dimanche 8 juin 2014

Torobaka. Akram Khan Israel Galvan.

Le bangladais installé à Londres concluait sa résidence à la MC2 http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/06/itmoi-in-mind-of-igor-akram-khan.html , en collaboration avec le sévillan, sémillant gardien de la flamme : le katchac est si proche de la danse gitane dans les volutes des ses bras et la frappe des pieds. Le toro et la vache.
La danse invite la musique, elle-même tape, rythme, pioche, pique, vibre, pieds nus et  voix nues..L’espagnol est tranchant, le danseur vedette de ces dernières années par chez nous plus enrobant : tous deux d’une intensité, d’une précision époustouflante. Le roi des pieds en vient à enfiler des chaussures à ses mains et il danse de toute son âme. La musique n’est pas en boite et les  chanteurs sont impressionnants dans leur profondeur, nous les suivons dans leur tour de la Méditerranée dont la variété ajoute au charme et à la force du spectacle.
Dans le tourbillon des gestes passent toutes les passions : le défi, la séduction, la vivacité, l’humour, l’accueil, l’orgueil, la générosité, la gravité, la violence qui mène à  poursuivre le rythme en frappant de la tête sur le sol.

samedi 7 juin 2014

Rosa candida. Audur Ava Olafsdottir.

Un jeune homme qui vient d’être père par inadvertance quitte la maison paternelle après la disparition accidentelle de sa mère, il laisse son frère jumeau autiste et son vieux père dans leur maison parmi les laves froides.
Le tableau pourrait être chargé et contrasté en regard de sa nouvelle vie où il reconstitue en un tour de main la plus belle roseraie du monde où vont se multiplier ses boutures de « Rosa candida », dans un monastère lointain où va le retrouver la mère de sa petite fille dont il va savoir s’occuper à merveille.
« Les femmes sont comme ça. Elles surgissent tout à coup devant vous, au seuil d'une nouvelle vie, un marmot sur les bras pour vous signaler que c'est à votre tour d'endosser la responsabilité d'une conception intempestive, d'un enfant-accident.»
Les conditions de lecture influent sur nos lectures. J’ai été emballé tant que je l’ai lu d’un trait appréciant le traitement original des personnages, l’écriture simple, l’humour doux.
« Je trouve qu’il est aussi important que cette jeune fille étrangère-je dis jeune fille comme mon vieux père- se représente une plage de sable vaste et déserte, sans aucune trace de pas, et puis rien d’autre que la mer sans fin… » Je préfère les recherches, les tâtonnements.
Si vers la fin  je me suis un peu lassé de la douce félicité dans laquelle baigne Arnljotur, dit Lobbi, je recommande portant volontiers ce roman islandais. La petite fille dans un monde vieux redonne la santé autour d’elle. Hormis le portrait  sans l’once d’une méchanceté d’un père à gros sabots, fréquenter pendant 332 pages autant d’ingénuité et d’innocence nous console de bien des tromperies du monde.
« On parle du corps à cent cinquante-deux endroits dans la Bible, de la mort à deux cent quarante-neuf et de roses et autre végétation terrestre à deux cent dix-neuf. J'ai recensé cela pour toi; ce sont les plantes qui m'ont pris le plus de temps; figuiers et vignes se cachent partout et il en est de même pour les fruits et toutes sortes de semences » a repéré le moine cinéphile qui parsème le parcours de quelques  formules de sagesse qui ne se prennent pas au sérieux.

vendredi 6 juin 2014

Le Postillon. Eté 2014.

