mardi 4 mai 2021

Wanted Lucky Luke. Matthieu Bonhomme.

L’album recommandé par « Le Monde » vient cinq ans après celui qui osa envisager le drame pour l’indestructible personnage
Cette série qui s‘amorce ne reste pas dans l’ombre du cow-boy prompt à dégainer. 
Il rencontre cette fois trois belles : une rousse, une blonde, une brune, habiles de la gâchette.
Les crotales, les Apaches, les chariots et les canyons sont là, ainsi que le fils de Phil Defer voire un cousin d’une famille familière du solitaire plus solitaire que jamais.
Il ne s’agit pas d’une parodie de l’original ni d’une suite de la série prestigieuse. 
Tout en comprenant les clins d’œil aux amateurs familiers de l’accro à la cigarette passé au brin d’herbe, avec des dessins fidèles au genre western, nous sommes amenés à des questionnements, bien entendu sur la place des femmes, sans lourdeur démonstrative qui viendrait amenuiser le plaisir d’un scénario bien construit.   
Les retournements ne manquent pas, le récit commençant par la fin habituelle et le justicier retrouvant sa tête mise à prix,  amènent des péripéties originales. 
La ville fantôme traversée d’herbes virevoltantes va renaître grâce au chemin de fer, un cabaret va ouvrir. Nous sommes rassurés ; l’église est toujours au centre du village et l’Ouest toujours à l’Ouest.

lundi 3 mai 2021

Niagara. Henry Hathaway.

En 1953 on s’émerveillait de la couleur en scope et de la rouge robe de Marilyn, mais le noir de cette catégorie de production s’est effacé avec le temps.
Ce film a le charme kitch d’un vieux Paris Match à feuilleter sans prendre le temps de le relire : la psychologie très sommaire des personnages disparaît derrière les vrombissements et les éclaboussures du site exceptionnel « des eaux tonitruantes »à la frontière des EU et du Canada.
La belle ne se démaquille jamais et garde en toutes circonstances sa démarche exagérément chaloupée, son mari trompé bien que taciturne se confie d’emblée à une voisine d’hôtel en voyage de noces, dont le mari à l’éternel sourire agace autant que son ridicule patron.
Quelques plans sont magnifiques et l’on peut distinguer les scènes tournées en studio accentuant certains artifices du scénario qui réserve quand même des surprises avec un dénouement préparé par une tension croissante.

dimanche 2 mai 2021

Amour/chien fou. Arthur H.

Sous des musiques «  électro-disco-rock-chaotiques » comme A.H. les décrit lui même, deux C.D. rapprochent « Dr. Jekyll et Mr. Hyde » plus proches que ne le laisse entendre le projet.
En « Brigade légère » le fils du grand Jacques Higelin montre un sens de la famille certain, parmi frère et sœurs : 
« Allez mon père
Ta grande voix
Résonne encore »
Il développe pour sa maman : « La boxeuse amoureuse ».
Il voyage « Sous les étoiles à Montréal ». 
« Musique hypnotique et le thé trop chaud
Princesse mexicaine au sourire de Mona Lisa » 
et « I lost my name » in a « Tokyo kiss ».
Sa voix portée sur la nostalgie convient bien aux racontages que j’apprécie davantage en version CD intime que sur scène,
contrairement à d’autres spectacles, par exemple avec Bartabas sur un écran de télévision où la puissance de ses cérémonies en présentiel s'est affadie. 
« Lily Dale symphonie » :  
« Oh Lily, where are you been ? » 
Il ne faut pas avoir peur de « La dame du lac » 
«  De ses maléfices inefficaces
Ses sortilèges s’effacent ».
Les innovations discrètes du fond sonore conviennent bien à la rêverie dans « Inversion mélancolique », lorsque « je ferme les paupières » dans « Moonlove fantaisie » ou au moment d’aborder «  Le passage » : 
«  Plus léger que la neige
Tu n’emportes qu’un sourire ».
 Le familier de « Nosferatu » : 
« Je suis l’ennemi
Nuits infinies »
rencontre une « Assassine de la nuit » qui doit avoir quelques atouts :  
« Je te sphinx, tu me félines
Je te démon, tu me divines ». 
Le « Carnaval chaotique » ou « Moon love déesse »  sont un peu trop démonstratifs à mon goût mis en condition cette fois par des ambiances plus feutrées. 
Comme loin de moi plane le « Super héros de l’instant Zéro ».
« Il-Elle » dit bien : 
« Elle est beau
Il est belle » 
Et au pays des rouges cœurs, les images de la dernière chanson renouvellent les couleurs quand la musique s’assoupit :
« L’amour est un chien fou
Qui court sur l’autoroute
L’amour est un loup doux
Hurlant sa lune blanche »

samedi 1 mai 2021

La sexualité. San Antonio.

