mardi 15 juin 2021

Un anglais dans mon arbre. Olivia Burton, Mahi Grand.

Ces 222 pages se lisent d’un trait en suivant le récit aux lignes claires d’Olivia Burton. 
La prof de français se met sur les traces d’un - on ne peut plus - anglais qu’elle a découvert dans son arbre généalogique : Richard Francis Burton. 
L’extravagant personnage, mort diplomate à Trieste en 1890, était on dira « polymathe », « personne d'esprit universel », comme l’indique la notice Wikipédia, pour résumer, tant l’érudit qui parlait 29 langues a eu de fonctions différentes : officier en Inde, explorateur en Afrique, premier occidental à faire le pèlerinage à la Mecque… traducteur du kamasoutra et écrivain. 
« Le premier jour du voyage dans le désert se déroula sans encombre. C'est étrange comme l'esprit peut s'occuper à contempler un paysage qui présente si peu d'objets à observer. La moindre modification de forme ou de couleur captive le regard, les sens sont aiguisés et les facultés de perception, démultipliées. Dans le silence absolu et la désolation fantastique des lieux, l'esprit est touché à travers le corps. » 
Nous nous régalons de ces aventures habilement présentées où la vision contemporaine est habitée aussi par le passé sans effet de fantastique indéchiffrable, mais avec humour.
Bien que les conditions soient différentes aujourd’hui pour aller avec la sympathique jeune femme à son tour à la recherche des sources du Nil, une certaine dose d’audace et de candeur reste nécessaire. 
Cette quête sans esbroufe est passionnante.

lundi 14 juin 2021

Pour Sama. Waad al-Kateab et Edward Watts.

Retraçant un épisode de la guerre la guerre civile en Irak où plus de 20 000 personnes  trouvèrent la mort entre 2011 et 2016, ce documentaire est bouleversant. 
Un couple formé d’un médecin et d’une journaliste se marient pendant que la ville d’Alep de deux millions d’habitants est bombardée. Ils finissent par vivre dans le dernier hôpital même pas resté intact où la petite Sama, née de cette union, va commencer sa vie. Sa maman filme sans arrêt pour alerter le monde, alors ses insistances se pardonnent tant les situations sont insoutenables.
Les nouvelles techniques de communication nous renseignent  mais n’empêchent pas les massacres, elles souligneraient plutôt nos impuissances. Les images de cadavres sont choquantes avec des couloirs inondés de sang si loin des artifices gore d’un autre cinéma. Des évidences nous sont rappelées : les explosions surgissent sans qu’on s’y attende et au dessus des ruines un coucher de soleil peut être beau.
La mort est omniprésente, alors la vie prend un relief encore plus évident, quand tombe la neige et qu’un enfant sourit en s’amusant dans un bus qui a brûlé, quand un bébé vient de naître et qu’il respire enfin !
Même si la situation politique n’est pas vraiment explicitée, il s’agit simplement d’approcher nos frères humains. Mon incompréhension sera plus grande encore quand un commentateur sur les réseaux sociaux osera parler de « dictature » concernant notre démocratie en paix. Le confort de celui-ci ayant peut être été dérangé par un dispositif visant à protéger la population, alors qu’il y a de quoi être mis mal à l’aise par ces réfugiés qui n’avaient d’autres solutions que d’être recueillis par nos beaux pays.
« Comment cela s'appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd'hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l'air pourtant se respire, et qu'on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève? [...] Cela s'appelle l'aurore. » Jean Giraudoux

dimanche 13 juin 2021

Défilé de la biennale de la danse 2021.

