En 2023, Philippe Katherine alias Bird est désormais
président de la République.
Elu
après avoir séduit les électeurs par une chanson, il est en difficulté dans les
sondages.
Alors les communicants organisent un brain storming de quelques
personnes qui proposent soit une love affair, un bombardement de la bourse de
Francfort, une traversée à pied de la Champagne, le recours à un être électronique ou à
l’expertise d’un enfant.
Solutions toutes aussi vaines, mais provoquant le rire
d’un public qui voit bien de quoi il s’agit.
Les mots les plus vibrants ne font
plus illusion.
Le sous sol de la
France qui n’est plus qu’un gruyère appelé à s’effondrer
encore un peu plus, a été vendu à des fonds suisses.
Pas si loufoque que ça.
lundi 1 février 2016
dimanche 31 janvier 2016
Orestie. Eschyle, Roméo Castellucci.
Agamemnon a tué sa fille Iphigénie
Alors Clytemnestre, la mère, tue le roi Agamemnon, son mari.
Et Oreste leur fils, pas en reste, tue sa mère Clytemnestre.
Parmi les Euménides, les Choéphores où Cassandre et la Phytie,
ont leur mot à dire, le coryphée,
chef de chœur, est un lapin, celui d’Alice, au pays des dieux tourmentés, ce
qui ne facilite pas la limpidité des affaires.
La triple tragédie familiale datant de 2500 ans a besoin
d’être révisée, mais il ne faut pas compter sur les deux heures trente de
spectacle pour éclaircir tellement la situation.
Le sur-titrage de la pièce jouée en italien, matérialise une
présence du texte indépendante des images présentées sur scène : « je te chie dans la bouche ».
Les fulgurances, la force de certaines séquences mais aussi
l’épate-bourgeois facile tiennent beaucoup de tableaux vivants, très art
contemporain avec ce qu’il faut de documentation nécessaire au préalable.
Les lumières sont superbes et derrière la gaze qui sépare
les spectateurs des acteurs, les choix sont radicaux : atmosphère noire
avant l’entracte, blanche dans la seconde partie.
Les corps les plus contrastés sont beaux ; Apollon,
avec ses moignons, nous frappe à l’estomac.
Si le sous titre : « comédie organique ? »
vaut pour son adjectif, l’humour de son point d’interrogation est pour moi la
seule occasion de sourire dans cette mise en scène violente qui ne fait guère
appel aux sentiments, mais essentiellement à nos yeux. Des spectateurs ont
reconnu du Fellini, d’autres du Bacon, nous ne voyons pas le temps passer. Un
rythme énergique peut contraster avec la lenteur qui n’entraine pas l’ennui
tant la poussière du temps doit prendre le temps de retomber, comme le silence
accusera les stridences à venir.
Inutile d’énumérer les réussites visuelles, car la surprise fera
partie du plaisir. Comme je craignais le côté « gore », j’ai été
impressionné, dans le sens où je crois que je conserverai en mémoire quelques
images fortes de ce moment important de théâtre.
« Il était
Roparant, et les Vliqueux tarands Allaient en gilbroyant » : Lewis
Carroll traduit par Antonin Artaud. « Antonin
le lapin te demande pardon »
Je ne pense pas que ce soit dans la version grecque
d’origine, mais finalement, il y avait quelques brins de comédie.
samedi 30 janvier 2016
Histoires. Marie Hélène Lafon.
et encore mieux.
J’avais le sentiment de connaître des personnages présentés
dans les courts chapitres de ce volume de 315 pages, mais je ne savais s’ils
venaient des livres déjà lus de mon auteure favorite ou de souvenirs de mon
pays d’enfance.
L’écrivaine qui finalement ne viendra pas à la librairie du
Square comme annoncé donne à la fin de cette livraison des clefs de sa démarche
dont on avait pu soupçonner l’exigence, l’élégance.
Pas un mot qui ne soit juste, pas une virgule de trop ou de
pas assez, pas un battement, une odeur, un silence, une poussière qui ne soit
pas vrai, dense, intense.
