vendredi 10 janvier 2020

Immersion.

Depuis que la réalité est « augmentée », le mot « immersion » dans les expos et au-delà, qui devrait nous engager  corps et âme, devient tendance alors que nos froids écrans sur lesquels nous ne faisons que lever le petit doigt, sont devenus le lieu central de nos performances sportives, et de nos réchauffements narcissiques.
Pour ce qui est de nos émotions artistiques, depuis que les lumières de Van Gogh ont été projetées dans les Carrières des Baux de Provence nous sommes invités à envisager les œuvres dans des dimensions inédites. Nous pouvons marcher dans «  La nuit étoilée ».
J’ai emmené mes deux petits enfants de 6 et 8 ans à la Sucrière à Lyon où s’ « Imagine Picasso » en « Images Totales ».
Sous des musiques bien choisies, l’immense salle traversée d’écrans triangulaires, s’illumine du sol au plafond des couleurs et des motifs tellement riches du catalan. Effets garantis qui font dire à l’une des nombreuses spectatrices : « Faudra qu’on amène Béatrice, elle qui n’aime pas les musées ! »
L’envie première des petits est de danser. Le champ des reconnaissances est ouvert, même si le grossissement des touches colorées et des textures ne valent pas le contact avec les originaux.
Mais l’esprit d’enfance de celui qui disait : « il m'a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant. » est bien là, même s’il n’était pas destiné à faire tapisserie.
A l’exposition Picasso de Grenoble, à la suite de nos guides, nous avions pu expliquer à nos descendants quelques intentions de l’auteur de Guernica plus facilement; ils étaient cadrés.
La diversité des formes d’approche de l’art est une richesse qu’aucun puriste ou marchand n’aboliront. 
De la boule à facettes aux usines vides,
il est question aussi de démarches immersives à la biennale d’art contemporain de Lyon où je m’étonne d’entendre une animatrice parler de « fondation » ou d’ « ingénieur » à des gônes de maternelle.
Si la profession de médiateur est devenue consubstantielle à l’absconnerie de présentations artistiques contemporaines, quelques-uns ne facilitent pas la tache, alors que tant d’œuvres sont parfois accessibles surtout dans le premier âge.

Pour les assemblages poétiques de Théo Massoullier au IAC (Institut d’art contemporain) de Villeurbanne pas besoin de longs discours, ses drôles d’insectes plaisent à tous.
Hormis les sculptures à visée anti-spéciste, qui ne valent pas le détour par le MAC (Musée d’art Contemporain), cette 15 ° édition de la biennale nous a plu.
Le titre «  là où les eaux se mêlent »  n’a pas, non plus, besoin de se référer à Carver quand La Saône et le Rhône se rencontrent dans les parages. 
A l’usine Fagor des danseuses sans visage ou des robes de fillettes tombant depuis le haut plafond telles des coroles peuvent ravir celles qui aiment faire tourner leurs jupettes aussi bien que ceux qui y verront des fantômes comme le souhaite l’auteur Fernando Palma Rodríguez, voire des méduses.
Nous n’avons pas été découragés par les commentaires souvent prétentieux ou obscurs, énumérant les diplômes des 55 artistes invités, alors que depuis l’ « Ecole des fans » on sait bien que les notes ne valent plus rien.
Des tentures teintes occupant tout un plafond nous rappellent la lumière. En les trouvant jolies nous  voilà ramenés à des critères esthétiques que les commissaires, on dit comme ça des organisateurs d’expos, essayent d’éradiquer.
Est-il plus décent de sourire aux allumettes géantes augmentées d’ailes d’oiseaux, ou d’une moto qui laisse sa trace dans le sable comme l’aurait fait Picasso sur une nappe de restaurant ?
Il est vrai, qu’il s’est retrouvé un jour, dans la team Citroën.
Des artistes, adossés à des lieux forts, se contentent de déverser du sable dans une salle adjacente au hall de l’ancienne usine de machines à laver où des propositions se perdent sous les très vastes plafonds,
il faut bien un tunnelier ou une fausse montgolfière pour faire la maille.
Prométhée est mal en point au milieu de tubes et flacons.
Comme les grafs et  graffitis sont partout, dedans comme dehors, nous ne les voyons plus.  

jeudi 9 janvier 2020

Le mystère des deux vierges de Léonard de Vinci. Marie Ozerova.

