mercredi 2 janvier 2013

Mauriac à Malagar.



« Tant pis ! J’oserai dire ce que je pense : paysage le plus beau du monde, à mes yeux... »
Autour de la maison de maître située sur la commune de Saint-Maixant, des citations de l’académicien ponctuent nos pas. Celle là n’est pas la plus incontestable, elle grave cependant dans le bronze la subjectivité assumée de l’académicien que je jugeais jusque là avec trop de distance.
L’écrivain catholique livrait ses blocs notes au Figaro et à l’Express mais il s’est montré critique vis à avis de l’église, courageux dans ses positions lors de la guerre d’Espagne et celle d’Algérie.
Le panorama qui domine Langon au bord de la Garonne et la forêt Landaise n’est  pas exceptionnel pour le visiteur d’une après midi, mais cette visite est un passage utile pour aller plus loin dans l’œuvre du prix Nobel  de littérature, sous la conduite d’une guide élégante.
Dans ce lieu de villégiature,  dont le nom signifie « mauvaise garenne », nous n’avons pas le sentiment d’être indiscret dans la lumière qui pénètre dans les pièces donnant sur une campagne paisible avec une allée de cyprès aux allures toscanes. 
L’étreinte d’un  « Nœud de vipère », qui fut écrit là, peut se desserrer, ou se donner à lire ou à relire.
La cuisine a le charme des lieux anciens, et  dans le bureau persiste comme une présence qui a eu le temps de prendre consistance avec une exposition  bien fournie en images dans le chai du domaine où se cultivait la vigne : nous sommes en Sauternais.
"Une oeuvre, tant qu'elle survit, c'est une blessure ouverte par où toute une race continue de saigner."
 A proximité un calvaire, situé sur les hauteurs près d’un moulin à vent restauré, ne nous éloigne pas du contexte catholique, surtout si l’on va faire un tour dans la basilique mariale de Verdelais qui faisait partie des arguments attractifs lors d’une revente du domaine. Elle est tapissée  d’émouvants ex-voto de tous les affligés qui y furent guéris.

mardi 1 janvier 2013

Jour de l'an.




 « Tenez dit l’avare : voici un calendrier neuf et qu’il vous fasse toute l’année ! » 
 Jules Renard
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Sur le site de Médiapart: effet miroir

lundi 31 décembre 2012

Tabou. Miguel Gomes.



Ce Tabou n’a rien d’une transgression, c’est le nom d’un film de Murnau qui a fait s’extasier des générations de critiques, quant à moi, au cinéma, les œillades expressionnistes me laissent indifférent. Le film du jeune réalisateur portugais était par ailleurs accompagné de dithyrambes qui auraient pu le plomber. Il n’en est rien.
La chronique d’une fin de vie à Lisbonne, « Paradis perdu », où une vieille  femme se joue un ultime film auprès d’une bonne impassible et d’une voisine compatissante, est menée avec tendresse et sympathie. Les uns passent à côté des autres.
Le récit en seconde partie d’une adultère au « Paradis » dans une colonie en Afrique est bien servi par le noir et blanc qui filtre les outrances, permet la réinvention d’un passé exprimé par une voix off.
La piscine de la villa ne paraissait pas tragique à celui qui portait beau avec son chapeau : elle était le luxe, c’était la jeunesse. De cette époque romantique révolue ne subsistent que le bruit des bêtes de l’herbe, les voix des personnages ne nous parviennent plus. La passion est passée.
On peut croire à l’innocence revendiquée par l’auteur.
Sa poésie  aux formes nouvelles fait passer la mélancolie : les crocodiles servent de balançoires aux enfants dans les centres commerciaux, il suffit de glisser une pièce.

dimanche 30 décembre 2012

Thomas Dutronc. Jeune, je ne savais rien.



