film présenté à la quinzaine de réalisateurs à Cannes est typé ? Il a du caractère, sans manichéisme. 
La dialectique maître/serviteur est universelle et la description des relations de classe très présente dans le cinéma d’Amérique latine. Le regard porté sur une nouvelle génération se renouvelle avec des papas qui s’occupent de leurs bébés aussi bien en milieu aisé que chez les pauvres. Les hiérarchies évoluent quand s'échangent les services. 
Le cheval, symbole de liberté, jouera un rôle éminent dans cette tragédie uruguayenne.

dimanche 10 avril 2022

Nuit funèbre. J.S. Bach, S.P. Bestion, K.Mitchell.

Le journal de salle, qui souvent, n’est à mes yeux qu’un tract publicitaire, était bien utile ce soir pour mieux comprendre la mise en scène autour d’une table de ces frères et sœurs se retrouvant après la disparition du père. Toutes les morceaux présentés sont titrés : motets, chœurs, récitatifs, airs…
La lenteur des déplacements, la solennité des paroles contrastent avec une musique pourrait- on dire divine.
J’ai vu dans ce moment où le ciel semble encore plus vide alors que se prosternent d’avantage les hommes, une invitation à la méditation sur notre destinée.
Le corps et les objets résistent, ils finiront dans la poubelle grise.
La musique élégiaque, sereine, est celle d’une vie de souffrance, de doute et de joie, sublime.
Et même si l’on n’est pas accessible à la transcendance :
« Devant ton trône, je vais comparaître » 
peut se poser la question pour chaque homme quand 
« tout est accompli » et qu'une vie se révise.
Le spectacle d’une heure quinze n’est pas de ceux qui prétendent dépoussiérer une composition mais valorise une œuvre nous concernant depuis ce XVIII° siècle décidément  étape fondamentale de notre civilisation, quand de notre finitude, de notre condition misérable persistent quelques notes dont la douceur peut assourdir les clameurs du monde et apaiser nos terreurs intimes, peut être.

samedi 9 avril 2022

d2ux mille vingt-d2ux. Acte 3.

J’avais manqué l’acte deux de cette publication consacrée à l’élection présidentielle dont j’avais apprécié le premier numéro : 
Cette livraison, avant l’acte 4 prévu en juin, devrait combler l’appétit de tous ceux qui s’estiment frustrés de débats qui n’ont d’ailleurs jamais cessé. Les médias sont les maîtres d’œuvre de ces discussions dont ils regrettent une pauvreté qu’ils entretiennent, comme les frustrations qu’ils flattent.  « Avec quel candidat voudriez-vous partager un barbecue ? » était l’objet d’un sondage comme le rapportait France Info qui ne se contente plus d’informer mais donne dans l’ironie, la distraction, entre deux bombardements.
La diversité des rédacteurs de cette revue permet de varier le curseur de nos accords et désaccords, ainsi le portrait d’un macroniste avec mocassins à gland m’a paru bien conventionnel - moi ce serait plutôt gros sabots - alors que l’analyse du macronisme, apportant un peu de gravité dans un monde fou est d’une haute tenue : 
«… l’efficacité se mesure à la capacité à transformer, parce que ce qui compte, c’est cette action sur le réel, et non l’idée qu’on s’en fait. » 
Nous voyageons de Marseille à Vaulx-En-Velin, d’un pittoresque PMU en Saintonge  au restaurant « Le Bourbon » à proximité de l’assemblée.
Les portraits embrassent tout le paysage avec quelques célébrités, Taubira, De Villiers et des aspirants à la lumière : Geoffroy Didier, Isabelle Saporta (la compagne de Jadot qui n’aime surtout pas être présentée ainsi sauf quand c’est Paris Match), Alice Coffin, le beau frère et la sœur de Marine Le Pen… Un décroissant donne son point de vue en BD. 
Les thèmes : l’armée, la police, les chiens et les chats, la Chine… bien documentés sortent des présentations habituelles souvent rigides comme l’égalité des temps de paroles.
Le recul vis-à-vis des médias est salutaire quand se cherchent de nouveaux espaces du réel,  avec une immersion parmi les micros de « la meute », la description de l’évolution des opinions journalistiques où les réacs prennent leur revanche, l’impertinence de l’émission « Quotidien » qui disparaît quand ceux qu’ils brocardent sont reçus en plateau. Les « spins doctors » à la jonction des politiques et des médias « ont le spleen ».
La découverte des « mèmes »  participant à la « carnavalisation de l’arène politique » ne vaudra pas à mes yeux autant que le rappel historique des présidents de 1914 à 1958. L’article du psychanalyste Yann Diener à partir des paroles d’un enfant disant « mes parents se sont encore dépistés »  au lieu de « disputés » redonne du sens aux mots qui pendant la pandémie sont passés parfois de la métaphore au délire.
Et bien qu’Alexis Jenni soit décevant dans une fiction familiale quelque peu caricaturale, je retiens ce morceau de dialogue entre trois générations : 
« - Vous vous rendez compte que nous appartenons au plus gros parti de France ?
- Pffff, nous n’avons rien de commun, et je n’appartiens à rien, grommela Papi.
- Quel parti, demanda mon fils, qui voulait quand même savoir, ce qui fait que je ne désespère pas de lui.
- Le parti de ceux qui ne se déplaceront pas, ceux qui ne voteront pour personne et laisseront décider pour eux des gens qu’ils ne connaissent pas.
- Ah, c’est pas faux, soupira Papi.
- Grave ! lâcha mon fils. Et pour une fois un tic de langage avait un sens.
Nous nous tûmes. La bouteille d’Armagnac était vide. Nous allions ne rien faire. » 

