dimanche 24 septembre 2017

Réparer les vivants. Sylvain Maurice.

Le CDN (Centre Dramatique National) de Sartrouville et son acteur Vincent Dissez, son musicien Joachim Latarjet,  ont parfaitement rendu la finesse et la force du roman de Maylis de Kérangal, son empathie, qui reprenait en titre une partie de la formule de Tchékhov :
«Enterrer les morts, réparer les vivants »
trouvée « comme un ticket d’or dans une tablette de chocolat ».
Tout est là, organique et symbolique, en noir et  blanc, sous des lumières de scialytique, les vivants vivement campés, la renaissance, et le mort, la mort redéfinie.
 « L'arrêt du coeur n'est plus le signe de la mort, c'est désormais l'abolition des fonctions cérébrales qui l'atteste. En d'autres termes : si je ne pense plus alors je ne suis plus. »
Le récit  d’une transplantation d’organes, réduit ici à une heure et quart, a des précisions scientifiques, porte des émotions, et donne matière à réflexion, tout en restituant la poésie, la chaleur d’une langue qui va à l’essentiel et au-delà. Il constitue un bel hommage aux travailleurs de la vie, de la nuit.
Le jeune qui vient de mourir était-il généreux ? Comme tous, il râlait quand il n’y avait pas de coca dans le frigo. Ce détour par la banalité des jours met en relief des mots qui nous soulèvent :
« … la porte d'une caverne merveilleuse est soudain obstruée par un rocher ; le passé a soudain grossi d'un coup, ogre bâfreur de vie, et le présent n'est qu'un seuil ultramince, une ligne au-delà de laquelle il n'y a plus rien de connu. La sonnerie du téléphone a fendu la continuité du temps… »
Le tapis roulant sur lequel court le comédien est une bonne trouvaille de mise en scène qui ponctue les moments forts, souligne l’importance du temps et du corps, l’urgence, nous laisse souffler et  pourtant n’essouffle pas l’acteur remarquable qui va au bout de l’intensité sous des musiques qui imitent les machines et les battements, sans illustrer platement.
 « Le cœur est explanté du corps de Simon Limbres. On peut le voir à l’air libre, c’est fou, on peut un court instant appréhender sa masse et son volume, tenter de capter sa forme symétrique, son double renflement, sa couleur carmin ou vermillon, chercher à y voir le pictogramme universel de l’amour… »

samedi 23 septembre 2017

Le nouveau pouvoir. Régis Debray.

Il fait toujours bon revenir à l’original.
« Plus l’écran se miniaturise, plus l’usager se mondialise, et plus le mini pousse au méga »
J’avais bien lu dans la presse quelques bonnes feuilles d’un des représentants des plus séduisants du vieux monde :
« qui tantôt font rigoler et tantôt attendrissent avec leur deuil interminable. Ces rejetons du grand écran- les petits-neveux du Cuirassé Potemkine et de Viva Zapata- avaient eu le tiers-monde pour terre de salut. »
Même si je n’avais pas besoin de ce teasing pour me précipiter sur ces 96 pages,
j’ai cru à la critique reprochant à mon maître d’avoir caricaturé la religion réformée : je n’ai rien trouvé de tel dans son opposition :
« Néoprotestantisme mondialisé » / « catho-laïcité ».
Si le directeur de la revue Médium est toujours aussi alerte, l’efficacité de ses formules ne nuit pas à une richesse de pensée qui réveille le lecteur.
Je le soupçonne de n’avoir pas voté comme moi et Cohn Bendit au premier tour mais son approche du phénomène Macron est intéressante et change des invectives et petits procès contre productifs qui fleurissent sur les réseaux sociaux.
«  Notre grand réconciliateur des traditions de gauche et de droite a fort bien défini les trois catégories majeures d’appréhension du monde, les trois « esprits » au sens Esprit des lois, qui se partagent de tout temps les psychologies civiques :
 la confrontation (gauche), la négociation (centre), l’exclusion (droite). »
Il ne méprise pas l’objet de son étude mais lorsqu’il en vient à commenter la pensée de Ricoeur, je n’avais pas tous les éléments et n’ai pu saisir toutes les allusions.
Par contre lorsqu’il pointe : « Montre-moi comment tu vis, avec qui, tes factures et progéniture et je te dirai ce que vaut ton programme. » Je comprends tout. 
Transparence affichée, habitudes transversales venues des start-up, le contrat de préférence à la loi : la relation du protestantisme et du capitalisme n’est pas nouvelle. Mais si les évangélistes gagnent des parts de marché dans le monde, il est d’autres religions pour qui le vent souffle dans les voiles et qui travaillent un terrain qui n’apparaît qu’au moment des déflagrations sous les yeux de nos penseurs.

vendredi 22 septembre 2017

Le travail a-t-il un avenir ?