Le dernier défilé de la biennale de la danse datait d’il y a trois ans
mais entre temps une pandémie survint qui a rendu bancal le terme « biennale ».
Quant au défilé lui-même, il n’a pas vraiment défilé se retrouvant cette fois circonscrit au théâtre antique de Fourvières comme en 2016 au stade de Gerland après des attentats. 
Mais il ne s’est pas défilé, dès le déconfinement amorcé, voilà les troupes trépignantes.
Les danseurs professionnels ont travaillé avec des amateurs pour présenter en trois séquences leur travail : des MJ, des municipalités, l’Université J. Moulin de Lyon 3 sont dans le coup, des départements, des communautés de communes …
J’éviterai de tomber dans une énumération infinie à l'instar de la directrice artistique qui casse la dynamique de la représentation avec des remerciements tellement amples qu’ils en perdent tous sens, parsemés de mots en bois, « co-construction », « résilience », et autres « inclusions » pour le bien «  vivre ensemble ».
L’opportunité pour beaucoup de voir à nouveau un spectacle vivant a été un beau cadeau.
Mais qui peut penser que ce spectacle a été facile à préparer? Pas besoin de tartiner :place au show !
Le monde d’après qui s’entrouvre, vivra mieux avec un droit de critique et d’admiration  se renforçant de leur proximité.
Ainsi les artistes nigérians huilés de Qudus Onikeku et des danseurs lyonnais font se rencontrer sans baratin les inventions d’aujourd’hui et les traditions de toujours, dans une allégresse régénérante d’où sourd une violence fascinante.
Il fait bon voir leur travail, leur inventivité, leur énergie.
Fatoumata Diawara a une belle voix quand elle chante et une belle ardeur quand elle danse, mais n'a pas besoin, à mon sens, de surligner qu’elle chante pour la paix, les enfants, les femmes et la planète.
Les grandes marionnettes de la compagnie " Les grandes personnes" conviennent bien lorsqu’elles déambulent dans les rues. Sur un plateau leurs mouvements paraissent plus stéréotypés et la magie des jeux avec les tailles des autres acteurs n'est pas toujours au rendez-vous. Reste que des enfants qui dansent encore après leur prestation ont eu l'occasion de cultiver un réjouissant rapport à leur corps. Leur plaisir évident en arriverait à rendre indulgent le plus grognon des spectateurs. Les locaux ont besoin des lointains, les amateurs des pros, les gosses d’ici de ceux de Lagos.


samedi 12 juin 2021

Légende. Philippe Sollers.

L’ouvrage ne comportait que 120 pages : il était temps pour moi d’aller au-delà des interventions médiatiques pour connaître un des maîtres de la littérature française. Hélas je n’ai pu que confirmer la suffisance du dandy alors que le même mouvement qui m’avait fait dédaigner l’image de BHL avait été détrompé par son écriture.
Son monde s’effondre, c’est que le monde s’effondre, Artaud le disait déjà en 1936 : 
« Ce monde n’est pavé que d’intrus qui n’apportent rien, qui n’ont rien à produire, et où on entend ressasser autour de soi que des redites sordides de tout. » 
Excusez-nous messieurs, on vous laisse à vos déplorations - j’ai les miennes - puisque « plus personne n’écoute et ne lit vraiment. » Y a-t-il encore quelqu’un qui écrit ?  
En retournant à ces œuvres perverses, j’essaye d’accrocher quelques mots au défilé des citations. Hugo est à l’écoute de ses murs frappeurs, quelques chinois s’expriment sur le silence et des alchimistes ressurgissent, entre quelques avis concernant la GPA, le virus. 
« Le futur disparaît sous nos yeux, le présent ne s’appartient plus, mais le passé pour qui veut, brille de toute sa force » 
A cela s'ajoute une pincée de Poussin, le « fourmillement des réseaux sociaux », Mozart, la lunette astronomique offerte par son papa, Rimbaud, Mallarmé et Manet, les fake-news, et le pauvre pape :  
« Mais, au fond, qui est davantage baleine blanche qu'un pape tout en blanc ? »
Parmi ces courts chapitres parlant légèrement d’un peu de tout, une amorce de fil d’Ariane consiste en l’évocation d’un amour de jeunesse retrouvée mariée à une autre femme et qu’il fait jouir de temps en temps. Elle s’appelle Daphnée pour laquelle Le Bernin eut plus de délicatesse pour évoquer sa rencontre avec Apollon.

 

vendredi 11 juin 2021

« Montjoie Saint Denis ».