 

vendredi 8 avril 2022

Si loin, si près.

La guerre en Ukraine a mis en surbrillance le meilleur et le pire de l’âme humaine, mais il n’est pas certain que l’effet de sidération passé, les enseignements, pourtant payés au prix du sang, soient durables. 
Ceux qui parlaient de dictature à tous propos n’ont pas tous appris à modérer leur langage. 
Ils n’ont pas forcément compris que la dimension européenne devenait plus que jamais la mesure adéquate pour nous protéger de la guerre après l’atténuation de la crise due au Covid.
La guerre a revigoré notre continent, mais les sommes d’argent qui seront fléchées pour drones, chars ou hôpitaux de campagne ne seront pas dirigés vers les déserts médicaux.
Nous n'y couperons pas: les jachères vont être à nouveau cultivées et le nucléaire va repartir.
Dans la lutte entre régimes autoritaires et démocraties, les métaphores belliqueuses ont fini par percer les blindages. Ceux qui crachaient sur notre civilisation méprisée par le maître du Kremlin ont-ils graissé les canons des cracheurs de mort ?Face au restaurateur de l’Empire russe, nos gentils qui n’ont cessé de dénigrer l’Empire occidental se trouvent du côté des intégristes des identités et des religions.
Les damnés de la terre africaine s’abstiennent. Wagner, avance sans idiots utiles à ses basques, ceux-ci regardent ailleurs.
Les chenilles des chars en procession ne vont pas crisser sur le mail de Voiron, 
mais ceux qui estiment que le scrutin de ce mois d’avril est « volé », ont des manières trumpistes, creusant le discrédit d’un Occident qu’ils prétendent défendre !
Les abstentionnistes et autres abstinents du débat démocratique, tous les blanquistes, porteurs du drapeau noir et du bulletin blanc, ne s’abstiendront pas de commenter les résultats de la présidentielle dont ils auront contribué à amoindrir le sens. Ils auront saboté la cérémonie républicaine par leur indifférence ou leur aversion envers les autres citoyens. 
Plus grave, cette paresse est flattée par bien des candidats à la présidence de la France qui s’indignent de ne pouvoir débattre d’un bilan de la mandature, qu’ils n’ont cessé de critiquer tout au long de ces cinq ans. Ne sachant que s’opposer, ils se dispensent de toute autocritique au cas où se rappelleraient leurs positions à l’égard de Poutine.
Une jeune interviewée se lamentait de ne pas être assez informée ; que n’a-t-elle cherché, fait fonctionner son moteur de recherche, acheté un journal, regardé son téléphone, parlé à sa maman, demandé à sa voisine… mais que fait l’école ?
Commentateur des commentateurs, je partage l’avis selon lequel ce qui apparaît sur les réseaux sociaux ne reflète pas forcément l’opinion générale mais comme chacun, je fonce dans toutes ces embrouilles. Je persiste à jeter au vent quelques mots comme akènes de pissenlits qu’il me plaisait de voir s’éparpiller en première page d’un dictionnaire désormais bon pour la brocante.  
« Il pousse plus de choses dans un jardin que n'en sème le jardinier. » Proverbe espagnol