Il a dû bien se vendre le bimestriel avec son titre en première page : « Piolle pollueur », légende gratuite d’un dessin qui voit le nouveau maire de Grenoble reconnaissable seulement grâce à son maillot à pois, ayant attaché Safar et Destot sous un panneau « défense de déposer des ordures ».
Pourtant à l’intérieur rien à ce sujet de pollution, sinon Fioraso en cible récurrente et Vallini en ligne de mire, avec Ferrari nouveau président de la Métro qui va bientôt entrer dans le castelet où il risque quelques coups de massue en carton bouilli. Par contre le dessin d’un Jérôme Safar en crieur enthousiaste pour vanter « Le postillon » qui montrerait « la face cachée de Piolle » est plus drôle.
Effectivement sous le titre « Le vert à moitié plein », le journal joue son rôle critique en précisant ce que les journaux nationaux ont ignoré : la PME que Piolle avait cofondée, Raise Partner, où sa femme est toujours salariée, gère les risques de la bourse pour des investisseurs. Mais nul besoin de clamer son indépendance à toutes les pages comme s’ils en doutaient : le mieux quand on prétend à l’exemplarité journalistique c’est dans les actes sans besoin de sous titre, et en se relisant pour éviter d’avoir deux fois la même brève sur la même page où il est question … d’Albert Londres.
Par ailleurs les aficionados de « pièces et main d’œuvre » qui levèrent quelque lièvres voir  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/03/le-postillon-fevrier-2014.html donnent dans le reportage nostalgique : avec Libéria ancienne fabrique de vélos et une visite chez un fabricant de tampons en caoutchouc et « una brizi de littérature patoise ». Une galerie de portraits d’hommes qui vivent dans la rue, au jardin de ville  et place Grenette parlera aux grenoblois.
Je fais partie des psychorigides passibles « d’une thérapie collective » qui regrettent que les articles ne soient pas signés, mais quand on prétend être exigeant avec la démocratie, l’anonymat ne me semble pas cohérent avec la crédibilité, la vérité(Pravda), l’honnêteté.
De même que des militants qui ont fait la campagne de Piolle qui parlent sous pseudos, manquent de courage politique, leurs paroles en sont amoindries et dévaluent le titre : «  il n’y aura pas de printemps grenoblois ». En tous cas pour la transparence, faudra attendre : en matière d’informations le voile de pollution au dessus de la cuvette ne s’est pas totalement levé. 
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Dans le Canard de cette semaine: 



  

jeudi 5 juin 2014

Galeries Nunc et Space junk .

A Grenoble, au 7 de la rue Génissieu derrière le cinéma le Club, au cœur du bobo quartier Championnet, la galerie Nunc accueille Eugénie Fauny qui recouvre ses images de ruban adhésif : Rimbaud brille, et Basquiat est sous pellicule. Toutes les métaphores sont autorisées jusqu’à « un monde  en morceaux qui serait ainsi "recollé " mais peut être en faudra-t-il plus.
Elle a trouvé son truc et le sol recouvert de mots est d’un bel effet, mais de la même façon que dans l’intitulé « Gallery, bookstore & more », le Scotch® Art d’Eugénie « créatrice de beauté » gagnerait à plus de modestie. Car il est difficile d’être à la hauteur de telles appréciations, quand il ne s’agit que de jeux pop sympathiques : «  Elle apporte un sens artistique et philosophique à des images vides de sens, qui, sans son intervention, finiraient à la poubelle. »
J’ai préféré finalement ses formats sur le web https://myspace.com/plastikart qu’en grand pour de vrai… pour une fois.
Au 15 de la même rue, l’espace Space junk  dédié à la « Board Culture » (culture de la planche à roulettes ou des neiges) propose les travaux de Didier Ra.
Difficile de ne pas penser à Druillet devant ses boards où sont collés des crânes, des  tuyaux, des objets électroniques et de l’électro ménager agencés sous un vernis comme masques égyptiens ou précolombiens. Bien que cet univers de science fiction matiné de punk attitude ne me soit guère familier, il faut reconnaître une cohérence à l’exposition dont l’artiste par ailleurs tatoueur décrit comme « pur plaisir personnel, sans message pseudo-intellectuel caché derrière chaque œuvre ».