« Quelque chose
de la pâleur des livres, peut être, avait coulé dans la chair de Jeanne, qui
parlait d’ailleurs et d’autrement. »
Les taupes, les grenouilles, le tour de France à la
télévision, quelques gourmandises à la Delerm mais prises dans tellement de
solitudes, « le monde et sa plaie ouverte ».
Les phrases ultimes, à la fin de chaque récit, sont des
clous.
«Les enfants
n’écoutent pas. Ils attendent le dessert. »
«Des gens ont parlé en
bas. Ils ont crié. Il a attendu »
Et pourtant ce n’est pas faute de manquer de conviction
comme cette religieuse qui n’est plus de son temps, ou de courage comme cette
petite et son corset dans les dortoirs d’un pensionnat ou d’esprit de liberté
en fin de journée de communion.
Pour illustrer le poids des mots qui n’est pas qu’affaire
littéraire : un homme n’arrive pas à dire « fleur artificielle »,
il dit fleur « surnaturelle » pour celle qu’il apporte au cimetière.
On en partage tout le prix, et la beauté
indestructible. Je crois bien qu’il a raison de dire ainsi en ces lieux massifs
de chez central où l’on meurt beaucoup, avec tellement de dignité.
Racontées avec cette probité, ces tragédies qui nous
transpercent en deviennent presque consolantes.
vendredi 29 janvier 2016
Dany & Alain.
A la télévision l’autre jour Finkielkraut débattait avec Cohn-Bendit.
Je les apprécie tous les deux : peut-on être indécis à ce point ?
Comme on peut être mélancolique et aimer
rire, passer de la nostalgie à la positive attitude, sacraliser la France et
l’Europe…
J’ai été soulagé du respect qui passe entre
les deux interlocuteurs et que le philosophe tant assailli ne soit pas «
monté dans les tours » où sa passion l’entraine souvent.
Le chroniqueur d’Europe 1, qui sait y faire, a beau souligner
son âge pour répondre à la sempiternelle question de Pujadas de sa candidature
à la présidentielle, il reste le plus vert, même quand des politiques sensés
promouvoir une autre politique, l’adjointe de Juppé et le maire de Montpellier,
se présentent en fin d’émission, sans apporter de probante nouveauté.
Je suis las des amalgames qui mettent dans le
même panier (de son) l‘animateur de « Répliques » et Zemmour, mais
venant de Libé qui étiquette à droite, voire pire, toute parole critique à
l’égard de la réforme du collège, je n’attends plus guère de nuance.
Le pamphlet
de Lindenberg « Le rappel à l’ordre » datant de 2002,
ressorti des oubliettes, faisait la une
du journal de Drahi sous le titre : « affreux, réacs et
méchants » jour d’hommage à Scola, et la tête de l’auteur de « La
Seule Exactitude » figurait en bonne place, dans un trou.
Les généralisations hâtives entre Islamistes et Islam ont
été évitées ce jeudi soir. Le refus de l’essentialisation devrait valoir pour
tout débat et s’appliquerait la formule qui tiendrait en un tweet :
« ne fais pas à autrui… »
Attristés et littéraires, comme le philosophe, oubliant des mots mais
pas d’où nous venons, nous tricotons peut être le chanvre de notre corde, en
trouvant bien futiles ceux qui n’estiment pas la cruauté de la période. La
flamme bleue de L’Europe que Cohn-Bendit essaye de rallumer va
pourtant chercher dans les mêmes profondeurs.
Un tel échange qui laisse percevoir la vérité
des corps, la sincérité des acteurs, n’a pas la profondeur d’un livre ou même d’un
article. La jeune prof de banlieue qui avait préparé son intervention
insultante contre Finki sans écouter un mot de ce qui avait été dit, m’a parue
insupportable mais révélatrice des difficultés de nouer un
dialogue : « il n’est pire sourd… »
Et la
démarche passant par des « médiateurs » proposée par Dany pour
protéger les femmes qui souffrent des fondamentalistes islamistes à la RATP ne
me semble pas répondre à la question du syndicaliste passé inaperçue des
blablas des usagers des réseaux sociaux finalement assez moutonniers qui se sont dispensés souvent d'avoir vu l'émission, sans parler de lecture de la moindre ligne ou page des personnages exposés ce soir là .