jeudi 7 avril 2022

Baisers voulus, baisers volés. Christian Loubet.

La première image proposée par le conférencier devant les amis du musée de Grenoble est celle de « Io et Zeus » par le vif Le Corrège pour illustrer un thème récurent de l’art occidental : le baiser, « ce point rose qu’on met sur le i du verbe aimer » Edmond Rostand.
Un nuage divin embrasse la nymphe ingénue, vue de fesse.
Les premiers « baisers consacrés » vont du « Rendez-vous à la porte dorée » de Giotto où les anges annoncent à Joachim et Anne qu’ils vont engendrer Marie
au « Baiser de Judas » d’Ary Scheffer 
quand le Christ méprise le traitre car il sait son sacrifice inéluctable.
Les représentations d’une intimité entre « La vierge et l’enfant » 
telles que Quentin Metsys en donne une version sont rares.   
Concernant « le frisson des lèvres », la mythologie a fourni une source inépuisable de représentations.
L’insatiable Zeus prend toutes les formes :  
Véronèse pousse loin la métonymie avec « Léda et le cygne »
comme Giulio Romano lorsqu’il fait se rencontrer « Zeus et Olympia ».
Luca Cambiaso, le maniériste, 
donne une version quasi cubiste du baiser au mourant avec « Vénus et Adonis ».
« Hercule et Omphale »
chez François Boucher 
ont inversé les rôles et à pleine bouche, les sens triomphent.
L’ « Amour et Psyché » de François Picot est subtilement sensuel.
Chez Francesco Hayez « Le baiser » troubadour a été vu 
comme l’union du Nord et du Sud Italiens.
Les charmants « Amoureux surpris » de  Ferdinand Waldmüller s'inscrivent dans un mode rustique.
Même chez les « artistes et modèles modernes » le mythe de « Pygmalion et Galatée »  vu par Gérôme permet de ne pas tomber dans l’anecdote.
Camille Claudel avait séduit son sculpteur Rodin : « Le baiser ».
Celui d'Andrès Zörn fait entrer la banalité dans un cadrage et une touche instantanés.
Chez Klimt le corps féminin fleuri se love dans la structure minérale du corps masculin.
L’érotisme fusionnel porte le malheur chez Edvard Munch 
et la nuit avec son « Vampire (L’amour et la douleur) ».
Les amants musculeux fixent une auto représentation d’ Egon Schiele, mort avant sa trentième année, « 
L'Étreinte»
Dans ces explorations entre amour divin et charnel 
Toulouse Lautrec occupait  une bonne place et aussi Courbet 
« Ambigüité récente »
titrait pourtant le conférencier
c’est que « Le baiser » anthropophage de Picasso
plus connu que « La douceur » n’a pas la tranquillité
des pierres cubistes de Brancusi.
Baisers voilés pour « Les amants » de Magritte,
projetés dans l’au-delà avec Chagall,
corps fondus chez De Staël inspiré par la musique « Les Indes galantes ».
L’expressionniste Otto Müller « Le couple d’amoureux » nous est proche
comme le néo impressionniste Ron Hicks
quand le « Kiss » de Roy Lichtenstein valait pour les posters.
Ne pas oublier « Le baiser de l’hôtel de ville » de Doisneau,
ni la pochade de Banksy, « Kissing Coppers »,
la publicité de Toscani, « Le prêtre et la nonne »,
ni la performance d’Orlan « Le Baiser de l'artiste » 
avec quatre intensités différentes, à partir de 5 F.
Les « baisers volés » sont gracieux quand avec le Bernin, Daphné échappe à Apollon
ou lorsque Fragonard traite « Enjeu perdu, baiser gagné ».
Hans Belmer ira à l’extrême du morbide sadique avec « Le baiser de la mort »
comme est résignée une sculpture de Barba et Fonbernat au cimetière de Barcelone. 
« Sa destinée a été accomplie.».
La pandémie nous rappelle que les baisers nous manquent, bien qu’ils soient devenus parfois la « menue monnaie » des amoureux, ainsi le cinéma les célébra : « Autant en emporte le vent ».

