jeudi 11 février 2016

Art cinétique 2. Itzhak Goldberg

Avant d’assurer la révision d’une conférence précédente pour l’auditoire des amis du musée de Grenoble,  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/02/les-precurseurs-de-lart-du-mouvement.html
le nouveau conférencier a placé son exposé sous le titre « Idée de mouvement ».
Une annonciation de la Renaissance amorce un récit et si celle-ci ne fait pas de bruit, un mouvement est suggéré, dans « L'Adoration des Rois mages » de Gentille da Fabriano : Gaspard, Melchior et Balthazar sont représentés trois fois.
Avec « La Grève » d ’Adler ou la promenade à Argenteuil de Monet, déplacements il y a, il y aura, par la matière et les touches décomposées, les contours particuliers, surtout chez l’impressionniste.
« La chaîne majestueuse de l’image fixe sur deux dimensions se déroule de Lascaux aux abstraits… » Vasarely
Les chronophotographies de Marey ou de Muybridge, l’australien, serviront les futuristes qui annoncent leur programme dans Le Figaro : « ce qui compte c’est le mouvement ».
La modernité passe par le choix des sujets et pas seulement par le style : motocyclettes et bicyclettes, automobiles, avions… 
Russolo : « Dynamisme d'une automobile »
Combien de tableaux portent dans leur titre : « dynamique » ?
L’art alors évite horizontales et verticales statiques, joue de la simultanéité et du flou artistique, des transparences et des chevauchements ; dans les sculptures, le vide est aussi important que le plein. La science est belle. 
« La femme cueillant des fleurs » de Kupka se déployant comme un éventail a des airs abstraits, elle est moins robotique que « Le nu descendant l’escalier » de Duchamp.
Chez les Delaunay, « Hommage à Blériot », les hélices, objets géométriques parfaits, font vrombir les formes, rythment les couleurs  et chassent les sujets.
Le « Nijinski » de Rodin illustre sa volonté de ne pas penser à la ressemblance mais à la vraisemblance, le mensonge donnera alors l’idée du mouvement.
Calder « Object with Red Discs » n’est pas tombé du ciel, lui qui avait son petit cirque dans des valises,  en vrai, c’est au dessus de la piste que l’espace se transforme avec les prouesses des corps.
L’américain équilibre ses cercles, demi cercles, fait entrer le spectateur dans la danse légère des formes poétiques, les ombres bougent.
Edgar Degas, lui, avait vu « Miss Lala au cirque Fernando ».
«… L’avenir nous réserve le bonheur en la nouvelle beauté plastique mouvante et émouvante. » Victor Vasarely "Vega Nor"
Oui, nous avons beaucoup vu ces images dans les années soixante mais le op’ art qui joue sur l’instabilité des perceptions explorait lui aussi des pistes nouvelles.
Dans l’art cinétique, l'œuvre est animée par des moteurs, comme avec Tinguely,  ingénieur de l’inutile,  « Baluba 3 ».
Après Julio Le Parc et ses « Continuel lumière avec formes en contorsion »,

« La salade entre 2 blocs de granit » d’Anselmo va jouer sur des rythmes plus lents,
et Brancusi avec son «Oiseau dans l'espace » donne à la fois l’objet et l’idée attachée à l’objet : « oiseau vole ».

mercredi 10 février 2016

La terre et l’ombre. Cesar Augusto Arcevedo.

La terra y la sombra.
Une maison aux volets fermés au milieu des champs de canne à sucre boliviens.
Le rythme lent convient bien pour accompagner la fin de vie d’un travailleur épuisé par le travail.
Son père revient l’assister, lui qui est parti loin depuis des années.
Sous ses allures de macho latino, il va à l’encontre du cliché et se fait tout doux avec son ancienne épouse, restée sur ses terres et avec son petit fils qu’il initie aux chants d’oiseaux.
L’entreprise qui emploie aussi cette vieille  femme et sa belle fille est intraitable et surexploite les coupeurs de canne.
Etouffant et fort.

mardi 9 février 2016

Où sont passés les grands jours ? Jim & Alex Tefenkgi.


