mercredi 3 mai 2023

Marennes

Nous préférons gagner l’autre côté de l’estuaire de la Seudre,  et découvrir MARENNES, le pays des huitres.
No
us tombons sur une jolie petite place tranquille bien aménagée qui nous incite à céder à  l’envie d’une Grimbergen ou d’un Perrier à l’ombre des halles, confortablement installés sur des chaises et tables basses. Il circule un léger petit air appréciable et une ambiance d’après-midi d’été quand les foules agglutinées sur les plages désertent les centres villes /villages assoupis.
Après avoir commenté le clocher gothique et asymétrique de l’église, Guy s’abandonne à un petit roupillon tandis que je m’approche de l’édifice religieux  puis  de la sous-préfecture trônant sur une place mitoyenne bordée d’arbres.
Ces deux lieux portent une plaque à la mémoire de François Fresneau de La Gataudière. Né en 1703 à Marennes où il fut baptisé et mort le en 1770 dans la même ville, cette figure locale se distingua en tant que mathématicien et ingénieur du Roi, astronome, botaniste, et découvrit l’arbre à caoutchouc lors de ses voyages et recherches en Guyane.
Je rejoins mon endormi, placé sous l’œil attentif et attendri de la serveuse du bar, maintenant requinqué pour poursuivre nos déambulations en voiture. Nous traversons à nouveau l’estuaire de la Seudre et roulons jusqu’à  PORT LA GREVE  à La Tremblade.
Il est réputé pour son activité ostréicole. D’un côté d’une rue longue et droite se succèdent des restaurants de dégustation, il y a même un distributeur d’huitres comme il en existe pour le pain ou les pizzas.
De l’autre, un canal dessert les baraques colorées destinées au rangement du matériel des exploitants, elles sont équipées d’un ponton et d’une échelle en  bois où amarrer un petit bateau.
En flânant nous remontons jusqu’au bout de la route stoppée par l’estuaire.
De là nous assistons au débarquement des poches remplies de mollusques que les travailleurs  transfèrent d’un bateau à fond plat à des pick up à la force des bras.
Un service de bateaux  pour l’île d’Aix  et pour Fort Boyard part du même endroit, repérable par une guérite de la compagnie  fermée à cette heure avec les horaires et les tarifs des traversées affichés.
Tout le paysage baigne dans les belles lumières de fin d’après- midi, rendant esthétiques les ferrailles rouillées, les bois abimés les cordages, les barques percées, les bidons en plastique, le matériel parqué.
D’un coup de voiture et avant de rejoindre Saujon, sur les conseils de ma cousine Béa, nous  faisons halte à MORNAC SUR SEUDRE.
Nous nous garons dans la petite gare désaffectée, puisque nous stationnons directement sur le quai. En nous avançant vers le centre du village, des masques africains ensoleillés derrière les carreaux sales d’une maison piquent  notre curiosité, sans doute un peu trop démonstrative car l’occupant des lieux  ouvre la fenêtre  nous interroge, et nous engageons la conversation. Il nous expose son parcours original, la présence des masques chez lui, nous parlons Afrique. Quand il nous demande d’où nous venons,  il nous questionne  sur la délinquance qui colle à l’image de notre ville… Une réputation, un regard  sur Grenoble certes peu attractifs …
Nous le saluons et continuons vers l’église romane  au clocher bas et trapu. A l’intérieur  de saint Pierre, des murs épais soutiennent une charpente en bois, quelques traces de fresques se détachent sur le fond blanc  du cul de four de l’abside et les bénitiers ont la forme  d’énormes coquilles d’huitres.
Tout autour de l’édifice, les maisons anciennes abritent des boutiques d’artisanat, mais aussi des habitations,  constituant un ensemble plutôt léché et dédié au tourisme. En effet, des bateaux débarquent leur lot de visiteurs pratiquement dans le village, alliant promenade sur la Seudre et village typique à découvrir sous les belles lumières de la fin de journée.
Nous ne nous attardons pas et partons nous installer à la terrasse du « Riberou » quai Dufaure à Saujon, sûrs de ne pas être déçus du repas. Ce soir, le chef propose, après notre spritz, des moules façon mouclade au curry et des frites,  arrosées d’un verre de blanc et suivies d’une glace. Nous ne sommes pas pressés de rentrer après le repas, alors nous baguenaudons sur le quai, où une boite en forme de petit carrelet héberge des livres à échanger.
Nous étendons notre balade digestive, passons le pont à écluse pour arriver sur l’autre rive à la guinguette « chez Binch » (face au Riberou), joliment éclairée par des guirlandes d’ampoules multicolores rondes.
Une  clientèle assez nombreuse se détend sur l’herbe au bord de la Seudre, se restaure au bar, boit, joue aux palets nantais dans une ambiance conviviale et familiale. Les hauts parleurs diffusent des chansons des années 60, Brel, Piaf, Sardou, des airs anciens mais connus par toutes les générations, les gens rient, chantent, c’est bon enfant. Pour notre information, nous lisons des panneaux pédagogiques, révélant le nom des villes du secteur, et apprenons aussi que la Seudre serait le plus petit fleuve de France.
Quelques moustiques vrombissants nous poussent à regagner notre home.

