mardi 18 septembre 2012

Titeuf, la loi du préau. Zep.



Cet album d’un phénomène éditorial majeur dans la BD de ces dernières années est le neuvième d’une série qui en est à son treizième numéro. 
La naïveté  du personnage  principal favorise sourires et petites leçons.  
Même si la représentation de la maîtresse n’est pas flatteuse bien des enseignants apprécient la fraicheur du garçon à la mèche rebelle qui peut encourager les élèves les plus éloignés des livres à suivre un récit.
 - Là tu vas être mal. J’ai eu le chevalier à trois têtes ! Fais tes prières !
- Héé non ! Je te le prends ! Car j’ai le grand sorcier Pixelius qui lui fait fusionner ses têtes dans le grand brasier noir.
Cet album paru en 2002, cultive les clichés habituels: la soupe n’est pas bonne, ni les épinards et la fréquentation d’un parc d’attractions à Megafunland facilite les redites vomitoires au sein de la bande de  joyeux copains.
La violence sous la forme d’un racketteur  avachi est présente mais ne remet pas en cause l’atmosphère bon enfant qui est la marque de fabrique du dessinateur suisse.
Bien sûr, éducateur incorrigible, j’ai apprécié la planche concernant une petite fille atteinte de leucémie où Zep est au mieux de sa délicatesse et de son humour.
Les effets comiques sont  certes garantis en prêtant des mots d’adultes aux enfants, même si c’est  parfois facile.
Alors que le plus souvent les traits sont justes : dans les rêves de l’écolier, ses enthousiasmes, ses indignations, ses changements d’humeur, son regard sur les adultes.
Le père se voit privé de ses bouteilles de Bordeaux après avoir conseillé à son fils de construire son Action man avec des bouchons et les grands parents sont bienveillants jusqu’à l’aveuglement et ça c’est pas exagéré.

lundi 17 septembre 2012

The we and the I. Michel Gondry.



Le cinéaste inventif abandonne sa légèreté dans cette immersion à l’intérieur d’un groupe de lycéens du Bronx, le temps d’un trajet en autobus.
Film violent, désespérant ; la vigueur des dialogues ne rachète pas de la régression des rapports sociaux où la loi du plus fort est la loi.
Il y a bien quelques séquences de fantasmes bricolées qui permettent de respirer un peu mais l’ambiance est tellement électrique, insupportable tout au long du trajet que la conclusion qui recèlerait un éclair de tendresse parait peu crédible.

dimanche 16 septembre 2012

Albin de la Simone.



 J’ai suivi un de ses concerts à la MC2 où il avait carte blanche ; par ailleurs il devait jouer un autre soir avec des amis, proposer des films à inventer ou une sieste musicale. Cette série de chansons venait après une vingtaine d’autres de son cru qu’il avait présentées la veille au moment du débat pour les présidentielles qualifié par le jeune homme, injustement, « de concours de pets ».
Le public du petit théâtre complice de cette soirée sympathique était conquis.
Le doux chanteur  chanson française à la voix cajoleuse réserve des surprises.
Son charme ouvre parfois sur de noires visions, un pommier porte un pendu, au cœur d’un moment de solitude romantique il tombe sur « un film de boules » et   il se retrouve sur le palier quand sa porte vient de claquer. Situation ridicule qui peut virer à la catastrophe, mais reste jouable sous les sautillantes musiques synthétiques.
 « Il est vingt heures j'ai froid aux pieds
En pyjama sur le palier
Un courant d'air et tout bascule
Claquer sans clé je suis bien nul
Grosjean debout devant la porte
De mon appartement fermé
Alors qu'au feu brûle le fond
De mon dîner dans un poêlon
Aïe Aïe Aïe
Catastrophe »
Les poètes chanteurs d’à présent font preuve de plus d’humour que leurs plombants prédécesseurs, pourtant quand il rend hommage à Pierre Vassiliu, c’est dans un répertoire loin d'être frivole qu'il nous ramène :
« Mais elle a eu un seul amant
Et ne se souvient plus du tout
Du goût du baiser dans le cou
Elle me demande de l’embrasser
Je n’sais plus si c’est déplacé
Et je suis bien embarrassé
Même juste comme ça un baiser
Amour amitié
Je ne sais pas si par dépit ou par pitié
Je franchirai cet océan
Qui va de l’ami à l’amant »
Pour conclure : « etc… » conviendrait car souvent il laisse en suspend une histoire amorcée, nous laisse libre de compléter le tableau.
Suave et déséquilibrant, sucré et piquant, talentueux.

samedi 15 septembre 2012

Mammifères. Pierre Mérot.