mercredi 6 avril 2022

Strasbourg # 3

Les gens quittent progressivement la cathédrale,
l’horloge admirée a rappelé à tous l’heure de nourritures plus terrestres.  
Nous nous sustentons d’une tarte flambée suivie d’une monstrueuse forêt noire bien imbibée de kirsch au restaurant Le Gruber.
Cet établissement occupe une belle maison alsacienne classée au patrimoine culturel de la ville dans le vieux quartier de Notre dame.
La halte est agréable.
Nous réservons notre après-midi à une promenade dans la ville. Proposée par un prospectus de l’Office du tourisme, cette balade  devrait nous permettre de découvrir rationnellement  les lieux les plus emblématiques et incontournables.
Nous traversons le pont du Corbeau, longeons les quais Saint Nicolas et bifurquons sur le pont du même nom (pont Saint Nicolas) pour accéder à l’autre rive.
Nous nous rendons à l’église Saint Thomas. Construite entre le XII et XV° siècles, catholique puis temple luthérien au XVIe, elle a  gardé  son titre d’église et la protection d’un saint patron.
Elle doit sa notoriété au mausolée du maréchal de Saxe, édifié par le sculpteur  baroque parisien J.B. Pigalle,
et au buffet des très belles orgues de Silbermann (18°) dont 
l’« excellente sonorité fut louée par Mozart lors de son passage à Strasbourg en 1778 ».
Mozart l’aurait donc utilisé et apprécié comme le rappelle quelques citations du musicien.
Nous pénétrons ensuite dans la Petite France,
avec ses maisons des tanneurs,
ses canaux, sa maison des glaces et ses bains, expliqués par des panonceaux bien faits qui cultivent le caractère alsacien et renseignent  sur les petits métiers d’autrefois.
La présence de l’eau s’intensifie, tandis que nous approchons des ponts couverts et du barrage Vauban.
Nous parcourons  le barrage sur sa partie haute et piétonne  d’où nous bénéficions d’une belle vue dégagée sur  la Petite France, les tours des ponts couverts et la ville.
Au bout, de l’autre côté, se tient le  MAMCS (Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg).
Ce grand bâtiment actuel se partage en  baies vitrées et en  murs recouverts de dessins noirs et blancs très BD. 
Nous quittons l’atmosphère feutrée du musée et marchons tranquillement accompagnés par le soleil jusqu’à la place de Halles où nous montons dans un bus avec cette fois-ci un titre de transport dûment payé.
Nous achetons une tourte pour 2 à la tomate et au thon (vu la taille de la portion) chez la plantureuse boulangère au bas de notre logement et nous nous accordons un temps de repos et de restauration au calme avant de partir admirer le son et lumière à la Cathédrale.
Mais quand ça veut pas le faire, ça veut pas !Tout d’abord, je m’aperçois une fois à la station de tram qu’il me manque mon masque, et  je dois faire un aller-retour au pas de course jusqu’à la maison. Ensuite, nous prenons le bus en sens inverse : il nous transporte dans des quartiers périphériques, visite by night jusqu’au terminus puis retour à la rotonde point de départ où nous montons cette fois-ci dans la bonne navette. Et pour finir, on nous annonce l’annulation du spectacle ce soir pour des raisons techniques !!
Nous nous contentons alors d’une dernière promenade aux alentours, retrouvant les monuments vus dans la journée sous des éclairages modérés, voire chiches.
Il est minuit à notre retour au bercail