C’est à une des attachées scientifiques au Musée de l'Ermitage qu’il revenait de présenter devant les amis du Musée de Grenoble, deux tableaux de Léonard de Vinci. Ceux-ci figurent dans les collections saint-pétersbourgeoises où 34 salles sont consacrées à l’art italien sur près de mille (ou 2000 ?) nécessaires pour les 60 000 œuvres sorties des réserves où attendent 3 millions de peintures ou sculptures du plus grand musée du monde.
Des mystères vont être levés, d’autres apparaissent, ainsi ce très célèbre dessin à la sanguine de Léonard de Vinci ne serait pas son « autoportrait » alors qu’il a fixé pour des siècles, l’image de l’ingénieur, astronome, philosophe, mathématicien, sculpteur, architecte, ingénieur, diplomate, inventeur, poète, musicien, physicien, botaniste, chimiste… peintre.
Alors qu’André Chastel, historien de la Renaissance écrit : « On a démesurément exagéré l'originalité de Léonard », Daniel Arasse peut constater : « Dieu mis à part, Léonard de Vinci est sans doute l'artiste sur lequel on a le plus écrit. » 
Et bien que depuis sa naissance à Vinci « à la troisième heure de la nuit », le 15 avril 1452, comme l’avait noté son grand père notaire, Léonard a laissé, éparpillées dans le monde entier, plusieurs milliers de pages, remplies de son écriture en miroir, sur ses recherches, mélangées à des comptes de ménage, il a très peu parlé de lui.
Le nombre de tableaux qui lui sont attribués est très faible :
« - Quand finirez-vous ce portrait ?
- Je finirai quand je pourrai. »
A l’époque, le travail s’effectuait en équipe pour les fresques et aussi dans les ateliers (bottega), comme c’est le cas pour la « Madone au bas-relief » de Cesare Da sesto aux visages léonardesques.
Au XV° siècle, le culte marial avait pris son essor, Van der Wayden peignait  « Saint Luc dessinant la Vierge ». D’après une légende du 1er siècle, elle serait morte à 72 ans après son Assomption, mais aurait voulu que son image en jeune femme demeure.
Au XII° à l’époque romane, la vierge et son fils sont très droits. Avec « Notre-Dame de Baroille », Jésus bénit de ses trois doigts désignant la trinité alors que les deux doigts collés à la paume indiquent la double nature à la fois divine et mortelle de Dieu.
Au XIV° siècle, à l’époque gothique la « Vierge à l’Enfant de la Sainte-Chapelle » est une vraie femme se rejetant en arrière, son enfant est lourd, elle intercède entre la terre et le ciel.
« La vierge de l’annonciation » en position d’humilité, alors qu’elle peut être en majesté sur son trône, est signée Simone Martini. Jusqu’à la Renaissance les artistes n’étaient pas distingués, ils n’étaient qu’un outil dans la main du Créateur, des artisans.
Fra Giovani était tellement  doux et beau qu’il fut surnommé Fra Angelico, sa « Vierge de l’annonciation », tête découverte et cheveux en désordre, un peu, est de la blondeur de la pureté.
La « Madonna and child » de Verrocchio, le maître de Léonard, n’est plus sur le fond doré qui évoquait la Jérusalem céleste, mais dans un espace rempli d’air et de lumière.
Luis de Moralès, l’espagnol, a retenu la technique du sfumato, « La Vierge et l'Enfant » est tragique, l’archange ne lui a rien caché, elle sait.
Commencée par de Vinci en 1478, cette « Madone Benois » du nom de son avant dernier propriétaire, fut la dernière acquisition de la famille impériale russe. Effectuée à l’huile suivant le tout nouveau procédé venant des Flamands, cette jeune vierge-on était adulte à 14 ans- coiffée d’une multitude de nattes, a épilé son front à la mode du XV°.Tout est symbole, le bijou en cristal de roche entouré de perles souligne l’Immaculée Conception, la pureté. La vierge regarde l’enfant qui regarde la fleur à quatre pétales comme la croix. Les vingt cinq couches de glacis ont permis de traduire avec délicatesse, la lumière qui vient caresser les visages. Au dessus de la terre on ne voit que le ciel. Les auréoles ont été rajoutées au XIX° siècle.
La « Madone Litta » est d’une beauté au-delà du temps terrestre, le front a la même longueur que le nez et égale la distance du nez au menton. En bleu et rouge, et  son col doré retrouvent les couleurs du moyen-âge. On ne voit pas la prunelle de ses yeux, mais la tendresse est dans les plis. Ses bras forment comme un œuf autour de l’enfant qui nous interpelle. Le petit tient un chardonneret, celui de la Passion.
Giovanni Francesco Melzi  le compagnon des derniers temps s’est chargé de classer les écrits de Léonard de Vinci, il a réalisé d’après une ébauche de son maître, cette « Flore » entourée d’anémones à six pétales comme les branches de l’étoile de David, dont la vierge serait une descendante, d’achillées associées à la fertilité et de jasmin représentant la pureté.
Léonard de Vinci est mort il y a 500 ans.

mercredi 8 janvier 2020

Lacs italiens 2019. # 5 B. Peschiera.