Les titres des trois chapitres donnent le ton des 250 pages:
Gastrite érosive,
Dépôt de bilan,
Linge sale.
Tout un programme où s’illustre le lieu commun :
« on ne fait pas de  bonne littérature avec de bons sentiments ».
C’est vache à souhait : le premier  des mammifères est la mère du narrateur, celui-ci recherche dans une consommation excessive d’alcool, le liquide amniotique.
C’est imbibé de la poésie de nuits désespérées.
Les expériences amoureuses sont sans amour.
 « Vous vous mariâtes en septembre. La fête eut lieu chez vos parents naïfs comme l’art du même nom. Elle ressembla à un goûter d’enfants amélioré. Votre épouse désenchantée se tint un peu à l’écart. »
Les métiers qu’il exerce, en dilettante, dans l’édition ou l’éducation nationale, sont seulement des occasions pour des portraits sévères et drôles de nos contemporains.
Comme beaucoup d’écrivains sans illusions ( Muray, Cioran, Houellebeck…) il manie la formule définitive, à profusion :
« Une famille sans raté n’est pas vraiment une famille, car il lui manque un principe qui la conteste et lui donne sa légitimité. » 
« Le travail est l’une des causes essentielles du malheur de l’humanité, l’autre étant l’amour. »
« L’ennui est l’une des libertés majeures que Dieu a concédé aux hommes »
L’écriture tonique rend agréable la lecture de ce roman dépressif.
Ecrit en 2003, il nous venge des sirops New Age, des diapos de toutous enrubannés ou des sourires crispés des marchands de bons sentiments. Jubilatoire et expéditif.

vendredi 14 septembre 2012

«Ça mange le Bon Dieu et ça chie le diable.»



Jean Marie Rouart remet au goût du jour une expression gasconne citée par Mauriac à propos du MRP et qu’il applique, lui, au journal Marianne dont il n’a pas apprécié les copinages en littérature. Toujours la distance des paroles et des actes
La formule m’a bien plu  pour sa vigueur et je la mets en titre des mes indignations à propos des raffinés qui viennent au secours de Bernard Arnault en se pinçant le nez à la vue de la une de Libé : 
« Casse toi, riche con ! »
Quand il était pauvre, le con, ces culs serrés n’y voyaient pas de mal.
Hollande attend 30 milliards ; la fortune d’Arnault est de 32 milliards.
Où est l’indécence ?
Le sujet  est central : s’y rencontrent, la morale  qui ne s’enseigne pas qu’à l’école, la liberté de la presse, la solidarité.
Dans cette péripétie de la lutte des classes, je suis content d’être dans le camp opposé à celui choisi une fois de plus par « Le Monde » et ses dessinateurs.
Le mérite de Libération, passant outre les pressions des annonceurs est de faire revenir dans le débat national les problèmes posés par l’évasion fiscale, et de révéler tous les hypocrites qui aimaient tant se draper dans les postures patriotes et se retrouvent à barboter en fâcheuse compagnie sur les plages bondées des Caïmans.
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 13 septembre 2012

Camille Claudel.



Emoustillés par le film qui fit  apparaître la  réprouvée  sous les traits d’Adjani, au delà de son maître Rodin, nous sommes partis à la recherche de Camille Claudel, mais le château de frère Paul à  Brangues était fermé aux visiteurs et  cette année le village du Nord Isère réservait son espace d’exposition à Antoine Berthet,  enfant de là bas qui inspira  Stendhal pour le personnage de Julien Sorel.
A Morestel, ville voisine, la maison Ravier était fermée le matin, nous ne pourrons vérifier la complicité du poète et de la sculptrice.
La guide du château de Longpra mentionnera la rareté des visites du diplomate à l’internée  de Montfavet.
A Saint Geoires en Valdaine au bout d’une belle allée cavalière, la  maison forte accueille des œuvres de Camille Claudel et de Rodin. Sur la petite île au milieu des champs chartrousins parmi les meubles signés Hache, la confrontation des artistes passionnés est intéressante car il s’agit plus que d’un échantillon avec 22 œuvres, sans arriver à être exhaustive.
« La petite châtelaine » est plus émouvante que bien des postures contorsionnées  mais  c’est « La valse » dans son déséquilibre qui m’a emporté. 
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Je suis allé chercher une image sur la toile, les photos n'étaient pas autorisées.

mercredi 12 septembre 2012

La part des anges. Ken Loach.



Des whiskies rares peuvent atteindre des prix astronomiques ; les films du bon Ken, eux, valent tout l’or du monde car il sait extirper parmi les engrenages les plus inéluctables, des raisons de croire en la générosité des hommes.
Je pensais assister à une rigolade et ne savais si le maître du cinéma social saurait faire.
Ce n’est pas qu’une comédie et des scènes sont particulièrement réussies sans simplisme : par exemple la confrontation avec une victime. Le personnage de l’éducateur est beau parce qu’il n’est pas  un bellâtre. Et comme une copine qui est propulsée hors de son siège dès qu’un chien se fait écraser une patte à l’écran, j’ai bondi quand une bouteille  de whisky a éclaté. De bonnes idées de scénario, des acteurs crédibles. Quand un récit hautement politique est habile c’est remarquable. Le talent  œnologique découvert pour le personnage principal n’est pas une révélation miraculeuse, il entre dans un processus  optimiste de remise à flot où le murissement ne vaut pas seulement pour le malt. Un enfant peut faire sortir de l’enfance et l’amour lorsqu’il  n’est pas aveugle peut donner un coup de fouet  décisif sans qu’il y ait tourbe à rajouter.
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La  scottish photo est de Margaux
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