Est ce que le deuxième volume d’une histoire au titre séduisant sauverait une première partie décevante ? http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/06/ou-sont-passes-les-grands-jours-jim.html
Les amis entrant dans l’âge adulte sont toujours aussi immatures et agaçants. La mort d’un des leurs étant un prétexte qui dure pour justifier en particulier Hugo, le personnage principal, tragiquement puéril.
Il vient de mettre enceinte sa maîtresse et continue d’harceler sa légitime, mère de sa fille. 
L’histoire qui met en scène beaucoup de personnages irresponsables, nous présente des  aspects  dominants de notre société. 
Le jeune papa veut montrer les étoiles à sa fille, comme c’est romantique! Il dégomme alors les ampoules de l’éclairage public au lance-pierres.
Tant d’intensité, sans véritable distance prise pour se maîtriser, avec par exemple la mère d’un âge avancé et ses recherches sur Meetic, est typique de notre humanité, pathétique, hystérique,  où s’affrontent les solitudes  entre deux coups d’affects.
Intéressant, malgré des défauts persistants, un trait conventionnel avec pourtant des notations justes par ci par là qui ne gagnent rien à se placer sous la formule ronflante et banale :
« C’est l’histoire de la vie. La vie plus forte que tout »

lundi 8 février 2016

No land’s song. Ayat Najafi.

Une jeune iranienne compositrice à l’énergie  communicative essaye d’organiser un concert international avec Jeanne Cherhal entre autres, où des femmes chanteraient pour un public mixte.
Mais ce n’est pas normal aux yeux des décideurs mâles qui ne regardent pas leur interlocutrice en face. Des femmes fortes, intelligentes qui au-delà de l’irrévérence à chanter en solo en reviennent aux fondamentaux de la liberté, de la dignité.
Quand tant de volonté, d’opiniâtreté sont dépensées pour des motifs qui semblent dérisoires, ces petites victoires paraissent grandioses.
Film utile où la production permet l’avancement de projets, comme avec « Benda Bilili », la troupe d’handicapés passés des rues de Kinshasa à une tournée européenne,

dimanche 7 février 2016

Origines. Baptiste Lecaplain.

Merci aux programmateurs de La Vence Scène à Saint Egrève qui après
Proust Gaspard
et le Comte de Bouderbala
ont permis à une salle comble d’assister au début de la tournée de celui qui doubla un gladiateur dans « Astérix, le domaine des Dieux » et appartient désormais à l’équipe de Ruquier dans « Les grosses têtes » sur RTL ; pas vraiment non plus le perdreau de l’année que j’imaginais.
Il joue sur son ancienne timidité avec ce qu’il faut d’improvisations pour vivifier un spectacle de deux heures, bien écrit, où se retrouvent un canard à qui il ne faut pas donner du pain, le revers de la main de son père et la clope de la mère.
Autobiographie tendre et drôle où le jeu périlleux avec les blagues nulles est parfaitement réussi et des références tellement contemporaines que je n’ai pas tout saisi : haschtag plus-dans-le -coup.  Il regrette le temps ou tout petit on le couchait sur deux chaises et il se réveillait en pyjama dans son lit ; devenu adulte cette situation est plus problématique.
Comme le stand up est pétillant, rythmé, on peut excuser l’ancien enfant roi devenu papa, pour le cliché des sempiternelles flûtes des cours de musique dont seul un cobra peut saisir les nuances, ou les affres déjà bien parcourues du romantique qui ne conclura qu’à 23 ans.
Il s’accompagne de toute une série de personnages intermittents, retrouvés avec plaisir : chiens et chats, taupe ou kangourou livreur de pizza chez des végétaliens qui le récusent car ils n’acceptent pas ce qui vient d’un animal. 

samedi 6 février 2016

Un printemps 76. Vincent Duluc.