…………
Le dessin du « Canard enchaîné » de
cette semaine :
jeudi 28 janvier 2016
Beato Angelico. Issa Steve Betti.
Le seul peintre béatifié (Beato Angelico ou Fra Angelico) 600
ans après par Jean Paul 2, de son nom Guido di Pietro, entre à treize ans dans
les ordres, en 1408, au temps du grand schisme divisant la chrétienté entre
Avignon/ Rome et Pise.
Pour cette naissance au service de Dieu, il s’appellera
désormais Giovanni di Fiesole ; son surnom Angelico vient d’une figure
alors en vogue, Saint Thomas d’Aquin,
surnommé « le docteur angélique ».
Lui ne sera pas « gyrovague », moine itinérant, il suit une éducation
artistique à Florence.
« Ce qu’il sait
peindre et ce qu’il a répété partout, ce sont des visions, les visions d’une
âme innocente et bienheureuse. » Taine
Son premier tableau,
attribué d’abord à un autre, « La
thébaïde » avait été
découpé en plusieurs panneaux. Du côté de Thèbes en Egypte, les premiers moines
se consacrent à la prière et au travail.
Dans ses miniatures emblématiques de l’art médiéval, aux
douces couleurs, aux traits fins et assurés, il célèbre « Saint Dominique en gloire » pour qui « La véritable richesse consiste à se satisfaire de peu ».
Sur fond d’or, inspiré de la tradition byzantine, le « Retable
de Fiesole » destiné à un couvent «observant», qui appelle au respect de l’idéal monastique
des origines, il peint bienheureux dominicains et moniales. La pastorale est
tournée vers tous.
« Saint Jérôme pénitent » devant des rocailles très Giotto, a laissé
l’habit de cardinal, le regard tourné vers l’intérieur, il a consacré sa vie à
la « vulgate », version latine de la bible, qui n’existait alors qu’en
grec.
La « Madonna
con il Bambino e i santi Tommaso d'Aquino, Barnaba, Domenico e Pietro martire »
est peinte sur bois, a tempera, utilisant l’œuf comme liant. La
Vierge et le Christ traités en style gothique,
parmi d’autres personnages inscrits
dans une perspective, ne sont désormais plus hiératiques, leurs visages sont
personnalisés, le paysage amorce ceux de la renaissance. Tout en conservant une
dimension sacrée, il peut être question de « conversation ».
Saint Dominique et Saint thomas d’Aquin, saints de fraiche
date, entourent une « Vierge à l’enfant », fresque exposée à l’Hermitage à Saint Petersburg. Ils s’approchent
d’un réel, qui pour les artistes, toujours fuira.
« Le Jugement dernier » peint en 1431, au
moment où Jeanne d’arc est brûlée à Rouen, sépare les bienheureux en farandole
des damnés dans la confusion, en une perspective spectaculaire. Les diables
punissent ceux qui ont péché par où ils ont péché. Bosch viendra bientôt. Le thème
sera repris dans plusieurs tableaux où les dominicains figurent souvent du
bon côté alors qu’ils furent parmi les inquisiteurs les plus tenaces ;
« Domini canes » : chiens de Dieu. A propos, depuis Vatican 2, la résurrection des
corps ne fait plus partie du dogme catholique.
« Le tabernacle des linaoli » commandé par la corporation des tisseurs de
lin, réalisé avec Ghiberti témoigne de la vitalité de Florence http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/10/florence.html
dont la production de textiles aux belles couleurs a fait la fortune. Les anges musiciens annoncent la bonne nouvelle sous les
volets où sont représentés Saint Pierre et Saint Marc, avec des scènes de
leurs vies sur la prédelle qui supporte le polyptique. La vierge devenue « star » sur le
tard dans l’histoire du catholicisme,
comme nous l’a expliqué avec verve le conférencier devant les amis du musée de
Grenoble, va fournir de nombreux sujets de peinture : lors de son mariage,
de sa dormition -elle n’est pas morte-, lors de multiples annonciations. Elle
représente la puissance ecclésiale depuis que Jésus a quitté ce monde.