C’est bien le fils de son père et de sa mère, avec valeur ajoutée du jazz manouche et saucisson corse.  Léger, fin, ironique.
Alors l’écoute est cool, et nous guérit des harangues râpeuses, des insipides de trois minutes, des inaudibles tapages.
Surtout ne pas se prendre au sérieux :
« quand le temps passe toujours trop vite, hélas
Nos amis, souvent, les plus chers, les meilleurs, sont partis
Sont loin, sont malades, sont morts »
… il se commande un steak frites
« Un bon gros steak, avec des frites »
Clins d’œil dans « J’aime plus Paris » :
« Prépare une arche
Delanoë
tu vois bien,
qu'on veut se barrer
même plaqué or, Paris est mort
il est 5 hors, Paris s'endort »
 D’abord musicien, même s’il « n’est pas d’ici » :
« Un coude en l'air, le vent est doux, la lune fidèle,
Un chant tsigane, j'me sens tsigane
Le cœu
r léger, je vois passer une fleur d'été
Hello jolie, j'suis pas d'ici, j'suis musicien
Un soir je suis le roi, un soir je suis le chien
Qu'on caresse ou qu'on laisse en solo »
Et l’humour qui éloigne tous les maux :
« Comme un manouche sans guitare ».
« Comme une pizza sans olive
Une page de pub sans lessive
Si t'es pas là, je ne suis plus moi
Comme un arbre sans racine
Comme le théâtre sans Racine
Sur cette plage sans Aline. »
Il parait qu’en concert il est excellent, alors s’il passe dans les parages, je me mets dans la file. Un CD est en route: l’automne aura un air de printemps.

samedi 29 décembre 2012

Le champ du potier. Andrea Camilleri.



Le gang des méditerranéens des auteurs de polars: Manuel Vázquez Montalbán a écrit des livres policiers où son inspecteur désabusé Pepe Carvalho amateur de cuisine est fortement enraciné dans l’histoire de sa région. Jean Claude Izzo reprit la recette, le héros fatigué de Camilleri s’appelle Montalbano, il travaille et se restaure en Sicile.
« Il changea de chaîne. Un cardinal parlait du caractère sacré de la famille. Pour l'écouter, il y avait au premier rang quelques hommes politiques dont deux divorcés, un qui vivait avec une mineure après avoir abandonné sa femme et ses trois enfants, un quatrième qui entretenait une famille officielle et deux familles officieuses, un cinquième qui ne s'était jamais marié passque tout le monde savait qu'il n'aimait pas les femmes. Tous acquiesçaient gravement aux paroles du cardinal. »
La traduction en français mêlé d’une sorte de provençal ajoute une touche originale à une intrigue policière nonchalante teintée d’humour.
« Dottori, j’étais en train de pinser que peut-être bien qu’il m’aconvient de frapper avec le pied, vu qu’avec la main je ne contrôle jamais. »
Nous voyageons dans un pays de culture.
« La vieille Mafia était maître en sémiologie, à savoir les signes qui servent à communiquer. Tué avec une boule épineuse de figuier de barbarie jetée sur le corps ?
 Nous l’avons fait parce qu’il nous a piqué trop d’épines, trop de déplaisirs.
 Tué avec une pierre dans la bouche ?
Nous l’avons fait parce qu’il parlait trop. »
 La mer désormais rejette des détritus sur les plages, et quelques femmes sublimes ont beau traverser le récit, le temps pèse sur les corps et les âmes.
Et il peut être nécessaire de connaître l’évangile selon Saint Matthieu
« Judas, celui qui l’avait trahi, apprit que Jésus avait été condamné. Il fut alors pris de remords et rapporta les trente pièces d’argent aux chefs des prêtres et aux anciens. Il leur dit : Je suis coupable, j’ai livré un innocent à la mort ! Mais ils lui répondirent : Cela nous est égal ! C’est ton affaire ! Judas jeta l’argent dans le temple et partit ; puis il alla se pendre. Les chefs des prêtres ramassèrent l’argent et dirent : Notre loi ne permet pas de verser cet argent dans le trésor du temple, car c’est le prix du sang. Après s’être mis d’accord, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y établir un cimetière d’étrangers. C’est pourquoi ce champ s’est appelé champ du sang jusqu’à ce jour. »
Le cadavre a été découpé en trente morceaux.

vendredi 28 décembre 2012

Depardieu parti.