Les folkloriques éclairent parfois la scène : des nostalgiques du temps des rois capétiens viennent de s’en prendre au président de la République, à sa figure.
Mais les offusqués dans la minute, dont Mélenchon qui criait: «  la République, c’est moi ! » n’ont pas seulement contesté la fonction prépondérante du chef de l’état sous la V°, ils ont contribué jour après jour à son affaiblissement.
Sur le coup, le populiste qui vient de jouer au complotiste, avait raison. Bien que l’acteur tellement souvent dans la véhémence disqualifie la sagesse de ses mots : tout parlementaire doit être respecté. Toute personne est sacrée. Et dire qu’au XXI° siècle, il faille aligner de telles banalités, quand les mesures barrières sont impuissantes face à la haine.
L’option républicaine ne va pas tout de même pas devenir aussi obsolète que l’opinion royaliste !
Pour m’être épargné bien des gloses gourmandes qui ont fleuri au sujet de la perte de prestige des fonctions électives, je ne peux cependant m’éviter de me rebiffer face à une façon de réagir qui ignore la distance symbolique et le second degré. J’évite l’expression « façon de penser » puisque celle-ci suppose recul, examen, mise en bouche.
L’interdiction de la fessée a été promulguée le 10 juillet 2019, et une violence crue atteint le premier des gouvernants. Le frappeur dont « la tête est près du bonnet » avait sûrement compris « Jupiter » sur le mode comique, façon « Manu tu descends !» Il y a belle lurette que  le journal « Le Monde » titre "Mitterrand" et non plus "M. Mitterrand".
Les inconsolables de la perte de la tête de Capet vont peut être faire en sorte de réhabiliter le bonnet phrygien pour coiffer les crânes qui n’admettent pas toutes ces régressions dans nos démocraties.
Ensevelis sous les anecdotes, nous passerons vite à d’autres prises de tête et de bec - alouette - après quelques blagounettes périssables qui ébranlent parfois mes convictions concernant l’inconditionnalité de la liberté d’expression.
L’essoreuse à mémoire recrache par exemple les duettistes Pleynel et Bourdin lors de leur tentative d’abolir la distance journaliste / politique : ils donnent sans cesse des leçons mais n’en retiennent guère. Et les effigies qui flambaient aux carrefours ont moins ému qu’un Valbuena en carton pendu dans les travées du vélodrome. Quant aux faits divers de permanences de parlementaires brûlées et élus menacés, ils étaient éminemment politiques et inquiétants.
Même si la formule de Bertolt Brecht en 1941: « Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde » a été trop citée, elle est plus vraie que jamais et depuis le temps accable nos impuissances. Les bêtes aux multiples visages grouillent, se dépèchent. 
Aveuglés par le fluo des gilets jaunes, les encenseurs en livrée n’ont plus vus qu’eux et ont mis le référendum à toutes les sauces, ils ont bien peu valorisé les représentants du peuple. Dès le verdict des urnes connu, la légitimité du malheureux élu est contestée : pourtant si loin de Piolle, je ne finasserai pas sur le fait qu’il a été réélu avec moins de voix que la première fois : c'est que tout simplement, ses concurrents n’ont pas été convaincants.  
« La République affirme le droit et impose le devoir. » Victor Hugo

jeudi 10 juin 2021

« Speak white ». Alain Borer.