Pour avoir souhaité en ces années, être nommé du côté de Vienne parce que c’était plus près de Saint Etienne … pour du foot, je me retrouve mot à mot dans ces 213 pages qui savent de quelle couleur furent ces années : vertes !
Je voulais reprendre une formule : « Qui n'a pas vécu dans les années… »  et je m’aperçois  qu’elle est de Talleyrand : «… voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre.»
J’ai connu ces chants, cette communion avec les foules folles de Geoffroy Guichard.
Quand les élèves de polytechnique à la mi-temps faisaient la parade : « A la mine ! »
Ce livre qui revient sur les années adolescentes, à Bourg-en-Bresse, du responsable de la rubrique football de « L’Equipe », se lit d’un trait :
 « Francis Perrin s’arrêtait à un carrefour, se tournait vers sa passagère, et lançait cette réplique immédiatement entrée dans l’histoire du cinéma : Alors Bourg-en- Bresse ou les Bahamas ? »
Bien sûr, pour qui Herbin ne dit rien, ni Curkovic, ni même Rocheteau, passez votre chemin.  Parce que cet échange dans le vestiaire vous sera étranger, quand le président Rocher se plaint auprès des équipiers de Larqué :
« Vous vous rendez compte, votre capitaine refuse le contrat que je lui propose pour jouer avec vous ! Même ma femme n’en dort pas »
Larqué répond : «  Ne mêlez pas votre femme à l’affaire. Germaine est une sainte femme… »
Les femmes allaient au paradis et les agents réglaient la circulation.
Bien sûr, l’écriture fait du style, trop dribbleuse, mais je manque de gadins pour lui lancer des pierres. Et cela va bien à ma nostalgie, bien qu’il n’en fasse pas des tonnes et trouve les mots justes pour parler de ce stade, ce qui lui avait valu des remontrances d’un maire qui  aurait voulu que Saint E soit la ville du design. Sans se mettre en surplomb, il parle bien du devenir de ces hommes qui furent au cœur du chaudron, et ont vieilli  si vite, en allant chercher ce qui fonde une équipe et forge des individualités.
Et ça, ce n’est pas que l’histoire de onze manchots qui courent après leur enfance.

vendredi 5 février 2016

Manif, sniff !

J’ai accompagné ma prof en exercice à la manif de mardi dernier et je ne l’ai pas perdue car ce n’était pas la foule des grands soirs. Les slogans étaient faiblement repris par les manifestants brandissant parfois quelques cartons rouges, mais évitant d’accompagner l’antienne :
«  Najat, si tu savais ta réforme, ta réforme, ta réforme, où on se la met ! »
La charmante prenant la suite d’une série de ministres oubliables.
Et «  Motivé ! » de Zebda à la sono faisait comme un cruel contrepoint qui aurait ignoré le temps.
Les profs opposés à la réforme du collège ont rejoint la manif fonction publique concernant le pouvoir d’achat, et les médias n’ont  bien voulu retenir que les réclamations concernant le point d’indice et les pneus brûlés des taxis du matin. Il a été aussi question de la galère pour faire garder ses enfants. Les journalistes s’aperçoivent lors des grèves de l’utilité de l’école en tant que garderie, car pour ce qui est de la mission éducative : l’école leur parait essentiellement stressante. Et les opposants à la réforme du collège : des passéistes, coincés de droite, c’est Libé qui l’a dit.
Face à ce conformisme médiatique qui a perfusé jusque dans les rangs des personnels qui ne se sentent pas forcément concernés, voire des grévistes montés au ski, j’ai mis en ouverture de ce texte, le panneau qu’avait confectionné une manifestante.
Travail personnel appliqué qui se développait sur deux faces, pas siglé, pour lequel je crains qu’il ait été peu lu : l’ampleur de la déception, du malentendu, ne tenant pas en une sentence.
Mais la forme de cette protestation, inadaptée à nos temps laconiques, marque bien la distance entre ceux qui défendent une école où les mots seraient choisis et les petits marquis tweeteurs des ministères et leur presse à eux attachés.
Face aux désarrois des établissements publics en banlieue, qui pourraient recevoir des propositions nouvelles de réforme d’une façon favorable, les réponses ne sont guère plus enthousiastes à ce qu’on peut en savoir, la mode n’étant pas au débat éducatif, ni à de dépressives incursions dans ce qui apparait comme des « territoires perdus de la république » : un surveillant, pardon, un aide éducateur de collège public : 
« Dis Mouloud on ne t’a pas vu à la mosquée hier au soir » (« Marianne », l’hebdomadaire)
Une amie des temps expérimentaux qui consacra des temps de soutien gratos aux élèves en difficulté et force réunions de coordination entre profs divers, pourrait-elle recevoir ces élèves car aujourd’hui il s’agit de ne pas stigmatiser ? Tout est hystérisé: la déchéance de nationalité qui toucherait quelques individus qui font la guerre à leur pays, la note, la couleur rouge, la moindre remontrance, voire le moindre apprentissage, le moindre travail, la moindre page, sans parler de l’orientation : tous chômeurs et bac pour tous. Qui veut devenir prof ? La société est bien plus malade qu’on le croit, qui ne sait répondre que par les sous.
Jaime Semprun :
« Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? », il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : « À quels enfants allons-nous laisser le monde ? ».
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Dessin de Pessin sur le site de Slate :