Quelle jubilation de retrouver un San A de 1971 ! Dans ces années là, le lycéen que je fus, après avoir préféré le natif de Saint Chef (Dard Frédéric) à celui du chef lieu du département (Beyle Henri dit Stendhal), en avait pourtant déjà épuisé les charmes que Dubout ou Sam avaient mis en valeur dans leurs dessins.
Mais faire reluire les souvenirs embellit l’âge mur. 
« Le temps m’est venu d’avoir le temps. J’ai trop tellement fait la fine bouche avec lui ! Trop minaudé, trop… temporisé. Il m’intimidait, le monstre, me blasait. Par quel bout l’attraper ? Comment faire couler la rampe sous la main sans se brûler la paume ? »
L'intitulé est sans surprise, alors que l’auteur disparu en 2001 avait été créatif à ce titre : de « Remets ton slip, gondolier » à « Bosphore et fais reluire » parmi 180 appellations contrôlées au Fleuve Noir. L’invitation de la quatrième de couverture mêlant le gras et le grave était appétissante : 
« Et puisque notre destin commun est de finir dans un trou, fasse le ciel qu’il ait du poil autour ! »
Je croyais me dépayser, revenir à des années truculentes, alors qu’il est question d’une épidémie … d’impuissance qui s’abat sur les puissants de l’Europe : Mac Heuflask,  Van Danlesvoyl, Von Dârtischau ou le signor Qualebellacoda. 
« Fiasco général chez les glands de ce monde ! Sonnerie aux molles pour Popaul, Nestor et les autres ! » 
Le commissaire mandaté par le Z.O.B. (Zoological Operation for Beatitude) va résoudre  les problèmes avec l’aide de Béru et de sa gravosse.
Si je regrette les excès du politiquement correct, les appréciations concernant les homosexuels m’ont parues datées, mais on ne peut pas dire qu’il fasse de la « grossophobie » pour tâter des critères de la police des polices (de caractère).
Je me suis un peu lassé avant d’arriver à la 345 ° page, ayant pourtant retrouvé sa fluviatile plume, ses adresses originales au lecteur, voire comment se tirer de situations très compromises. Si son inventivité langagière atteint des sommets dans l’énumération des positions amoureuses et bien que « L'lâche censeur pourlèche à faux » date de « Béru Béru », il y a ici de quoi renouveler le stock.

vendredi 30 avril 2021

Et après ? Hubert Védrine.

Ces 136 petites pages pourraient être rassurantes de la part d’un commentateur délivré de ses missions diplomatiques (5 ans au Quai d’Orsay) aux propos modérés et documentés  toujours agréables à entendre.
Le titre marque l’urgence, bien que « les renardeaux s’invitant au père Lachaise » portent la marque d’un premier confinement dont on retient la pureté du ciel, alors que celui-ci s’est assombri depuis.
Le « monde d’avant » n’a pas vu venir la pandémie, est-ce que celui d’ « après » dont les contours sont fantomatiques, pourra concilier la solidarité et l’interdépendance, la technologie  et l’humain ? Etre plus équitable ? 
«Outre ce que la pandémie a révélé brutalement aux plus distraits, il y a aussi  des risques qu’elle a réveillés, toutes les régressions possibles dans les comportements internationaux vers un monde plus brutal encore, à commencer par le bras de fer entre les Etats-Unis et la Chine, l’affirmation hégémonique de la Chine en Asie du Sud Est, les affrontements au sein de l’Islam, etc. » 
Le fin connaisseur des rouages de la mondialisation développe une de ses réponses : « l’écologisation » comme processus de transformation de l’agriculture, de l’énergie, des transports, du bâtiment, du système financier, de l’industrie (l’activité numérique représentait en 2019, 4% des rejets de gaz à effet de serre, plus que le trafic aérien).
Au pays le plus pessimiste du monde :« nous ne le sommes pas à cause de nos handicaps, mais handicapés par notre pessimisme », la modestie de celui qui est un expert se remarque. 
Il cite beaucoup d’autres responsables, des géopoliticiens, des écrivains, des PDG et parmi les économistes : 
« Daniel Cohen s’attend à la fin du capitalisme mondialisé, à une accélération du capitalisme numérique, de réseaux, à une économie sans croissance ».

jeudi 29 avril 2021

Ceux de 14. Figaro hors série.