A l’heure où le white se fait « mater » par le black, l’injonction : « speak white » à destination des québécois qui devaient impérativement parler la langue du colon, n’est même plus nécessaire, l’anglais est devenu hégémonique.
L'anglais intégral s'installe dans les conseils d’administration, « globisch » passe partout, « anglobal » , « anglolaid » : « maisoning » et « France bashing ». On ne court plus on « run »,  « fooding » se substitue à « cuisine », 
« Il y aurait aujourd’hui, plus de mots anglais sur les murs de Paris que de mots allemands sous l’Occupation. » Michel Serres.   
J’avais oublié la signification de « chiac »  pourtant appris avec Lisa Leblanc  
 « une des variétés du français acadien, qui comporte une part plus ou moins importante de mots empruntés à l'anglais»  
Exemple :« Ça t'tente tu d'aller watcher un movie? » (Est-ce que ça te tente d'aller voir un film?)  
Ce mot qui claque,  figure parmi quelques termes qui m’ont paru énigmatiques et rendent ces 42 pages parfois difficiles à lire, alors que l’interrogation figurant sur la couverture «  pourquoi renoncer au bonheur de parler français ? » laissait entrevoir du plaisir, d’autant plus que l’auteur est un poète, spécialiste de Rimbaud.
L’avenir se révèle plutôt sombre pour notre langue, « la plus littéraire du monde », car il n’est pas question que de lexique, même si l’examen de la différence entre les deux premières personnes,« I » et « je » recèle des trésors de finesse, c’est une vision du monde qui est en jeu.
Pour donner une idée de la richesse de cet essai dans la collection « tract » de chez Gallimard, j’extrais un passage de circonstance qui peut sembler cependant anecdotique dans un ensemble charpenté. 
«  L’écriture dite inclusive, ignorante de la langue française, laide, sourde, simpliste, moraliste et d’ailleurs illisible, appropriée à des relations en chien de faïence, constitue un signe manifeste de l’auto colonisation américaine, séparatiste et communautariste, opposée à la coprésence esthétisée de cette idéalisation en langue française. Ainsi sans la brumisation du e muet, la féminisation « genrée » s’active dans le même sens que l’écriture dite inclusive, dont on s’aveugle à ne pas voir qu’elle est exclusive : soumise aux représentations américaines, elles en propagent les pratiques, political correctness, sexual harrassment, juridisme… »

mercredi 9 juin 2021

Chartres # 1.

 
Nous retrouvons donc la voiture 
et roulons vers Chartres par l’autoroute, quittée à Eaubonne pour déjeuner. 
Nous dénichons avec un peu de difficulté un restaurant italien ouvert, « la dolce Vita », servis par une jeune fille timide sous l’œil vigilant et pédagogique du patron/père.
Une fois repus de spaghetti bolognaises, nous ne sous éternisons pas dans la ville d’Eluard et d'Alain Chamfort. L’autoroute nous rapproche de Paris.
Vers Versailles, l’A 83 plonge curieusement  sous terre dans un tunnel long de plusieurs kilomètres. Nous nous arrêtons sur une aire d’autoroute à 20 km de notre destination car nous ressentons le besoin d’une petite sieste, satisfaite dans l’auto.
De nouveau d’attaque, nous laissons le GPS nous guider vers Lucé. Nous y retrouvons le propriétaire de notre Airbnb. Il nous fait faire le tour de l’appartement, qu’il utilise quand il ne réside pas à Paris. Le logement est sympa, vaste et aéré, bien équipé.
« Mais vous apparaissez, reine mystérieuse.  
Cette pointe là-bas dans le moutonnement  
Des moissons et des bois et dans le flottement 
De l’extrême horizon ce n’est point une yeuse (chêne vert) » Charles Péguy
Chartes où Jean Moulin fut préfet est à 5 ou 6 km de Lucé. 
Nous nous y rendons en voiture, et après nous être  embarqués dans les rues très étroites de la vieille ville, nous trouvons à garer la Clio  près de la rue aux juifs. 
Nous déambulons au feeling, arpentant des voies pentues, 
au milieu d’anciennes et jolies maisons moyenâgeuses à colombages 
il y a l’escalier de la Reine Berthe,
 
ou la maison du saumon 
et bien d’autres encore.
Au sommet domine la cathédrale Notre Dame, au gothique flamboyant  plutôt sobre,
flanquée de tours asymétriques, 
d’une rosace
et  parée de statues oblongues.
Dans le  tympan central réside le Christ entouré des quatre évangélistes figurés par le lion, le taureau, l’aigle et l’ange,
quant à  celui de droite, il est dédié à la Vierge ; nous renonçons à découvrir l’intérieur où un prêtre célèbre la messe, nous reviendrons demain pour une visite plus approfondie et munis d’un livre spécialisé  acheté dans un magasin voisin.
Nous dinons au café du Général (croque-monsieur, glace ou salade fitness et bières) en attendant le son et lumières  projeté sur la cathédrale.
2 programmes s’enchaînent : le 1er poétique rappelle le sacre d’Henri IV dont on dit qu’il franchit la nef à cheval et le 2ème  parcourt les siècles et  l’Histoire de ce patrimoine religieux.
Une fois de plus, nous sommes séduits par ce type de  spectacles, gratuit mais de qualité qui réveille ces vieilles dames par des couleurs et des récits instructifs.