Autour des tables de Noël, nous avons évité de parler de Depardieu.
L’écrit, fut-il en ligne, assurant moins de fâcheries en direct, j’y vais de mon couplet.
L’exil d’Obélix n’est pas anodin : les masques se fendillent.
Le roc, bien qu’enveloppé, continuait pour moi à incarner la vitalité d’une jeunesse qui perdurait depuis « Les Valseuses », j’aimais tellement son rire tonitruant.
Mais le dernier épisode, où il joue les offensés du haut de son arrogance de parvenu, ne passe pas.
J’ai transmis le texte de Torreton dont j’avais apprécié les accents théâtraux bienvenus dans cette comédie quelque peu surjouée de toutes parts.
Les Lucchini, Gad Elmaleh qui nient tout droit à ceux qui ne sont pas à l’affiche de porter tout jugement, hérissent mon esprit borné par notre triade républicaine.
Comment ça ? En dessous de tant de clients, de tant de pognon, à moins de cinq dictateurs dans son réseau, ceux qui consentent volontiers à l’impôt n’auraient pas le droit de causer !
Au-delà des brandisseurs intermittents de drapeaux tricolores qui échappent depuis belle lurette à la solidarité envers ceux qui ont contribué à leur fortune, le reflexe de caste qui a saisi bien des artistes m’a surpris et navré.
Le peuple sera-t-il le dernier à devoir payer l’impôt ?
Tous ces « peoples », que n’avaient-ils dénié le droit au clergé de s’exprimer contre le mariage pour tous, alors qu’il ne s’agit pas de mariage religieux mais civil ?
Je n’attends pas de Deneuve qu’elle nous dise ce qu’est la laïcité, elle a bien trop à faire avec sa corporation.
Je fréquente les salles de théâtre, de cinéma, me croyant familier de personnages numérisés rétribués grassement, il est temps de m’apercevoir que la profession d’ « artiste » n’est qu’une variante de publicitaire : Jean Valjean c’était de Victor Hugo, le reste des contrats. 
J’imaginais tant de passion pour accéder à ce métier prestigieux, tant de sacrifices jusqu’à la cour d’honneur du palais des papes, en plein Mistral.
Aujourd’hui, comme dans la chanson interprétée par Tapie,  il devient fréquent que des parents qui auraient voulu «  être un artiste », poussent leur progéniture indifférente sous les projecteurs.
Les spots n’éclairent plus que des brouillards artificiels.
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Dans le Canard de cette semaine:
 

jeudi 27 décembre 2012

Tango n°4. Les fous du sport.



Une photographie de Doisneau, peu connue, il y en a, d’un boxeur effondré dans son coin devant un manager hilare de toute sa bouche édentée ne glorifie pas « le noble art » mais donne une idée du beau magazine consacré au sport à grand renfort de plumes chatoyantes : De Kérangal, Fournel, Delbourg, Le Bris…
Le choix de Doisneau est  par ailleurs significatif de la tonalité essentiellement nostalgique donnée à ces 150 pages sur papier glacé.
Dans ce numéro printemps / été vendu dans les librairies, il est question de rugby bien entendu mais du temps de Bala et des frères Boniface, de foot quand les sangliers sauvages peuplaient les forêts des Ardennes, de Rigoulot « l’homme le plus fort du monde »,  de Robic, « Biquet, Nain jaune, Tête de cuir, Pomme à cidre »…
Sous le regard de Blondin l’inévitable, ce ne peut être qu’agréable pour ma génération, mais hors de notre temps. Quand les rédacteurs s’éloignent du passé, leurs fictions ont des airs démodés.