Du temps de ma jeunesse, lecteur de Libération, il se disait quand passait un corbillard que le Figaro perdait alors un lecteur, je ne lis plus Libé et les crématoriums se sont installés loin des rues passantes.
La devise due à Beaumarchais « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. » figurait en dernière page du journal d'une droite plus fréquentable que le camp des populistes aux matins désenchantés.
Le thème de « La Grande Guerre  de 14 /18», d’ailleurs rarement écrit sous cette appellation  tout au long de ces 114 pages, est toujours porteur de sentiments forts, quand se comptent en dizaine de milliers les morts en un jour ou les volontaires défilant avec Hemingway à New York avant de traverser l’Atlantique.
Les productions sont encore nombreuses à ce sujet,
Cette publication au moment où Maurice Genevois, était reçu au Panthéon
«  Ce que nous avons fait, c’est plus qu’on pouvait demander à des hommes »  
permet de réviser quelques acteurs de cette guerre. 
« Tu n’en reviendras pas 
Toi qui courais les filles 
Jeune homme dont j’ai vu
Battre le cœur à nu 
Quand j’ai déchiré ta chemise » Aragon
Du « Dieu que la guerre est jolie » de Guillaume Apollinaire 
à Cendrars : «  Cette pute d’existence »,  
Péguy mort au front :  
«  Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles 
Couchés dessus le sol à la face de Dieu », 
Barrès: «  Debout les morts » : 
les citations peuvent pleuvoir, toutes remarquables, elles nous excuseront de ne pas retourner «  A l’Ouest rien de nouveau », ni approcher «  Le feu », pas plus que « La comédie de Charleroi » de Drieu la Rochelle, pourtant : 
«  Les hommes qui ne savent plus créer de statues, des opéras, ne sont bons qu’à découper du fer en petits morceaux. Ils se jettent des orages et des tremblements de terre à la tête, mais ne deviennent pas des dieux. Et ils ne sont plus des hommes ».
Les présentations sont variées et la liste de tous ces auteurs considérables serait bien fastidieuse menant jusqu’à Radiguet dont « Le diable au corps » fit dire à Paul Morand  
« Une peinture effrontée de grandes vacances au milieu des croix de bois ».
Des présentations bien écrites dynamisent la lecture et mettent en évidence l’absurde chez Barbusse: 
« Cette guerre c’est la fatigue épouvantable, surnaturelle » 
alors que chez Dorgelès la vie l’emporte. 
Dès 1929, Jean Norton Cru, ancien fantassin,  jugeait  
« sacrilège de faire avec notre sang et nos angoisses de la matière à littérature », 
avait classé deux cents quarante six auteurs, de l’excellent Genevois au nul Montherlant.

mercredi 28 avril 2021

Lens # 3

Nous quittons  notre guide vers 17h
http://blog-de-guy.blogspot.com/2021/04/lens-2.htm
et après avoir hésité, nous décidons de consacrer cette fin d’après-midi à Notre Dame de Lorette.
La voiture nous transporte vers ce mémorial impressionnant de la guerre de 14, gardé par des surveillants aux allures d’anciens combattants.
Le site s’élève  en haut d’une colline dominant la plaine. 
Il dispose d’une église de style byzantin, reconstruite et d’une haute tour appelée lanternon dans laquelle reposent des cercueils noirs contenant les corps non identifiés de soldats morts à la guerre d’Indochine. 
Autour  de ses deux édifices, des croix uniformes s’étendent sur une belle superficie, strictement rangées et alignées au milieu d’une verdure bien entretenue ; il arrive que les tombes du  père et du fils  d’une même famille voisinent, morts pour la France pendant la 1ère et la 2° guerre mondiale.
Pour  les dépouilles de 5000 soldats inconnus, deux enclos leur ont été consacrés.
Nous sortons de l’enceinte du cimetière, qui va fermer ses portes et traversons la route pour accéder à l’anneau du souvenir. 
Les noms des combattants, de toutes nationalités et de tous camps, Français, Allemands,  Britanniques,  Australiens, Canadiens...
tombés dans le secteur sont gravés et classés par ordre alphabétique sur de grands panneaux de métal organisés en cercle.
579.606 noms.
Une épitaphe  explique le parti pris d’honorer la mémoire de tous ces « hommes jeunes, qui savaient presque tous lire et écrire. »
La vie continue paisiblement tout autour; dans les champs cultivés patientent de grands rouleaux de paille et des engins agricoles ont été abandonnés par les hommes après leur travail de la journée.
Nous avons envie de tirer jusqu’au Mémorial national du Canada à Vimy. L’édifice financé par leur pays se dresse à l’emplacement même du terrain reconquis par les Canadiens.
Gigantesque et d’une pierre blanche éblouissante sous le soleil, il se sépare en deux tours : l’une en mémoire de la France et l’autre, du Canada. 
Que nous sommes petits à côté de ce monument situé sur une hauteur et visible de loin dans cette région tellement plate !
Il est trop tard pour la visite d’une  tranchée restaurée et fermée à cette heure  ou pour nous rendre au cimetière, mais nous pouvons apercevoir le terrain tout bosselé de cratères.
Sur le chemin de l’aller comme du retour et partout dans le secteur, nous aurons croisé grand nombre de cimetières militaires et des monuments aux morts, dédiés à des soldats français ou marocains, australiens ou anglais.
Nous regagnons Lens pour nous attabler à l’estaminet « Le pain de la bouche », près de la gare que nous avons retenu sur les conseils de l’Office du Tourisme. Ce vieil établissement est resté dans son jus, où la peinture verte a pâli derrière de vrais objets de brocante. Au menu, nous choisissons une salade de harengs/ sardines/ pommes de terre/salade verte ou une faluche de l’Artois après un Spritz vacancier. Nous n’arrivons pas à finir et en lisant la description des plats à base de fromage et de crème, en voyant la quantité  dans les assiettes, nous en déduisons que la gastronomie locale ne peut être que favorable à l’embonpoint… Nous ne nous éternisons pas et rentrons nous reposer, la journée a été très remplie.