Une des « Annonciation »
conservée aujourd'hui au couvent San Marco de Florence dont Frère Angelico a
assuré la décoration des cellules monastiques, est remarquable : Eve
chassée du paradis ressemble à la vierge étonnée décidément blonde. Tout
commence.
Le commanditaire ( est-ce Strosi ?) assiste à « la descente de croix »
au décor printanier annonçant renaissance et résurrection, baigné dans une
douce lumière ; la compassion accompagne la beauté.
Comme la vie de Saint Nicolas qui inspira le père Noël, les
vies de Côme patron des chirurgiens et Damien son jumeau, celui des pharmaciens,
furent riches en évènements. Ils travaillaient gratuitement, et les tortures
qu’ils durent subir, furent multiples : avant d’être décapités ils avaient
résisté à la noyade, au feu, aux flèches, à la lapidation. « Le
Martyre des saints Cosme et Damien » appartient au Louvre. Ils
connurent l’enfer sur terre. Ci dessus ce que Wouzit en repris.
Fra:« Ce bon moine a visité le Paradis et il lui a été permis d'y choisir ses
modèles. »
mercredi 27 janvier 2016
Le Paris de Vito.
Paris recommencé, mais Paris renouvelé :
bobo,
rétro, auto, moto, vélo, ghetto, prolo, mélo, claustro, dingo, macro, astro, métro,
boulot, dodo... gentillet.
Le dessinateur qui a étudié l’architecture est plus proche
de Batelier qui vendait ses dessins dans la rue du temps de Politique hebdo que
de la poésie de Sempé, légère.
Dans ces 135 pages autoéditées, la capitale est bien
mignonne parée de couleurs champêtres dont les personnages arrondis accentuent
un air d’illustrations pour enfants.
Pourtant ce livre se veut « manifeste pour une ville
palimpseste ».
« Ville qui se
construit sur elle-même et où l’on ressent les couches successives de son
histoire. »
La célébration de Belleville, de la petite ceinture, de la
place de la République, de la Villette, tout en proclamant son allergie au
dessin d’observation, le rapprocherait d’atmosphères genre Amélie Poulain, sans
la lumière.
Sont aussi relevés « l’entre
soi », les congestions urbaines, l’exigüité des logements.
La vocation est politique, mais il manquerait la percussion nécessaire
au genre.
mardi 26 janvier 2016
Les larmes de l’assassin. Thierry Murat. Laure Bondoux.
Cette histoire qui tient à l'essentiel se déroule en bordure du désert dans une cabane isolée, misérable :
une BD métaphysique est à craindre.
Elle l’est, sans chichi, avec un déroulement du scénario qui
n’incite pas à la divulgation, tant la découverte de la vie par un petit garçon
est limpide, puissante, palpitante.
Les dessins élémentaires et beaux expriment très bien les
enjeux fondamentaux en place au fin fond du Chili: la survie et la vie,
les souvenirs et l’oubli, les dangers que représentent les autres, l’amour et
la mort.
Rien que ça !
J’avais déjà fait part d’une de ses BD brièvement
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2008/06/elle-ne-pleure-pas-elle-chante.html
et je viens de voir qu’il a adapté « Le vieil homme et la mer » d’ Hemingway: cela doit lui convenir à merveille quand il s’agit de mettre en forme des primordiaux de la nature humaine où se rencontrent sobriété, rudesse, et tension.
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2008/06/elle-ne-pleure-pas-elle-chante.html
et je viens de voir qu’il a adapté « Le vieil homme et la mer » d’ Hemingway: cela doit lui convenir à merveille quand il s’agit de mettre en forme des primordiaux de la nature humaine où se rencontrent sobriété, rudesse, et tension.
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