dimanche 30 novembre 2025

Vanessa Wagner.

Notre rendez-vous mensuel musical à 11h le dimanche a des airs calotins remontant à des enfances pieuses se rappelant des cloches d’antan. 
Cette fois dans l’auditorium comble de la MC2, Vanessa Wagner, la pianiste d’une grande notoriété, chevalière de la légion d’honneur, alterne Philippe Glass et Jean Sébastien Bach avec une virtuosité qui mérite tous les agenouillements. 
Dès la première note, je fus sous le charme et si je reconnaissais la fluidité apaisante du luthérien allemand, je suivais, fasciné, les mains de la pianiste pour les constructions fascinantes du juif newyorkais qu’il est encore permis d’entendre. 
Rien qu’un piano et nous voilà sous le dôme des mélodies entre études et préludes au-delà des soucis, des petitesses, au royaume des compositeurs surhumains par l’entremise d’une interprète impressionnante. 
Le minimaliste contemporain gagne en poésie et le géant baroque du XVIII° apporte sa sérénité à la petite fille qui posait sa tête sur l’épaule de son papa et à tous les paroissiens.

samedi 29 novembre 2025

Le pays dont tu as marché la terre. Daniel Bourrion.

Le titre ne ment pas en annonçant un style singulier en adéquation avec son sujet, sans rechercher à épater le lecteur.
« Je ne sais par où commencer, cela remonte au loin, suffisamment pour avoir laissé à quelques décennies tout le loisir de mâchouiller le peu qu’il reste de l’époque et tout autant de nous. » 
Ce retour vers un personnage de son enfance rejoint mes préoccupations autour des souvenirs et de leur restitution, surtout quand il s’agit d’un être mystérieux, solitaire, toujours absent, maintenant disparu.
Le mérite de l’auteur revenu au village est de revivifier les mots les plus simples prononcés par celui auquel il consacre 125 pages honnêtes, aimables. 
« J’habite toujours ici ». 
Cette recherche littéraire en train de tâtonner, au service du lien avec ses semblables, transportant les regrets d’avoir manqué des occasions, respecte les secrets de ceux qui apparaissent dans ce livre édité par Héloïse d’Ormesson. 
« Je n'ai que peu de peine à peindre cette solitude. Je peux parfaitement me la représenter. 
Ces tiennes routines, manger, dormir, boire, fumer, attendre la suite qui était très exactement la même histoire, je sais ce qu'elles peuvent être. Lentement, sans même y prêter garde, on voit le temps se brouiller totalement. Même les mots qui ne servent plus, on finit par les oublier, jusqu'à atteindre le dernier. » 
Ce livre touchant fait du bien parmi tant de propositions revanchardes, lourdes, sans recherche.
Cette poésie fraternelle, amenant « les gens de peu » à la lumière, nous réchauffe.

vendredi 28 novembre 2025

Responsabilité.

A l’image des chevaux ombrageux, voilà que les grands mots m’effraient, comme celui du titre qui pouvait occuper toute une vie, jadis. 
Pourtant j’avais déjà décliné, le mot. 
Je persiste à déplorer l’effacement de l’implication de chacun dans sa propre trajectoire.
L’individu, fils de toute une dynastie d’enfants-roi, préférant se placer en victime, estime que ce sont toujours les autres les fauteurs de difficultés, alors que Moimoi ne prend pas tellement part à la marche de la société bonne fille. 
La confiance et le respect ayant fui, la démocratie souffre.
De subventions à l’industrie à l’arrosage des vignerons pour arracher leurs vignes, 
la collectivité est constamment sommée d’agir.
Toujours plus de moyens sont demandés à l’Etat, entité abstraite en poils de bouc émissaire à laquelle on refuse toute contribution nouvelle.
Les maîtres d’un destin sans Dieu ni tribun, en sont pourtant toujours à se plaindre. "Le vertige écologique et la fragilisation économique" seraient des excuses pour les drogués. Quelques bien-pensants ne veulent surtout pas culpabiliser les consommateurs alimentant de puissants réseaux de narco trafiquants aux mœurs capitalistes des plus sauvages. 
Ni responsable, ni coupable.
Je me mets dans la file des amateurs d'absurdités et remarque dans un vieux film un bellâtre au moment de sa déclaration qu'un robot sans I.A. aurait pu formuler: 
« Si un jour je te fais mal, ce ne sera pas de ma faute ». 
Ma position de boomer me conduit à jouer souvent en défense, mais arrivé en haut du cocotier, de celui qu’on secoue pour faire tomber papou, j’assume aussi mes options de citoyen, de père, de grand-père, de mari, d’ami …
A la manière d’un Clémenceau affirmant 
« la Révolution française est un bloc dont on ne peut rien distraire », 
j’aime « en même temps », à contre temps de tant de tambourineurs, 
les contradictions de mon pays, ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas.
On en arrive à manquer de mots comme le délicat Souchon doutant que « les français soient assez cons… » Et bien qu’il n’y ait pas d’autres raccourci en territoire populiste, il se montre contreproductif.
Le G 20, la Cop 30 ne disent plus rien. Trump fait peur au monde, à tout le monde.
Nos députés votant contre un budget par eux discuté paraissent anecdotiques bien que membres éminents du royaume de l’absurde. Ils s’amusent à l’abri de l’Europe mastrichienne, que certains vilipendent encore, alors que l’€uro nous a épargné dévaluation et autre crack.
Accablés de lointaines nouvelles catastrophiques où s’épuisent les clichés de chute de la falaise, la proximité vaut essentiellement pour le contenu de notre assiette, alors que nous n’avons pas vu qu’un proche n’était pas vraiment dans son assiette.
Pour se détendre, mon journal propose à la page des films de la semaine : 
l'enregistrement d’une fillette palestinienne avant sa mort, un documentaire avec les rushs de « Shoah », « Une traversée de l’Amérique des marges », « Queer panorama », « Hell in paradise »… « La monstruosité filmée au cœur de la maison familiale ». 
La fréquentation des salles de cinéma serait en baisse. 
« L'homme est responsable de Dieu. » 
André Gide

