vendredi 10 mai 2013

« Les coupables de la crise : les pauvres et les immigrés… les 35 h »



Il est là derrière la porte qu’il secoue!  Plus impatient que jamais, il ne se rase plus,  Le Figaro sous le bras, une opinion sans  mémoire dans son sillage, flattée dans ses égoïsmes les plus rudimentaires, sa brutalité la plus primitive.
Le Cynique Barjot, de quoi est-il le nom ?
Diderot est si loin : 
« il n’y a qu’un devoir : c’est d’être heureux, il n’y a qu’une vertu : c’est la justice. »
Que les riches se gavent, ce n’est pas un problème, parfois même dans l’idée de gens modestes, et que notre société permette à tous de bénéficier de soins de santé avec la CMU défrise même de très chrétiens citoyens.
Pourtant que des personnes puissent vivre plus dignement ne leur enlève rien comme les homosexuels pouvant accéder à de nouveaux droits ne le font au détriment de personne…
Devant la persistance de certaines affirmations désormais banales remettant en cause le troisième terme de notre triade républicaine, je suis allé chercher chez ATD quart monde quelques chiffres en évitant les arguments moraux guère audibles en cette  période où Cahuzac rejoint Guérini  comme un boulet de plus dans notre sac à dos.
Les pauvres:
La fraude aux prestations sociales est évaluée à environ 3 Milliards €
et concernerait 1 % des particuliers, 90 % de ces 3 milliards sont récupérés.
C’est à comparer avec la fraude aux prélèvements sociaux par les entreprises,
évaluée à 14 Milliards € et qui concernerait 10 % des entreprises
et avec la fraude fiscale, évaluée en France à 50 Milliards €
par la Commission Européenne.
En 2013, le RSA est à 483 € pour une personne seule.
La moitié des personnes éligibles au RSA n’en fait pas la demande.
Les étrangers :
L’immigration coûte chaque année 48 milliard d’euros à la France en prestations sociales, mais elle rapporte 60 milliards d’euros en impôts et cotisations sociales.
Quant au couplet sur les français fainéants, dans Alternatives Economiques :
« Il ne faut pas confondre durée légale du travail et durée effective. Les Français sont parmi ceux qui travaillent le plus en Europe, et notamment plus que les Allemands ! A cet égard, comme l’avait bien souligné le député PS Pierre-Alain Muet, les 35 H n’ont représenté qu’un rattrapage vis-à-vis de l’Allemagne qui travaillait alors moins que nous. Mais, depuis, la durée du travail n’a cessé de diminuer en Allemagne tandis qu’elle augmentait chez nous » Le travail à temps partiel est très répandu chez Angela.
Pourtant ce n’est pas sûr que des arguments qui viseraient à un peu de discernement soient entendus dans ces débats où tant jouent aux cons.
De surcroit, venant de notre camp, les rodomontades de ceux qui sont parmi les plus fervents défenseurs des exclus, telles que «  nous on sait faire ! » s’avèrent bien improductives.
………..
Les temps sont sauvages : un enfant de quatre ans tue sa petite sœur avec le fusil qu’il a reçu pour son anniversaire.
…..
Dans le Canard de cette semaine :
« Hollande condamné à deux ans avec sursaut »
à propos du sursis de Bruxelles pour réduire les déficits.

jeudi 9 mai 2013

Desports. Numéro 1.



Il parait que « desport » est un vieux mot français qui signifie: « divertissement, plaisir physique ou de l'esprit ».
Dans le genre « mook », nouveau mot  alliant books et magazines qui poussent à la suite de XXI comme champignons sur le terreau d’une presse en décomposition, ce livre de 290 pages est cartonné ainsi qu’un manuel de sciences naturelles des années 50.  
Le titre aurait pu être plus original  pour qui se met dans la roue de Blondin et d’Albert Londres, ravivé d’un zeste de « So Foot », alors que les têtes de chapitre : « à domicile », « balle au centre » « prolongations » sont prometteuses.
L’unanimité dans les éloges de Jean Jacques Bourdin à Médiapart me conduirait à « marquer à la culotte » celui qui se veut « le premier magazine de sport à lire avec un marque page ».
Les plumes sont prestigieuses : Maylis de Kerangal, Sépulveda, Pierre Louis Basse,
et les invités fameux : Pasolini, Moretti, Deleuze, Podalydès.
Le football, lieu de la nostalgie et de la politique, est privilégié, le cyclisme pas moins, dans un petit abécédaire belge excellent pour ceux qui savent que De Vlaminck n’est pas qu’un peintre ; il y aussi du saut de chameau au Yémen qui vaut son pesant de quat.
Si je n’ai pas accroché aux stratégies d’un entraineur de football américain, l’article sur l’importance  du hockey au Canada, est éclairant.
Des sujets tels que l'amitié entre Jesse Owens et son  blond rival allemand Luz Long ou le destin du premier boxeur noir champion du monde, Jack Johnson, rencontrant sur un ring Arthur Cravan, neveu d’Oscar Wilde sont intéressants. Le portrait de Jean-Marie Balestre qui régna sur le sport automobile et au-delà, nous renseigne sur de noirs réseaux qui furent influents dans  notre pays.