La maison des enseignants de Grenoble et de l’éducation tout au long de la vie avait invité quelques sociologues, politologues et une professeure de philosophie pour intervenir sur un thème que d’aucuns ont trouvé négligé par la gauche.
Mais que n’a-t-elle pas oublié, la belle endormie?
Ce qui m’avait paru novateur dans le marasme actuel, tel que « Le Revenu Universel » est renvoyé au piquet par Bernard Friot, en route pour la fête de l’Huma, organisée en même temps que cette rencontre qui avait rempli la salle de la maison du tourisme à Grenoble.
Il a mis dans la même corbeille : Hamon, Macron avec le FN et LR » et  demandé une « mesure de laïcité : la séparation de l’état et du MEDEF ».
Malgré ces outrances qui régalent les convaincus, le bougre est stimulant bien que peu dupe de son audience : « les livres de science sociales se vendent en moyenne à 400 exemplaires hors bibliothèques » nous apprend-il. Gageons que son dernier ouvrage « Pour vaincre Macron » aura plus de succès.
Le salaire à vie, qui bénéficie à un tiers des plus de 18 ans (fonctionnaires et retraités) serait par lui attribué à tout le monde et porté entre 1700 € et 6000 €. Le capitalisme serait aboli, les moyens de productions nationalisés et les entreprises gérées par les salariés comme en 17 (1917).
Il donne à réfléchir sur la notion de travail : lorsque l’on accompagne un enfant à l’école, quelle est la différence, selon que cette tache est réalisée par un parent ou par une aide maternelle ?
Et c’est une opinion de bon sens, loin des provocations, quand il estime qu’un enseignant est un producteur de richesse, contredisant tous ceux qui pensent la fonction publique essentiellement comme une charge.
Bien qu’illustrant son propos de référence à Croizat qui a mis en place à la libération : l’assurance maladie, les allocations familiales, le système des retraites… son propos porte surtout sur le travail abstrait.
Plus concrète est Danièle Linhart dont la description du taylorisme est éclairante quand celui-ci ne se résout pas à Charlot dans « Les temps modernes » mais se retrouve dans une « sur humanisation managériale » très contemporaine. En effet pour contrer la «flânerie systématique des ouvriers» aux yeux de patrons investisseurs qui connaissaient moins le travail que les professionnels, il fallait casser ces métiers, en permettant à tous d’accomplir des taches simples. «L’organisation scientifique du travail» était porteuse de progrès, le pouvoir passait de l’atelier aux bureaux : la bataille idéologique était gagnée.
Même si la « critique artiste » de 68 a proclamé « ne plus vouloir perdre sa vie à la gagner », l’individualisation va emporter tout sur son passage : les horaires variables sont pratiques pour conduire les enfants à l’école et la polyvalence moins monotone, les compétences sont reconnues par des primes à la tête du client. Il y aura bien des séminaires pour inventer un destin commun, mais les cercles de qualité font des ronds dans l’eau, loin de la fraternité des collectifs qui travaillaient ensemble depuis longtemps, pouvaient distribuer leurs tracts quand la sirène libérait tout le monde en même temps. Maintenant 75 % des emplois sont dans le tertiaire, alors la tendance lourde à tout psychologiser amène à faire porter à chacun un petit « bureau du temps et des méthodes », pour intérioriser les bonnes pratiques venues d’ailleurs : « je gère ».  Il s’agit de sortir de sa « zone de confort » après avoir respecté le code déontologique. Le changement perpétuel rend obsolète l’expérience, au pays de la financiarisation, le travail est dénigré, nous revenons au début du taylorisme avec ceux qui pensent et ceux qui exécutent, avec une cœrcition qui peut bien passer par quelques massages, la crèche dans la boite, méditation et jeu de rôle. Tant que ne sera pas remise en cause la clause de subordination, l’exploitation de l’homme par l’homme durera autant que le marché de Voiron.
Martine Verhlac avait introduit les débats en faisant référence à la Déclaration de Philadelphie (1944) de l’Organisation internationale du travail «  proclamant ce dernier comme un droit fondamental, participant de la justice sociale et d’un développement spirituel dans la liberté et la dignité ».
Je n’ai pas entendu les témoignages de « collaborateurs » d’Ecoplat qui devaient intervenir l’après- midi, ni la prestation de Paul Ariès, animateur du « Mouvement pour une décroissance équitable », messager du « passeport  universel »  et  coursier « du revenu universel ».
Mais  une personne  à qui j’ai proposé mon compte rendu avait apprécié :
« L'après midi? Ecoplat, une lutte longue, diversifiée, riche et dense d'enseignements de tous ordres (engagement de chacun, lequel et comment et quelle durée), éclairée et suivie par une personne qui rédige son mémoire de psychologue du travail sur le sujet.
Puis le GAEC de Ste Luce, 4 au départ, 15 maintenant, associés et salariés. Evolution de "l'entreprise" à la campagne, organisation précise du travail dans un souci d'équité constant; bravo!
Très édifiant tout ça!
Quant à Ariès, fonceur, convaincu, et conférencier, belle ouverture finale de cette journée. Il a cité des exemples où ses utopies fonctionnent.
Utopies? Il y a quelques décades, le vote des femmes en était une (ce n'est pas de moi mais de ce Hollandais que l'on entend sur les ondes en ce moment, proposant à fond le RUB)! »
……..
Un dessin parmi d’autres du « Canard » de cette semaine :