jeudi 27 novembre 2025

Dunkerque # 2

Nous nous orientons ensuite vers le musée maritime et portuaire situé au bord du bassin du commerce. Il occupe un ancien entrepôt à tabac du XIXème siècle.
Deux voiliers à plusieurs mâts en marquent l’entrée. Il s’agit de « La duchesse Anne » parfaitement restauré qui  impressionne avec ses nombreux  cordages savamment installés
et du bateau-feu « Sandettié »,
véritable phare flottant d’un rouge rutilant. 
Ils se visitent, malheureusement les horaires ne nous permettent pas d’y accéder.
Nous nous contenterons du musée à la fermeture plus tardive.
D’entrée, il nous parait bien fait, clair et, bien sûr, à la gloire de Jean Bart.
Nous y apprenons que  Louis XIV racheta Dunkerque aux Anglais en 1662. Ceux-ci  trouvaient  que la ville qui leur avait été cédée en 1658  pour prix de leur alliance contre l’Espagne leur coutait trop cher à entretenir ; Louis XIV l’arma, la fortifia grâce à Vauban, l’architecte militaire en fit une place imprenable entre le port difficile d’accès à cause des bancs de sable et les bastions bien  répartis équipés fortement de canons,  ne laissant aucun angle mort. Le musée s’organise autour de trois thèmes principaux :
Le Capitaine Jean Bart  corsaire émérite du Roi, 
La pêche à la baleine et à la morue (d’Islande au cap Horn),

 La 2ème guerre mondiale,  destruction et reconstructions, les compagnies maritimes.
Beaucoup de maquettes de goélettes, de frégates, de méthaniers, de grues, de  porte- containers, des  objets de pêche, d’époques différentes s’emploient à  illustrer ces thèmes concrètement.
Nous quittons les lieux à l’heure de la fermeture pour  regagner tranquillement l’emplacement où nous avons laissé Gédéon, prénom de notre Clio.
Pour cela, nous longeons  les quais de la citadelle, flânons devant les bateaux de plaisance amarrés, changeons de rive au niveau de la tour du Leughenaer sur la place du Mink, 
et continuons jusqu’au beffroi municipal  bordé de massifs de fleurs où
des indices rappelant le passage du tour de France subsistent.
Puis nous récupérons Gédéon, à 2 pas à pied du Airb&b, avec parking gratuit dans la rue. 
Nous prenons possession d’un mini, très  mini studio pourvu d’un lit  coulissant rangé sous la cuisine surélevée, d’une douche s’ouvrant  sur la cuisine, mais offrant un petit balcon équipé d’une table et deux chaises pour profiter du soleil présent.
Niveau son, des mouettes concurrencées par des goélands hurlent à qui mieux mieux.
Ces insolentes effrontées se posent sur le toit des voitures, se délestent de leur fiente, s’approchent des terrasses des restaus, elles bouffent les serviettes en papier à carreaux blancs et rouges volées ou abandonnées par terre.
Nous tentons d’aller à l’épicerie générale proche de la maison d’arrêt indiquée dans notre logement, étant soi-disant ouverte tout le temps, mais la trouvons fermée.Alors nous  marchons jusqu’à la place du beffroi puis place Jean Bart aménagée avec des attractions estivales et un portique avec maillots du tour de France, comme celui déjà repéré devant l’hôtel de ville.
Nous dinons dans un Pitaya, pour digérer, nous nous promenons dans le quartier commerçant plutôt coquet, jusqu’aux quais colorés par le soleil couchant. 
Retour au bercail,  pas de TV ce soir.
Quelques remarques sur Dunkerque :
Dunkerque veut dire : église de la dune
Le drapeau de la ville  avec ses bandes rayées blanches et bleues marine ressemble au drapeau breton sans l’hermine.
Les transports urbains sont gratuits. 

mercredi 26 novembre 2025

William Hogarth. Serge Legat.