C’est l’heure de manger et nous retournons dans les rues ensoleillées à la recherche d’un resto.http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/12/lacs-italiens-2019-5-le-lac-iseo-et.html
Un villageois bienveillant entend le mot trattoria dans notre conversation et spontanément  nous dirige vers ce que nous cherchons.
Nous ne sommes pas les seuls touristes ni les seuls Français à vouloir déjeuner. La serveuse nous aménage un coin agréable en terrasse  en tirant et nouant des toiles claires en guise de parasols.
Nous mangeons al 'Italia: antipasti  en hors d’œuvre à partager (charcuteries, champignons et oignons à l’huile et vinaigre), casoncelli (pâtes du pays de Bergame), légumes frits (aubergines, courgettes) ou encore salade méditerranéenne.
Nous reprenons notre promenade, agréable sur la route sans voiture et sans montée vers Menzino puis Sensole. Nous passons par des villages constitués de logements plus modestes et moins anciens, à côté d’un village de vacances avec piscine désert. marche ombragée très plaisante en bordure d’eau. De Sensole, nous poursuivons vers Peschiera.
L’accès au lac est rendu possible par des marches aménagées, les bancs pour les fatigués ou les contemplatifs sont nombreux.   
Près de Peschiera, des arbres, les pieds dans l’eau nous intriguent.
Nous arrivons à un joli petit port avec des barques amarrées à des palli bleus et blancs,  comme à Venise.
Quelques panneaux de signalisation nous amusent : "limitation à 10 à l’heure" (il y a peu de vespa dans cet endroit) : "attention aux chats" qui traversent, sans doute motivés par un asile SPA spécialisé dans ces félins abandonnés ou malades.
D. nous offre une glace ou une granizada  avant que nous ne reprenions le bateau (4€50 par personne aller/retour quel que soit l’arrêt).  
L’heure et la lumière sont belles vues du toit du bateau où ne nous sommes pas nombreux. Une sorte de brume enveloppe les montagnes, plus suggérées et à peine découpées sur le ciel ; l’eau scintille, le soleil chauffe et l’air est bon.
Nous  regagnons  la voiture à Iséo sans nous tromper et renonçons à nous engager dans le tour du lac, nous traversons Sarnico pour jeter un œil sans mettre un pied dehors et sans pouvoir approcher des maisons de style liberty. Il est déjà tard mais nous dédaignons l’autoroute au profit de déviations qui n’évitent pas les mini-bouchons. Nous apprécions le garage  qui nous soulage du souci de trouver un stationnement adéquat.
 
La soirée commence par un bitter avec  graines pimentées indiennes et biscuits à l’encre de sèche qui  nous déçoivent .  Nous mangeons de la salade, des haricots verts à l’italienne avec tomates et ail, et du fromage,  avant de passer une soirée paisible avec activités variées : douche, lessive, lecture, écriture, téléphone, tablette…
En 2016, Christo avait installé des jetées flottantes provisoires depuis le village.

lundi 6 janvier 2020

Les incognitos. Nick Bruno Troy Quane.

Les films d’animation peuvent se permettre tous les effets, alors pour des gadgets dotés de tous les pouvoirs, allons-y pour une initiation au genre « espionnage » par la face parodie.
Les enfants aiment retenir le nom des personnages : ici le célèbre super espion Lance Sterling  fait équipe avec le scientifique Walter Beckett maladroit mais tellement inventif.
L’un ne compte que sur la force dont il use avec élégance alors que l’autre est un doux pacifiste : un couple gagnant bien sûr.
Changements de paysages garantis avec transmutation du Bond très Will Smith, filiforme du bas mais très charpenté du haut, en pigeon; quand l’esprit d’enfance rencontrera le mal, il en triomphera aisément.
Spectacle familial rythmé, drôle, sympathique.

dimanche 5 janvier 2020

Linda vista. Letts. Pitoiset.

Linda vista est un quartier de San Diégo où un quinqua vient de divorcer. Des amis essayent de l’aider. Une spécialiste en développement personnel arrivera-t-elle à l’aider à passer cette étape?
Dialogues mordants, acteurs excellents, sujet éternel, objet intéressant à discuter entre ceux qui voient à travers ces portraits une dénonciation de l’Amérique de Trump et Weinstein et ceux qui méprisent les affres d’hétéros blancs.
Le président et le producteur reflets de la brutalité du temps sont des cibles tellement faciles qu’elles n’ont pas besoin d’être explicitement nommées. La barbarie que nous redoutions, comme le réchauffement climatique sont dans nos murs. Sous l’omniprésence du mot bienveillance, la férocité se déploie, impitoyable.
J’ai apprécié ce vaudeville cruel sobrement mis en scène. En abordant septante ans, je me sens pourtant concerné par les décalages avec leur temps de jeunes quinquagénaires.
Des critiques interdiraient volontiers de tels sujets pour ne voir présenter que les transes d’anciens colonisés, ne concédant à ma communauté que la seule relecture du vieil homme et l’amer, rejetant toute pièce qui pourrait se dérouler au XIX° en Russie ou à Vérone entre jouvenceaux.
Enraciner une pièce dans un milieu et une époque vivement décrite rend les enjeux crédibles : la lucidité fait de bonnes répliques mais conduit à la solitude. L’urbanité, la politesse certes émollientes, ne sont-elles devenues que des constructions chimériques dépassées ?
Pitoiset, une bonne adresse :   
http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/04/cyrano-de-bergerac-edmond-rostand.html