jeudi 21 septembre 2017

Gauguin : la fugue et la couleur. Damien Capelazzi.

Il y a toujours à découvrir, même chez les artistes dont l'identité se dévoile au premier coup d’œil. 
Le conférencier, devant les amis du musée de Grenoble, nous a aidé à porter un regard nouveau sur une des personnalités essentielles pour comprendre la transition vers l’art contemporain.
De nombreux autoportraits du peintre voyageur se retrouvent dans le monde entier.
Universellement connu, l’inspirateur des Nabis avait dicté à Serusier leur tableau manifeste: "Le Talisman."
Eugène Henri Paul est le petit fils de Flora Tristan, d’origine franco-péruvienne. Bien qu’elle ne soit pas la fille cachée de Simon Bolivar comme elle en a fait courir la légende, celle-ci est considérée comme une des premières féministes : « L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. »
Le peintre est né en 1848, en temps de barricades. Le père, journaliste radical meurt sur le chemin de son exil vers le Pérou où le jeune garçon,  désormais toujours prêt à partir, passe une partie de son enfance. Revenu en France, après de médiocres études, il devient pilotin comme Manet puis sous-officier de marine. Il est embauché à la Banque Bertin comme agent de change grâce à son protecteur Arosa, amateur d’art chez qui il rencontrera Pissarro. 
Il se marie avec Mette Sophie Gad avec laquelle il a cinq enfants. 
Une crise boursière, en 1882, le conduit à quitter son travail.
Il se consacre entièrement à la peinture, qu’il pratiquait en amateur dans le style de Corot comme dans ce Chemin forestier. Mais il ne peut vivre de la vente de ses toiles exposées avec les impressionnistes. Après avoir cohabité auprès de sa belle famille au Danemark, il revient en France, avec un de ses enfants.
La Bretagne offre des hébergements moins chers que la capitale et Pont Aven fait école.
« J’aime la Bretagne, j’y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur le sol de granit, j’entends le son mat et puissant que je cherche en peinture. »
Dans l’effervescence de l’époque qui voit dans la famille des impressionnistes, l’émergence des divisionnistes, et des pointillistes, autour de lui, se forme un groupe  avec Paul Sérusier, Maurice Denis, Émile Bernard.
Il réalise le portrait de la soeur Madeleine Bernard (Musée de Grenoble). La proximité des pantoufles et d’une scène de danse, incite-t-elle à profiter de la vie  sans attendre ?
Les influences entre ces jeunes gens enthousiastes sont réciproques. La sculpture lui permet de simplifier sa peinture, et si l’art du Japon l’inspire ainsi que tous les arts exotiques, avec le cloisonnisme évoquant les vitraux bretons, les spécialistes de l’art placent le précurseur des symbolistes et des expressionnistes dans la famille synthétiste.
La danse des quatre bretonnes tranche avec les productions à la mode comme
Les Bretonnes au Pardon par Dagnan-Bouveret.
« Ne copiez pas trop d’après nature. L’art est une abstraction : tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qu’au résultat. »
La fête Gloanec « met le feu à la peinture ».
Théo Van Gogh a payé le voyage de Gauguin à Arles chez son frère Vincent à la recherche de la lumière du Japon, la rencontre créative fera des étincelles.
Il était déjà allé à Panama, en Martinique, il part à Tahiti, depuis 10 ans possession française,  à la recherche d’un Eden primitif.  Rupe Rupe (la Cueillette des fruits)
Il révèle le sacré dans la simplicité du monde avec Orana Maria (Je vous salue Marie) où l’ange Gabriel aux ailes jaunes est là, face à Jésus et sa maman.
Il se fait ethnologue et s’offusque des coutumes brisées, il entrera en conflit avec l’église.
Ses Femmes de Tahiti sont mélancoliques, pudiques, leurs regards gênés. La tristesse de leurs yeux éteint la lubricité dans les interprétations des frustrés de jadis. 
Mais qui nierait la sensualité des "Deux Femmes tahitiennes" ?
Dans les "contes barbares" l’homme a des griffes, le paradis est encore loin.
« D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » peint après la mort de sa fille adorée, reprend tous les temps de la vie et brosse une sorte d’histoire de l’humanité.
Paul Gauguin meurt en 1903 dans « la maison du jouir » aux Marquises, brûlé par l’alcool.  
 «Il est extraordinaire qu’on puisse mettre tant de mystère dans tant d’éclat.» Mallarmé

