Le
conférencier devant les amis du musée de Grenoble avait sous titré son exposé « Du hasard à l’infamie
infamie » pour évoquer l’ambivalence de
la symbolique des couleurs.
« Matinée à Beauvais », Corot, ambigu lui aussi, héritier de Poussin,
a été considéré comme un des précurseurs de
l’impressionnisme. Alors que le monde se définit par les quatre éléments,
air, feu, eau, terre, le vert va être associé tardivement à la nature
romantique. « Un chemin montant».
Le vert est paisible, Goethe
le recommande pour les papiers peints des chambres à coucher. Pour la liturgie catholique, les dimanches ordinaires, les prêtres portent cette couleur.Mais chimiquement instable, avec le temps, il tourne au bleu
dans «
La ruelle » de Wermeer. La malachite est utilisée
dès l’antiquité. Les éléments chimiques qui
composent le vert égyptien, la terre verte, le vert russe, sont altérables. Son
aspect changeant peut représenter l’instabilité, la transgression, allant de la
verdeur d’un langage à celle persistante d’un vieillard. Cennino Cennini auteur du « Libro
dell'arte », précieux pour sa description des ateliers d’artistes, a peint
un « Saint
Grégoire » au teint de peau différent des pécheurs ordinaires, juxtaposant
couleur froide qui éloigne, et rouge qui avance.
A rapprocher des précautions
de maquillage prises par deux romaines décadentes lors d’une orgie dans « Astérix
chez les Helvètes » :
« Passe moi le
vert à lèvres, que je me refasse une laideur ».Le « Portrait d’un jeune homme au toquet noir »,
tableau de cabinet, de petit format, est peint par le franco-hollandais Corneille
de la Haye dit Corneille de
Lyon.Hans Baldung,
dit « Grien »( green)
tellement il a utilisé cette couleur privilégiée dans la palette des
pays du Nord a réalisé le « Portrait de Ludwig
Levenstein »Il a été l’élève de Dürer qui avait rendu lui même hommage à son maître dans
son « Portrait de Michael Wolgemut ». « Maximilien 1° »
son mécène, tient dans sa main une grenade ouverte; ainsi réunit-il plusieurs
peuples sous son universelle autorité.
Le vert colore le paradis des amours enfantines », il est
fugace, comme la chance à la table des jeux de hasard dès le XVI° siècle à
Venise et aussi excentrique et transgressif comme le « Joker 2019 » (Joaquin
Phoenix). Les comédiens bannissent le vert depuis que Molière est mort sur
scène ainsi vêtu. Dans « Saint
Georges terrassant le dragon » d’Uccello la bête maléfique est de
la couleur des serpents et de « La
tête de Méduse » du Caravage.Moins connu que Courbet au « Ruisseau du puits noir »,
«
La saulaie » ne laisse pas deviner que son auteur Mondrian
ira à l’essentiel avec « Composition avec rouge, jaune et
bleu » et fera
passer la couleur complémentaire après les primaires. De « Feu vert » en « mise au
vert », nos contemporains de la Loire et au delà apprécient la couleur du maillot de Saint
Etienne davantage que le rouge, mais moins que le bleu.
La croix verte des
pharmacies insiste sur l’idée d’hygiène, d’écologie, alors que les oasis ont
inspiré la couleur du turban du prophète Mahomet et les couvertures du Coran,
le drapeau de l’Arabie Saoudite.
Le jaune a connu des fortunes diverses, apprécié
dès l’antiquité et en Asie. En Chine, il porte la marque impériale, « Huangdi »,« Icône
de l'Échelle sainte Monastère Sainte Catherine du Sinaï ». La concurrence reste déséquilibrée face au doré,
soleil, énergie, puissance, sacré… valorisant toutes les représentations
moyenâgeuses qui n’avaient souvent que des cierges pour briller.«Trahison de Judas recevant les trente deniers », de
l’église Saint-Ouen des Iffs.
Le premier des traitres porte la couleur qui deviendra
celle des maris trompés.
Il cumule les défauts : roux et gaucher.Avant l’étoile jaune bien visible, les juifs portaient la
rouelle en forme de denier:
« Juifs portant la rouelle condamnés au
bûcher ».Chimiquement stable, à partir du réséda des teinturiers, du
safran, ou nuance parmi les ocres, le jaune éclaire depuis 20 000 ans les
grottes de Lascaux. Il orne les stamnos,
vases grecs destinés à conserver le vin.Géricault auteur romantique du « Radeau
de la Méduse », au cours de ses recherches fiévreuses, rencontre un
de ses amis qui a la jaunisse et s’écrie : « Que tu es beau ! » Il a trouvé le ton pour les naufragés. Les héros de David
peuvent laisser la place aux victimes.Le jaune de Naples s’est révélé toxique, Van Gogh
utilise le jaune de chrome :
« Maison jaune à Arles ».
Ses « Tournesols »
cherchent le soleil comme il a cherché Dieu.« L’Omnibus » éclatant
de Bonnard
débouche
alors que les premières ampoules électriques lancent leurs lumières
jaunes. Le « Chat aux poissons rouges » du fauve Matisse carrément blond,
peut entrer dans la famille des chiens rouges de Gauguin.La « Peinture pure » de Van Doesburg
met la couleur aux lueurs proches du flavescent
en bonne place. Le maillot de la couleur du journal l’Auto qui créa le Tour de
France fut remis pour la première fois à Grenoble en 1919 à Eugène
Christophe, dit « Le Gaulois ».
Quand le rire prend la teinte
des briseurs de grève, il n’est vraiment pas franc. Il est menacé par l’orangé
omniprésent dans les années 70 dont les vitamines sont visibles à « l’Institut néerlandais de l'image et
du son » au pays de la maison d’Orange qui connut en peinture son
« âge d’or ».
« Certains
peintres transforment le soleil en un point jaune ; d'autres transforment un
point jaune en soleil. » Picasso
« Paysage catalan (Le Chasseur) » Joan Miró.