mardi 2 mai 2023

Noir burlesque. Marini.

Pour mieux apprécier la diversité de la production actuelle de BD, est-il besoin d'aller voir du du côté des stéréotypes éculés du polar américain des années cinquante avec personnages
ankylosés aux révolvers omniprésents sous un scénario sans intérêt?
Les dessins ont beau mettre en valeur les formes féminines et la puissance masculine qui arrivée à ce point dépasse même la caricature, ils participent à notre indifférence que les dialogues creux ne peuvent réveiller.
Parmi les commandements du boss : 
« Baise avec qui tu veux mais n’essaie pas de me baiser ». 
Bigard à côté c’est Mathieu Ricard. 
Voilà de quoi exciter des comités de lecture woke dont le verdict quel qu’il soit ne me gênerait pas, surtout parce que ces 94 pages ne contiennent rien.

lundi 1 mai 2023

Le Bleu du Caftan. Maryam Touzani.

Le titre insiste sur la couleur alors que l’appellation « le caftan bleu », tout simplement, aurait mieux convenu à la modestie de l’histoire un peu longuette de cette tunique.
Il est question d’un travail exigeant, de transmission de techniques en voie d’extinction, de rapports de couple et d’homosexualité, de maladie. 
Nous avons le temps de deviner le dénouement d'un récit  limpide où chaque plan est bien cadré, voire trop cadré, les acteurs gainés ne vibrent pas. L’ensemble m’a paru compassé même si les raideurs, les silences traduisent les non-dits et les blocages d’une société engourdie. 
On pourrait apprécier ce moment qui nous met en retrait de notre époque tonitruante mais la lenteur sans surprise peut vite tourner à vide sous les répétitions et contredire une majorité d’avis qui louent le raffinement du film à l’image des broderies des tissus magnifiés.        

dimanche 30 avril 2023

Optraken. Le Galactik Ensemble.

Après avoir pris connaissance de la signification d’« Optraken », l'étrangeté de ce moment offert par la MC2, son originalité, restent intactes: 
« tire-bouchon en norvégien, il désigne aussi un mouvement de repli des jambes à skis, qui permet un saut contrôlé, évitant le décollage au passage d’une bosse ».
Le spectacle des cinq circassiens, original, surprenant, pétaradant, suscite rires et angoisses.
Il commence dans un dispositif astucieux où des paravents mobiles découvrent et camouflent les personnages d’abord statiques puis s’animant en milieu glissant dans une profusion d’objets affolés.
Les artistes sur le qui-vive échappent aux boulettes jetées depuis les côtés et aux sacs de farine s’abattant lourdement sur le sol depuis les cintres.
Le plafond leur tombe sur la tête et la poussière les recouvre, les corps malmenés esquivent et chutent, le sol est jonché de débris.
Le spectacle est éminemment politique quand un escogriffe en slip dont le dos est siglé « 49.3 » essaye d’éviter les projectiles sur fond d’écriteaux valant surtout pour leur rime riche : 
« Les retraites c’est comme la galette on la veut complète ».
Cette correspondance entre la scène et ce qui se déroule dans nos rues, permet-elle d’induire ce que j’ai pris pour des allusions à la situation en Ukraine où les protagonistes n’échappent pas aux balles avec tant de grâce et d’efficacité que les acrobates sur le plateau de la MC2 ?

samedi 29 avril 2023

Du côté de chez Swann. Marcel Proust.