mercredi 20 septembre 2017

Venise en une semaine # 2

La nuit a été reconstituante sous le ventilateur et le silence. 
A 8h, courses au Spar installé dans un petit Théâtre de l’autre côté du canal pour acheter jus d’orange, et biscuits de fabrication locale, dont des "bussolai" en forme de « S » comme le Canal Majeur, après recherche il ne s’agissait pas des "zaletti" à la farine de maïs autre spécialité vénitienne.
Nous cheminons en ce matin radieux, accompagnés du chant des cigales, l’appareil photo toujours prêt, à travers le quartier Santa Croce puis celui du  Dorsodoro.  
Face à l’île de la Giudecca et son Ponte Longo, nous suivons la large promenade des zaterre, sous les rayons ardents du soleil réfléchis par le dallage de pierres blanches. Cependant, la chaleur est supportable, l’air léger.
Nous sommes attirés par le pavillon de l’île de Grenade qui participe à la biennale d’art contemporain: derrière des mobiles constituées de couvercles de conserves de poissons,
dans une pièce aux dimensions modestes, des toiles blanches suspendues imprimées comme des batiks avec des portraits dans les tons bleus, laissent percevoir en ombre chinoise de fins coraux fixés à l’arrière.
Dans la salle suivante trônent deux statues d’enfants en plâtre blanc portant des lunettes de natation et brassards recouverts de concrétions comme s’ils avaient longuement séjourné sous l’eau. L’idée est de Jason deCaires Taylor qui a travaillé depuis longtemps les sculptures immergées comme l’attestent des photographies de bustes humains recouverts  de madrépores. Quelques vidéos et une œuvre intitulée «  Trubli » installant dans une pièce noire des lunettes optiques sur deux plateaux en équilibre encadrés par le mot « vérité » écrit sur le mur dans toutes les langues, complètent cette introduction matinale dans la modernité de l’art.
Nous reprenons notre route sous le soleil pour regagner «  La punta della Dogana » qui exhibe en sa pointe une sorte de sirène contemporaine monumentale.
Elle abrite dans un bâtiment investi par François Pinault une exposition qui ne nous emballe guère : «  Tresures from the Wreck of the unbelivable » de Damien Hirst.
Le récit est tellement ambitieux qu’il en est vain et sonne le creux comme bidon. Il s’agit de la découverte fictive d’une épave contenant les trésors amassés par un esclave romain affranchi, d’où la présence de pièces de monnaie, bijoux et statues de différents matériaux mis en évidence sous des vitrines éclairées dans des pièces obscures.
Quant aux statues de pacotille, certaines à la cire perdue, elles sont réalisées dans des matériaux sans noblesse couverts systématiquement de coquillages divers, coraux chatoyants, ou anémones de mer, trop régulièrement répartis. L’ensemble évoque des produits dérivés de BD plus ou moins fantastiques. Au mur des vidéos nous montrent des hommes-grenouilles visant à donner l’illusion qu’ils ont découvert et fait émerger des objets venus du passé : un concept bien vite épuisé.
Grâce à une brochure en français, nous identifions tous les mythes revisités de l’antiquité égyptienne, romaine, grecque, orientaux ou autres avec Mickey et Dingo.
Nous retrouvons la lumière et la chaleur du dehors appréciée après la clim' exagérée du musée et prenons la direction du palais Grassi autre possession de Pinault pour une durée de 30 ans.
 Le billet de 18 € par personne acheté à la Pointe de la douane nous permet aussi d’accéder aux deux palais de la huitième fortune de France.
En chemin nous nous installons sur l’une des deux tables à l’extérieur de la trattoria «  Ai Cugnai » Dorsoduro. vio 857. Heureux choix. La salade de poulpes avec céleri, haricots verts, tomates et courgettes, ainsi que le foie à la polente enseveli sous les oignons, spécialité vénitienne, se révèlent délicieux. D’ailleurs des gondoliers ont réservé faisant renoncer de nouveaux clients appâtés.