Dans le cadre du cycle « Rien que la peinture anglaise » en son premier chapitre devant les Amis du musée de Grenoble, le conférencier situe le contexte avant Hogarth avec lequel l’école  de peinture anglaise débutera. 
L’auteur du remarquable tableau peint vers 1600  « Les Dames Cholmondeley », lui, demeure anonyme.
Au temps
de François premier, Charles Quint et Souleymane le magnifique, Henry VIII, un Tudor, a fait appel au flamand Joos van Cleve 
et à Holbein le germanique pour ses portraits.
Rubens, l’Anversois, réalise le  « 
Plafond de la Banqueting House » pour Jacques 1°,
un Stuart
Van Dick
, né à Anvers, mort à Londres, devient le peintre attitré de Charles 1°.
« Le Roi à la chasse » appartient au Louvre après qu’il fut acheté par madame Du Barry 
qui se cherchait une généalogie prestigieuse.
Sir Peter Lely
, en réalité Pieter Van der Faes,  était lui aussi d’origine néerlandaise. « Henriette-Marie de France ».
William Hogarth
ne se séparera pas de son « Autoportrait à la palette ».
Né en 1687 à Londres, fils d’un maître d’école emprisonné pour dette, il apprend le métier de graveur sur argenterie et fonde son propre atelier de gravure sur cuivre. 
Ses portraits modernes et moraux lui assurent une certaine reconnaissance.
« L’opéra des gueux »
satire de la société parodie l’opéra classique: deux femmes s’adressent à leurs pères un avocat véreux et à un gardien de prison vénal, pour la libération du bandit au centre de la scène qui leur a promis le mariage à toutes deux.
Hogarth peint ses « Domestiques » en touches légères,
« Miss Edwards »  une riche héritière,
ou le philanthrope « Thomas Coram ».
Le charmant portrait très vivant des  « Les enfants Graham » fera beaucoup pour sa gloire.
Le destin d’un libertin se termine à l’asile à l’issue d’une série de huit tableaux
« La Maison des fous » où se retrouve à chaque étape de sa déchéance une promise, fidèle, pathétique et ridicule.
«  Le lever du roué »
 au milieu d'une cohorte de flatteurs, se moquait de l’apparat français.
Sa série la plus célèbre « Le mariage à la mode » dénonce l’union arrangée entre un noble désargentée et la fille d'un riche bourgeois.
Le portrait de la « Famille Strode »  offre un aperçu de la vie d’un riche marchand d'alors.
En peignant l’acteur « David Garrick dans le rôle de Richard III » de Shakespeare,
il rejoint par le théâtre la prestigieuse peinture d’histoire comme avec  
« Ghismonde pleurant Guiscardo en serrant son coeur contre elle ».
L'épouse de Hogarth aurait dit à des visiteurs à propos de l’’étude :
«  La marchande de crevettes »
   
« Voici de la chair et du sang rien que pour vous ».
Dans son autoportrait « The Painter and His Pug », sa palette au dessus de laquelle s’inscrit une ligne serpentine , en équilibre entre la droite et la courbe, 
est celle de l’élégance comme ses gravures ont été celles de l’humour.  
Le chien, un carlin s’appelle Trump. 
Les ouvrages de Shakespeare, Milton les classiques et Swift le satiriste mis en évidence, l’inscrivent comme un intellectuel, le premier des peintres anglais s’affranchissant du continent. Il donne le ton à une anglomanie concernant les tissus, les céramiques, les jardins, les habits, les idées, le punch et le thé… 
« Mon tableau est mon théâtre, et les hommes et les femmes sont mes acteurs qui, grâce à certaines actions et expressions, doivent exécuter une sorte de pantomime. »  
La loi instituant le copyright, protégeant les artistes porte son nom.  Le surintendant des œuvres de sa Majesté George II meurt en1764.
David Hockney lui rend hommage avec  « Kerby » du nom de l’éditeur d’un traité
où il avait accumulé les aberrations dans les perspectives.