Je viens d’accéder enfin au fin du fin de la littérature, avec une certaine fierté d’avoir surmonté quelques à priori concernant les fameuses phrases interminables décrivant un milieu mondain d’un autre siècle.
La forme arborescente, hors du commun, intense, va fouiller au plus vif les passions, les caractères, les faux-semblants, la vérité, au cœur de la mémoire où l’imagination rend plus coloré le réel.
Les notations fiévreuses qui embellissent les lieux, les intermittences du cœur, transcendent les descriptions d’une belle époque parmi tant de beautiful people semblables aux nôtres si lointains et, si proches :  
« … il la suivait de ses yeux attendris, qui enfilait courageusement la rue Bonaparte, l’aigrette haute, d’une main relevant sa jupe, de l’autre tenant son en-tout-cas et son porte-cartes dont elle laissait voir le chiffre, laissant baller devant elle son manchon. » 
La tentation d’accumuler les citations peut vite s’épuiser, tant sont abondantes les occasions d’enchâsser de pertinentes observations teintées d’humour, 
« Qui du cul d'un chien s'amourose,
Il lui parait une rose. » 
de revenir sur des périodes déjà abondamment renseignées, 
« Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »
de s’enivrer d’une langue tellement précise et délicate. 
« …se substituait en moi le rêve contraire le plus diapré, non pas le printemps de Combray qui piquait encore aigrement avec toutes les aiguilles de givre, mais celui qui couvrait déjà de lys et d’anémones les champs de Fiesole et éblouissait Florence de fonds d’or pareils à ceux de Fra Angelico. » 
L’essentiel se mérite. 

vendredi 28 avril 2023

Mépris.

Les débats dans la plus politique des nations -dit-on- ne me semblent guère politiques, ni dans le sens de l’intérêt général ni dans la prospective. Nous sommes plutôt abreuvés d'intéprétations à l'arrache sur les caractères forcément mesquins des protagonistes, loin d’une psychologie fine et éclairante.
Je ne vais cependant pas bouder mon plaisir à tremper dans les chamailleries.
Les médias portent une attention soutenue aux enjeux climatiques mais desservent la cause écologique et féministe en donnant exclusivement la parole à Sandrine Rousseau. Elle devient la meilleure propagandiste du barbecue tant elle se montre méprisante à l’égard de ses contradicteurs qui n’ont qu’à la laisser parler pour emporter le morceau.
Par contre si Mélenchon ou Le Pen, les Roux et Combaluzier des extrêmes, avaient appelé à « casser la baraque » les réactions indignées n’auraient pas manqué. 
Mais quand c’est Berger, l’intouchable de l’heure, qui proclame cette intention, avant de s’excuser quand même,  «  ça passe crème ». 
Il regrette «  une crise démocratique » qu’il alimente, se montrant intransigeant en dénonçant l’intransigeance des autres, excitant le mépris envers le « méprisant de la République ». 
Les appels à la négociation n’ont pas manqué, et quand elle arrive : les syndicats logent à l’« hôtel du cul tourné ». Des politiques ont obtenu des modifications mais ne se sont pas montré plus fiables que ceux qui ont regretté la retraite à points sans le défendre quand elle était à l’ordre du jour.
L’avis du conseil constitutionnel devait être la date limite, les cheminots CGT ne l’entendaient pas ainsi, alors le chef  de la CFDT, premier syndicat de France, les a suivis. 
Le courage appartient au passé d’une organisation qui avait connu des dissidences du temps de Maire, Notat, Chérèque ; est-ce que cela avait permis une clarification profitable au réformisme ?
Je ne vais pas insister dans la pochade envers Rousseau la petite femme et Berger l’homme modérément grand se réservant la place du prudent quand sonnent les casseroles qu’il a contribué à mettre en mains.
Le refus de toute réforme va avec l’affichage du mot Révolution : «  la retraite en CE1 » tagué sur le mur d’un lycée pourrait faire sourire, rappelant des slogans surréalistes d’un autre siècle, mais révèle aussi la volonté de sortir de l’Histoire, de s’abstraire du monde, d’affirmer une ignorance de son appartenance à l’Europe. Qui se souvient que celle-ci nous bien aidé pendant la pandémie et la crise qui en suivit ?
Innocents à jamais, cachés derrière leurs écrans saturés de cœurs en bandoulière, câlinant leurs chatons virtuels, confinés dans leur égo, les déambulateurs du soir s’accordent  parfois une sortie ludique sur les boulevards ou rue des Martyrs. Le jour c’est pour les vieux, et les scrutins c’est trop tôt le matin, un dimanche !
Victimes toujours, la haine envers leurs représentants n’éclabousse-t-elle pas le jugement porté à eux-mêmes ?
« Dieu n'existe pas. S'il existait, depuis le temps que je dis des horreurs, il m'aurait déjà foudroyé. Ou Dieu est un mythe, ou il est sourd, ou c'est du mépris. » Francis Blanche

jeudi 27 avril 2023

Herboriser au musée. Catherine de Buzon.