mardi 19 septembre 2017

A boire et à manger. Guillaume Long.

Cette fois je ne suis pas retombé dans un trou de ma mémoire, comme lorsque je relis un livre déjà lu : ce titre avait déjà été utilisé dans un album lu précédemment mais paru après, sans que soit précisé de quel tome il s’agit. C’est que celui là est le premier de la série qui porte aussi le titre du blog que j’ai mis en lien à droite de cette page :
et c’est toujours le même plaisir. 
Cette fois Budapest et Venise sont les villes visitées pour les restaurants et les préparations personnelles inspirées par les produits locaux trouvés sur les marchés ou les supermarchés ; le pétillant dessinateur n’est pas sectaire. « Primesautier » dit de lui François Régis Gaudry dans la préface, animateur de l’émission  de radio «  On va déguster ».
L’humour et la pédagogie rendent les préparations appétissantes qu’elles soient simples ou plus sophistiqués. L’honnêteté conduit le lyonnais à faire part de ses enthousiasmes aussi bien que de ses déceptions avec ce qu’il convient d’exagération indispensable à toute conversation de tout français à table et qui cause de « bouffe » bien entendu.
Cette fois son amoureuse lui a offert un moulin à ail et si ça lui convient tant, ce n’est pas un hasard. Il rend hommage à son pépé et nous avons l’impression de faire partie de la famille. C’est bien là autour des saladiers, des gâteaux au chocolat, des cafés, des pignons fussent-ils d’une amertume persistante que s’épanchent les saveurs de la vie, s’écrivent les romans personnels.
Il adore manger les cerises sur l’arbre et l’odeur du poulet à la rôtissoire, comme tout le monde.  
Il peut suggérer de travailler l’ail des ours ou le radis noir, mais il est plus probable que seront repris sa pastèque féta, ou ses aubergines au four. Ses plats s’accordent avec les saisons et ses listes des produits de base qui doivent figurer dans nos placards et des ustensiles indispensables dans une cuisine, une planche avec toutes les sortes de tomates, font que cette BD peut être offerte à des débutant(e)s mais réjouira les plus avertis qui se rassureront de retrouver des recettes familières et des trucs pratiques qui font que la préparation du repas est un fête : pour fariner ses filets de poisson sans en mettre partout : les mettre dans un sac plastique.

lundi 18 septembre 2017

Barbara. Mathieu Amalric.

Barbara garde son mystère après ce film foutraque, qui joue avec la lumière noire de la chanson française quand elle bouleversait les foules sentimentales.
Jeanne Balibar, dont  l’artificialité s’est ici estompée, était toute désignée pour tenir le rôle.
Elle ressemble tellement à Monique Andrée Serf dont le véritable nom n’est même pas évoqué dans ce qui n’est surtout pas un biopic - ce serait tellement « ringard » - ni une mise en clip de chansons trop sublimes.
Un prétexte plutôt pour faire jouer une ex, jouer avec les décors, les degrés, la mémoire, les récits, les archives, le cinéma : film dans le film très années 60.
Quelques admirateurs sont mollement sollicités autour des pérégrinations d’une légende qui donna des lettres à nos émotions adolescentes.
Nous apprenons à cette occasion la dinguerie, la folie douce de celle qui apporta de la profondeur à nos sentiments, de la pudeur à nos douleurs, de l’ampleur à nos vies.
« Le printemps s'est enfui depuis longtemps déjà,
Craquent les feuilles mortes, brûlent les feux de bois...
A voir Paris si beau en cette fin d'automne,
Soudain je m'alanguis, je rêve, je frissonne... »