mercredi 8 mai 2013

Ron Mueck. Fondation Cartier.



L’originalité immédiatement familière de cet artiste australien installé à Londres a revigoré mon regard pour d’autres œuvres vues plus tard à Paris.
Quand je me suis arrêté devant les blessures du christ de Giotto, je me suis souvenu de la plaie que découvrait innocemment un jeune noir de 60 cm de haut présenté au 261 Boulevard Raspail.
Le traitement hyper réaliste d’une vieille dame sous son parasol de plage aurait pu être mis en scène dans l’exposition des arts premiers consacrée aux cheveux.
Nous avons tout le temps d’observer les sculptures en résine, elles ne sont que  neuf, pour nous accorder à la minutie du travail de l’artiste dont un film donne un aperçu.
C’est devenu si rare d’entrer d’emblée en empathie avec des productions contemporaines sans passer par des explications alambiquées  que les personnages traités en des tailles variées s’accrochent à notre mémoire.
La précision qui va jusqu’aux nuances de carnation nées d’une émotion pose la question de l’humain, de la création artistique, de la création de l’homme, du souffle de la vie.
L’artiste nous arrête devant des situations quotidiennes et rajoute du mystère à la banalité.
Deux adolescents sont côte à côte, dans leur dos, la main du garçon est impérieuse, un bébé recherche le regard de sa maman encombrée de sacs en plastique,
un touriste à lunettes noires se prélasse sur un matelas pneumatique posé à la verticale, comme un crucifié moderne.
Une femme porte du bois mort sur son dos, sa peau nue est marquée par les branches.
Un poulet déplumé a taille humaine, humain forcément humain, nous donne la chair de poule.
Un masque gigantesque dont la bouche s’affaisse sous l’effet du sommeil ressemble à l’artiste. Rêve-t-il ?
Un homme nu est assis dans une barque, seul, il n’y a pas de rame, ni de gouvernail.
L’exposition se tient jusqu’à fin septembre 2013.

mardi 7 mai 2013

Rides. Paco Roca.



Le quotidien dans une maison de retraite.
Je suis reconnaissant à l’auteur  bien documenté d’éviter les clichés qui associent les maisons de vieux à des lieux indignes. Des personnes y travaillent, et méritent pour beaucoup le plus grand respect.
Le récit  est limpide, agrémenté de douce poésie, les portraits sont typés sans être caricaturaux : pittoresque, pathétique, drôle, tragique.
Déambulateurs et télévision.
Une s'imagine dans l'Orient-express, une autre cherche sans cesse un téléphone, des couples s’épaulent, des solitudes s'alourdissent.
La ligne claire gomme les aspérités existantes comme la mémoire qui s’efface chez les personnes en bout de course qui s’arrangent avec un réel qu’il vaut mieux arranger, en se mettant à croire à leurs rêves.
Nous suivons le parcours d’Ernest placé là par ses enfants qui ne pouvaient plus assumer.
Un résident qui a toute sa tête va se montrer bienveillant avec lui, sans mièvrerie, faisant preuve de débrouillardise et d’un humour partagé par d’autres interlocuteurs.
Un sujet rare, appelé à se multiplier, surtout qu’avec Alzheimer, nous aurons l’impression de découvrir  un BD nouvelle à tous les coups.

lundi 6 mai 2013

The Grandmaster. Wong Kar-wai.