La conférencière en visioconférence chez les amis du musée de Grenoble sait bien que 
« nul n’a jamais eu besoin de personne pour s’émerveiller devant la Nature » 
mais que « les tournesols sont autrement tournesols depuis Van Gogh ».
Baudelaire convient bien en surimpression d’un tableau d’Ernest Quost, « Fleurs de Pâques » : 
« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers. »
« Vertumne »
par Giuseppe Arcimboldo peut aussi illustrer Marcel Proust : 
« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. » 
La nature rencontre la culture par le regard singulier des peintres, parfois.
Verlaine organise  cet exposé : « Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches… » Dans « Le jardin des Hespérides » Frédéric Leithon,
les pommes d’or de l’immortalité portent en leur centre comme une étoile visible dans une coupe à l’horizontale, celle de l’esprit dans la chair.
Mais ce fruit peut être objet de discorde quand Minerve, Junon et Vénus demandent au troyen Pâris de remettre une pomme d’or à la plus belle. « Le Jugement de Pâris » Sandro Botticelli.
En croquer, apporte la connaissance et la liberté, en abuser approcherait du mal quand le ver est dans le fruit« Adam et Eve », Hans Holbein.
Ne pas confondre une pomme et sa représentation, les mots et la chose : Magritte.
Qui dit « pomme » dit Paul Cézanne, « Nature morte aux pommes et aux oranges »,
alors que la « Nature morte, pichet et fruits » de Picasso is "still life".
Dimitri Tsykalov
a participé  en 2010 à l’exposition du Musée Maillol : Vanités : C’est la vie ! 
Le raisin était sacré du temps de Dionysos dieu grec « aux trois naissances »,
alors que la fonction était plus sociale quand les romains diffusaient la culture de la vigne dans leur empire.
Le vin est au centre de « 
La Bacchanale des Andrians » Le Titien.
À Saint-Étienne-du-Mont, « Le pressoir mystique » voit le sang du Christ  mis en tonneaux.
« Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. »
dit celui-ci dans la chapelle Suardi près de Bergame où Lotto a peint ses fresques des murs au plafond.
« Les raisins »
de Juan Fernandez El Labrador vont bien avec la générosité de Mucha.
Quant au lys marial et royal, il serait une goutte de lait d’Héra tombée sur terre au moment de « La Naissance de la Voie lactée » de Pierre Paul Rubens.
Au moment du « Jugement Dernier » de Rogier van der Weyden,   
il représente la parole qui sauve face au glaive qui juge.
Le soir tombe, 
« Carnation, Lily, Lily, Rose » de John Singer Sargent enthousiasma le public.
Si on n’a pas le temps d’en faire un roman,  la rose, reine des fleurs, ne perd pas de sa délicatesse en se multipliant : « La vierge au buisson de roses » Martin Schongauer.
Mais la mère pleure quand
« L’enfant Jésus se blesse à la couronne de roses »  
de Fransisco Zurbaran.
Osons le rapprochement de « La Rose de Malmaison » tellement française avec Joséphine de Jean-Louis Victor Viger du Vigneau et
« Le jardin enchanté »
so british par John William Waterhouse.
Lawrence Alma-Tadema montre les convives de l’empereur romain ensevelis sous les fleurs, « Les roses d'Héliogabale ».
 
Le « Jardin de Roses » de Paul Klee est moins étouffant :  
« L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible ».
Des branches : celle d’olivier que porte « La colombe de la paix » de Picasso durera ce que durent les guerres. 
Le land art est branché https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/09/nils-udo-gilbert-croue.html
« L’Amandier en fleurs »
de Vincent van Gogh a perdu parait-il de ses nuances, 
il reste un bel annonciateur du printemps
et « L'arbre des fées » de Richard Doyle permet à l’enfant émerveillé 
d’avoir 200 occasions de rêver.
Le balai, assemblage de branchages, occupe le premier plan dans « Vue d’intérieur » de Samuel van Hoogstraten
Après avoir évoqué l’extraordinaire aussi bien que le plus ordinaire, l’arbre quand il devient généalogique, nous relie dans le temps à notre lignée et
dans le « Dessin du système nerveux »  par André Vésale révèle notre arborescente intimité.
« Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches.
Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches. »