mercredi 4 juin 2014

XXI. Printemps 2014.

200 pages de mon trimestriel de référence, comme je les aime, variant les lieux, les regards, allant au-delà de l’émotion par une documentation précise ; se tenant loin de l’actualité immédiate et pourtant au cœur de nos questionnements.
Cette fois le dossier principal est consacré en trois articles à des êtres « lumineux », exceptionnels, sans être au dessus des autres : Nathanaël le Grenoblois victime d’un accident en montagne que ses copains tractent jusqu’à des sommets inaccessibles, Margaret en Haïti chirurgienne de la reconstruction qui intervient dans des conditions démentes, Sanal en Inde en lutte contre les superstitions, et il y a du boulot !
 Nous passons côté sombre avec des photos des « mangeurs de cuivre » dans une entreprise qui fut gigantesque au Congo, parmi les vignobles du Médoc arrosés de pesticides dans les pas d’une solitaire qui se bat seule contre le silence pour dénoncer un scandale qui fait penser à celui de l’amiante, ou cette « belle de guerre » en Bosnie condamnée 20 ans après.
Rendez vous prévisible autour de la guerre de 14 et des chercheurs infatigables qui arrivent à identifier les inconnus qui reviennent encore à la surface des terres autour de Verdun, ou le portrait fouillé de Pistorius dont le slogan était « je suis la balle dans le chargeur ».
Ceux qui connaissent Amin Maalouf n’apprendront rien de bien neuf sur sa biographie qu’il a traité dans son œuvre avec bien plus de densité, de passion, de couleurs. Par contre le regard de Stassen auteur de bandes dessinées sur l’Afrique du sud est original, multipliant les angles et restituant ses impressions avec efficacité. 

mardi 3 juin 2014

Un peu de bois et d’acier. Chabouté.

Le titre « Banc public » aurait mieux traduit la simplicité de ce récit muet, élémentaire où se succèdent, se rencontrent, un enfant qui grave un cœur, des solitaires et des couples, un chien , un jogger, des vieux qui viennent partager une pâtisserie , un skateur, une lectrice, un clochard et le policier qui le traque, des commères, un musicien, un amoureux au bouquet de fleurs, et l’employé qui doit le repeindre au fil des saisons qui passent... sur plus de 300 pages.
Un guitariste tonitruant distrait un professeur dans la lecture de son traité de musicologie comparée. Le temps s’écoule,  le récit est rythmé, notre temps de lecture lui est délicieux, car l’humour est léger, la poésie certaine qui n’ignore pas le réel, le dessin noir et blanc est rigoureux et élégant. Des aménageurs  remplaceront le ringard que nous aurions inaperçu par un moderne plus design où il sera impossible de s’allonger. Dans ce blog, la dernière chronique consacrée à ce dessinateur peut se lire en cliquant ici : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/10/fables-ameres-chaboute.html

lundi 2 juin 2014

Deux jours, une nuit. Jean Pierre et Luc Dardenne.

En général on ne va pas voir un film des Dardenne pour les actrices mais pour mieux comprendre la société. Oui, d’accord, Marion Cotillard joue bien et sa démarche avec des boots fait plus peuple que people, mais le débat quant à un prix d’interprétation à Cannes me parait  de peu d’intérêt. Le temps d’un week-end la jeune femme soutenue par son mari et des cachets va tenter de surmonter sa honte, rencontrer parfois celle des autres ou leur violence.
Ce tour du côté de la classe ouvrière est vraiment d’actualité quand notre humanité est interrogée au-delà d’une sortie des urnes.
La question posée aurait semblé incongrue à une époque ou  le mot « camarade » n’était pas tourné en dérision:
« choisissez - vous une prime de 1000 € ou le maintien dans l’emploi d’une collègue ? »
Le partage du travail, « travailler plus pour gagner plus », le chômage, l’individualisme, la solidarité sont traités au cours d’un porte à porte qui permet de nuancer les réponses individuelles. La jeune femme fragile se rassure en formulant ses demandes  toujours de la même façon, cela n’est pas une maladresse mais une compréhension intime de la  psychologie des personnages par les réalisateurs. Il en est de même avec la question de chacun : « que font les autres ? » un vieux lien à ses semblables qui conduisait jadis vers la générosité.
Un bon film politique sans manichéisme avec une pointe d’espoir. La formule  qui conviendrait en conclusion : « ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent » appartient à Victor Hugo. A retrouver le poème en entier, on ressentira un souffle séculaire ravivé par ce film nécessaire.