Je suis allé voir ce film pour le réalisateur d’ « In the mood for love » qui filme les femmes magnifiquement sur fond de musiques mélancoliques.
Mais le destin de Ip Man me laisse à distance, le maître de Bruce Lee ne fait pas partie de mon panthéon et je suis resté imperméable aux nuances entre les différentes écoles de kung fu qu’il s’agirait d’unifier.
Il y a déjà tellement à faire pour saisir les nuances du rose à l’intérieur de la gauche par chez nous.
Restent des moments de rêve : un enterrement  sous la neige, des intérieurs chaleureux mais fragiles, de beaux visages, un grand sujet : la transmission sur fond nostalgique.
Même en cette période où l’eau détrempe notre moral, WKW pourrait arriver à nous faire aimer la pluie tant les chorégraphies des combats éclaboussent de beauté dynamique. Les moments de calme alternent avec des déchainements explosifs, mais je n’ai pas su percevoir clairement l’arrière plan historique sous le papier cadeau chatoyant.

dimanche 5 mai 2013

Le retour. Pinter. Bondy.



Bruno Ganz, mais oui,  jouait dans « Les ailes du désir », Pascal Gréggory dans « Ceux qui m’aiment prendront le train », Emmanuelle Seigner, femme de Polanski et Louis Garrel font aussi partie des familles qui tiennent le haut des affiches.
Ils étaient à la MC2 dans une pièce de Pinter traduite par Philippe Djian et montée par Luc Bondy : tout ce beau monde pour pas grand-chose, voire pour certains spectateurs la révélation d’un malaise car une femme glissant vers la prostitution peut difficilement apparaître comme un accomplissement féministe comme le présente le metteur en scène.  
Un pâle philosophe laisse sans état d’âme sa femme, corps étranger, à ses frères et à un père brutal qui pensent en tirer profit. La distance culturelle entre le fils parti aux Etats Unis et ces paumés n’est pas traitée non plus.
On attend un dévoilement, une révélation mais rien ne vient  pendant  ces 2h 20 sans chaleur. Les personnages passent de la violence à l’indifférence, sans mystère, sans cohérence et si nous  arrivons parfois à suivre  dans les romans, des pervers, des tordus ambigus, nous restons étrangers à cette pièce bien plus datée que le Cyrano qui nous enchanta il y a peu de temps.

samedi 4 mai 2013

Liturgie. Marie Hélène Lafon.



Quelques grands lecteurs que j’écoute volontiers n’hésitent pas à dévorer tout ce que publient leurs auteurs favoris; trop soumis aux plaisirs des nouveautés, je me gardais de tomber dans la passion exclusive jusqu’à la rencontre avec cette auteure qui me touche au plus profond.
Et il a fallu de la persévérance : le livre découvert chez Finkielkrault n’était pas disponible à la FNAC, ils me l’ont commandé et à l’issue de procédures automatiques, remboursé quelques jours après sans que je l’obtienne ; la librairie du Square m’a sauvé et l’a déniché.
 Pour se régaler de mots aussi évidents que l’été:
« C’était le mois de juin, capiteux, riche, fourré d’herbes longues. L’ombre et la lumière crépitaient dans la cour. »
Mais ce sont surtout des fleurs de Novembre qui sont présentes dans cette série de portraits, de destins, de maisons dont tant de pièces sont vides.
Roland, le grand menuisier s’est pendu, la vie des habitants de ces pays « au plus serré des hivers » est tellement rude.
Le lien intime du lecteur et de l’auteur avec ceux qui comme moi ont commencé à lire surtout « Vaillant » au bord d’un champ tout en gardant les vaches, se tricote avec le portrait cette fois de l’institutrice partie en ville :
« Elle n'était plus de ceux qui gagnent leur vie avec les bêtes, leur viande, leur lait, avec la terre ouverte, charruée, ensemencée, avec ce que la terre donne et ce qu'elle refuse, avec les saisons, leurs attentes longues, leurs coups de colère et leurs soudaines embellies »
 Pourtant : « Quelque chose de la pâleur des livres, peut-être, avait coulé dans la chair de Jeanne, qui parlait d'ailleurs et d'autrement. »
130 pages pudiques et  charnelles, violentes, telluriques et d’une minutie qui rejoint mon goût maniaque des gros plans en photographie.
Tellement fort, que même un parisien peut découvrir et comprendre ces « territoires » d’outre temps, avant que les technocrates n’aient vidé ce mot de toute sa densité, à force de le répéter.